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The Estate of the late
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CINQUIÈME LIVRE
DE
F. RABELAIS
Pantagruel
l- l) I T ION JOUA UST
Paris, 1877
LES CINQ LIVRES
DE
F. RABELAIS
Livre V : Pantagruel
K iiojlviiT (le\ ftùc
Imp. A. Salmon
LE IF^IBUNAL DE GHIPPE-MINAULT
( Pflbpl«u,L.5,C lî.)
LES CINQ LIVRES
DE
F. RABELAIS
PUBLIÉS
AVEC DES VARIANTES ET UN GLOSSAIRE
PAR P. CHÉRON
ET ORNÉS DE
Onze Eaux-Fortes par E. Boilvin
Livre V ; Pantagruel
PARIS
LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
Rue Saint-Honoré, 338
JI D c c c L X X V 1 1
C.3-
6047/9
NOTE DE L'EDITEUR
ous ne voulons pas laisser paraître cette nou-
velle édition des œuvres de Rabelais sans
donner aux amateurs quelques explications
sur les gravures dont elle est ornée. « Esti-
mant, disions-nous lors de la publication
des Voyages de Gulliver^ que rien n'est moins artistique
qu'une composition dans laquelle se trouvent réunis des
personnages entièrement disproportionnés de taille , nous
avons exclu tous les sujets de ce genre. » Si nous avions
pensé devoir procéder ainsi dans ce dernier ouvrage, dont
l'auteur, par la précision et l'exactitude des détails, cherche
à donner à ses fictions l'aspect de la vraisemblance, à plus
forte raison devions-nous le faire pour l'œuvre de Rabelais,
qui, lui, n'était nullement possédé d'un semblable souci. A
chaque instant il perd de vue les proportions qu'il a don-
nées à ses personnages ou aux objets qui les environnent, et
Gargantua, qui vient de s'asseoir, sans se gêner, sur le som-
met des tours de Notre-Dame, causera bientôt avec des inter-
locuteurs dont la voix ne pourrait parvenir jusqu'à lui et
entrera avec eux dans des maisons qui s'élèveraient à peine à
la cheville de son pied.
Chez Rabelais tout est allusion et symbole. Les grotesques
exagérations de son récit ne sont pour lui qu'un moyen de
6 NOTEDELEDITEUR
faire passer les dures vérités qu'il veut dire. La grandeur
physique de ses héros n'est que l'image de leur grandeur
morale et intellectuelle, et ils ne font usage de leur force
que pour le bien des hommes : car c'est l'amour de l'huma-
nité qui est la note dominante chez Rabelais, et qui fait le
fond de son œuvre. Gargantua et Pantagruel sont les types
des souverains puissants et bons, qui ne font la guerre que
pour aller au secours des opprimés. Pantagruel va spontané-
ment au-devant de Panurge, qui est la personnification du
peuple souffrant et travaillant ; il entreprend avec lui un long
voyage, lui fait toucher du doigt tous les abus dont il a été
victime, et l'amène finalement devant la Dive Bouteille à la-
quelle il doit se désaltérer, c'est-à-dire prendre sa part des
jouissances de ce monde.
On le voit donc, l'œuvre de Rabelais est éminemment
philosophique, et nous devions, dans les sujets destinés à la
décrire et à la raconter, concilier le sérieux du fond avec le
comique de la forme, en évitant de tomber dans le bur-
lesque. Voici, d'ailleurs, dans leur ordre, les sujets que
nous avons choisis :
1° L'Éducation de Gargantua. — C'est l'éducation et
l'instruction d'après la nature, remplaçant les procédés sco-
lastiques dont l'intelligence de Gargantua avait d'abord été
la victime. — Liv. I, chap. 2 3.
2" Gargantua au château du Gué deVède. — Gargantua
fait la guerre pour venir au secours des opprimés. — Liv. I,
ch. 36.
3^ Rencontre de Panurge, que Pantagruel prend sous sa
protection pour le sauver de la misère et de l'ignorance. —
Liv. II, ch. 9.
4*' Discussion entre Panurge et Thaumaste. — Triomphe
du bon sens populaire sur les raisonnements des sophistes. —
Liv. II, ch. 19.
5" Panurge mange son blé en herbe. — Panurge, homme
du peuple devenu riche tout à coup, gaspille rapidement
tout son bien avrc l'imprévoyance de celui qui n'est pas
habitué à posséder. — Liv. III, ch. 2.
NOTE DE L EDITEUR C
6° Songe de Panurge. — Nous devions forcément consacrer
un sujet à la fameuse discussion sur le mariage; celui-ci
nous a fourni l'occasion, très-rare dans Rabelais, de met-
tre une femme en scène. — Liv. III, ch. 14.
7° Les Moutons de Dindenault. — Un épisode qui ne
fait pas l'éloge de Panurge, mais qui est tellement populaire
que nous ne pouvions manquer de lui donner place dans
notre suite de gravures. — Liv. IV, ch. 8.
S° Pantagruel chez les Papimancs. — Abus dans le clergé.
— Liv. IV, ch. 5o.
9'' Le Tri'.unal de Grippe-Minault. — Abus dans la
magistrature. — Liv. V, ch. i3.
10° Panurge devant la Dive Bouteille. — Fin du voyage
de Pantagruel et de Panurge^ et conclusion de l'ouvrage. —
Liv. V, ch. 45.
Tel est le plan que nous avons suivi pour le choix de
nos sujets. Nous espérons obtenir l'approbation des ama-
teurs; mais nous avons en tout cas la certitude qu'ils ren-
dront pleinement hommage à la puissante originalité et à la
vigueur d'exécution que M. Boilvin a montrées dans cette
suite de planches, qui est une œuvre entièrement nouvelle.
D. J.
INTRODUCTION
NCORE une édition de Rabelais , et ce
ne sera certainement pas la dernière.
M. Jouaust, en tête de sa belle publica-
tion du Théâtre de Molière, expliquait
dernièrement ce qu'en devenaient les éditions succes-
sives; ce qu'il dit à ce sujet peut s'appliquer aussi
bien aux éditions de Rabelais : elles vont s'ajoutant
les unes aux autres sans se détruire, sans se nuire, ap-
portant chacune quelque clarté nouvelle dans un texte
devenu successivement plus facile, plus intelligible,
et voyant chaque jour augmenter le nombre de leurs
lecteurs. Il y a loin des textes de Le Duchat et d'Éloy
Johanneau à ceux qu'on lit aujourd'hui. Et pour ar-
river à cette facilité, à cette élucidation, il a fallu bien
peu de chose : revenir tout simplement au texte pri-
mitif de Rabelais, que les éditeurs précédents avaient
compliqué comme à plaisir.
Rabelais I. a
ij INTRODUCTION
Grâce à ce procédé tout naturel, qu'avait conseillé
M. Brunct, Kabelais a retrouvé de nos jours le succès
qu'il a eu lors de son apparition prcniicre, après avoir
été presque oublié par le XVII^ et le XVIII^ siècle.
Ignoré du commun des lecteurs, à peine lu par quel-
ques érudits , il ne fut bien connu que de quelques
grands esprits, comme Molière et La Fontaine, qui
portent dans leurs œuvres la trace irrécusable de leur
intime fréquentation avec ce vaste génie.
C'est la petite édition commencée par Labitte , et
continuée par M. Paul Lacroix, qui travailla d'abord
à la vulgarisation de Kabelais. Et cependant que de
choses à reprendre dans ce texte, reproduction de celui
de Le Duchat! La Bibliothèq^ue elzevirienne, sui-
vant les conseils de M. Brunct, est revenue aux édi-
tions publiées du vivant de l'auteur, et désormais il
ne sera plus permis de s'en écarter.
Le grand mérite de l'édition de M. Lacroix est
dans le travail sur la vie de Kabelais dont il l'a fait
précéder. S'il adopte trop volontiers les bouffonneries
énormes qu'on a prêtées à son auteur, il a élucidé
avec grand soin beaucoup de côtés obscurs. Le regretté
M. Kathery, après lui, est venu nous apporter de nou-
velles lumières, malheureusement encore bien insuffi-
santes, et après tant de consciencieuses recherches il
se trouve que nous n'en savons guère plus sur Ra6«-
lais que sur la première moitié de la vie de Molière.
L'incertitude commence avec la date de sa naissance
et la profession de son père. Ce serait entre 1483 et
INTRODUCTION llj
1495, — M. Benjamin Fillon, dans Poitou et Ven-
dée, a rendu presque certaine cette date de 1495, —
qu'il serait né à Chinon, dernier de plusieurs fils de
Thomas Kabelaisy hôtelier ou apothicaire à l'enseigne
de la Lamproie. La connaissance approfondie de la
botanique qui se retrouve à chaque page de Vœuvre
de Rabelais, tendrait à faire croire qu'il a commencé
sa vie dans une officine.
Il ne parait pas avoir jamais connu sa mère. Vers
neuf ou dix ans, il fut placé par son père à l'abbaye
de Seuilly, puis envoyé au couvent de la Baumette, près
d'Angers, oh il aurait connu les frères Du Bellay, dont
Vamitié lui devait être si utile.
On le retrouve en i 5 1 9 nioine, au couvent des fran-
ciscains de Fontenay-le-Comte. Ce doit être par la
volonté formelle de son père qu'il y prit le froc, car
il est difficile de supposer qu'il ait pu obéir à une er-
reur de vocation. C'est là que Rabelais commença à
prendre cet ardent désir de connaître qui fît de lui
non-seulement un érudit, mais un savant. Là se ma-
nifesta sa passion pour l'étude des auteurs grecs et
latins, dont on retrouve tant de passages dans ses œu-
vres; là il entra en relations avec nombre d'érudits cé-
lèbres. Pierre Lamy, moine comme lui, le fit connaître
à Guillaume Budée, puis à Geoffroy d'Estissac, évêque
de Maillezais, qui lui resta toujours ami, à André
Tiraqueau, à Aimery Bouchard et à bien d'autres.
Mais quoi ! tout le clergé a le grec en horreur :
c'est œuvre diaboliqiie et on devient hérétique rien qu'en
INTRODUCTION
étudiant le grec. Pierre Lamy et Rabelais ne tardè-
rent pas, grâce à leur hellénisme^à s'attirer l'attention
malveillante de leurs supérieurs. On fouilla leurs cel-
lules, on confisqua leurs auteurs grecs, peut-être aussi
quelques écrits d'Erasme ; on jeta les coupables en pri-
son. Heureusement l'évêque de Maillezais, Geoffroy
d'Estissac, les couvrit de sa protection. Il fît quitter à
Rabelais le couvent des franciscains pour le soustraire
à la haine ou à l'envie des moines, et obtint pour lui,
de Clément VII, en 1524, l'autorisation de passer à
l'abbaye de Maillezais, sous la règle de saint Benoît.
Il était relevé de son vccu de pauvreté et pouvait pos-
séder des bénéfices. Là il augmenta encore le nombre
de ses relations d'amitié et d'érudition, puis il quitta
enfin la robe de moine, prit l'habit séculier et s'en alla
exercer à la fois la médecine et le ministère sacré.
Fuyait-il quelque persécution, quelque vengeance de
ses anciens confrères de Fontcnay-le-Comte? Voulait-
il seulement visiter les Universités de France? Toujours
est-il que le 16 septembre lySo // est inscrit sur les
registres de la Faculté de médecine de Montpellier, et
que le i^' novembre de la même année il y passe son
examen de bachelier. Quoiqu'il ne fut pas encore
docteur, il y fit des leçons publiques, pendant les années
i53o et i53i_, sur les Aphorismes d'Hippocrate et
sur /'Ars parva de Galicn, œuvres dont il a publié
des éditions.
M. Eugène Nocl suppose, avec quelque raison,
que, pendant ce premier séjour à Montpellier, Rabe-
INTRODUCTION V
lais visita les îles d'Hyères, dont il aurait conservé un
doux souvenir. Et en effet, en tête du troisième livre,
il prend le titre de Calloïer des isles d'Hyères.
C'est pendant ce même temps qu'il prit part avec
ses amis et collègues [Antoine Saporta, Guy Bour-
guier, Balthasar Noyer, Tolet, Jean Quentin,
Françoys Kobinet, Jean Perdrier) à la représentation
de La Morale Comédie de celluy qui avoit
ESPOUSÉ UNE FEMME MUTE, morale comédie dont
Molière s'est souvenu dans le Médecin malgré lui.
En octobre i532 Kabelais est ci Lyon en qualité
de médecin de VHôtel-Dieu. Pourquoi et comment,
on ne le sait pas encore. Y fut-il en outre correcteur
d'imprimerie, comme on Va supposé, rien ne le
prouve. C'est à Lyon toutefois qu'il publia plusieurs
éditions savantes, et c'est de cette ville qu'il entretint
une correspondance active avec les plus remarquables
érudits de son temps.
C'est en cette même année i532 que parurent à
Lyon Les Grandes et Inestimables Chroniques du
GRAND et Énorme géant Gargantua^ qui semblent
être le point de départ de toute l'épopée burlesque de
Kabelais. On ne peut dire avec certitude si cette pre-
mière ébauche est bien de lui, ou s'il y a pris seule-
ment son sujet parce que le nom du héros était déjà
populaire. C'est en i532 aussi que parut à Lyon le
Pantagruel, suivi de la Pantagrueline Pronosti-
CATioN pour i533.
Tout est doute et problème dcms la vie et lespubli-
V
INTRODUCTION
cations de Kabelais. On ne sait si le deuxième livre,
le Pantagruel, n'a pas paru avant le premier^ Gar-
gantua. La première édition, avec date, que l'on con-
naisse <iu Gargantua est de Lyon, i535. // existe un
seul exemplaire connu d'une autre édition qui pour-
rait être antérieure à i535, mais le titre y manque, et
Von en est réduit à des suppositions.
En i533 et i534 Kabelais accompagne à Kome,
en qualité de médecin, de secrétaire peut-être, Jean
Du Bellay, évêque de Paris, ambassadeur de Fran-
çois I*^^. C'est pendant ce preniier séjour à Kome
qu'il aurait appris l'arabe.
A la fin de i534 il est de retour à Lyon, reprend
son poste à rHôtel-Dieu, et y fait une leçon publique
d'anatomie. Cette même année paraît à Lyon une
nouvelle édition du Pantagruel, avec la Pantagrue-
LiNE Pronostication pour l535.
En i535 // quitte Lyon, et l'Hôtel-Dieu de cette
ville pourvoit à son remplacement comme médecin.
En i535 et i536 Kabelais fait à Kome un nou-
veau voyage avec Jean Du Bellay, nommé cardinal
par Paul IIL C'est de là qu'il écrit à Geoffroy d'Es-
tissac les lettres publiées par les frères de Sainte-
Marthe.
Sur une supplique de Kabelais, à lui adressée par
l'entrcniise des cardinaux Ghinucci et Simonetta, le
pape Paul lll lui accorde absolution pleine et entière
d'avoir quitté sans permission le couvent de Maillezais
et le froc. Il est autorisé à reprendre l'habit de saint
NTRODUCTION
VIJ
Benoît et à pratiquer partout la médecine par charité
et sans répandre le sang.
Revenu alors à Paris, il voulut entrer à l'abbaye
de Saint-Maur-des-Fossés, sur les revenus de laquelle
le cardinal Du Bellay lui avait assigné un bénéfice.
Il éprouva de la part de ses confrères des difficultés
au sujet desquelles il adressa une nouvelle supplique
au pape Paul III. Quoique la réponse du pape ne
soit pas connue, il est probable qu'elle lui fut favo-
rable, car il s'établit à Saint-Maur-des-Fossés .
En i537 Kabelais est à Montpellier, ou il se fait
enfin recevoir docteur en médecine, le 22 niai, sous
la présidence d'Antoine Griphius, Griphy ou Griffy.
Il y avait déjà longtemps qu'il avait pris ce titre,
notamment dans ses deux almanachs de i533_e^cie
i535 et dans la Supplicatio pro apostasia de i536.
Kabelais fait alors à Montpellier un cours sur
le texte grec des Pronostics d'Hippocrate et une nou-
velle leçon publique d'anatomie.
Il parait avoir, en i538, parcouru le midi de la
France, Castres, Narbonne, en exerçant la médecine,
et à la fin de cette année, de retour à Lyon, il y fait
la dissection du corps d'un pendu, ce qui est constaté
par une pièce de vers latins d'Etienne Dolet.
En i539 Kabelais entre comme médecin au service
de Guillaume Du Bellay, seigneur de Langey, frère
du cardinal, et gouverneur du Piémont, et l'accom-
pagne à Turin. Forcé par sa mauvaise santé de quitter
son gouvernement, Guillaume Du Bellay meurt le
Viij INTRODUCTION
9 janvier i 543, à Saint-Symphorien, près de Lyon, en
présence de Rabelais, auquel il lègue une rente de
i5o livres tournois. Kené Du Bellay, évêque du Mans,
frère de Guillaume, remplace cette rente par la cure
de Saint-Christophe du Jambet, au diocèse du Mans,
cure dont Kabelais touche les revenus sans être obligé
à la résidence.
A cette époque Kabelais parait s'être surtout occupé
de la publication du Gargantua et du Pantagruel,
qui avaient le plus grand succès. En 1647 plusieurs
éditions des trois premiers livres et le commencement
du quatrième avaient paru.
Mais François I^^ touchait à sa fin, et avec lui pou-
vait cesser la protection dont le couvraient ses nom-
breux amis. Kabelais prit les devants en allant
s'établir à Metz, où il occupa les fonctions de médecin
salarié de la ville jusqu'au milieu de l'année l'S^j.
A la mort de François I^^ , le cardinal Du Bellay
fit un nouveau voyage à Kome, accompagné encore
une fois de Kabelais, qui assista en 1549 ^" f^^*^^
données ci l'occasion de la naissance de Louis d'Or-
léans, second fils de Henri II et de Catherine de
Médicis, par le cardinal Du Bellay et d'Urfé, am-
bassadeur de France. Il décrivit ces fêtes dans un
opuscule, La Sciomachie, qui est adressé au cardinal
de Lorraine.
C'est en cette même année 1549 que Gabriel de
Puits-Herbaut, moine de Fontevrauli, publia, contre
la personne et les écrits de Kabelais, le Theotimus,
INTRODUCTION IX
SIVE DE TOLLENDIS ET EXPURGANDIS MALIS LIBRIS..,.^
violent pamphlet qui servit de point de départ à la
légende de Kahelais ivrogne et glouton. Le pam-
phlet est bien oublié^ mais Rabelais a donné l'immor-
talité à Puits-Herbaut, dont il parle dans son qua-
trième livre.
Il s'agissait maintenant d'obtenir de Henri II un
privilège pour ce quatrième livre, et la mort de Fran-
çois I^^ avait privé de crédit tous les amis de Kabe-
lais. Celui-ci trouva un nouveau protecteur dans le
cardinal Odet de Chàtillon, qui lui obtint ce privi-
lège. Mais, avant de publier son nouveau livre, Kabe-
lais donna sa démission de ses deux cures, celle de
Saint-Christophe de Jambet au diocèse du Mans et
celle de Saint-Martin de Meudon au diocèse de Paris,
à laquelle il avait été nommé le 8 janvier i55o.
Comme l'achevé d'imprimer du quatrième livre, qui
parut avec privilège de Henri II et épitre au cardi-
nal de Châtillon, est du 28 janvier ibSi, Kabelais
ne garda la cure de Meudon qu'un peu nioins de
deux ans.
Dès que le quatrième livre eut paru, la Faculté
de Théologie le censura, et un arrêt du Parlement,
du i^"* mars i552, en suspendit la vente. On ne sait
quand ni comment fut levée la défense, mais le vo-
lume fut remis en vente peu de temps après.
On croit que Kabelais mourut en i553^ ci Paris,
dans une maison de la rue des Jardins, et qu'il fut
enterré au cimetière de la paroisse Saint-Paul.
h
X INTRODUCTION
Te/5 sont les seuls faits positifs que l'on connaisse
de sa vie ; tout le reste est supposition ou légende.
Le cinquième livre ne parut qu'en 1574, et il est
permis de douter qu'il soit en entier de la main
de Rabelais. Certains passages sont dignes des
quatre premiers livres, mais il faut bien reconnaître
qu'en un plus grand nonibre la verve de style^ la ri-
chesse d'invention de Rabelais, font défaut. On sent
aussi, dans ce cinquième livre, comme un souffle de
protestantisme dont on chercherait vainement la
trace dans les quatre premiers, où il fronde bien les
abus monastiques et autres, mais sans aller jamais
jusqu'à la Réforme, restant catholique avant tout.
A ce sujet, M. Rathery cite un passage de Colletet
qu'il est bon de reproduire :
(( Rabelais, tout libertin qu'il paroissoit aux
yeux du monde, ne laissoit pas d'avoir de pieux et
devôts sentiments et de defferer merveilleusement
aux saintes constitutions de l'Eglise catholique et
orthodoxe, qu'il reconnut toujours pour sa véri-
table mère, ce qui est si constant encore que Jean
Calvin, ce grand hérésiarque, fit tout ce qu'il put
pour l'attirer de son party, mais en vain, et qu'en-
suite il le traita d'impie et d'athée, comme on le
void dans son Traitté des scandales : si est-ce, ju-
geant cette relligion nouvelle et de l'invention des
hommes plutôt que de Dieu, il regimba contre
INTRODUCTION
X)
elle, et se tint tousjours ferme dans celle qu'il avoit
reçue de ses pères. Et c'est ce qui obligea sans
doute ce grand et fameux sectateur de Calvin,
Henry Estienne, de parler de luy de la sorte dans
son Apologie d'Hérodote : « Quoyque François
Rabelais semble estre des nostres, il jette souvent
toutefois des pierres dans nostre jardin. »
C'est au milieu du XVI^ siècle, en pleine Kenais-
sance, et lors des premiers progrès de la Kefornie,
que se manifeste Kabelais, et il résume en lui toutes
les aspirations, comme aussi toutes les connaissances
de cette vigoureuse époque. En érudition, en science,
rien ne lui est étranger; il est universel : langues
orientales, langue grecque, médecine, botanique, phi-
losophie, il sait tout. Il n'y a pas à parler du latin,
qui était alors une langue courante.
S'il sait Aristote par cœur, il puise aussi constam-
ment dans ^lien, dans Pline, dans Lucien, et il
donne, à chaque ligne de ses écrits, la preuve de sa
connaissance approfondie de toute l'antiquité; il a
pour elle une affection si enthousiaste qu'il en vient à
croire facilement tout ce que rapportent les auteurs
grecs ou latins. Et pourtant son admiration pour
Aristote ne Vempcche pas d'être un ennemi acharné
de la scolastique, et de pencher en philosophie pour
Platon.
Est-il besoin de faire ressortir la justesse et l'hu-
manité de ses idées sur l'éducation, sur la guerre.
XIJ INTRODUCTION
sur l'application des sciences^ Il est le propagateur
de toutes les idées justes^ Vennemi acharne de Tm-
justice, le défenseur de tous les opprimés. Il combat
toutes les superstitions, et il a le courage d'attaquer
en face des corporations puissantes' qui, pour se
venger ou se défendre , envoient leurs adversaires
au bûcher; aussi est-il obligé, pour leur échapper,
d'envelopper les bonnes vérités qu'il veut dire sous des
formes que la pruderie moderne trouve un peu crues.
Son langage est pourtant celui de tout le monde à
Vépoque où. il vivait, et Brantôme, qu'on ne songe
guère à attaquer, a eu de bien autres audaces. Ra-
belais voulait être lu de tout le monde et en même
temps échapper au bûcher, et ce ne lui est pas un
petit mérite d'y être parvenu, tout en disant hardi-
ment ce qu'il avait à dire.
Il convient maintenant de donner quelques indica-
tions sur le texte de cette nouvelle édition. Il est la re-
production exacte, pour les quatre premiers livres, de
la dernière édition publiée du vivant de Rabelais.
Dans les Variantes, imprimées à la fin de chaque
livre, sont mentionnés avec soin tous les passages
des éditions antérieures qui manquent dans celle qui
a servi de type.
Les seules modifications introduites ont consisté :
i°A uniformiser la ponctuation, qui, n'ayant pas
alors de règles fixes, variait constamment ;
2° .4 multiplier les alinéas, afin de rendre la lec-
ture plus facile et moins fatigante;
INTRODUCTION XUJ
3° A distinguer l'i et Vu consonnes et voyelles, dont
la confusion ne peut être quun obstacle pour le lec-
teur.
Aucun de ces changements n'a porté la moindre
atteinte au respect absolu du texte.
Le cinquième livre a été l'objet de moins de scru-
pules. Publié après la mort deKabelais, il se ressent
de cette impression posthume. Plusieurs passages en
sont presque incompréhensibles, et, toutes les fois que
le manuscrit de la Bibliothèque nationale a donné
une leçon qui a paru meilleure, on Va suivie. Ce ma-
nuscrit est de la main d'un copiste peu lettré, mais
il a été fait d'après une édition ou une copie diffé-
rente des éditions connues : il donne donc des va-
riantes et des passages nouveaux qu'on ne saurait
trouver ailleurs. M. de Montaiglon, en imprimant
ce manuscrit pour la première fois, a rendu un véri-
table service.
Enfin on a joint à cette édition un glossaire, beau-
coup trop succinct sans doute, mais qui suffira à
en rendre la lecture facile et courante : car, si Ra-
belais est très-clair dans la construction de sa phrase,
chez lui le mot est souvent obscur et a besoin d'ex-
plication. Souvent aussi il emploie le même mot dans
des acceptions différentes, et toujours le glossaire
présente les sens de ces mots dans l'ordre où ils se
rencontrent au courant de l'ouvrage.
Il reste maintenant un vœu à former, c'est qu'on
nous donne bientôt une Bibliographie rabelaisienne;
XIV INTRODUCTION
mais, pour une telle œuvre, il faut presque toute la
vie d'un érudit. Il en est un qui, depuis de longues
années, étudie avec une rare patience tout ce qui
touche à Rabelais, et il est permis d'espérer que
M. Paul Lacroix voudra bien faire pour Rabelais
ce que dernièrement il a fait avec tant de succès pour
Molière.
Paul Chéron.
LES CINQ. LIVRES
DE
F. RABELAIS
PROLOGUE
DE M. FRANÇOIS RABELAIS , POUR LE CINQUIESME
LIVRE DES FAICTS ET DICTS HEROÏQUES
DE PANTAGRUEL
AUX LECTEURS BENEVOLES
EUVEURS infatigables, et vous, VerolUz
tresprecieux, pendant qu'estes de loisir
et que n'ay autre plus urgent affaire en
main, je vous demande en demandant:
Pourquoy est-ce qu'on dit maintenant en commun
proverbe : Le monde nest plus fat^
Fat est un vocable de Languedoc, et signifie non
salle, sans sel, insipide, fade; par métaphore signifie
fol, niais, despourveu de sens, esventé de cerveau.
Voudriez-vous dire, comme de faict on peult logica-
lement inférer, que par cy-devant le monde eust esté
fat, 'maintenant seroit devenu sage? Par quantes et
quelles conditions estoit-il fat? Quantes et quelles
Rabelais. V. i
2 PROLOGUE
conditions estoient requises à le faire sage? Pourquoy
estoit-il fat? Pourquoy seroit-il sage? Enquoy cong-
noissez-vous la folie antique ? Enquoy cognoissez-
vous la sagesse présente? Qui le fi^t fat? Qui l'a fait
sage ? Le nombre desquelz est plus grand ou de
ceux qui Vaymoient fat, ou de ceux qui Vayment
saige? Quant de temps fut-il fat? Quant de temps
sera il sage? Dont procedoit la folie antécédente?
Dont procède la sagesse subséquente? Pourquoy en
ce temps, non plus tard, print fin l'antique folie?
Pourquoy en ce temps, non plustost, commença la
sagesse présente? Quel mal nous estoit de la folie pré-
cédente ? ^Quel bien nous est de la sagesse succedente ?
Comment seroit la folie antique abolie? Coniment
seroit la sagesse présente restaurée?
Kespondez, si bon vous semble : d'autre adjura-
tion n'useray-je envers vos Révérences, craignant alté-
rer vos Paternitez. N'ayez honte, faictes confusion à
Hcr der Tyfel, ennemy de Paradis^ ennemy de vérité.
Courage, enfansl si estes des miens, beuvez trois ou
cinq fois pour la première partie du sermon, puis
respondez à ma demande; si estes de l'autre, Avalis-
que Sathanas. Car je vous jure mon grand Hurlu-
burlu que, si autrement ne m'aydcz à la solution du
probksme susdit, desja, et n'y a gucrcs, je me repens
vous l'avoir proposé, pour tant que ce m'est pareil
estrif comme si le loup ienois par les aureilles sans
espoir de secours. Plaict? J'entends bien, vous n'estes
délibérez de respondre. Non feray-je, par ma barbe;
PROLOGUE 5
seulement vous allegueray ce qu'en avoit prédit en es-
prit prophétique un vetierable docteur ^ ciutheur du livre
intitule la Cornemuse des Prélats. Que dit-il^ le
paillard? Escoutez, vietz-dazes, escoutez :
L'an Jubilé, que tout le monde raire
Fadas se feist, est supernumeraire
Au dessus trente. O peu de révérence !
Fat il sembloit ; mais en persévérance
De long brevets, fat plus ne gloux sera :
Car le doux fruict de l'herbe esgoussera,
Dont tant craignoit la fleur en prime vere.
Vous l'avez oy, l'avez-vous entendu? Le docteur est
antique, les paroles sont laconiques, les sentences sco-
tines et obscures, ce nonobstant qu'il traitast naatiere
de soy profonde et difficile. Les meilleurs interprètes
d'iceluy bon Père exposent Van Jubilé passant le tren-
tiesme estre les années encloses entre ceste aage cou-
rante l'an mil cinq cens cinquante. Oncques ne crain-
dra la fleur d'icelle. Le monde plus fat ne sera dit,
venant la prime saison. Les fols, le nombre desquels
est infiny, comme atteste Salomon, périront enragez,
et tout espèce de folie cessera, laquelle est pareillement
innombrable, comnie dict Avicenne, maniae infinitse
sunt species. Laquelle, durant la rigueur hibernale,
estoit au centre repercutée, apparoist en la circonfé-
rence, et est en cesves comme les arbres. L'expérience
nous le demonstre, vous le sçavez, vous le voyez. Et
fut jadis exploré par le grand bon homme Hip-
pocrates, Aphorism. : Vere etenim manise^ etc. Le
4 PROLOGUE
monde donques ensagissant, plus ne craindra la fleur
des febves en la prime vere, c'est-à-dire, comme pou-
vez le voirre au poing et les larmes à l'œil, pitoiablc-
ment croire en caresme un tas de livres qui sembloyent
florides, florulens, fîoris comme beaux papillons, mais
au vray estoient ennuyeux, fascheux, dangereux, espi-
neux et ténébreux comme ceux d'Heraclitus, obscurs
comme les Nombres de Pythagoras, qui fut Koy de
la febve, tesmoin Horace. Iceux périront, plus ne
viendront en main, plus fie seront leuz ne veuz. Telle
estait leur destinée, et là fut leur fin prédestinée.
Au lieu d'iceux ont succédé les febves en gousse. Ce
sont ces joyeux et fructueux livres de Pantagruelisme,
lesquels sont pour ce jour d'huy en bruit de bonne vente,
attendant la période du jubilé subséquent, à Vestude
desquels tout le monde s'est adonné; aussi est-il sage
nommé. Voila vostre problesme solu et résolu, faictcs
vous gens de bien là-dessus. Toussez icy un bon coup
ou deux, et en beuvez neuf d'arrachepied, puis que
les vignes sont belles et que les usuriers se pendent; ds
me cousteront beaucoup en cordeaux si bon temps
dure, car je proteste leur en fournir libéralement sans
payer, toutes et quantes fois que pendre ils se voudront,
espar gnant le gain du bourreau.
Afin donques que soyez participans de cette sagesse
advcnentc, émancipez de l'antique folie, effacez-moy
présentement de vos pancartes le symbole du vicl phi-
losophe à la cuysse dorée, par lequel il vous intcrdi-
soit l'usage et mangeaille des febves, tenans pour chose
PROLOGUE D
vraye et confessée entre, tous bons compagnons qu'il
les vous interdisoit en pareille intention que le medicin
d'eaue douce feu Amer, nepveu de l'avocat Seigneur
de Camelotiere, deffendoit aux malades Vaisle de per-
drix, le cropion de gelines et le col de pigeon, disant :
Ala mala, cropium dubium, coUum bonum pelle re-
mota, les reservans pour sa bouche, et laissant aux
malades seulement les osselets à ronger.
A luy ont succédé certains Caputions nous deffen-
dant les febves, c'est-à-dire livres de Pantagruelisme,
et à l'imitation de Philoxenus et Gnato Sicilien, an-
ciens architecques de leur monachale et ventrcde vo-
lupté, lesquels en plains banquets, lors qu'estoyent les
f ricins morceaux servis, crachoient sus la viande, affîn
que par horreur autres qu'eux n'en mangeassent. Ainsi
ceste hideuse, morveuse, catharreuse, vermolue cago-
taille, en public et privé, déteste ces livres frians, et
dessus vilainement crachent par leur impudence. Et
combien que maintenant nous lisons en nostre langue
gallique, tant en vers qu'en oraison solue, plusieurs
excellens escripts, et que peu de reliques restent de ca-
pharderie et siècle Gottis, ay neantmoins esleu gasouil-
ler et siffler oye, comme dit le proverbe, entre les
cygnes, plustost que d'estre entre tant de gentils poètes
et faconds orateurs mut du tout estimé; jouer aussi
quelque villageois personnage entre tant disers joueurs
de ce noble acte, plustost qu'estremis au rang de ceux
qui ne servent que d'ombre et de nombre, seulement
baaillans aux mousches, chovans des aureilles comme
6 PROLOGUE
un asne d'Arcadie au chant des musiciens , et par
signes, en silence, signifians qu'ils consentent à la
prosopopce.
Prins ce chois et eslection, ay pensé ne faire auvre
indigne si je rcmuois mon tonneau Diogenic, afin que
ne me dissiez ainsi vivre sans exemple.
Je contemple un grand tas de Collinets, Marots,
Drouets, Saingelais, Sallets, Masuels, et une longue
centurie d'autres poètes et orateurs galliques, et voy
que, par longtemps avoir en Mons Parnasse versé à
iescole d'Apollo, et du fons cabalin beu à plein godet
entre les joyeuses Muses, à Veternelle fabrique de
nostre vulgaire, ils ne portent que marbre parien, ale-
bastre, porphyre et bon ciment royal; ils ne traittent
que gestes héroïques, choses grandes, matières ardues,
graves et difficiles, et le tout en rethorique armoisine
et cramoisine, par leurs escrits ne produisent que nec-
tar divin, vin précieux, friand, ricmt, muscadet, déli-
cat, délicieux. Et n'est ceste gloire en hommes toute
consonimée, les dames y ont participé, entre lesquelles
une cxtraicte du sang de France, non allegable sans
insigne prefation d'honneur, tout ce siècle a estonné
tant par ses escripts, inventions transcendentes, que
par ornement de langage, de style mirifique. Imitez-
les , si sçavez; quant est de moy, imiter je ne les
sçaurois : à chacun n'est octroyé henter et habiter Co-
rinthc. A l'édification du temple de Salomon chascun
un sicle d'or offrit, à pleines poignées ne pouvoit. Puis
doncqucs qu'en nostre faculté n'est en l'art d'architec-
PROLOGUE 7
tare tant promouvoir comme ils font, je suis délibéré
faire ce que fîst Kcgnault de Montauban, servir les
massons, mettre bouillir pour les massons, et m'auront,
puis que compagnon ne puis estre, pour auditeur, je
dis infatigable, de leurs trescelestes escripts.
Vous mourez de peur, vous autres les Zoïles emu-
lateurs et envieux ; allez vous pendre, et vous mesmes
choisissez arbre pour pendages, la hart ne vous fau-
dra mie. Protestant icy devant mon Helicon, en l'au-
dience des divines Muses, que, si je vis encores Vaage
d'un chien, ensemble de trois corneilles, en santé et
intégrité, telle que vescut le sainct capitaine juif, Xe-
nophile musicien, et Demonax philosophe, par argu-
mens non impertinans et raisons non refusables je
prouveray en barbe de je ne sçay quels centonifiques
botteleurs de matières cent et cent fois grabelées, rap-
petasseurs de vieilles ferrailles latines, revendeurs de
vieux mots latins tous moisis et incertains, que nostre
langue vulgaire n'est tant vile, tant inepte, tant indi-
gente et à mespriser qu'ils l'estiment. Aussi en toute
humilité supplians que de grâce specicde, ainsi comme
jadis estcms par Phebus tous les trésors es grands
poètes départis, trouva toutesfois Esope lieu et office
d'apologue, semblablement, veu qu'à degré plus haut
je n'aspire, ils ne desdaignent en estât me recepvoir de
petit Kiparographe, sectateur de Pyreicus. Ils le fe-
ront, je m'en tiens pour asseuré : car ils sont tous tant
bons, tant humains, gracieux et débonnaires que rien
plus.
5 PROLOGUE
Parquoy, Beuveurs, parquoy, Goûteurs, iceux en
veullent avoir fruition totale, car les recitans parmy
leurs Conventicules, cultans les haulx mystères en
iceulx comprins, entrent en possession et réputation
singulière, comme en cas pareil fîst Alexandre le Grand
des livres de la prime philosophie composez par Aris-
toteles.
Ventre sur ventre, quels trinquenailles ! quels galle-
fret ier s !
Pourtant, Beuveurs, je vous advise en heure opor-
iune, faictes d'iceux bonne provision soudain que les
trouverez par les officines des libraires, et non seule-
ment les egoussez, mais dévorez comme opiatte cor-
dialle,et les incorporez en vous mesmes;lors cognois-
trez quel bien est d'iceux préparé à tous gentils
egousseurs de febves. Présentement je vous en offre une
bonne et belle pannerce, cueillie on propre jardin que
les autres précédentes, vous suppliant, au nom de Ke-
verence, qu'ayez le présent en gré, attendant mieux à
la prochaine venue des arondelles.
LE
CINQ.UIESME
ET DERNIER LIVRE
DES FAICTS ET DITS HEROÏQUES DU BON
PANTAGRUEL, COMPOSE PAR M. FRANÇOIS RABELAIS,
DOCTEUR EN MEDECINE
Auquel est contenu la Visitation de l'Oracle de la dive
BacbuCj et le mot de la bouteille, pour lequel
avoir est entrepris tout ce long voyage.
Nouvellement mis en lumière.
M. D. LXIIII
EPIGRAMME
ABELAis est-il mort ? Voicy encor un livre.
Non, sa meilleure part a repris ses esprits
Pour nous faire présent de l'un de ses escrits,
Qui le rend entre tous immortel et fait vivre.
Nature quite.
LIVRE CINQ.UIÉME
CHAPITRE I
Comment Pantagruel arriva en l'îsh Sonnante, et du
bruit qu'entendismes.
ONTiNUANT nostre routte, navigasmes
par trois jours sans rien descouvrir;
au quatriesme aperceusmes terre, et
M nous fut dit par nostre pillot que c'es-
toit risle Sonnante, et entendismes un bruit de
loing venant, frequant et tumultueux, et nous sem-
bloit, à l'ouïr, que ce fussent cloches grosses, pe-
tites et médiocres, ensemble sonnantes comme l'on
faict à Paris, à Tours, Gergeau, Nantes et
ailleurs, es jours des grandes festes ; plus appro-
chions, plus entendions ceste sonnerie renforcée.
12 LIVRE V, CHAPITRE I
Nous doublions que feust Dodone avecques ses
chauderons, ou le Porticque dit Heptaphone en
Olympie, ou bien le bruit sempiternel du colosse
érigé sus la sépulture de Memnon en Thebes d'E-
gypte, ou les tintamarres que jadis on oyoit autour
d'un sépulcre en l'isle Lipara, l'une des iEolides ;
mais la chorographie n'y consentoit. a Je doute,
dist Pantagruel, que là quelque compaignie d'a-
beilles ayent commancé prendre vol en l'air, pour
lesquelles revocquer le voisinage faict ce triballe-
ment de poilles, chaudrons, bassins, cymbales cory-
bantiques de Cybele, mère grande des Dieux. En-
tendons. »
Approchans davantage, entendismes, entre la
perpétuelle sonnerie des cloches, chant infatigable
des hommes là residens, comme estoit nostre advis.
Ce fut la cause pourquoy, avant que aborder en
risle Sonnante, Pantagruel fut d'opinion que des-
cendissions avecq' nostre esquif en un petit roc
auprès duquel recognoissions un hermitage et quel-
que petit jardinet.
Là trouvasmes un petit bon homme hermite
nommé Braguibus, natif de Glenay, lequel nous
donna pleine instruction de toute la sonnerie, et
nous festoya d'une estrange façon. Il nous fist qua-
tre jours consequens jeusner, atfermant qu'en l'isle
Sonnante autrement receus ne serions, parce que
lors estoit le jeusne de Quatre-Temps. « Je n'en-
tends point, dit Panurge cest énigme; ce seroit
PANTAGRUEL l3
plustost le temps des quatre vens, car, jeusnant, ne
sommes farcis que de vent. Et quoy, n'avez vous
icy autre passetemps que de jeusner? Me semble
qu'il est bien maigre; nous nous passerions bien de
tant de festes du palais. — En mon Donat, dit frère
Jehan, je ne trouve que trois temps, prétérit, pré-
sent et futur; icy le quatriesme doit estre pour le
vin du valet. — Il est, dit Epistemon, aorist yssu de
prétérit tresimparfaict des Grecs et des Latins, en
temps garré et bigarré receu. Patience, disent les
ladres. — Il est, dit l'hermite, fatal ainsi comme
je vous l'aj dit ; qui contredit est hérétique, et ne
luy fault rien que le feu. — Sans faulte, Pater,
dit Panurge, estant sur mer, je crains beaucoup
plus estre mouillé que chauffé, et estre noyé que
bruslé.
« Bien, jeusnons, de par Dieu; mais j'ay par si
long-temps jeusnéqueles jeusnes m'ont sappé toute
la chair, et crains beaucoup qu'en fin les bastions
de mon corps viennent en descadence. Autre peur
ay-je d'avantage, c'est de vous fascher en jeusnant,
car je n'y sçay rien, et y ay mauvaise grâce, comme
plusieurs m'ont affermé, et je les croy; de ma part,
dy-je, bien peu me soucie de jeusner; il n'est chose
tant facile et tant à main ; bien plus me soucie de
ne jeusner point à Tadvenir, car là il fault avoir
dequoy drapper et dequoy mettre au moulin. Jeus-
nons, de par Dieu, puisqu'entrez sommes es feries
esuriales, ja longtemps a que ne les recognoissois.
M
LIVRE V, CHAPITRE I
— Et si jeusner faut, dit Pantagruel, expédiant
aultre n'y est, fors nous en despecher comme d'un
mauvais chemin. Aussi bien veux-je un peu visiter
mes papiers, et entendre si l'estude marine est aussi
bonne comme la terrienne, pource que Platon, vou-
lant descripre un homme niais, imperit et ignorant,
le compare à gens nourris en mer dedans les
navires, comme nous dirions à gens nourris dedans
un baril , qui onques ne regardèrent que par un
trou. »
Nos jeusnes furent terribles et bien espouventa-
bles, car le premier jour nous jeusnasmes à battons
rompus, le second à espées rabatues, le tiers à fer
esmoulu, le quart à feu et à sang. Telle estoit l'or-
donnance des fées.
CHAPITRE II
Comment l'Isle Sonnante avoit esté habitée par les
Siticines, lesquels cstoyent devenuz oiseaux.
os jeusnes parachevez, l'hermite nous
bailla unes lettres adressant à un qu'il
nommoit Albian Camat, maistre ^Edi-
tue de l'Isle Sonnante ; mais Panurge,
le saluant, l'appela maistre Antitus. C'estoit un pe-
tit bon homme vieux, chauve, à museau bien enlu-
miné et face cramoisie. Il nous fit tresque bon
recueil par la recommandation de l'hermite, enten-
PANTAGRUEL l5
dant qu'avions jeusné comme a esté déclaré. Après
avoir tresbien repeu, nous exposa les singularitez
de l'isle, affermant qu'elle avoit premièrement esté
habitée par les Siticines, mais, par ordre de nature,
comme toutes choses varient, ils estoient devenus
oiseaux.
Là j'eus pleine intelligence de ce qu'Atteius Ca-
pito , PoUux, Marcellus, A. Gellius, Athenaeus,
Suidas, Ammonius et autres avoient escrit des Siti-
cines et Sicinnistes, et difïîcille ne nous sembla
croire les transformations de Nyctimene, Progné,
Itys, Alcmene, Antigone, Tereus, et autres oiseaux.
Peu aussi de doubte fismes des enfans Matabrune
convertis en cygnes, et des hommes de Pallene en
Thrace, lesquelz , soubdain que par neuf fois se
baignent au Palude Tritonique , sont en oiseaux
transformez. Depuis autre propos ne nous tint que
de cages et d'oiseaux. Les caiges estoient grandes,
riches, sumptueuses, et faictes par merveilleuse
architecture.
Les oiseaux estoient grands, beaulx et polis à
l'avenant, bien ressemblans les hommes de ma pa-
trie ; beuvoient et mangeoient comme hommes,,
esmoutissoyent comme hommes, enduisoyent comme
hommes, pedoient et dormoient et roussinoient
comme hommes; brief, à les veoir de prime face,
eussiez dit que feussent hommes; toutesfoys ne
l'estoyent mie, selon l'instruction de Maistre JEd'i-
tue, mais protestant qu'ils n'estoient ny séculiers ny
l6 LIVRE V, CHAPITRE II
mondains. Aussi leur pennage nous mettoit en res-
verie, lequel aucuns avoient tout blanc, autres tout
noir, autres tout gris, autres miparti de blanc et
noir, autres tout rouge, autres parti de blanc et de
bleu : c'estoit belle chose de les veoir. Les masles
il nommoit Clergaux, Monagaux, Prestresgaux,
Abbegaux, Evesgaux, Cardingaux, et Papegaut, qui
est unique en son espèce. Les femelles il nommoit
Clergesses, Monagesses, Prestregesses, Abbegesses,
Evesgesses, Cardingesses, Papegesses.
« Tout ainsi toutesfoys, nous dist-il, comme
entre les abeilles hantent les freslons, qui rien ne
font fors tout manger et tout gaster, aussi depuis
trois cens ans ne sçay comment entre ces joyeux
oiseaux estoit par chascune quinte lune avolé grand
nombre de Cagots, lesquels avoient honny et con-
chié toute l'Isle, tant hideux et monstrueux que
tous estoient reffuis. Car tous avoient le col tors et
les pattes pelues, les gryphes et ventre de harpies
et les culs de Stymphalides, et n'estoit possible
les exterminer : pour un mort en avoloient vingt-
quatre. »
Je y souhaitoye quelque second Hercules, pour
ce que frère Jehan y perdit le sens par véhémente
contemplation, et à Pantagruel advint ce qu'estoit
advenu à Messire Priapus contemplant les sacrifices
de Cerés, par faute de peau.
PANTAGRUEL
17
CHAPITRE III
Comment en l'Isle Sonnante n'est qu'un Papegaut.
ORS demandasmes à Maistre yEditue,
veu la multiplication de ces vénérables
>-^'^ oiseaux en toutes leurs espèces, pour-
quoy là n'estoit qu'un Papegaut. Il
nous respondit que telle estoit l'institution première
et fatale destinée des estoilles. Que des Clergaux
naissent les Prestregaux et Monagaux sans compa-
gnie charnelle, comme fait entre les abeilles d'un
jeune toreau accoustré selon l'art et pratique d'A-
ristaeus. Des Prestregaux naissent les Evesgaux,
d'iceux les beaux Cardingaux, et les Cardingaux,
si par mort n'estoient prévenus, fînissoient en Pa-
pegaut ; et n'en est ordinairement qu'un, comme
par les ruches des abeilles n'y a qu'un roy, et au
monde n'est qu'un soleil. Iceluy decedé, en naist
un autre en son lieu de toute la race des Cardin-
gaux, entendez tousjours sans copulation charnelle.
De sorte qu'il y a en ceste espèce unité individuale,
avec perpétuité de succession, ne plus ne moins
qu'au phœnix d'Arabie.
Vray est qu'il y a environ deux mil sept cens
soixante lunes que furent en nature deux Papegaux
produits; mais ce fut la plus grande calamité qu'on
vit onques en ceste Isle. « Car, disoit iEditue, tous
ces oiseaux icy se pillèrent les uns les autres, et
Rabelais. V^ 3
l8 LIVRE V, CHAPITRE III
s'entrepelauderent si bien ce temps durant que
risle périclita d'estre spoliée de ses habitans. Part
d'iceux adheroit à un et le soustenoit, part à l'autre
et le defendoit; demeurèrent part d'iceux muts
comme poissons, et onques ne chantèrent, et part
de ces cloches, comme interdicte, coup ne sonna.
Ce séditieux temps durant, à leur secours évoquè-
rent empereurs, roys, ducs, marquis, comtes, barons
et communautez du monde qui habite en continent
et terre-ferme, et n'eust fin ce schisme et ceste sé-
dition qu'un d'iceux ne fut tollu de vie et la plura-
lité reduicte en unité. »
Puis demandasmes qui mouvoit ces oyseaux à
ainsi sans cesse chanter. ^£ditue nous respondit que
c'estojent les cloches pendantes au dessus de leuis
cages ; puis nous dit : « Voulez-vous que présente-
ment je face chanter ces Monagaux que voyez là
bardocucullez d'une chausse d'hypocras, comme
une allouette sauvage? — De grâce, « respondis-
mes nous. Lors sonna une cloche six coups seulle-
ment, et Monagaux d'accourir, et Monagaux de
chanter. « Et si, dist Panurge , je sonnoye ceste
cloche, feray-je pareillement chanter ceux qui ont
le plumage à couleur de haran soret? — Pareille-
ment, » respondit ^Editue.
Panurge sonna , et soudain accoururent ces oi-
seaux enfumez, et chantoient ensemblement , mais
ils avoient les voix raucques et mal plaisantes. Aussi
nous remonstra .^ditue qu'ils ne vivoient que de
PANTAGRUEL
'9
poisson, comme les hérons et cormorans du monde,
et quec'estoit une quinte espèce de Cagaux, impri-
mez nouvellement. Adjousta d'avantage qu'il avoit
eu advertissement par Robert Valbringue, qui par-
là n'agueres estoit passé en revenant du pays d'Af-
frique , que bientost y devoit avoler une sexte es-
pèce, lesquels il nommoitCapucingaux, plus tristes,
plus moniaques et plus fascheux qu'espèce qui fust
en toute l'Isle.
« Affrique, dist Pantagruel, est coutumiere
toujours choses produire nouvelles et mons-
trueuses. »
CHAPITRE IV
Comment les oiseaux de l'Isle Sonnante estaient tous
passagers.
Aïs, dist Pantagruel, veu qu'exposé
nous avez des Cardingaux naistre Pa-
pegaut, et les Cardingaux des Eves-
gaux, les Evesgaux des Prestregaux,
et les Prestregaux des Clergaux, je voudrois bien
entendre dont vous naissent ces Clergaux.
— Ils sont, dit iEditue, tous oiseaux de passage,
et nous viennent de l'autre monde, part d'une
contrée grande à merveilles, laquelle on nomme
Joursanspain ; part d'une autre vers le ponant, la-
quelle on nomme Tropditieux. De ces deux contrées
20 LIVRE V, CHAPITRE IV
tous les ans à boutées ces Cleigaux icy nous
viennent, laissans pères et mères, tous amis et tous
parens.
« La manière est telle : quand en quelque noble
maison de ceste contrée dernière y a trop d'iceux
enfans, soient masles, soient femelles, de sorte que
qui à tous part feroit de l'héritage, comme raison le
veult, nature l'ordonne et Dieu le commande, la
maison seroit dissipée, c'est l'occasion pourquoy les
parens s'en deschargent en ceste isle, mesmement
s'ils sont des appanaiges de l'Isle Bossard, — C'est,
dit Panurge, l'Isle Bouchard lez Chinon? — Je dis
Bossard, respondit i£ditue, car ordinairement ils
sont bossus, borgnes, boiteux, manchots, podagres,
contrefaits et maleficiez, poix inutile de la terre.
— C'est, dit Pantagruel, coustume du tout con-
traire es institutions jadis observées en la réception
des pucelles Vestales, pour lesquelles, comme atteste
Labeo Antistius, estoit défendu à ceste dignité es-
lire fille qui eust vice aucun en l'ame, ou en ses
sens diminution, ou en son corps tasche quelconque,
tant fust occulte et petite.
— Je m'esbahis, dit JEdhue continuant, si les
mères de par de-là les portent neuf mois en leurs
flancs, veu qu'en leurs maisons elles ne les peuvent
porter ne patir neuf ans, non pas sept le plus sou-
vent, et leur metians une chemise seulement sus la
robbe, sur le sommet de la teste leurs couppans je
ne sçay quants cheveux, avec certaines parolles
PANTAGRUEL 21
apotrophées et expiatoires, comme entre les iî^gyp-
tiens par certaines linostolies et rasures estoient
créez les Isiacques, visiblement, apertement, mani-
festement, par metempsychosie pythagorique, sans
lésion ne blessure aucune, les font oiseaux tels de-
venir que présentement les voyez. Ne sçay toutes-
fois, beaux amis, que peult estre, ne d'où vient que
les femelles, soyent Clergesses, Monagesses ou
Abbegesses, ne chantent motets plaisans et charis-
teres, comme on souloit faire à Oromasis, par l'in-
stitution de Zoroaster, mais catarates et scythropes,
comme on faisoit au Dgemon Arimanian; et font
continuelles dévotions de leurs parens et amis, qui
en oiseaux les transformèrent, je dis autant jeunes
que vieilles.
« Plus grand nombre nous en vient de Joursans-
pain, qui est excessivement long. Car les Assaphis,
habitans d'icelle contrée, quand sont en danger de
patir malesuade famine, par non avoir dequoy soy
alimenter, et ne sçavoir ne vouloir rien faire, ne
travailler en quelque honneste art et mestier, ne
aussi feablement à gens de bien soy asservir; ceux
aussi qui n'ont peu jouir de leurs amours, qui ne
sont parvenus à leurs entreprinses et sont désespé-
rez; ceux pareillement qui meschantement ont
commis quelque cas de crime, et lesquels on cherche
pour à mort ignominieuse mettre^ tous avolenticy;
icy ont leur vie assignée, icy soudain deviennent
gras comme glirons, qui paravent estoyent maigres
22 LIVRE V, CHAPITRE IV
comme pies, icy ont paifaicte seureté, indemnité et
franchise.
— Mais, demandoit Pantagruel, ces beaux oi-
seaux icy une fois avolez, retournent-ils jamais plus
au monde oîi ils furent ponnus ? — Quelques uns,
respondit ^Editue, jadis bien peu, bien à tard et à
regret. Depuis certaines éclipses s'en est revolé une
grande mouée, par vertu des constellations célestes.
Cela de rien ne nous melancholie, le demeurant
n'en a que plus grande pitance. Et tous, avant que
revoler, ont leurs pennages laissé parmy les orties
et espines. »
Nous en trouvasmes quelques uns reallement, et
en recherchant d'adventure rencontrasmes un pot
aux roses descouvert.
CHAPITRE V
Comment les oiseaux gourmandcurs sont muets en
Vlsle Sonnante.
L n'avoit ces mots parachevez, quand
prés de nous avolerent vingt cinq ou
trente oiseaux de couleur et pennage
'que encore n'avois veu en l'Isle. Leur
pennage estoit changeant d'heure en heure, comme
la peau d'un chameleon, et comme la fleur de tri-
poleon ou teucrion ; et tous avoient au dessous de
l'aisle gauche une marque comme de deux diame-
PANTAGRUEL 23
très mi-partissant un cercle, ou d'une ligne perpen-
diculaire tombante sur une ligne droite. A tous
estoit presque d'une forme, mais non à tous d'une
couleur; es uns estoit blanche, es autres verde, es
autres rouge, es autres violette, es autres bleue.
« Qui sont, demande Panurge, ceux cy, et
comment les nommez? — Ils sont, respondit JEd'i-
tue, metifs. Nous les appelions Gourmandeurs, et
ont grand nombre de riches Gourmanderies en
vostre monde. — Je vous prie, dis-je, faites les un
peu chanter, afin qu'entendions leur voix. — Ils ne
chantent, respondit-il, jamais, mais ils repaissent
au double en recompense. — Oii sont, demandois-
je, les femelles? — Ils n'en ont point, respondit-il.
— Comment donc, infera Panurge, sont-ils ainsi
croutelevez et tous mangez de grosse vérole ?
— Elle est, dit-il, propre à ceste espèce d'oi-
seaux, à cause de la marine qu'ils hantent quelques
fois. »
Puis nous dit : « Le motif de leur venue icy prés
de vous est cestuy, pour veoir si parmy vous reco-
gnoistront une magnifique espèce de gots, oiseaux
de proye terribles, non toutesfois venans au leurre,
ne recognoissans le gand, lesquels ils disent estre
en vostre monde, et d'iceux les uns porter jects
aux jambes bien beaux et précieux, avec inscription
aux vernelles, par laquelle qui mal y pensera est
condamné d'estre soudain tout conchié ; autres au
devant de leur pennage porter le trophée d'un ca-
24 LIVRE V, CHAPITRE V
lomniateur, et les autres y porter une peau de bel-
lier. — Maistre y£ditue, dit Panurge, il peut estre
vray, mais nous ne lescognoissons.
— Ores, dit JEditue, c'est assez parlementé ;
allons boire. — Mais repaistre, dist Panurge. —
Repaistre,dit ^Editue, et bien boire, moitié au per,
moitié à la couche. Rien si cher ne précieux est que
le temps; employons-le en bonnes œuvres. » Mener
il nous vouloit premièrement baigner dedans les
thermes des Cardingaux, belles et délicieuses sou-
verainement; yssans des bains, nous faire par les
aliptes oindre de précieux basme.
Mais Pantagruel luy dit qu'il ne bevroit que trop
sans cela. Adonques nous conduit en un grand et
deUcieux refectouer, et nous dist : « L'hermite Bra-
guibus vous a fait jeusner par quatre jours, quatre
jours serez icy à contrepoints, sans cesser de boire
et de repaistre. — Dormirons-nous point cependant,
dist Panurge ? — A vostre liberté, respondit ^Editue,
car qui dort, il boit. »
Vray Dieu ! quelle chère nous fismes 1 O le grand
homme de bien !
PANTAGRUEL
CHAPITRE VI
Comment les oiseaux de l'Isle Sonnante sont
alimentez.
Çil<?
ANTAGRUEL monstroit face triste, et
sembloit non content du séjour cjua-
tridien que nous terminoit iEditue :
ce qu'aperceut ^Editue, et dit : « Sei-
gneur, vous sçavez que sept jours devant et sept
jours après breume jamais n'y a sur mer tempeste.
C'est pour faveur que les éléments portent aux
aicyones, oiseaux sacrez à Thetis, qui pour lors
ponnent et esclouent leurs petits lez le rivage. Icy
la mer se revenche de ce long calme, et par quatre
jours ne cesse de tempester énormément quand
quelques voyagiers y arrivent. La cause nous esti-
mons afin que, ce temps durant, nécessité les con-
traigne y demourer, pour estre bien festoyez des
revenus de sonnerie. Pourtant n'estimez temps icy
ocieusement perdu : force forcée vous y retiendra,
si ne voulez combattre Juno, Neptune, Doris,
iEolus et tous les Vejoves; seulement délibérez
vous de faire chère lie. »
Après les premières bauffrures, frère Jehan de-
mandoit à iEditue : « En ceste Isle vous n'avez que
cage et oiseaux, ils ne labourent ne cultivent la
terre, toute leur occupation est à gaudir, gazouil-
ler et chanter. De quel pays vous vient ceste corne
4
26 LIVRE V, CHAPITRE VI
d'abundance et copie de tant de bien et frians
morceaulx? — De tout l'autre monde, respondit
itditue, exceptez moy quelques contrées des régions
aquilonnaires, lesquelles depuis certaines années ont
meu la camerime. Chou,
Ils s'en repentiront, don daine.
Ils s'en repentiront, don don.
« Beuvons, amis! Mais de quel pays estes-vous ? —
DeTouraine, respondit Panurge. — Vrayement, dist
^ditue, vous ne fustesonques de mauvaise pie cou-
vez, puisque vous estes de la benoiste Touraine. De
Touraine tant et tant de biens annuellement nous
viennent que nous fut dit un jour par gens du
lieu, par cy passans, que le Duc de Touraine n'a
en tout son revenu de quoy son saoul de lard man-
ger, par l'excessive largesse que ses prédécesseurs
ont fait à ces sacrosaincts oiseaux, pour icy de
phaisans nous saouler, de perdriaux, de gelinotes,
poulies d'Inde, gras chappons de Loudunois, ve-
naison de toutes sortes, et toutes sortes de gibier.
(( Beuvons, amis ! Voyez ceste perchée d'oiseaux,
comment ils sont douillets et en bon poinct des
rentes qui nous en viennent : aussi chantent-ils bien
pour eux. Vous ne vistes onques rossignols mieux
gringoter qu'ils font en plat, quand ils voyent ces
deux bastons dorez... — C'est, dist frère Jean,
feste à bastons... — Et quand je leur sonne ces
grosses cloches que vous voyez pendues autour de
PANTAGRUEL 2'J
leurs cages. Beuvons, amis ! il fait certes huy beau
boire, aussi fait-il tous les jours. Beuvons ! Je boy
de bien bon cueur à vous , et soyez les tresbien
venus. N'ayez peur que vin et vivres icy faillent,
car, quand le Ciel seroit d'airin et la terre de fer,
encores vivres ne nous fauldroient, fussent par sept,
voire huit ans, plus long-temps que ne dura la
famine en i£gypte. Beuvons ensemble par bon ac-
cord en charité.
— Diables, s'escria Panurge , tant vous avez
d'aises en ce monde ! — En l'autre, respondit
iEditue, en aurons nous bien d'avantage. Les
Champs Eliziens ne nous manqueront pour le
moins. Beuvons, amis; je boy à toy. — C'a esté,
dy-je, esprit moult divin et parfait à vos premiers
Siticines, avoir le moyen inventé par lequel vous
avez ce que tous humains appetent naturellement,
et à peu d'iceux, ou, à proprement parler, à nul
est octroyé : c'est Paradis en ceste vie et en l'au-
tre pareillement avoir.
O gens heureux !
O semy-Dieux !
Pleust au Ciel qu'il m'avint ainsi ! »
LIVRE V, CHAPITRE VII
CHAPITRE VII
Comment Panurge racompte à Maistre y^ditue
l'Apologue du Koussin et de l'Asne.
VOIR beu et bien repeu, y^ditue nous
mena en une chambre bien garnie,
bien tapissée, toute dorée. Là nous
fist apporter mirobalans, brain de
basme et zinzembre verd confit, force hypocras et
vin délicieux, et nous invitoit par ces antidotes,
comme par breuvage du fleuve de Lethé, mettre
en oubly et nonchalance les fatigues qu'avions paty
sus la marine; fist aussi porter vivres en abondance
à nos navires qui surgeoient au port. Ainsi repo-
sasmes par icelle nuict, mais je ne pouvois dor-
mir, à cause du sempiternel brimballement des
cloches.
A minuict vEditue nous esveilla pour boire; luy
mesme y beut le premier, disant : « Vous autres de
l'autre monde dictes que ignorance est mère de
tous maux, et dictes vray; mais toutesfois vous ne
la bannissez mie de vos entendemens, et vivez en
elle, avec elle, par elle. C'est pourquoy tant de
maux vous meshaignent de jour en jour; tousjours
vous plaignez , tousjours lamentez ; jamais n'estes
assouvis, je le considère présentement. Car igno-
rance vous tient icy au lict liez, comme fut le Dieu
PANTAGRUEL
29
des batailles par l'art de Vulcan , et n'entendez que
le devoir vostre estoit d'espargner de vostre som-
meil, point n'espargner les biens de ceste fameuse
Isle. Vous debvriez avoir ja faict trois repas, et
tenez cela de moy, que pour manger les vivres de
l'Isle Sonnante se fault lever bien matin; les man-
geant, ils multiplient; les espargnans, ils vont en
diminution. Fauchez le pré en sa saison, l'herbe y
reviendra plus drue et de meilleure emploicte; ne
le fauschez point, en peu d'années il ne sera tapissé
que de mousse. Beuvons, amis, beuvons trestous ;
les plus maigres de nos oiseaux chantent mainte-
nant tous à nous, nous boirons à eux s'il vous
plaist. Beuvons, de grâce, vous n'en cracherez
tantost que mieux. Beuvons une, deux, trois, neuf
fois : non zelus, sed chantas. »
Au poinct du jour pareillement nous esveilla
pour manger souppes de prime. Depuis ne fîsmes
qu'un repas, lequel dura tout le jour, et ne sçavois
si c'estoit disner ou soupper, gouster ou regoubil-
loner. Seulement par forme d'esbat nous pourme-
nasmes quelques tours par l'Isle, pour veoir et ouil-
le joyeux chant de ces benoists oiseaux.
Au soir Panurge dit à ^Editue : « Seigneur, ne
vous desplaise si je vous raconte une histoire
joyeuse, laquelle advint au pays de Chastelle-
raudois depuis vingt et trois lunes.
« Le pallefrenier d'un gentilhomme, au mois
d'avril, pourmenoit à un matin ses grands chevaux
3o LIVRE V, CHAPITRE VII
parmy les guerests; là rencontra une gaye bergère,
laquelle,
A l'ombre d'un buissonnet,
Ses brebiettes gardoit,
ensemble un asne et quelque chèvre. Devisant avec
elle, luy persuada monter derrière luy en crouppe,
visiter son escurie, et là faire un tronçon de bonne
chère à la rustique. Durant leur propos et demeure,
le cheval s'adressa à l'asne, et luy dist en l'aureille
(car les bestes parlèrent toute icelle année en divers
lieux) : « Povre et chetif baudet, j'ay de toy pitié
« et compassion. Tu travailles journellement beau-
« coup, je l'apperçois à l'usure de ton bas-cul: c'est
« bien faict, puisque Dieu t'a créé pour le service
« des humains; tu es baudet de bien. Mais n'estre
« autrement torchonné, estrillé, phaleré et alimenté
« que je te vois, cela me semble un peu tyrannique
« et hors les metes de raison. Tu es tout herissonné,
« tout hallebrené, tout lanterné, et ne manges icy
« que joncs, espines et durs chardons. C'est pour-
« quoy je te semonds, Baudet, ton petit pas avec
« moy venir, et veoir comment nous autres, que
« Nature a produits pour la guerre, sommes traittez
« et nourris. Ce ne sera sans toy ressentir de mon
« ordinaire. — Vrayement, respondit l'asne, j'iray
« bien volontiers. Monsieur le Cheval. — Il y a,
« dist le roussin, bien Monsieur le Roussin pour
« toy. Baudet. — Pardonnez moy, respond l'asne.
PANTAGRUEL 3l
(( Monsieur le Roussin, ainsi sommes en nostre lan-
ce gage incorrects et mal apprins, nous autres villa-
ce geois et rustiques. A propos, je vous obeiray
ce volontiers, et de loing vous suivray de paour des
c( coups (j'en ai la peau toute contrepointée),
ce puisque vous plaist me faire tant de bien et
(( d'honneur. »
« La bergère montée, l'asne suyvoit le cheval, en
ferme délibération de bien repaistre advenans au
logis. Le pallefrenier l'apperceut, et commanda
aux garsons d'estable le traicter à la fourche et
Tesrener à coups de baston. L'asne, entendant ce
propos, se recommanda au Dieu Neptune et com-
mençoit à escamper du lieu à grand erre, pensant
en soy mesme et syllogisant : ce II dict bien aussi
ee n'estre mon estât suivre les cours des gros sei-
« gneurs; Nature ne m'a produit que pour l'aide
ce des pauvres gens, Esope m'en avoit bien adverty
ce par un sien apologue; ce a esté outrecuidance à
(c moy; remède n'y a que d'escamper d'huy, je dis
ce plustost que ne sont cuictes asperges. »
Et l'asne au trot, à peds, à bonds, à ruades,
Au gallot, à p«tarades.
ee La bergère , voyant l'asne desloger, dist au
pallefrenier qu'il estoit sien, et pria qu'il fust bien
traité; autrement elle vouloit partir, sans plus avant
entrer. Lors commanda le pallefrenier que plustost
les chevaux n'eussent de huit jours avoine que l'asne
32 LIVRE V, CHAPITRE VII
n'en eust tout son saoul. Le pis fut de le révoquer,
car les garsons l'avoient beau flatter et l'appeler :
« Truunc, truunc, Baudet, çà. — Je n'y vois pas,
« disoit l'asne, je suis honteux. » Plus amiable-
ment l'appelloient, plus rudement s'escarmouchoit-
il, et à saulx, à pétarades; ils y fussent encores, ne
fust la bergère qui les advertit cribler avoine hault
en l'air en l'appellant, ce que fut faict. Soudain l'asnc
tourna visage, disant : « Avoine ! bien, adveniat, non
« la forche, je ne dis, qui me dit, passe sans flux. »
Ainsi à eux se rendit, chantant mélodieusement,
comme vous sçavez qui faict bon ouir la voix et
musique de ces bestes archadiques.
« Arrivé qu'ail fut, on le mena en l'estable prés
du grand cheval; fut frotté, torchonné, estrillé, li-
tière fresche jusqu'au ventre, plain râtelier de foin,
plaine mangeoire d'avoine, laquelle quand les gar-
sons d'estable cribloient, il leur chauvoit des au-
reilles , leurs signifiant qu'il ne la mangeroit que
trop sans cribler, et que tant d'honneur ne luy ap-
partenoit.
« Quand ils eurent bien repeu, le cheval interro-
guoit l'asne, disant : « Et puis, pauvre Baudet,
« comment t'en va? Que te semble de ce traite-
« ment? Encores n'y voulois tu pas venir. Qu'en
« dis-tu? — Par la figue, respondit l'asne, laquelle
« un de nos ancestres mangeant, mourut Philemon
a à force de rire, voicybasme. Monsieur le Roussin.
« Mais quoy, ce n'est que demie chère. Baudouy-
PANTAGRUEL 33
« nez vous rien céans, vous autres Messieurs les
x( Chevaux? — Quel baudouynage me dis-tu, Bau-
« det? demandoit le cheval; tes maies avives, Bau-
« det! Me prens-tu pour un asne? — Ha, ha,
<( respondit Tasne, je suis un peu dur pour appren-
<( dre le langage courtisan des chevaux. Je demande :
<( Roussinez-vous point céans, vous autres Messieurs
« les Roussins ? — Parle bas, Baudet, dist le che-
« val, car, si les garsons t'entendent, à grands coups
« de fourche ils te pelauderont si dru qu'il ne te
« prendra volonté de baudoujner. Nous n'osons
« céans seulement roidir le bout, voire fust-ce pour
« uriner, de peur des coups : du reste, aises comme
<( rois. — Par l'aube du bas que je porte, dist l'asne,
« je te renonce, et dis fy de ta litière, fy de ton
« foin et fy de ton avoine ; vivent les chardons des
« champs, puisqu'à plaisir on y roussine ! Manger
« moins et tousjours roussiner son coup est ma de-
« vise; de ce nous autres faisons foin et pitance.
« O Monsieur le Roussin, mon amy, si tu nous
« avois veu en foires, quand nous tenons nostre
« chapitre provincial, comment nous baudouynonsà
« guogo pendant que nos maistresses vendent leurs
« oisons et poussins ! » Telle fut leur départie.
J'ay dit. »
A tant se teut Panurge, et plus mot ne sonnoit.
Pantagruel l'admonestoit conclure le propos. Mais
^ditue respondit : « A bon entendeur ne faut
qu'une paroUe. J'entends tresbien ce que par cest
Rabelais. V, J
34 LIVRE V, CHAPITRE VII
apologue de l'asne et du cheval voudriez dire et
inférer, mais vous estes honteux. Sachez qu'icy n'y
a rien pour vous, n'en parlez plus. — Si aj-je, dist
Panurge, n'agueres icy veu une Abbegesse à blanc
plumage, laquelle mieux vaudroit chevaucher que
mener en main. Et si les autres sont dams oiseaux,
elle me sembleroit dame oiselle , je dis cointe et
jolie, bien valant un péché ou deux. Dieu me
le pardoint parlant, je n'y pensois point en mal :
le mal que j'y pense me puisse soudain advenir! »
CHAPITRE VIII
Comment nous fust monstre Papcgaut à grande
difficulté.
E tiers jour continua en festins etmes-
mes banquets que les deux jours pré-
cédents, auquel jour Pantagruel re-
queroit instamment veoir Papegaut;
mais iEditue respondit qu'il ne se laissoit ainsi fa-
cilement veoir. « Comment, dist Pantagruel , a-il
l'armet de Pluton en teste, l'anneau de Gygés es
griffes, ou un chameleon en sein, pour se rendre
invisible au monde? — Non, respondit i£ditue,
mais il par nature est à veoir un peu difficile. Je
donneray toutesfoys ordre que le puissiez veoir si
faire se peut. » Ce mot achevé, nous laissa au iieu
grignotans.
PANTAGRUEL 35
Un quart d'heure après, retourné, nous dist Pa-
pegaut estre pour ceste heure visible, et nous mena en
tapinois et silence droit à la cage en laquelle ilestoit
acroué, accompagné de deux petits Cardingaux et
de six gros et gras Evesgaux. Panurge curieusement
considéra sa forme, ses gestes, son maintien; puis
s'escria à haute voix, disant : « En mal an soit la
beste ! il semble une duppe. — Parlez bas, dit
iEditue, de par Dieu ; il a aureilles, comme sage-
ment nota Michael de Matlscones. — Si a bien une
duppe, dit Panurge. — Si une fois il vous entend
ainsi blasphemans, vous estes perdus, bonnes gens.
Voyez vous là dedans sa cage un bassin ? D'iceluy
sortira foudre, tonnoirre, esclairs, diables et tem-
peste, par lesquels en un moment serez cent pieds
sous terre abismez. — Mieux seroit, dit frère Jehan,
boire et banqueter. »
Panurge restoit en contemplation véhémente de
Papegaut et de sa compagnie, quand il apperceut
au dessouz de sa cage une chevêche. Adonc s'es-
cria, disant : a Par la vertu Dieu, nous sommes icy
bien pippez à plaines pippes, et mal equippez. Il
y a, par Dieu, de la pipperie, fripperie et ripperie
tant et plus en ce manoir. Regardez là ceste che-
vêche ; nous sommes, par Dieu, assassinez. — Par-
lez bas, de par Dieu, dist i£ditue, ce n'est mie une
chevêche; il est masle. c'est un noble chevecier.
— Mais, dist Pantagruel, faictes nous icy quelque
peu Papegaut chanter, afin qu'oyons son armonie.
36 LIVRE V, CHAPITRE VIII
— Il ne chante, respondit ^Editue, qu'à ses jours,
et ne mange qu'à ses heures. — Non fay-je, dit
Panurge ; mais toutes les heures sont miennes.
Allons doncques boire d'autant. — Vous, dit i£di-
tue, parlez à ceste heure correct : ainsi parlans
jamais ne serez hérétique. Allons, j'en suis d'opi-
nion. »
Retournans à la beuverie, apperceusmes un vieil
Evesgaux à teste verde, lequel estoit acroué, accom-
pagné d'un soufflegan et de trois Onocrotales, oi-
seaux joyeux, et ronfloient sous une feuillade. Prés
luy estoit une jolie Abbegesse, laquelle joyeusement
chantoit, et y prenions plaisir si grand que desirions,
tous nos membres en aureilles convertis, rien ne
perdre de son chant, et du tout, sans ailleurs estre
distrait , y vaquer. Panurge dit : « Ceste belle
Abbegesse se rompt la teste à force de chanter,
et ce gros vilain Evesgaut ronfle ce pendant ;
je le feray bien tantost chanter, de par le diable. »
Lors sonna une cloche pendante sus sa cage;
mais, quelque sonnerie qu'il fist, plus fort ronfloit
Evesgaut, point ne chantoit. u Par Dieu, dist Pa-
nurge, vieille buze, par moyen autre bien chanter
je vous feray. » Adonques print une grosse pierre,
le voulant ferir par la moitié. Mais yEditue s'escria,
disant : « Homme de bien, frappe, feris, tue et
meurtris tous roys et princes du monde, en trahison,
par venin ou autrement, quand tu voudras, déniche
des cieux les anges, de tout auras pardon du Pape-
PANTAGRUEL 87
gaut; à ces sacrez oiseaux ne touche, d'autant
qu'aymes la vie, le profit, le bien, tant de toy que
de tes parens et amis vifs et trespassez ; encores
ceux qui d'eux après naistroient en seroient infor-
tunez! Considère bien ce bassin. — Mieux donc-
ques vaut, dit Panurge, boire d'autant et banqueter.
— Il dit bien, monsieur Antitus, dist frère Jehan;
cy voyans ces diables d'oiseaux, ne faisons que blas-
phémer; vuydant vos bouteilles et pots, ne faisons
que Dieu louer. Allons donques boire d'autant. O
le beau mot ! »
Le quatriesme jour, après boire (comme enten-
dez), nous donna iEditue congé. Nous luy fismes
présent d'un beau petit cousteau perguois, lequel
il print plus à gré que ne fist Artaxerxes le voirre
d'eaue froide que luy présenta un païsant, et nous
remercia courtoisement; envoya en nos navires re-
freschissement de toutes munitions; nous soubhaita
bon voyage, et venir à sauvement de nos personnes
et fin de nos entreprinses, et nous fist promettre et
jurer par Jupiter Pierre que nosire retour seroitpar
son territoire. Enfin nous dist : « Amis, vous not-
terez que par le monde y a beaucoup plus de couil-
lons que d'hommes, et de ce vous souvienne. »
38 LIVRE V, CHAPITRE IX
CHAPITRE IX
Comment nous descendisnies en l'Isle des Ferremens.
ous estans bien àpoinct sabourez l'es-
tomach, eusmes vent en pouppe, et
fust levé nostre grand artemon, dont
advint qu'en moins de deux jours arri-
vasmes en l'Isle des Ferremens, déserte et de nul
habitée, et y veismes grand nombre d'arbres por-
tans marroches, piochons, serfouettes, faux, fau-
cilles, bêches, truelles, congnées, serpes, scies, do-
loueres, forces, scizeaux, tenailles, pelles, virolets
et vibrequins.
Autres portoient daguenets, poignards, sangde-
dez, ganivets, poinssons, espées, verduns, braque-
marts, cimeterres, estocs, raillons et cousteaux.
Quiconque en vouloit avoir ne falloit que crous-
1er l'arbre, soudain tomboient comme prunes; d'a-
vantage, tombans en terre rencontroient une espèce
d'herbe, laquelle on nommoit fourreau, et s'engai-
noient là dedans. A la cheute se falloit bien garder
qu'ils ne tombassent sur la teste, sur les pieds, ou
autres parties du corps, car ils tomboient de
poincte : c'estoit pour droit engainer, et eussent
affollé la personne.
Dessoubz ne sçay quels autres arbres, je vis cer-
taines espèces d'herbes, lesquelles croissoient comme
PANTAGRUEL 89
piques, lances, javelines, halebardes, vouges, per-
tuizanes, rançons, fourches, espieux, croissantes
haut. Ainsi qu'elles touchoient à l'arbre , rencon-
troient leurs fers et allumelles, chascune competante
à sa sorte. Les arbres supérieures ja les avoient ap-
prestées à leur venue et croissance, comme vous
apprestez les robes des petis enfans quand les vou-.
lez desmailloter, afin que désormais n'abhorrez
l'opinion de Platon, Anaxagoras et Democritus.
Furent-ils petis philosophes? Ces arbres nous sem-
bloient animaux terrestres, non en ce différentes des
bestes qu'elles n'eussent cuir, graisse, chair, veines,
artères, liguamens, nerfs, cartilages, adenes, os,
mouelle, humeurs, matrices, cerveau et articulations
congneues, car elles en ont, comme bien déduit
Theophraste, mais en ce qu'elles ont la teste, c'est
le tronc en bas; les cheveux, ce sont les racines en
terre; et les pieds, ce sont les rameaux contremont,
comme si un homme fesoit le chesne fourcheu. Et
ainsi comme vous, Verollez, de loin à vos jambes
ischiatiques, à vos omoplates, sentez la venue des
pluyes, des vents, du serain, tout changement de
temps, aussi à leurs racines, caudices, gommes, me-
dulles, elles pressentent quelle sorte de baston des-
souz elles croist et leur préparent fers et allumelles
convenantes.
Vray est qu'en toutes choses. Dieu excepté, ad-
vient quelquefois erreur. Nature mesme n'en est
exempte quand elle produit choses monstrueuses et
^O LIVRE V, CHAPITRE IX
animaux difformes. Pareillement en ces arbres je
notay quelque faute, car une demye picque crois-
sante hors en l'air souz ces arbres ferrementiportes,
en touchant les rameaux, en lieu de fer, rencontra
un balay : bien, ce sera pour ramonner les chemi-
nées; une pertuizane rencontra des cizailles : tout
est bon, ce sera pour oster les chenilles des jardins;
une hampe de hallebarde rencontra le fer d'une
faux, et sembloit hermaphrodite : c'est tout un, ce
sera pour quelque faucheur. C'est belle chose croire
en Dieu !
Nous retournans à nos navires, je vis derrière je
ne sçay quel buysson je ne sçay quelles gens faisans
je ne sçay quoy et je ne sçay comment, aguisans
je ne sçay quels ferremens, qu'ils avoient je ne sçay
où et ne sçay en quelle manière.
CHAPITRE X
Comment Pantagriicl arriva en l'Isle de Cassade.
ELAissANS l'Isle des Ferremens, conti-
'nuasmes nostre chemin; le jour en-
suyvant entrasmes en l'Isle de Cas-
sade, vraye idée de Fontainebleau,
car la terre y est si maigre que les os (ce sont rocs)
luy persent la peau, areneuse, stérile, mal saine et
mal plaisante. Là nous monstra nostre pillot deux
petits rochers carrez à huit csgalles pointes en
PANTAGRUEL 4I
cube, lesquelles, à l'apparence de leur blancheur, me
sembloient esire d'albastre, ou bien couvers de
neige ; mais il les nous asseura estre d'osselets.
En iceux disoit estre à six estages le manoir noir
de vingt diables de hazard, tant redoutez en nos
pays, desquels les plus grands bessons et accouplez
il nommoit Séries^ les plus petits Ambezas, les autres
moyens Quine, Quaderne, Terne j Double Deux; les
autres escouUetez il nommoit Six et cinq, Six et
quatre. Six et trois. Six et deux. Six et as. Cinq et
quatre. Cinq et trois, et ainsi consécutivement. Lors
je notay que peu de joueurs sont par le monde qui
ne soient invocateurs de diables : car, jettans deux
dez sur table , quand en dévotion ils s'escryent
« Senes, mon amy », c'est le grand diable; « Am-
bezas, mon mignon », c'est le petit diable; « Qua-
tre et deux, mes enfans », et ainsi des autres; ils
invoquent les diables parleurs noms et surnoms. Et
non seulement les invoquent, mais d'iceux se disent
amis et familiers. Vray est que ces diables ne vien-
nent tousjours à souhait sus l'instant, mais en ce
sont -ils excusables : ils estoyent ailleurs, selon la
dacte et priorité des invoquans , partant ne faut
dire qu'ils n'ayent sens et oreilles. Ils en ont, je
vous dy, belles.
Puis nous dit qu'autour et à bord de ces rochers
carrez plus a esté faict de brix, de naufrages, de
pertes de vies et de biens, qu'autour de toutes les
Syrtes, Caribdes, Siraines, Scylle, Strophades et
6
42
LIVRE V, CHAPITRE X
goufres de toute la mer. Je le creus facilement, me
recordant que jadis entre les sages Egyptiens Nep-
tune estoit designé par le premier cube en lettres
hierogliphiques, comme Apollo par As, Diana par
Deux, Minerve par Sept, etc. Là aussi nous dist estre
un flasque de Sang greal, chose divine et à peu de
gens congnue.
Panurge fist tant par belles prières avec les sin-
dicqs du lieu qu'ils le nous monstrerent, mais ce fut
avec plus de cérémonie et solennité plus grande
trois fois qu'on ne monstre à Florence les Pandectes
de Justinian, ne la Veronnique à Rome. Je ne vis
onques tant de scendeaux, tant de flambeaux, de
torches, de glimpes et d'agiots. Finalement, ce qui
nous fut monstre estoit le visage d'un connin rosty.
Là ne veismes autres choses mémorable, fors Bonnes
Mine, femme de Mauvais Jeu, et les cocques des
deux œufs jadis ponnus et esclos par Leda, des-
quels naquirent Castor et Polux, frères d'Helaine
la belle. Les sindicqs nous en donnèrent une pièce
pour du pain.
Au départir achetasmesune botte de chapeaux et
bonnets de Cassade, à la vente desquels je ne doute
que peu ferons de profit. Je croy qu'à l'usage enco-
res moins en feront ceux qui de nous les achèteront.
PANTAGRUEL
CHAPITRE XI
Comment nous passasmes le Guichet, habite par
Grippe-minaud, Archiduc des Chats-fourrez.
E là passasmes Condemnation, qui est
une autre isle toute déserte; passas-
mes aussi le Guichet, auquel lieu Pan-
tagruel ne voulut descendre, et fîst
tresbien, car nous y fusmes faits prisonniers, et ar-
restez de faict, par le commandement de Grippe-
minaud, Archiduc des Chats-fourrez, parce que
quelqu'un de nostre bande voulut vendre à ,un ser-
rargent des chapeaux de Cassade.
Les Chats-fourrez sont bestes moult horribles et
espouventables; ils mangent les petits enfans , et
paissent sus des pierres de marbre. Advisez, Beu-
veurs, s'ils ne devroient bien estre camus. Ils ont le
poil de la peau non hors sortant , mais au dedans
caché, et portent pour leur symbole et devise, tous
et chascun d'eux, une gibbeciere ouverte, mais non
tous en une manière, car aucuns la portent attachée
au col, autres en escharpe, autres sus le cul, autres
sus la bedaine, autres sur le costé, et le tout par
raison et mistere. Ont aussi les griphes tant fortes,
longues et asserées, que rien ne leur eschappe de-
puis qu'une fois l'ont mis entre leurs serres. Et se
couvrent les testes aucunefois de bonnets à quatre
goutieresou braguettes, autres de bonnets à revers,
44 LIVRE V, CHAPITRE XI
autres de mortiers, autres de caparassons mortifiez.
Entrans en leur tapinaudiere,
Nous dist un Gueux de l'Hostiere^
auquel avons donné demy teston : « Gens de
bien, Dieu vous doint de leans bien tost en saul-
veté sortir. Considérez bien le minois de ces vail-
lans pilliers , arboutans de Justice grippe-minau-
diere, et notez que, si vivez encore six olympiades
et l'aage de deux chiens, vous verrez ces Chats-
fourrez seigneurs de toute l'Europe et possesseurs
pacifiques de tout le bien et domaine qui est en
icelle, si en leurs hoirs, par divine punition, soub-
dain ne deperissoit le bien et revenu par eux injus-
tement acquis; tenez-le d'un gueux de bien.
« Parmy eux règne la Sexte-Essence, moyennant
laquelle ils grippent tout, dévorent tout et con-
chient tout; ils pendent, ils bruslent, escartelent,
décapitent, meurdrissent, emprisonnent, ruinent et
minent tout sans discrétion de bien et de mal. Car
parmy eux vice est vertu appelle, meschanceté est
bonté surnommée, trahison a nom de feauté, larre-
cin est dict libéralité ; pillerie est leur devise, et par
eux faicte est trouvée bonne de tous humains, ex-
ceptez moy les hérétiques; et le tout font avec
souveraine et irréfragable authorité. Pour signe de
mon pronostic, adviserez que leans sont les man-
geoires au dessus des rasteliers. De ce quelque jour
vous souvienne. Et si jamais pestes au monde, fa-
PANTAGRUEL 43
mine ou guerre, vorages, cateclismes, conflagra-
tions, malheur, adviennent^ ne les attribuez, ne les
referez aux conjunctions des planettes maléfiques,
aux abus de la cour romaine ou tyrannie des roys
et princes terriens, à l'imposture des caphars, héré-
tiques, faux prophètes, à la malignité des usuriers,
faux monnoyeurs, rongneurs de testons, n'a l'igno-
rance, impudence, imprudence des médecins, cirur-
giens, apoticaires, n'a la perversité des femmes
adultères, venefiques, infanticides ; attribuez-le tout
à leur ruine indicible, incroiable, inestimable mes-
chanceté , laquelle est continuellement forgée et
exercée en l'officine des Chats-fourrez, et n'est au
monde congnue non plus que la cabale des Juifs ;
pourtant n'est elle détestée , corrigée et punie ,
comme seroit de raison. Mais, si elle est quelque
jour mise en évidence et manifestée au peuple, il
n'est et ne fut orateur tant éloquent qui par son
art le retint, ne loy tant rigoureuse et drachonique
qui par crainte de peine le gardast, ne magistrat
tant puissant qui par force l'empeschast de les faire
tous vifs là dedans leur rabouliere felonnement
brusler.
« Leurs enfans propres Chats-fourillons et autres
parens les avoyent en horreur et abomination. C'est
pourquoy, ainsi que Hannibal eut de son père
Amilcar, souz solennelle et religieuse adjuration,
commandement de persécuter les Romains tant
qu'il vivroit, ainsi ay-je de feu mon père injonction
4b LIVRE V, CHAPITRE XI
icy hors demeurer, attendant que là dedans tombe
la fouldre du ciel et en cendre les réduise comme
autres Titanes, prophanes et theomaches, puisque
les humains tant et tant sont des cueurs endurciz
que le mal parmy eux advenu, advenant et à venir,
ne recordent, ne sentent, ne prevoyent, ou le sen-
tens n'osent, ne veulent, ne peuvent les exterminer.
— Qu'est-ce cela? dist Panurge ; ha! non, non,
je n'y vois pas, par Dieu! Retournons, retournons,
dis-je, de par Dieu !
Ce noble gueux m'a plus fort estonné
Que si du ciel en automne eust tonné. »
Retournans, trouvasmes la porte fermée, et nous
fut dict que là facilement on y entroit comme en
Averne, à issir restoit la difficulté , et que ne sorti-
rions hors en manière que ce fust sans bulletin et
descharge de l'assistance , par ceste seule raison
qu'on ne s'en va pas des foyres comme du marché,
et qu'avions les pieds pouldreux. Le pis fut quand
passasmes le Guichet, car nous fusmes présentez
pour avoir nostre bulletin et descharge devant un
monstre le plus hideux que jamais fust descrist. On
le nommoit Grippe-minaud. Je ne vous le sçaurois
mieux comparer qu'à Chimère, ou à Sphinx et Cer-
berus, ou bien au simulachre d'Osiris, ainsi que le
figuroyent les Egyptiens, par trois lestes ensemble
joinctes, sçavoir est : d'un lyon rugient, d'un chien
flattant et d'un loup baislant, entortillées d'un dra-
PANTAGRUEL
47
gon soy mordant la queue, et de rayons scintillans à
l'entour. Les mains avoit plaines de sang, les gri-
phes comme de harpye, le museau à bec de corbin,
les dens d'un sanglier quadrannier, les yeux flam-
boyans comme une gueule d'enfer, tout couvert de
mortiers entrelassez de pillons; seulement apparois-
soyent les gryphes. Le siège d'iceluy, et de tous ses
coUateraulx Chats-garaniers, estoit d'un long ratte-
lier tout neuf, au dessus duquel, par forme de re-
vers instablées, estoient mangeoires fort amples et
belles, selon l'advertissement du Gueux.
A l'endroit du siège principal estoit l'image d'une
vieille femme tenant en main dextre un fourreau de
faucille, en senestre une ballance, et portant bezi-
cles au nez. Les coupes de la ballance estoient de
deux gibbescieres veloutées, l'une pleine de billon
et pendente , l'autre vuide et longue , eslevée au
dessus du tresbuchet. Et suis d'opinion que c'estoit
le pourtraict de Justice grippe-minaudiere , bien
abhorrente de l'institution des antiques Thebains,
qui erigeoyent les statues de leurs dicastes et juges,
après leur mort, en or et argent, en marbre, selon
leur mérite, toutes sans mains.
Quand fusmes devant luy présentez, ne sçay
quelle sorte de gens, tous vestus de gibbescieres et
de sacs, à grands lambeaux d'escritures, nous firent
sus une selette asseoir. Panurge disoit : « Gallefre-
tiers, mes amis, je ne suis que trop bien ainsi de-
bout, aussi bien elle est trop basse pour homme qui
48 LIVRE V, CHAPITRE XI
a chausses neufves et court pourpoint. — Assoyez-
vous-là, respondirent-ils, et que plus on ne vous le
die. La terre présentement s'ouvrira pour tous vifs
vous engloutir si faillez à bien respondre. »
CHAPITRE XII
Comment par Grippe-minaud nous fut proposé un
énigme.
i^ UAND fusmes assis, Grippe-minaud, au
millieu de ses Chats-fourrez, nous dist
en parolle furieuse et enrouée : « Or
çà, or çà, or çà. — A boire, à boire
çà, » disoit Panurge entre sesdens.
« Une bien jeune et toute blondelette
Conceut un fils Etyopien sans père;
Puis l'enfanta sans douleur la tendrette,
Quoy qu'il sortist comme faict la vipère,
L'ayant rongé en moût grand vitupère
Tout l'un des flancs, pour son impatience ;
Depuis passa mons et vaux en fiance,
Par l'air volant, en terre cheminant,
Tant qu'estonna l'amy de sapience,
Qui l'estimoit estre humain animant.
« Or çà , respons moy, dist Grippe-minaud, à
cest énigme , et nous resoulz présentement que
c'est, or çà. — Or de par Dieu, respondis-je, si
j'avois Sphinx en ma maison, or de par Dieu,
PANTAGRUEL
49
comme l'avoit Verres, un de vos précurseurs, or de
par Dieu, resouldre pourrois l'énigme, or de par
Dieu; mais certes je n'y estois mie, et suis, or de
par Dieu, innocent du faict. — Or çà, dit Grippe-
minaud, par Styx, puis qu'autre chose ne veux dire,
or çà, je te monstreray, or çà, que meilleur te se-
roit estre tombé entre les pattes de Lucifer, or çà,
et de tous les diables, or çà, qu'entre nos griphes,
or çà ; les vois-tu bien ? Or çà, malautru, nous allègues
tu innocence, or çà, comme chose digne d'eschap-
per nos tortures? Or çà, nos loix sont comme toille
d'araignes, or çà: les simples mouscherons et petits
papillons y sont prins, or çà ; les gros taons mal-
faisans les rompent, or çà, et passent à travers, or
çà. Semblablement, nous ne cherchons les gros lar-
rons et tyrans, or çà; ils sont de trop dure diges-
tion, or çà, et nousaffolleroient, or çà; vous autres
gentils innocens, or çà, y serez bien innocentez,
or çà; le grand Diable, or çà, vous y chantera
Messe , or çà . »
Frère Jean, impatient de ce qu'avoit déduit
Grippe-minaud : «Hau, Monsieur le Diable engip-
ponné, comment veux-tu qu'il responde d'un cas
lequel il ignore? Ne te contente-tu de vérité? —
Or çà, dist Grippe-minaud, encores n'estoit de
mon règne advenu, or çà , qu'icy personne sans
premier estre interrogué parlast, or çà. Qui nous a
deslié ce fol enragé icy? — Tu as menty, mastin,
dist frère Jean sans les lèvres mouvoir. — Or çà,
Rabelais. V. n
5o LIVRE V, CHAPITRE XII
quand seras en rang de respondre, or çà, tu auras
prou affaire, or çà, maraut. — Tu as menty, disoit
frère Jean en silence. — Pense-tu estre en la fo-
rest de l'Académie, or çà, avec les ocieux veneurs
et inquisiteurs de vérité, or çà? Nous avons bien
icy autre chose à faire, or çà; icy on respond, je
dis, or çà, or çà, catégoriquement, de ce que l'on
ignore, or çà; on confesse avoir faict, or çà, ce
qu'on ne fist onques, or çà; on proteste sçavoir
ce que jamais on n'apprint, or çà; on faict prendre
patience en enrageant, or çà; on plume l'oye sans
la faire crier, or çà. Tu parles sans procuration, or.
cà, je le voj bien, or çà, tes fortes fiebvres quar-
taines, or çà, qui te puissent espouser, or çà !
— Diables, s'escria frère Jean, Archidiables,
Protodiables, Pantodiables, tu donques veux marier
les moines, ho, hu, ho, hou! Je te prens pour hé-
rétique. »
PANTAGRUEL Ol
CHAPITRE XIII
Comment Panurge expose Venigme de Grippe-minaud.
RIPPE-MINAUD, faisant semblant n'en-
tendre ce propos, s'adresse à Panurge,
disant : « Or çà, or çà, or çà, et toy,
Guoguelu, n'y veux tu rien dire? —
Révérend père en diable, respondit Panurge, or de
par le diable là, je voy clerement que la peste est
icy pour nous, or de par le diable là, veu qu'inno-
cence n'y est point en seureté, et que le diable y
chante messe, or de par le diable là. Je vous prie
que pour tous je la paye, or de par le diable là, et
nous laisse aller. Je n'en puis plus, or çà, de parle
diable là. — Aller! dit Grippe-minaud; or çà, en-
cores n'advint depuis trois cens ans en çà, or çà,
que personne eschappast de céans sans y laisser du
poil, or çà, ou de la peau pour le plus souvent, or
çà. Car quoy? or çà, ce seroit à dire que par de-
vant nous icy serois injustement convenu, or çà, et
de par nous injustement traité, or çà; malheureux
es-tu bien, or çà; mais encoresplus le seras, or çà,
si ne responds à l'énigme proposé; or çà, que veut-
il dire, or çà?
— C'est, or de par le diable là, respondit Pa-
nurge, un cosson noir né d'une febve blanche, or
de par le diable là, par le trou qu'il avoit fait la
52 LIVRE V, CHAPITRE XIII
rongeant, or de par le diable là, lequel aucunefois
voile , aucunefois chemine en terre , or de par le
diable là, dont fut estimé de Pythagoras, premier
amateur de sapience, c'est en grec philosophe, or
de par le diable là, avoir d'ailleurs par metempsi-
chosie ame humaine receue, or de par le diable là.
Si vous autres estiez hommes, or de parle diable là,
après vostre maie mort, selon son opinion, vos
âmes entreroient en corps de cossons, or de par le
diable là, car en ceste vie vous rongez et mangez
tout; en l'autre :
Vous rongerez, comme vipères,
Les costez propres de vos mères,
or de par le diable là.
— Cor Dieu, dit frère Jean, de bien bon cueur
je souhaiterois que le trou de mon cul devienne
febve, et autour soit de ces cossons mangé. »
Panurge, ces motz achevez, jetta au milieu du
parquet une grosse bource de cuir plaine d'escus
au soleil. Au son de la bource commencèrent tous
les Chais-fourrez jouer des griphes, comme si fus-
sent violons démanchez , et tous s'escrierent à
haulte voix, disans : « Ce sont les espices; le pro-
cès fut bien bon, bien friant et bien espicé. Ils sont
gens de bien. — C'est or, dit Panurge, je dis escus
au soleil. — La Cour, dist Grippe-minaud, l'en-
tend, or bien, or bien, or bien. Allez, enfans, or
bien, et passez outre, or bien; nous ne sommes
PANTAGRUEL 53
tant diables, or bien, que sommes noirs, or bien,
or bien, or bien. «
Issans du guischet, fusmes conduits jusques au
port par certains griphons de montagnes. Avant
entrer en nos navires fusmes par iceux advertis que
n'eussions à chemin prendre sans premier avoir faict
presens seigneuriaux, tant à la Dame Grippe-mi-
naude qu'à toutes les Chattes-fourrées, autrement
avoient commission nous remener au guischet.
« Bren ! respondit frère Jean ; nous icy à l'escart
visiterons le fond de nos deniers, et donnerons à
tous contentement. — Mais, dirent les griphons,
n'oubliez le vin des pauvres diables. — Des pau-
vres diables, respondit frère Jean, jamais n'est en
oubly le vin, mais est mémorial en tout pais et tou-
tes saisons. »
CHAPITRE XIV
Comment les Chats-fourrez vivent de corruption.
ES paroles n'estoient achevées quand
frère Jean apperceut soixante et huict
galleres et frégates arrivantes au port.
Là soudain courut demander nouvelles ,
ensemble de quelle marchandise estoient les vais-
seaux chargez. Vit que tous chargez estoient de
venaison, levraux , chappons, palombes, cochons,
chevreaux, vaneaux, poullets, canards, albrans.
D4 LIVRE V, CHAPITRE XIV
oisons et autres sortes de gibier. Parmy aussi ap-
perceut quelques pièces de velours, satin et damas.
Adoncques interrogua les voyagiers où et à qui ils
portoient ces frians morceaux. Ils respondirent que
c'estoit à Grippe-minaud, aux Chats-fourrez et
Chattes-fourrées.
« Comment, dit frère Jean, appellez-vous ces
drogues-là? — Corruption, respondoient les voia-
gers. — Ils, doncques, dist frère Jean, de corrup-
tion vivent, en génération périront. Par la vertu
Dieu, c'est cela; leurs pères mangèrent les bons
gentilshommes qui par raison de leur estât s'exer-
çoient à la vollerie et à la chasse pour plus estre en
temps de guerre escorts et ja endurcis au travail.
Car venation est comme un simulachre de bataille,
et onques n'en mentit Xenophon , escrivant estre
de la vénerie comme du cheval deTroye, yssus tous
bons chefs de guerre. Je ne suis pas clerc, mais on
me l'a dit, je le croy. Les âmes d'iceux, selon l'opi-
nion de Grippe-minaud, après leur mort entrent
en sangliers, cerfs, chevreaux, hérons, perdrix et
autres tels animaux, lesquels avoient leur première
vie durante tousjours aimez et cherchez.
(( Ores ces Chats-fourrez, après avoir leurs chas-
teaux, terres, dommaines, possessions, rentes et
revenus destruit et dévoré, encores leurs cher-
chent-ils le sang et l'ame en l'autre vie. O le
gueux de bien qui nous en donna advertissement
à l'enseigne de la Mangeoire instablée au dessus du
PANTAGRUEL 55
Râtelier ! — Voire mais, dit Panurge aux voya-
gers, on a faict crier de par le grand Roy que per-
sonne n'eust, sur peine de la hart, prendre cerfs
ne biches, sangliers ne chevreaux. — Il est vray,
respondit un pour tous, mais le grand Roy est tant
bon et tant bénin, ces Chats-fourrez sont tant
enragez et affamez de sang chrestien, que moins
de peur avons nous offenceans le grand Roy que
d'espoir n'entretenans ces Chats-fourrez par telles
corruptions; mesmement que demain le Grippe-
minaud marie une sienne Chatte-fourrée avec un
gros Mitouard, Chat bien fourré. Au temps passé
on les appelloit machefoins; mais, las ! ils n'en
maschent plus. Nous de présent les nommons
mache-levraux, mache-perdrix, mache-beccasses,
mache-faisans, mache-poullets, mache-chevreaux,
mache-connils, mache-cochons; d'autres viandes
ne sont alimentez.
— Bren, bren ! dist frère Jean, l'année pro-
chaine on les nommera mache-estrons, mache-
foires, mache-merdes; me voulez-vous croire? —
Ouy dei, respondit la brigade. — Faisons, dit-il,
deux choses : premièrement, saisissons-nous de tout
ce gibbier que voyez cy; aussi-bien suis-je fasché
de saleures, elles m'eschauffent les hypocondres :
j'enten le bien payant; secondement, retournons
au guischet, et mettons à sac tous ces diables de
Chats-fourrez. — Sans faute, dist Panurge, je n'y
vais pas; je suis un peu couart de ma nature. »
56 LIVRE V, CHAPITRE XV
CHAPITRE XV
Comment frère Jean des Ento meures délibère mettre
à sac les Chats-foiirrez.
ERTUS de froc, dist frère Jean, quel
.voyage icy faisons-nous? C'est un
voyage de foirards, nous ne faisons
'que vessir, que peder , que fîanter ,
que ravasser, que rien faire. Cor dieu ! ce n'est pas
mon naturel; si tousjours quelque acte héroïque ne
fais, la nuictje ne peux dormir. Donques vous m'avez
en compagnon prins pour en cestuy voyage messe
chanter et confesser? Pasques de soles! le premier
qui y viendra, il aura en pénitence soy comme las-
che et meschant jecter au fond de la mer, en déduc-
tion des peines de purgatoire, je dis la teste la pre-
mière. Qui a mis Hercules en bruit et renommée
sempiternelle? N'esse que il, peregrinant par le
monde, mettoit les peuples hors de tyrannie, hors
d'erreur, de dangers et engaries ? Il mettoit à mort
tous les brigans, tous les monstres, tous les serpens
venimeux et bestes malfaisantes. Pourquoy ne suy-
vons-nous son exemple, et comme il faisoit ne
faisons-nous en toutes les contrées que passons? Il
delîist les Stymphalides, l'Hydre de Lerne, Cacus,
Antheus, les Centaures. Je ne suis pas clerc, les
ders le disent.
« A son imitation deffaisons et mettons à sac ces
PANTAGRUEL Sj
Chats-fourrez, ce sont tiercelets de diables, et
délivrons ce pais de tyrannie. Je renie Mahon, si
j'estois aussi fort et puissant qu'il estoit, je ne vous
demanderois n'ayde ne conseil; çà, irons-nous? Je
vous asseure que facilement nous les occirons, et ils
l'endureront patiemment, je n'en doute, veu que
de nous ont patiemment enduré des injures plus
que dix truyes ne boyroient de lavailles. Allons !
— Des injures, dis-je, et deshonneur ils ne se
soucient, pourveu qu'ils ayent escus en gibbeciere,
voire fussent-ils tous breneux, et les defferions
peult-estre, comme Hercules; mais il nous défaut
le commandement d'Euristheus, et rien plus pour
ceste heure, fors que je souhaitte parmy eux Jupiter
soy pourmener deux petites heures en telle forme
que jadis visita Semelé sa mye, mère première du
bon Baccus.
— Dieu, dist Panurge, nous a faict belle grâce
d'eschapper de leurs griphes; je n'y retourne pas,
quant est de moy; je me sens encore esmeu et
altéré de l'ahan que j'y paty. Et y fus grandement
fasché pour trois causes : la première, pource que
j'y estois fasché; la seconde, pource que j'y estois
fasché; la tierce, pource que j'y estois fasché.
Escoute icy de ton aureille dextre, frère Jean, mon
couillon gauche : toutes et quantes fois que vou-
dras aller à tous les diables, devant le tribunal de
Minos, iEacus, Rhadamanthus et Dis, je suis prest
te faire compaignie indissoluble, avec toy passer
58 LIVRE V, CHAPITRE XV
Acheron, Styx, Cocyte, boire plain godet du fleuve
Lethé, payer pour nous deux à Charon le naute de
sa barque; pour retourner au guischet, si de fortune
veux retourner, saisis toy d'autre compaignie que
de la mienne, je n'y retourneray pas; ce mot te soit
une muraille d'arain. Si par force et violence ne
suis mené, je n'en approcheray, tant que ceste vie
je vivray, en plus que Calpe d'Abila. Ulisses re-
tourna-il quérir son espée en la caverne du Cyclope ?
Ma dia non; au guischet je n'ay rien oublié, je n'y
retourneray pas.
— O ! dist frère Jean, bon cueur et franc com-
pagnon de mains paralitiques ! Mais parlons un
peu par escot, docteur subtil : pourquoy est-ce,
et qui vous meut leur jetter la bourse plaine
d'escus? En avons-nous trop? N'eust-ce assez esté
leur jecter quelques testons rongnez ? — Parce,
respondit Panurge, qu'à tous périodes de propos
Grippe-minaud ouvroit sa gibbeciere de velours,
exclamant : « Or çà, or çà, or çà ! y> De là je
prins conjecture comme pourrions francs et délivres
eschapper, leur jectant : a Or là, or là de par Dieu,
« or là de par tous les diables là ! » Cargibbesciere
de velours n'est reliquaire de testons ne menue
monnoye, c'est un receptable d'escus au soleil; en-
tends-tu, frère Jean, mon petit couillaud ? Quant
tu auras autant rousty comme j'ay, et esté, comme
j'ay esté, rousty, tu parleras autre latin. Mais par
leur injonction il nous convient outre passer. «
PANTAGRUEL
Les gallefretiers tousjours au port attendoient
en expectation de quelque somme de deniers. Et,
voyans que voulions faire voile, s'adressent à frère
Jean, l'advertissant qu'outre n'eust à passer sans
paier le vin des appariteurs, selon la taxation des
espices faictes. « Et Sainct Hurluburlu ! dist frère
Jean, estes-vous encores icy, griphons de tous les
diables? Ne suis-je icy assez fasché sans m'impor-
tuner davantage? Le cordieu, vous aurez vostre vin
à ceste heure, je vous le promets seurement. i>
Lors , desgainant son bracquemard , sortit hors la
navire, en délibération de felonnement les occire;
mais ils gagnèrent le grand gallot , et plus ne les
aperceusmes.
Non pourtant feusmes nous hors de fascherie_,
car aucuns de nos mariniers, par congé de Panta-
gruel, le temps pendant qu'estions devant Grippe-
minaud, s'estoient retirez en une hostellerie prés le
havre pour banqueter et soy quelque peu de temps
refraichir. Je ne sçay s'ils avoient bien ou non payé
Tescot; si est-ce qu'une vieille hostesse, voyant
frère Jean en terre, luy faisoit grande complainte,
présent un serrargent gendre d'un des Chats-four-
rez et deux recors de tesmoings.
Frère Jean, impatient de leurs discours eî alléga-
tions, demanda : « Gallefretiers, mes amis, voulez-
vous dire en somme que nos matelots ne sont gens
de bien? Je maintien le contraire, par justice je le
vous prouveray ; c'est ce maistre bracquemard icy, »
6o LIVRE V, CHAPITRE XV
Ce disant, s'escrimoit de son biacquemard. Les
païsans se meirent en fuite au trot : restoit seule-
ment la vieille, laquelle protestoit à frère Jean que
ces matelots estoient gens de bien ; de ce se com-
plaignoit qu'ils n'avoient rien payé du lict auquel
après disner ils avoient reposé, et pour le lict de-
mandoit cinq sols tournois. « Vrayement, respondit
frère Jean, c'est bon marché ; ils sont ingrats, et
n'en auront tousjours à tel prix; je le payeray vo-
lontiers, mais je le voudrois bien voir. »
La vieille le mena au logis et luy montra le lict,
et, l'ayant loué en toutes ses qualitez, dist qu'elle
ne faisoit de l'encherie si en demandoit cinq sols.
Frère Jean luy bailla cinq sols, puis avec son brac-
quemard fendit la coytte et coissin en deux, et par
les fenestres mettoit la plume au vent, quant la
vieille descendit criant à l'aide et au meurtre, en
s'amusant à recuillir sa plume. Frère Jean, de ce ne
se souciant, emporta la couverture, le mathelats et
les deux linceux en nostre nef, sans estre veu de
personne, car l'air estoit obscurcy de plume comme
de neige, et les donna es matelots. Puis dist à
Pantagruel là les licts estre à beaucoup meilleur
marché qu'en Chinonnois, quoy qu'y eussions les
célèbres oyes de Pautilé, car pour le lict la vieille
ne luy avoit demandé que cinq douzains, lequel
en Chinonnois ne vaudroit moins de douze francs.
Si tost que frère Jean et les autres de la compa-
gnie furent dans la navire, Pantagruel fist voile.
PANTAGRUEL 6l
Mais il s'esleva un siroch si véhément qu'ils perdi-
rent routte, et, quasi reprenant les erres du pays
des Chats-fourrez, ils entrèrent en un grand gouffre,
duquel la mer estant fort haute et terrible , un
mousse qui estoit au haut du trinquet cria qu'il
voyoit encore les fascheuses demeures de Grippe-
minaud , dont Panurge, forcené de peur, s'es-
crioit : « Patron , mon ami , maugré les vents et
les vagues, tourne bride. O mon ami, ne retournons
point en ce meschant pays, où j'ay laissé ma
bourse ! »
Ainsi le vent les porta prés d'une isle à laquelle
toutefois ils n'osèrent aborder de prime face,
et entrèrent à bien un mille de là, prés de grands
rochers.
CHAPITRE XVI
Comment Pantagruel arriva en l'isle des Apedeftes à
longs doigts et mains crochues, et des terribles
aventures et monstres quil y veit.
I tost que les ancres furent jectées et
le vaisseau asseuré, l'on descendit l'es-
^quif. Après que le bon Pantagruel eut
ait les prières et remercié le Seigneur
de l'avoir sauvé de si grand danger, il entra et
toute sa compagnie dans l'esquif pour prendre terre,
ce qui leur fut fort aisé, car, la mer estant calme
02 LIVRE V, CHAPITRE XVI
et les ventz baissez, en peu de temps ils furent aux
rochiers.
Comme ils eurent prins terre, Epistemon, qui
admiroitl'assiete du lieu et l'estrangeié des rochiers,
advisa quelques habitans dudict pajs. Le premier à
qui il s'adressa estoit vestu d'une robbe gocourte,
de couleur de Roy, avoit le pourpoinct de demy-
ostade à bas de manches de satin , et le haut estoit
de chamois, le bonnet à la coquarde, homme d'as-
sez bonne façon, et, comme depuis nous sceumes,
il avoit nom Gaingne-beaucoup. Epistemon luy
demanda comme s'appelloyent ces rochers et vallées
si estranges. Gaingne-beaucoup luy dist que le
pays des rochiers estoit une colonie tirée du pays
de Procuration, et l'appelloient les Cahiers, et
qu'au delà des rochiers, ayant passé un petit guay,
nous trouverions l'isle des Apedeftes. « Vertu
de Extravagantes ! dist frère Jean , et vous aul-
tres, gens de bien, de quoy vivez-vous icy ? Sçau-
rions nous boire en vostre voirre ? Car je ne
vous voy aucuns outils que parchemins, cornets et
plumes.
— Nous ne vivons, respondit Gaingne-beaucoup,
que de cela aussi, car il faut que tous ceux qui ont
affaire en l'isle passent par nos mains. — Pourquoy ?
dit Panurge. Estes-vous barbiers, qu'il faut qu'ils
soient testonnez? — Ouy, dit Gaingne-beaucoup,
quant aux testons de la bourse. — Par Dieu, dist
Panurge, vous n'aurez de moy denier ny maille;
PANTAGRUEL 63
mais je vous prie, beau Sire, menez-nous à ces Ape-
deftes, car nous venons du pays des Sçavans, où je
n'ay gueres gaingné. »
En devisant, ils arrivèrent en l'isle des Apedef-
tes, car l'eau fut tantost passée. Pantagruel fut en
grande admiration de la structure de la demeure et
habitation des gens du pays, car ils demeurent en
un grand pressouer, auquel on monte prés de cin-
quante degrez, et avant que d'entrer au maistre
pressouer, car leans y a des petits, grands, secrets,
moyens, et de toutes sortes, vous passez par un
grand peristile, où vous voyez en paysaige les
ruines presque de tout le monde, tant de potences
de grans larrons, tant de gibets, de questions, que
cela nous feit peur. Voyant Gaingne-beaucoup que
Pantagruel s'amusoit à cela : « Monsieur, dit-il,
allons plus avant, cecy n'est rien. — Comment,
dit frère Jean, ce n'est rien ? Par l'ame de ma bra-
guette eschauffée, Panurge et moy tremblons de
belle faim. J'aymerois mieux boire que veoir
ces ruines ici, — Venez », dist Gaingne-beau-
coup.
Lors nous mena à un petit pressouer qui estoit
caché sus le derrière, que l'on appelloit, en lan-
guaige de Vïsle, Pithies. Là ne demandez pas si
maistre Jean se traicta, et Panurge, car saulcissons
de Millan, coqs d'Inde, chappons, autardes, mal-
voisie et toutes bonnes viandes estoient prestes et
fort bien accoustrées. Un petit bouteillier, voyant
64 LIVRE V, CHAPITRE XVI
que frère Jean avoit donné une œillade amoureuse
sus une bouteille qui estoit prés d'un buffet, séparée
de la trouppe bouteillique , dist à Pantagruel :
« Monsieur, je voy que l'un de vos gens faict l'a-
mour à cette bouteille ; je vous supplie qu'il n'y
soit touché, car c'est pour Messieurs. — Comment !
dist Panurge, il y a donc des Messieurs céans?
L'on y vendange, à ce que je voy. » Alors Gaingne-
beaucoup nous feit monter par un petit degré ca-
ché en une chambre, par laquelle il nous monstra
les Messieurs qui estoyent dans le grand pressouer,
auquel il nous dit qu'il n'estoit licite à homme d'y
entrer sans congé, mais que nous les verrions
bien par ce petit goulet de fenestre sans qu'ils nous
vissent.
Quand nous y fusmes, nous advisasmes dans un
grand pressouer vingt ou vingt cinq gros pendars
à l'entourd'un grand bourreau tout habillé de verd,
qui s'entreregardoyent, ayans les mains longues
comme jambes de grue, et les ongles de deux pieds
pour le moins, car il leur est défendu de lesrongner
jamais, de sorte qu'ils leur deviennent croches
comme rançons ou rivereaux; et sur l'heure fut
amenée une grosse grappe de vignes qu'on ven-
dange en ce pays-là, du plant de V Extraordinaire,
qui souvent pend à eschalats. Si tost que la grappe
fut là, ils la meirent au pressouer, et n'y eut
grain dont pas un ne presseurast de l'huyle d'or,
tant que la pauvre grappe fut rapportée si seiche
PANTAGRUEL 65
et espluchée qu'il n'y avoit plus jus ne liqueur du
monde.
Or nous comptoit Gaingne-beaucoup qu'ils n'ont
pas souvent ces grosses-là, mais qu'ils en ont tousjours
d'autres sus lepressouer. « Mais, mon compère, dist
Panurge, en ont-ils de beaucoup de plants ? — Oui,
dit Gaingne-beaucoup ; voyez-vous bien ceste-là
petite que vous voyez qui s'en va remettre au pres-
souer? C'est celle du plant des Décimes; ils en ti-
rèrent desja l'aultre jour jusques au pressurage,
mais l'huile sentoit le coffre au prestre, et Messieurs
n'y trouvèrent pas grands appigrets. — Pourquoy
donc, dist Pantagruel, la remettent-ils aupressouer?
— Pour veoir, dit Gaingne-beaucoup, s'il y a
poinct quelque omission de jus ou recepte dedans
le marc. — Et, vertu Dieu, dit frère Jean, appellez-
vous ces gens-là ignorans? Comment diable! ils
tireroient de l'huile d'un mur. — Aussi font-ils, dist
Gaingne-beaucoup, car souvent ils mettent au pres-
souer des chasteaulx, des parcs, des forests, et de
tout en tirent l'or potable. — Vous voulez dire
portable, dit Epistemon. — Je dy potable, dist
Gaingne-beaucoup, car l'on en boit céans maintes
bouteilles que l'on ne bevroit pas. Il y en a de tant
de plants que l'on n'en sçait le nombre. Passez
jusques icy, et voyez dans ce courtil : en voila plus
de mille qui n'attendent que l'heure d'estre pressu-
rez; en voyla du plant gênerai, voyla du particulier,
des Fortifications, des Emprunts, des Dons, des
Rabelais. V. o
66 LIVRE V, CHAPITRE XVI
Casuels, des Domaines, des Menus Plaisirs, des
Postes, des Offrandes, de la Maison. — Et qui est
ceste grosse-là, à qui toutes ces petites sont à l'en-
viron? — C'est, dit Gaingne-beaucoup, de VEs-
pargne, qui est le meilleur plant de tout ce pays;
quand on en pressure de ce plant, six mois après il
n'y a pas un de ces Messieurs qui ne s'en sente, n
Quand ces Messieurs furent levez, Pantagruel
pria Gaingne-beaucoup qu'il nous menast en ce
grand pressouer, ce qu'il feit volontiers. Si tost que
fusmes entrez , Epistemon , qui entendoit toutes
langues, commença à monstrer à Pantagruel les
devises du pressouer, qui estoit grand et beau,
faict, à ce que nous dit Gaingne-beaucoup, du bois
de la Croix, car sur chacun ustencile estoyent es-
cripts les noms de chacune chose en langue du
pays.Lavizdu pressouer s'appelloit recepfc ; la met,
despense; la croue, estât; le tesson, deniers comptez
et non receus; les fusls, souffrance; les belliers, ra-
dietur;\es jumelles, recuperetiir ; les cuves, plus val-
leur; les ansées, rooles; les fouUouaires, acquits;
les hottes, validation; les portoueres, ordonnance
vallable; les seilles, le pouvoir; l'entonnouer, le
quittus.
« Par la Royne des Andouilles, dist Panurge,
toutes les hierogliphiques d'Egypte n'approchèrent
jamais de ce jargon; que diable, ces mots-là ren-
contrent de picques comme crottes de chèvre.
Mais pourquoy, mon compère, mon amy, appelle-
PANTAGRUEL 6y
on ces gens icy ignorans ? — Parce, dist Gaingne-
beaucoup, qu'ils ne sont et ne doivent nullement
estre clercs, et que céans par leur ordonnance tout
se doibt manier par ignorance, et n'y doibt avoir
raison, sinon que Messieurs l'ont dict, Messieurs le
veulent y Messieurs l'ont ordonné. — Par le vray Dieu,
dist Pantagruel, puisqu'ils gaingnent tant aux grap-
pes, le serment leur peut beaucoup valloir. — En
doubtez-vous? dist Gaingne-beaucoup, il n'est mois
qu'ils n'en ayent ; ce n'est pas comme en vos pays,
où le serment ne vous vaut rien qu'une fois l'année. »
De là, pour nous mener par mille petits pres-
souers, en sortant nous advisasmes un autre petit
bourreau, à l'entour duquel estoient quatre ou cinq
des Ignorants crasseux, choleres comme asnes à qui
l'on attache une fusée aux fesses, qui sur un petit
pressouer qu'ils avoient là repassoyent encores le
marc des grappes après les autres ; l'on les appel-
loit, en langage du pays, Courracteurs. « Ce sont
les plus rébarbatifs villains, à les veoir, dist frère
Jean, que j'aye point apperceu. » De ce grand
pressouer nous passasmes par infinis petits pressouers
tous plains de vendangeurs qui espluchent les grains
avecques des ferremens qu'ils appellent articles de
Compte, et fînablement arrivasmes en une basse
salle où nous veismes un grand dogue à deux tes-
tes de chien, ventre de loup, griffé comme un dia-
ble de Lamballe, qui estoit là nourry de laict
d'amendes, et estoit ainsi délicatement par l'ordon-
68 LIVRE V, CHAPITRE XVI
nance de Messieurs traicté, parce qu'il n'y avoit
celuy à qui il ne valust bien la rente d'une bonne
métairie ; ils l'appelloient, en langue d'Ignorance,
Dupple. Sa mère estoit auprès, qui estoit de pareil
poil et forme, hormis qu'elle avoit quatre testes,
deux masles et deux femelles, et elle avoit nom
Quadruple, laquelle estoit la plus furieuse beste de
leans et la plus dangereuse, après sa grand'mere,
que nous veismes enfermée en un cachot, qu'ils ap-
pelloyent Omission de recepte.
Frère Jean, qui avoit tousjours vingt aulnes de
boyaux vuides pour avaller une saulgrenée d'advo-
cats, se commençant à fascher, pria Pantagruel de
penser du disner, et de mener avecques luy Gain-
gne-beaucoup, de sorte qu'en sortant de leans par
la porte de derrière, nous rencontrasmes un vieil
homme enchaisné, demy ignorant, demy sçavant,
comme un androgyne de diable, qui estoit de lu-
nettes caparassonné comme une tortue d'escailles,
et ne vivoit que d'une viande qu'ils appellent en
leur patois Appellations.
Le voyant, Pantagruel demanda à Gaingne-beau-
coup de quelle race estoit ce Protenotaire, et com-
ment il s'appeloit. Gaingne-beaucoup nous compta
comme de toute ancienneté il estoit leans, à grand
regret, de Messieurs enchaisné, qui le faisoyent
presque mourir de faim, et s'appelloit Kevisit. « Par
les saincis couillons du Pape, dit frère Jean, je ne
m'esbahis pas si Messieurs les Ignorans font grand
PANTAGRUEL 69
cas de ce papelard là. Par Dieu, il m'est advis, amy
Panurge, si tu y regardes bien, qu'il a le minois de
Grippe-minaud ; ceux-cy, tous ignorans qu'ils sont,
en savent autant que les autres. Je le renvoyerois
bien d'oii il est venu à grans coups d'anguillade.
— Par mes lunettes orientales, dist Panurge,
frère Jean, mon amy, tu as raison, car, à veoir la
trogne de ce faux villain Kevisit, il est encores plus
ignorant et meschant que ces povres Ignorans icy,
qui grappent au moins mal qu'ils peuvent, sans
longs procez , et qui en trois petits mots vendan-
gent le clos sans tant d'interlocutoires ny decrotoi-
res, dont ces Chatz-fourrez en sont bien faschez. »
CHAPITRE XVII
Comment nous passasmes Outre^ et comment Panurge
y faillit d'estre tué.
us l'instant nous prinsmes la routte
d'Outre, et contasmes nos adventures
f à Pantagruel, qui en eut commiséra-
tion bien grande et en fist quelques
élégies par passe-temps. Là arrivez, nous refraischis-
mes un peu, et puisasmes eau fraische, prinsmes aussi
du bois pour nos munitions. Et nous sembloient les
gens du pays, à leur phisionomie, bons compagnons
et de bonne chère.
Us estoient tous oultrés, et tous pedoient de
qO LIVRE V, CHAPITRE XVII
graisse ; et apperceusmes , ce que n'avois encores
veus en païs autre, qu'ils deschiquetoient leur peau
pour y faire bouffer la graisse , ne plus ne moins
que les sallebrenaux de ma patrie descouppent le
hault de leurs chaussespoury faire bouffer le taffetas.
Et disoient ce ne faire pour gloire et ostentation,
mais autrement ne pouvoient en leur peau. Ce
faisant aussi plus soudain devenoient grands, comme
les jardiniers incisent la peau des jeunes arbres pour
plustost les faire croistre.
Prés le havre estoit un cabaret , beau et magni-
fique en extérieure apparence, auquel accourir
voyans nombre grand de peuple Outré , de tous
sexes, toutes aages et tous estats, pensions que là
fut quelque notable festin et banquet. Mais nous
fut dit qu'ils estoient invitez aux crevailles de Thoste,
et y alloient en diligence proches, parenz et alliez.
N'entendans ce gergon, et estimans qu'en icelluy
pays festin on nommast crevailles, comme deçà
nous appelions enfiansailles, espousailles, velenailles,
tondailles, mestivailles, fusmes advertis que l'hoste
en son temps avoit esté bon raillard, grand grigno-
teur, beau mangeur de souppes lionnoises, notable
compteur de horloge, éternellement disnant comme
l'hoste de Rouillac , et, ayant ja par dix ans pedé
graisse en abondance, estoit venu en ses crevailles,
et, selon l'usaige du pays, finoit ses jours en cre-
vant, plus ne pouvant le perytoine et peau par tant
d'années deschiquetée clorre et retenir ses trippes
PANTAGRUEL
7
qu'elles ne effondrassent par dehors, comme d'un
tonneau deffoncé.
a Et quoy, dist Panurge, bonnes gens, ne luy
sauriez vous bien à poinct, avecques bonnes grosses
sangles ou bons gros cercles de cormier, voire de
fer, si besoin est, le ventre relier? Ainsi lié ne
jetteroit si aisément ses fons hors, et si tost ne
creveroit. » Ceste parolle n'estcit achevée, quant
nous entendismes en l'air un son haut et strident,
comme si quelque gros chesne esclatoit en deux
pièces. Lors fut dit par les voisins que ses crevailles
estoient faictes, et que cestuy esclat estoit le ped
de la mort.
Là me souvint du vénérable abbé de Castilliers,
celuy qui ne daignoit biscoter ses chambrières nisi
in PontificaUbuSj lequel, importuné de ses parens et
amis de resigner sur ses vieux jours son abbaye, dist
et protesta que point ne se despouilleroit devant soy
coucher, et que le dernier ped que feroit sa pater-
nité seroit un ped d'abbé.
LIVRE V, CHAPITRE XVIII
CHAPITRE XVIII
Comment nostre natif fut encarrée, et feusmes aidez
d'aucuns voyagiers qui tenaient de la Quinte.
0
YANS serpé nos ancres et gumenes,
feismes voile au doux zephyre. En-
viron 2 22 miles se leva un furieux tur-
billon de vens divers, autour duquel
avec le trinquet etboulingues quelque peu tempo-
risasmes, pour seulement n'estre dicts mal obeïssans
au pilot, lequel nous asseuroit , veue la douceur
d'iceux vens , veu aussi leur plaisant combat ,
ensemble la sérénité de l'air et tranquilité du
courant, n'estre ny en espoir de grand bien ,
ny en crainte de grand mal , partant à propos
nous estre la sentence du philosophe qui com-
mandoit soustenir et abstenir, c'est à dire tem-
poriser.
Tant toutesfoys dura ce turbillon qu'à nostre re-
queste, importuné, le pilot essaya le rompre et sui-
vre nostre routte première. Defaict, levant le grand
artemon, et à droitte calamité du boussole dressant
le gouvernail, rompit, moyennant un rude cole sur-
venant, le turbillon susdict. Mais ce feut, en pareil
desconfort, comme si, evitans Charybde , feussions
tombez en Scylle. Car à deux miles du lieu feurent
nos naufs encarrées par-my les arènes, telles que
sont les ratz Sainct Mahieu.
PANTAGRUEL y3
Toute nostre chorme grandement se contristoit,
et force vent à travers lesmejanes; mais frère Jean
onques ne s'en donna melancholie, ains consoloit
maintenant l'un, maintenant l'autre, par douces pa-
rolles, leur remonstrant que de brief aurions secours
du Ciel , et qu'il avoit veu Castor sus le bout des
antennes. « Plust à Dieu , dist Panurge , estre à
ceste heure à terre, et rien plus, et que chascun de
vous autres, qui tant aimez la marine, eussiez deux
cens mille escus : je vous mettrois un veau en mue,
et refraischirois un cent de fagots pour vostre retour.
Allez, je consens jamais ne me marier: faictes seu-
lement que je sois mis en terre, et que j'aye cheval
pour m'en retourner, de valet je me passeray bien.
Je ne suis jamais si bien traité que quand je suis
sans valet. Plante jamais n'en menoit, disant le nom-
bre de nos croix, c'est à dire afflictions, ennuis,
fascheries, estre selon le nombre de nos valets, voire
fussent-ils sans langue, qui est la partie plus dange-
reuse et maie qui soit à un valet, et pour laquelle
seule furent inventées les tortures, questions et
géhennes sur les valets, ailleurs non; combien que
les cotteurs de droict, en ce temps, hors ce royaume,
le ayent tiré à conséquence alogique, c'est à dire
desraisonnable. »
En icelle heure vint vers nous droit aborder une
navire chargée de tabourins, en laquelle je recognu
quelques passagers de bonne maison, entre autres
Henry Cotiral, compaignon vieux, lequel à sa
74
LIVRE V, CHAPITRE XVIII
ceinture un grand viet-daze portoit, comme les
femmes portent patenostres , et en main senestre
tenoit un gros, gras, vieux et salle bonnet d'un
taigneux ; en sa dextre tenoit un gros trou de chou.
De prime face qu'il me recognut, s'escria de joye,
et me dist : « En aj-je? Voyez-ci, monstrant le
viet-daze, le vray Algamana : cestuy bonnet doc-
toral est nostre unique Elixio; et cecy, monstrant le
trou de chou, c'est Lunaria major. Nous la ferons
à vostre retour. — Mais, di-je, d'où venez ? où allez?
qu'apportez ? avez senty la marine ? » Il luy res-
pond : « De la Quinte ; en Touiaine ; alchymie ;
jusques au cul.
— Et quels gens, di-je, avez là avec vous sus le
tillac? — Chantres, respondit-il, musiciens, poëtes,
astrologues, rimasseurs, geomantiens, alchimistes,
horlogiers; tous tiennent de la Quinte, ils en ont
lettres d'avertissement belles et amples. » Il n'eut
achevé ce mot, quand Panurge, indigné et fasché,
dist : « Vous donques qui faictes tout, jusques au
beau temps et petis enfans, pourquoy icy ne prenez
le cap, et sans delay en plain courant nous révo-
quez ? — J'y allois, dist Henry Coliral ; à ceste
heure, à ce moment, présentement serez hors du
fond. »
Lors feit deffoncer 7532810 gros tabourins d'un
costé, cestuy costé dressa vers le gaillardet, et
estroitement lièrent en tous les endroits les gume-
nes, print nostre cap en pouppe et l'attacha aux
PANTAGRUEL
75
bitons. Puis en premier hourt nous serpa des arènes
avec facilité grande, et non sans esbattement, car
le son des tabourins, adjoint le doux murmur du
gravier et le celeusme de la chorme, nous rendoient
harmonie peu moindre que celle des astres rotans,
laquelle dit Platon avoir par quelques nuicts ouye
dormant.
Nous, abhorrans d'estre envers eux ingrats pour
ce bienfait reputez, leurs départions de nos an-
douilles, amplissions leurs tabourins de saucisses, et
tirions sur le tillac soixante et deux aires de vin,
quand deux grans physeteres impétueusement abor-
dèrent leur nauf, et leur jetterent dedans plus d'eau
que n'en contient la Vienne depuis Chinon jusques
à Saulmur, et en emplirent tous leurs tabourins, et
mouillèrent toutes leurs antennes, et leurs baignoient
les chausses par le collet.
Ce que voyant Panurge, entra en joye tant exces-
sifve, et tant exerça sa râtelle, qu'il en eut la colique
plus de deux heures. « Je leurvoulois, dit-il, donner
leur vin, mais ils ont eu leur eau bien à propos. D'eaue
douce ils n'ont cure, et ne s'en servent qu'à laveries
mains. De bourach leur servira ceste belle eau sallée,
de nitre et sel ammoniac, en la cuisine de Geber. »
Autre propos ne nous fut loisible avec eux tenir,
le tourbillon premier nous tollissant liberté de
timon. Et nous pria le pilot que laississions d'oren-
avant la mer nous guider, sans d'autre chose nous
empescher que de faire chère lie; et pour l'heure
yO LIVRE V, CHAPITRE XVIII
nous convenoit costoyer cestuy turbillon et obtem-
pérer au courant, si sans danger voulions au
royaume de la Qiiinte parvenir.
CHAPITRE XIX
Comment nous arrivasmes au Koyaurnc de la Quinte-
Essence, nommé Entclechie.
YANS prudemment coustoyé le turbillon
par l'espace d'un demy jour, au troi-
sième suivant nous sembla Tair plus
serain que de coustume, et en bon
sauvement descendismes au port de Mateotechnie,
peu distant du palais de la Quinte-Essence. Des-
cendans au port, trouvasmes en barbe grand nombre
d'archiers et gens de guerre, lesquels gardoient l'ar-
senac; de prime arrivée ils nous feisrent quasi peur,
car ils nous feisrent à tous laisser nos armes, et
roguement nous interroguerent, disant :
« Compères, de quels pais est la venue? — Cou-
sins, respondit Panurge, nous sommes Touren-
geaux. Ores venons de France, convoiteux de faire
révérence à la Dame Quinte Essence, et visiter ce
trescelebre royaume d'Entelechie. — Que dites-
vous ? interroguent-ils. Dites-vous Entelechie, ou
Endelechie ? — Beaux-cousins, respondit Panurge,
nous sommes gens simples et idiots; excusez la
rusticité de nostre langage, car au demourant les
PANTAGRUEL 77
cœurs sont francs et loyaux. — Sans cause, dirent-
ils, ne vous avons sus ce différent interrogez, car
grand nombre d'autres ont icy passé de vostre païs
de Touraine, lesquels nous sembloient bons lour-
daux, et parloient correct; mais d'autre païs sont
icy venus ne sçavons quels outrecuidez, fiers comme
Escossois, qui contre nous à l'entrée vouloient obs-
tinément contester; ils ont esté bien frottez, quoy
qu'ils monstrassent visaige rubarbatif.
« En vostre monde avez-vous si grande super-
fluité de temps que ne sçavez en quoy l'employer,
fors ainsi de nostre Dame Royne parler, disputer
et impudentement escrire? Il estoit bien besoin que
Ciceron abandonnast sa Republique pour s'en em-
pescher, et Diogenes Laërtius, et Theodorus Gaza,
et Argyropile, et Bessarion, et Politian, et Budé,
et Lascaris, et tous les diables de sages fols, le
nombre desquels n'estoit assez grand s'il n'eust
esté recentement accreu par Scaliger, Bigot,
Chambrier, François Fleury, et ne sçay quels
autres tels jeunes haires esmouchetez. Leur maie
angine, qui leur suffocast le gorgeron avec l'epi-
glotide ! Nous les... — Mais quoy diantre ! ils
flattent les diables, disoit Panurge entre les dents.
— Vous icy n'estes venus pour en leur folie les
soustenir, et de ce n'avez procuration : plus aussi
d'iceulx ne parlerons.
« Aristoteles, prime homme et paragon de toute
philosophie, feut parrain de nostre Dame Royne ;
^8 LIVRE V, CHAPITRE XIX
il tresbien et proprement la nomma Entelechie.
Entelechie est son vray nom; s'aille chier qui au-
trement la nomme ! Qui autrement la nomme erre,
par tout le Ciel ! Vous soyez les tresbien venus. »
Ils nous présentèrent l'accolade; nous en feusmes
tous resjouys.
Panurge me dist en l'aureille : « Compaignon,
as-tu rien eu peur en ceste dernière boutée ?
— Quelque peu, respondy-je. — J'en ay, dist-il,
plus eu que jamais n'eurent les soldats d'Ephraïm
quand par les Galaadites feurent occis et noyez
pour en lieu de Schibboleth dire Sibbolcth. Et n'y a
homme, pour tout faire, en Beauce, qui bien ne
m'eust avec une charrete de foin estouppé le trou
du cul. »
Depuis nous mena le capitaine au palais de la
Royne en silence et grandes cérémonies. Pantagruel
luy vouloit tenir quelque propos, mais, ne pouvant
monter si haut qu'il estoit, souhaitoit une eschelle
ou des eschasses bien grandes. Puis dist : « Baste!
si nostre Dame la Royne vouloit, nous serions
aussi grans comme vous. Ce sera quand il luy
plaira. »
Par les premières galleries rencontrasmes grand
tourbe de gens malades, lesquels estoient installez
diversement, selon la diversité des maladies, les
ladres à part, les empoisonnez en un lieu, les pes-
tiferez ailleurs, les verolez en premier rang; ainsi
de tous autres.
PANTAGRUEL
79
CHAPITRE XX
Comment la Quinte-Essence guarissoit les maladies
par chansons.
SS N la seconde gallerie nous feut par le
p capitaine monstre la Dame, jeune, et
si avoit dixhuict cens ans pour le
Tsrr-.v^ moins, belle, délicate, vestue gorgia-
sement, au milieu de ses damoiselles et gentils-
hommes. Le capitaine nous dist : « Heure n'est
de parler à elle, soyez seulement spectateurs atten-
tifs de ce qu'elle faict. Vous, en vostres royaumes,
avez quelques roys lesquels phantastiquement gua-
rissent d'aucunes maladies, comme scrophules, mal
sacré, fiebvres quartes, par seule apposition des
mains. Geste nostre Royne de toutes maladies
guarist sans y toucher, seulement leur sonnant une
chanson selon la competance du mal. » Puis nous
monstra les orgues desquelles sonnant faisoit ces
admirables guarisons. Icelles estoient de façon bien
estrange, car les tuyaux estoient de casse en canon,
le sommier de gaiac, les marchettes de rubarbe, le
suppied de turbith, le clavier de scammonie.
Lors que considérions ceste admirable et nouvelle
structure d'orgues, par ses abstracteurs, spodiza-
teurs, massiteres, pregustes, tabachins, chachanins,
neemanins, rabrebans, nercins, rozuins, nedibins,
nearins, sagamions, perazons, chesinins, sarins, so-
8o LIVRE V, CHAPITRE XX
trins, aboth, enilins, archasdarpenins, mebins, gi-
borins et autres siens officiers, furent les lépreux
introduits. Elle leur sonna une chanson, je ne sçay
quelle : soudain furent etparfaictement guaris. Puis
feurent introduits les empoisonnez; elle leur sonna
une autre chanson, et gens debout. Puis les aveu-
gles, les sourds, les muets, leurs appliquant de mesme.
Ce que nous espouvanta, non à tort, et tombasmes
en terre, nous prosternans comme gens ecstatiques
et ravis en contemplation excessive et admiration
des vertus qu'avions veu procéder de la Dame, et
ne fut en nostre pouvoir mot aucun dire. Ainsi
restions en terre , quand elle , touchant Panta-
gruel d'un bouquet de rose franche, lequel elle
tenoit en main, nous restitua le sens et le fist te-
nir en pieds. Puis nous dist en parolles byssines,
telles que vouloit Parysatis qu'on proferast par-
lant à Cyrus son fils, ou pour le moins de taffetas
armoisi :
« L'honesteté scintilante en la circonférence de
vos personnes jugement certain me fait de la vertu
latente au centre de vos esprits, et, voyant la sua-
vité melliflue de vos disertes Révérences, facilement
me persuade le cœur vostre ne patirvice aucun,
n'aucune stérilité de sçavoir libéral et hautain, ains
abonder en plusieurs peregrines et rares disciplines,
lesquelles à présent plus est facile par les usages
communs du vulgaire imperit désirer que rencontrer,
c'est la raison pourquoy je, dominante par le passé
PANTAGRUEL 8l
à toute affection privée, maintenant contenir
ne me peux vous dire mot trivial au monde,
c'est que soyez les biens, les plus, les tresque bien
venus.
— Je ne suis point clerc, me disoit secrètement
Panurge, respondez si voulez. » Je toutesfois ne
respondis, non fist Pantagruel, et demeurions en
silence. Adonques dist la Royne :
« En oestre vostre taciturnité congnoy-je que
non seulement este issus de l'eschole pythagorique,
de laquelle print racine en successive propagation
l'antiquité de mes progeniteurs, mais aussi que en
Egypte, célèbre officine de haute philosophie,
mainte lune rétrograde, vos ongles mords avez, et
la teste d'un doigt grattée. En l'eschole de Pytha-
goras, taciturnité de congnoissance estoit symbole,
et silence des Egyptiens recongnu estoit en louange
deïfique, et sacrifioient les pontifes en Hieropolis
au grand Dieu en silence, sans bruit faire ne mot
sonner. Le dessein mien est n'entrer vers vous en
privation de gratitude, ains par vive formalité, en-
cores que matière se voulust de moy abstraire, vous
excentriquer mes pensées. »
Ces propos achevez, dressa sa parolle vers ses
officiers, et seulement leur dist : « Tabachins, à
Panacée. » Sus ce mot les tabachins nous dirent
qu'eussions la dame Royne pour excusée si avec
elle ne disnions, car à son disner rien ne mangeoit,
fors quelcjues cathegories,, jecabots, eminins, di-
Rabelais. V. i j
82 LIVRE V, CHAPITRE XX
mlons, abstractions, harborins, chelimins, secondes
intentions, caradoth, antithèses, metempsichosies,
transcendentes prolepsies.
Puis nous menèrent en un petit cabinet tout
contrepointé d'allarmes; là feusmes traictez Dieu
sçait comment. On dict que Jupiter en la peau
diphtere de la chèvre C|ui l'allaicta en Candie, de
laquelle il usa comme de pavois combatans les Tita-
nes, pourtant est-il surnommé Egiuchus, escrit tout
ce que l'on fait au monde. Par ma soif, beuveurs
mes amis, en dixhuict peaux de chèvres on ne sau-
roit, les bonnes viandes qu'on nous servit, les entre-
mets et la bonne chère qu'on nous fîst, descrire,
voire fust ce en lettres aussi petites que dit Cice-
ron avoir veu VIliade d'Homère, tellement qu'on
la couvroit d'une coquille de noix. De ma part,
encores que j'eusse cent langues, cent bouches et
la voix de fer, avec la copie melliflue de Platon, je
ne saurois en quatre Uvres vous en exposer la tierce
d'une seconde. Et me disoit Pantagruel que, selon
son imagination, la Dame à ses Tabachins disant :
« à Panacée » , leur donnoit le mot symbolique
entre eux de chère souveraine, comme « en Apollo »
disoit Luculle, quand festoyer vouloit ses amis sin-
gulièrement, encores qu'on le print à l'impro-
viste, ainsi que quelques fois faisoient Ciceron et
Hortensius.
PANTAGRUEL
83
CHAPITRE XXI
Comment la Koyne passait temps après disner.
E disner parachevé, fusmes par un
chachanin menez en la salle de la
Dame, et veismes comment, selon sa
coustume, après le past, elle, accom-
paignée de ses damoiselles et princes de sa cour,
sassoit, tamisoit, belutoit et passoit le tempS
avec un beau et grand sas de soye blanche et
bleue.
Puis apperceus que , revoquans l'antiquité en
usaige, ils jouèrent ensemble aux
Cordace,
Emmelie,
Sicinnie,
Nicatisme,
Thracie,
Calabrisme,
Molossicque,
Cernophore,
lambicques,
Persicque,
Phrygie,
Mongas,
Thermanstrie,
Florule,
Pyrricque, et mille au-
tres danses.
Depuis, par son commandement, visitasmes le
palais, et vismes choses tant nouvelles, admirables
et estranges, qu'y pensant suis encores tout ravy
en mon esprit. Rien toutesfois plus par admiration
ne subveriit nos sens que l'exercice des gentils-
84 LIVRE V, CHAPITRE XXI
hommes de sa maison, abstracteurs, perazons, ne-
dibins, spodizateurs et autres, lesquels nous dirent
franchement, sans dissimulation, que la dame Royne
faisoit tout impossible, et guarissoit les incurables
seulement; eux, ses officiers, faisoientet guarissoient
le reste.
Là je vy un jeune parazon guarir les verolez, je
dy de la bien fine, comme vous diriez de Rouen,
seulement leur touchant le vertèbre dentiforme d'un
morceau de sabot par trois fois.
Un autre je vy hydropique parfaictement guarir,
tympanistes, ascites et hyposargues, leur frappant
par neuf fois sur le ventre d'une bezaguë Tenedie,
sans solution de continuité.
Un guarissoit de toutes fiebvres quartes sur
l'heure, seulement leurs pendant à la cinture sus le
costé gauche une queue de renard [alopex est nommé
des Grecs).
Un du mal des dents, seulement lavant par trois
fois la racine de la dent affligée avec vinaigre su-
zat, et au soleil par demye heure la laissant dessei-
cher.
Un autre toute espèce de goutte, fust chaude,
fust froide, fust naturelle, fust accidentalle, seule-
ment faisant es goutteux clorre la bouche et ouvrir
les yeux.
Un autre je vy lequel en peu d'heures guarist
neuf bons gentils-hommes antiques du mal Sainct
François, les ostant de toutes debtes^ et à chacun
PANTAGRUEL 85
d'eux mettant une corde au col, à laquelle pendoit
une bourse pleine de dix mille escus au soleil.
Un autre par engin mirifique jettoit les maisons
par les fenestres; ainsi restoient emundées d'air pes-
tilent.
Un autre guarissoit toutes les trois manières d'he-
tiques, atrophes, tabides, emaciez, sans bains, sans
laict tabian, sans dropace, pication n'autre médi-
cament, seulement les rendant moynes par trois
mois. Et nous affermoit que, si en estât monachal
ils n'engraissoient, ne par art ne par nature jamais
n'engraisseroient.
Un autre vy accompagné de femmes en grand
nombre par deux bandes : l'une estoit de jeunes
fillettes saffrettes, tendrettes, blondelettes, gra-
tieuses et de bonne volonté, ce me sembloit; l'au-
tre de vieilles edentées, chassieuses, riddées, baza-
nées, cadavéreuses. Là fut dit à Pantagruel qu'il
refondoit les vieilles, les faisant ainsi rejeunir, et
telles, par son art, devenir qu'estoient les fillettes
là présentes, lesquelles il avoit cestuyjourreffondues
et entièrement remises en pareille beauté, forme,
élégance, grandeur et composition des membres
comme estoient en l'aage de quinze et seize ans,
excepté seulement les talons, lesquels leurs restent
trop plus courts que n'avoyent en leur première
jeunesse. Cela estoit la cause pourquoy elles dorén-
avant à toutes rencontres d'hommes seront moult
subjettes et faciles à tomber à la renverse.
86 LIVREV, CHAPITREXXI
La bande des vieilles attendoit l'autre fournée en
grande dévotion, et l'importunoient en toute
instance, alleguans que chose est en nature into-
lérable
quand beauté fault
A cul de bonne volonté.
Et avoit en son art pratique continuelle et gain
plus que médiocre. Pantagruel interroguoit si par
fonte pareillement faisoit les hommes vieux rejeunir?
Respondu luy fut que non, mais la manière d'ainsi
rejeunir estre par habitation avec femme refondue,
car là on prenoit ceste quinte espèce de vérole
nommée la Pellade, en grec Ophiasis, moyennant
laquelle on change de poil et de peau, comme font
annuellement les serpcns, et en eux est jeunesse
renouvellée, comme au phénix d'Arabie. C'est la
vraye fontaine de Jouvence. Là, soudain, qui vieux
estoit et décrépit devient jeune, alaigre et dispos,
comme dit Euripides estre advenu à lolaûs; comme
advint au beau Phaon, tant aimé de Sappho, par
le bénéfice de Venus; à Tithone, par le moyen
d'Aurore; à Eson , par l'art de Medée, et à Jason
pareillement, qui, selon le tesmoignage de Phere-
cides et de Simonides, fut par icelle reteint et
rejeuny; et comme dict Eschylus estre advenu es
nourrices du bon Bacchus, et à leurs maris aussi.
PANTAGRUEL 87
CHAPITRE XXII
Comment les officiers de la Quinte diversement
s'exercent^ et comment la Dame nous retint en
estât d'abstracteurs.
^ZÎlnS E ^y api'és grand nombre de ses offi-
^^^ ciers susdits, lesquels blanchissoient
]i0^ les Ethiopiens en peu d'heures, du
S^ fond d'un panier leur frottant seu-
lement le ventre;
Autres à trois couples de regnards souz un joug
aroient le rivage areneux, et ne perdoient leur se-
• mence;
Autres lavoient les tuilles, et leur faisoier.t perdre
couleur;
Autres tiroient eau des pumices, que vous appel-
iez pierre ponce, la pillant long temps en un mor-
tier de marbre, et luy changeoient substance;
Autres tondoient. les asnes, et y trouvoient toison
de laine bien bonne;
Autres cueilloient des espines raisins, et figues
des chardons;
Autres,tiroient laict des boucs, et dedans un crible
le recevoient, à grand profit de mesnage;
Autres lavoient les testes des asnes, et n'y per-
doient la laixive ;
88 LIVRE V, CHAPITRE XXII
Autres chassoient aux vents avec des rets, et y
prenoient escrevisses decumanes.
J'y vy un jeune spodizateur lequel artificiel-
lement tiroit des peds d'un asne mort, et en ven-
doit l'aune cinq sols;
Ung aultre putrefioit des sechaboths. O la belle
viande !
Mais Panurge rendit vilainement sa gorge, voyant
un archasdarpenim lequel faisoit putréfier grande
doye d'urine humaine en fiant de cheval, avec force
merde chrestienne. Fy, le vilain ! Il toutesfois nous
respondit que d'icelle sacrée distillation abreuvoit
les roys et grans princes, et par icelle leur allon-
geoit la vie d'une bonne toise ou deux.
Autres rompoient les andouilles au genoil;
Autres escorchoient les anguilles par la queue,
et ne crioient les dictes anguilles avant que d'estre
escorchées, comme font celles de Melun;
Autres de néant faisoient choses grandes, et
grandes choses faisoient à néant retourner;
Autres coupoient le feu avec un cousteau, et
puisoient l'eau avec un rets;
Autres faisoient de vessies lanternes, et de nues
poisles d'airain.
Nous en veismes douze autres banquetans souz
une fueillade, et beuvans en belles et amples retum-
bes vins de quatre sortes, frais et délicieux à tous,
et à toute reste, et nous fut dit qu'ils haulsoient le
temps selon la manière du lieu, et qu'en ceste
PANTAGRUEL 89
manière Hercules jadis haulsa le temps avec Atlas;
Autres faisoient de nécessité vertu, et me sem-
bloit l'ouvrage bien beau et à propos;
Autres faisoient alchimie avec les dens : en ce
faisant emplissoient assez mal les selles percées;
avoient toutesfois le bast advantageux;
Autres dedans un long parterre songneusement
mesuroient les saux des pusses, et cestuy acte m'af-
fermoient estre plus que nécessaire au gouvernement
des royaumes, conduictes des guerres, administra-
tions des republicques, allegant que Socrates,
lequel premier avoit des cieux en terre tiré la Phi-
losophie, et d'oisive et curieuse l'avoit rendue utile
et profitable, employoit la moitié de son estude à
mesurer le saux des pusses, comme atteste Aristo-
phanes le Quintessential.
Je vy deux giborins à part sur le haut d'une tour,
lesquels faisoient sentinelle, et nous fut dit qu'ils
gardoient la lune des loups.
J'en rencontray quatre autres en un coin de jar-
din amèrement disputans et prests à se prendre au
poil l'un l'autre. Demandant dont sourdoit leur dif-
férent, entendy que ja quatre jours estoient passez
depuis qu'ils avoient commencé disputer de trois
hautes et plus que physicales propositions à la réso-
lution desquelles ils se promettoient montaignes
d'or. La première estoit de l'ombre d'unasne couil-
lard, l'autre de la fumée d'une lanterne, la tierce de
poil de chèvre sçavoir si c'estoit laine. Puis nous
90
LIVRE V, CHAPITRE XXII
fut dit que chose estrange ne leur sembloit estre
deux contradictoires vrayes en mode, en forme, en
figure et en temps, chose pour lacjuelle les sophis-
tes de Paris piustost se feroient desbaptiser que la
confesser.
Nous curieusement considerans les admirables
opérations de ces gens, survint la Dame avec sa no-
ble compagnie, ja reluisans le clair Hesperus. A sa
venue fusmes derechef en nos sens espouventez et
esblouys en nostre veue. Incontinent nostre effroy
apperceut, et nous dist : « Ce que fait les humains
pensemens esgarer par les abismes d'admiration
n'est la souveraineté des effects, lesquels apertement
ils esprouvent naistre des causes naturelles, moyen-
nant l'industrie des sages artisans ; c'est la nouveauté
de l'expérience entrant en leurs sens, non prevoyans
la facilité de l'œuvre, quant jugement serain associe
estude diligent. Pourtant soyez en cerveau, et de
toute frayeur vous despouillez si d'aucune estes
saisis à la considération de ce que voyez par mes
officiers estre fait. Voyez, entendez, contemplez à
vostre libre arbitre tout ce que ma maison contient,
vous peu à peuemancipansdu servage d'ignorance.
Le cas bien me siet en volonté, pour de laquelle
vous donner enseignement non feint, en contem-
plation des studieux désirs desquels me semblez
avoir en vos cœurs fait insigne mont-joye et suffi-
sante preuve, je vous retiens présentement en estât
et office de mes abstracteurs. Par Geber, mon pre-
PANTAGRUEL 91
mier labachin, y serez descris au partement de ce
lieu. »
Nous la remerciasmes humblement sans mot dire,
acceptasmes l'offre du bel estât qu'elle nous don-
noit.
CHAPITRE XXIII
Comment fut la Koyne à soupper servicj et comment
elle mangeoit.
\ A dame, ces propos achevez, se re-
'1 tourna vers ses gentils-hommes, et
•leurs dist : « L'orifice du stomach,
=^^ commun ambassadeur pour ravitaille-
ment de tous membres, tant inférieurs que supé-
rieurs, nous importune le leur restaurer par appo-
sition de idoines alimeris ce que leur est decheut
par action continue de la naïfve chaleur en l'humi-
dité radicale. Spodizateurs, cesinins, nemains et
perazons, par vous ne tienne que promptement ne
soient tables dressées, foisonnantes de toute légi-
time espèce de restaurans. Vous aussi, nobles pre-
gustes, accompagnez de mes gentils massitéres,
l'espreuve de vostre industrie passementée de soing
et diligence fait Cjue ne vous puis donner ordre que
desordre ne sovt en vos offices et vous teniez tous-
jours sur vos gardes. Seulement vous ramenter faut
ce que faictes. »
92 LIVRE V, CHAPITRE XXIII
Ces mots achevez, se retira avec part de ses da-
moiselles quelque peu de temps, et nous fut dict
que c'estoit pour soy baigner, comme estoit la
coustume des anciens, autant usitée comme est
entre nous de présent laver les mains avant le past.
Les tables feurent promptement dressées, puis feu-
rent couvertes de napes tresprecieuses. L'ordre du
service fut tel que la Dame ne mangea rien fors
céleste anibrosie, rien ne beut que nectar divin.
Mais les seigneurs et dames de sa maison furent, et
nous avec eux, serviz de viandes rares, friandes et
précieuses, si onques en songea Appicius.
Sus l'issue de table fut apporté un pot pourry, si
par cas famine n'eust donné tresves; et estoit de
telle amplitude et grandeur que la plataine d'or la-
quelle Pythius Bithius donna au roy Daire à peine
l'eust couvert. Le pot pourry estoit plain de pota-
ges d'espèces diverses, sallades, fricassées, saulgre-
nées, cabirotades, rousty, boully, carbonnades,
grandes pièces de bœuf salle, jambons de haulte
taille, saulmates déifiques, pastisseries, tarteries, un
monde de coscotons à la moresque, formages, jon-
cades, gelées, fruicts de toutes sortes. Le tout me
sembloit bon et friand; je toutefois n'y tastay,
pour estre bien remply et refaict. Seulement ay
vous advertir que là vy des pastez en paste, chose
assez rare, et les pastez en paste estoient pastez en
pot. Au fond d'iceluy j'apperceu force dez, cartes,
tarots, luettes, eschets et tabliers, avec plaine tasse
PANTAGRUEL 98
d'escuz au soleil pour ceux qui jouer voudroient.
Au dessous finablement j'advisay nombre de
mulles bien phalerées, avec housses de velours, ha-
quenées de mesme à usance d'hommes et femmes,
lictieres bien veloutées pareillement ne sçaj com-
bien, et quelques coches à la Ferraroise pour ceux
qui voudroient aller hors à l'esbat.
Cela ne me sembla estrange, mais je trouvay
bien nouvelle la manière comment la Dame man-
geoit. Elle ne maschoit rien, non qu'elle n'eust
dens fortes et bonnes, non que ses viandes ne re-
quissent mastication, mais tel estoit son usage et
coustume. Les viandes, desquelles ses pregustes
avoient fait essay, prenoient ses massiteres, et no-
blement les luy maschoient, ayans le gosier doublé
de satin cramoisi, à petites nervures et canetilles
d'or, et les dens d'ivoire bel et blanc, moyennent
lesquelles, quand ils avoient bien à poinct masché
les viandes, ils les luy couloient par un embut d'or
fin jusques dedens l'estomach. Par mesme raison
nous fut dict qu'elle ne fiantoit sinon par procu-
ration.
94 LIVRE V, CHAPITRE XXIV
CHAPITRE XXIV
Comment fut en présence de la Qiiintc faict un bal
joyeux en forme de tournay.
E soupper parfait, fut en présence de
la Dame faict un bal en mode de
tournaj, digne non seulement d'estre
regardé, mais aussi de mémoire éter-
nelle.
Pour iceluy commencer fut le pavé de la salle
couvert d'une ample pièce de tapisserie veloutée,
faite en forme d'eschicjuier, savoir est à carreaux,
moitié blanc, moitié jaulne, chascun large de trois
palmes, et carré de tous coustez, quant en la salle
entrèrent trente deux jeunes personnages, desquels
seize estoient vestus de drap d'or, sçavoir est huict
jeunes nymphes, ainsi que les peignoient les an-
ciens en la compagnie de Diane, un roy, une
royne, deux custodes de la Rocque, deux cheva-
liers et deux archiers. En semblable ordre estoient
seize autres vestus de drap d'argent. Leur assiette
sus la tapisserie fut telle : les roys se tindrent en la
dernière ligne, sus le quatriesme carreau, de sorte
que le roy auré estoit sus le carreau blanc, le roy
argenté sus le carreau jaulne; les roynes à costé
de leurs roys, la dorée sus le carreau jaulne, l'ar-
gentée sus le carreau blanc; deux archiers auprès
de chascun costé, comme gardes de leurs roys et
PANTAGRUEL
95
roynes; auprès des archiers deux chevaliers; auprès
des chevaliers deux custodes; au ranc prochain de-
vant eux estoientles huict nymphes. Entre les deux
bandes des nymphes restoient vuides quatre rancs
de carreaux.
Chascune bande avoit de sa part ses musiciens
vestus de pareille livrée, uns de damas orengé, au-
tres de damas blanc; et estoient huict de chascun
costé avec instrumens tous divers, de joyeuse in-
vention, ensemble moult concordans et mélodieux
à merveilles, varians en tons, en temps et mesure,
comme requeroit le progrez du bal : ce que je
trouvois admirable, attendu la numereuse diversité
de pas, de desmarches, de saux, sursaux, retours,
fuites, embuscades, retraictes et surprinses.
Encore plus transcendoit opinion humaine, ce me
sembloit, que les personnages du bal tant soudain
entendoient le son qui competoit à leurs desmarche
ou retraicte, que plustot n'avoit signifié le ton la
musique qu'ils se poussoient en place designée, non -
obstant que leur procédure fust toute diverse. Car
les nymphes, qui sont en première filliere comme
prestes d'exciter le combat, marchent contre leurs
ennemis droit en avant, en forme d'un carreau en
outre, exceptée la première desmarche, en laquelle
leur est libre passer deux carreaux. Elles seulles ja-
mais ne reculent. S'il advient qu'une d'entr'elles
passe jusques à la filliere de son roy ennemy, elle
est couronnée royne de son roy, et prent et des-
96 LIVRE V, CHAPITRE XXIV
marche d'orenavant en mesme privilège que la
royne; autrement jamais ne ferissent les ennemis
que en ligne diagonale obliquement, et devant
seulement. Ne leur est toutesfois, n'a autres, loi-
sible prendre aucuns de leurs ennemis, si le pre-
nant elles laissoient leur roy descouvert et en prinse.
Les roys marchent et prennent leurs ennemis de
toutes faces en carré, et ne passent que de carreau
blanc et prochain au jaune, et au contraire; excep-
tez qu'à la première desmarche, si leurfilliere estoit
trouvée vuide d'autres officiers, fors les custodes,
ils le peuvent mettre en leur siège, et àcostédeluj
se retirer.
Les roynes desmarchent et prennent en plus
grande liberté que tous autres, sçavoir est en tous
endroits et en toutes manières, en toutes sortes, en
ligne directe, tant loing que leur plaist, pourveu
que ne soit des siens occupé, et diagonale aussi,
pourveu que soit en couleur de son assiette.
Les archiers marchent tant en avant comme en
arrière, tant loing que prés. Aussi jamais ne varient
la couleur de leur première assiette.
Les chevaliers marchent et prenent en forme li-
gneare, passant un siège franc, encores qu'il fust
occupé ou des siens ou des ennemis, et au second
soy posans à dextre ou à senestre, en variation de
couleur, qui est sault grandement dommageable à
partie adverse, et de grande observation. Car ils ne
prennent jamais à face ouverte.
PANTAGRUEL
97
Les custodes marchent et prenent à face tant à
dextre qu'à senestre, tant arrière que devant,
comme les rojs, et peuvent tant loing marcher
qu'ils voudront en siège vuide, ce que ne font les
roys.
La loy commune es deux parties estoit, en fin
dernière du combat, assiéger et clorre le roydepart
adverse en manière qu'évader ne peust de costé
quelconque. Iceluy ainsi clos, fuir ne pouvant, ny
des siens estre secouru, cessoit le combat et per-
doit le roy assiégé. Pourdonques de cestuy incon-
vénient le guarentir, il n'est celuy ne celle de sa
bande qui n'y offre sa vie propre, et se prenent les
uns les autres de tous endroicts, advenant le son de
la musique. Quand aucun prenoit un prisonnier de
part contraire, luy faisant la reverance, luy frappoit
doucement en main dextre, le mettoit hors le par-
quet et succedoit en sa place. S'il advenoit qu'un
des roys fust en prise, n'estoit licite à partie ad-
verse le prendre; ainsi estoit fait rigoreux com-
mandement à celuy qui l'avoit descouvert, ou le
tenoit en prise, luy faire profonde reverance, et
l'advertir, disant : « Dieu vous gard' » , afin que
de ses officiers fust secouru et couvert, ou bien
qu'il changeast de place, si par malheur ne pou-
voit estre secouru. N'estoit toutesfoisprins de par-
tie adverse, mais salué le genoil gauche en terre,
luy disant : « Bon jour. )) Là estoit fin du tournay,
Rabelais. V, ,3
LIVRE V, CHAPITRE XXV
CHAPITRE XXV
Comment les trente deux personnages du bal
combatent.
iNsi posées en leurs assiettes les deux
f\ compagnies, les musiciens commen-
cent ensemble sonner en intonation
martiale, assez espouventablement,
comme à l'assault. Là voyons les deux bandes fré-
mir, et soy affermer pour bien combatre, venant
l'heure du hourt, qu'ils seront évoquez hors leur
camp. Quand soudain les musiciens de la bande
argentée cessèrent, seulement sonnoient les or-
ganes de la bande aurée, en quoy nous estoit
signifié que la bande aurée assailloit. Ce que bien
tost advint, car à un ton nouveau veismes que la
nymphe parquée devant la royne fist un tour entier
à gausche vers son roy, comme demandant congé
d'entrer en combat, ensemble aussi saluant toute sa
compagnie. Puis desmarcha deux carreaux avant
en bonne modestie, et fist d'un pied révérence
à la bande adverse, laquelle elle assailloit. Là cessè-
rent lesmusiciens aurez, commencerentlesargentez.
Icy n'est à passer en silence que la nymphe,
avoir en tour salué son roy et sa compagnie, afin
qu'eux ne restassent ocieux, pareillement la resa-
luerent en tour entier gyrans à gausche, exceptée
la royne, laquelle vers son roy se destourna à dex-
PANTAGRUEL 99
tre, et fut ceste salutation de tous desmarchans
observée en tout le discours du bal, le ressaluement
aussi, tant d'une bande comme de l'autre.
Au son des musiciens argentez desmarcha la
nymphe argentée, laquelle estoit parcjuée devant sa
royne, son roy saluant gratieusement, et toute sa
compagnie, eux de mesme la resaluans, comme a
esté dict des aurées, excepté qu'ils tournoient à
dextre et leur royne à senestre; se posa sus le se-
cond carreau avant, et, faisant révérence à son ad-
versaire, se tint en face de la première nymphe
aurée, sans distance aucune, comme preste à com-
batre, ne fust qu'elles ne frappent que des costez.
Leurs compagnes les suyvent, tant aurées comme
argentées, en figure intercalaire, et là font comme
apparence de escarmoucher, tant que la nymphe
aurée, laquelle estoit première en camp entrée,
frappant en main une nymphe argentée à gausche,
la mist hors du camp et occupa son lieu. Mais bien
tost, à son nouveau des musiciens, fut de mesme
frappée par l'archer argenté; une nymphe aurée le
fist ailleurs serrer; le chevalier argenté sortit en
camp ; la royne aurée se parqua devant son roy.
Adonc le roy argenté change place, doutant la
furie de la royne aurée, et se tira au lieu de son
custode à dextre, lequel lieu sembloit tresbienmuny
et en bonne défense.
Les deux chevaliers qui tenoient à gausche, tant
aurez qu'argentez, desmarchent et font amples
lOO LIVRE V, CHAPITRE XXV
prinses des nymphes adverses, lesquelles ne pou-
voient arrière soy retirer, mesmement le chevalier
auré, lequel met toute sa cure à prinse de nymphes.
Mais le chevalier argenté pense chose plus impor-
tante, dissimulant son entreprinse, et, quelquefois
qu'il a peu prendre une nymphe aurée, il la laisse
et passe outre, et a tant faict qu'il s'est posé prés
ses ennemis, en lieu auquel il a salué le roy advers,
et dit : « Dieu vous gard'. » La bande aurée,
ayant cestuy advertissement de secourir son roy,
fremist toute, non que facilement elle ne puisse au
roy secours soudain donner, mais que, leur roysaul-
vant, ils perdoient leur custode dextre, sans y pou-
voir remédier. Adonques se retira le roy auré à
gausche, et le chevalier argenté print le custode
auré, ce que leur fut en grande perte. Toulesfois
la bande aurée délibère de s'en venger, et l'envi-
ronnent de tous costez, à ce que reffuir il ne puisse
ny eschapper de leurs mains; il faict mille efforts
de sortir, les siens font mille ruses pour le garen-
tir, mais en fin la royne aurée le print.
La bande aurée^ privée d'un de ses supposts, s'es-
vertue, et à tors et à travers cherche moyen de soy
venger, assez incautement, et fait beaucoup de dom-
mage parmy l'ost des ennemis. La bande argentée
dissimule et attend l'heure de revanche, et-presente
une de ses nymphes à la royne aurée, luy ayant
dressé une embuscade secrète, tant qu'à la prinse
de la nymphe peu s'en faillit que l'archer auré ne
PANTAGRUEL lOI
surprint la royne argentée. Le chevalier auré in-
tente prinse de roy et royne argentée, et dit :
« Bon jour. » L'archer argenté les salue; il fut
prins par une nymphe aurée ; icelle fut prinse par
une nymphe argentée. La bataille est aspre. Les
custodes sortent hors de leurs sièges au secours;
tout est en meslée dangereuse ; Enyo encores ne
se déclare.
Aucunefois tous les argentez enfoncent jusques
à la tente du roy auré, soudain sont repoussez.
Entre autres la royne aurée fait grandes prouesses,
et d'une venue prent l'archer, et costoyant prent
le custode argenté. Ce que voyant, la royne ar-
gentée se met en avant et foudroyé de pareille
hardiesse, et prent le dernier custode auré et quel-
ques nymphes pareillement.
Les deux roynes combatirent longuement, part
taschant de s'entresurprendre, part pour soy sau-
ver et leurs roys contregarder. Finalement la
royne aurée prit l'argentée, mais soudain après
elle fut prinse par l'archer argenté. Là seule-
ment au roy auré restèrent trois nymphes, un archer
et un custode. A l'argenté restoient trois nym-
phes et le chevalier dextre, ce que fut cause
qu'au reste plus cautement et lentement ils com-
batirent.
Les deux roys sembloient dolens d'avoir perdu
leurs dames roynes tant aimées, et est tout leur es-
tude et tout leur effort d'en recevoir d'autres, s'ils
I02 LIVRE V, CHAPITRE XXV
peuvent, de tout le nombre de leurs nymphes, à
ceste dignité et nouveau mariage, les aimer joyeu-
sement, avec promesses certaines d'y estre re-
ceues si elles pénètrent jusques à la dernière filliere
du roy ennemy. Les aurées anticipent, et d'elles
est créé une royne nouvelle, à laquelle on impose
une couronne en chef, et baille l'on nouveaux ac-
coustremens.
Les argentées suyvent de mesme, et plus n'estoit
qu'une ligne que d'elles ne feust royne nouvelle
créée ; mais en cestuy endroit le custode auré la
guettoit; pourtant elle s'arresta quoy.
La nouvelle royne aurée voulut, à son advenement,
forte, vaillante et belliqueuse se monstrer. Fist
grans faicts d'armes parmy le camp. Mais en ces
entrefaictes le chevalier argenté print le custode
auré, lequel gardoit la metedu camp ; par ce moyen
fut faicte nouvelle royne argentée, laquelle se vou-
lut semblablement vertueuse monstrer à son nouveau
advenement.
Fut le combat renouvelle plus ardent que devant.
Mille ruses, mille assaulx, mille desmarches furent
faictes, tant d'un costé que d'autre, si bien que la
royne argentée clandestinement entra en la tente
du roy auré, disant : « Dieu vous gard' », et ne
peust estre secouru que par sa nouvelle royne.
Icelle ne fist difficulté de soy opposer pour le sau-
ver. Adonques le chevalier argenté, voltigeant de
tous costez, se rendoit prés sa royne, et misrent le
PANTAGRUEL Io3
roy auré en teldesarroy que pour son salut luy con-
vint perdre sa royne. Mais le roy auré print le che-
valier argenté. Ce nonobstant l'archer auré, avec
deux nymphes qui restoient, à toutes leurs puis-
sances defendoient leur roy; mais en fin tous fu-
rent prins et mis hors le camp, et demoura le roy
auré seul.
Lors de toute la bande argentée luy fut dit en
profonde révérence : « Bon jour », comme restant
le roy argenté vainqueur. A laquelle parolle les
deux compagnies de musiciens commencèrent en-
semble sonner, comme victoire. Et print fin ce
premier bal en tant grande allégresse^ gestes tant
plaisans, maintien tant honneste, grâces tant rares,
que nous fusmes tous en nos esprits rians comme
gens ecstatiques, et non à tord nous sembloit que
nous fussions transportez es souveraines délices et
dernière félicité du ciel Olimpe.
Fini le premier tournay, retournèrent les deux
bandes en leur assiette première, et, comme avoient
combatu paravant, ainsi commencèrent à combatre
pour la seconde fois, excepté que la musique fut
en sa mesure serrée d'un demy temps plus que la
précédente, les progrez aussi totalement difîerens
du premier.
Là je vy que la royne aurée, comme despitée de
la route de son armée, fut par l'intonation de la
musique évoquée, et se mist des premières en camp
avec un archer et un chevalier, et peu s'en faillit
104 LIVRE V, CHAPITRE XXV
qu'elle ne surprint le roy argenté en sa tente au
millieu de ses officiers. Depuis, voyant son entre-
prinse descouverte, s'escarmoucha parmy latrouppe,
et tant desconfit de nymphes argentées et autres
officiers que c'estoit cas pitoiable les voir. Vous
eussiez dit que ce fut une autre Panthasilée Ama-
zone foudroyante par le camp des Grégeois ; mais
peu dura cestuy esclandre, car les argentées, fre-
missans à la perte de leurs gens, dissimulans tou-
tefois leur dueil, luy dressèrent occultement en
embuscade un archer en angle lointain et un che-
valier errant, par lesquels elle fut prinse et mise
hors le camp. Le reste fut bien tost deffait. Elle
sera une autre fois mieux advisée, prés de son roy
se tiendra, tant loin ne s'escartera, et ira quand
aller faudra, bien autrement accompagnée. Là
doncques restèrent les argentez vainqueurs, comme
devant.
Pour le tiers et dernier bal se tindrent en pieds
les deux bandes, comme devant, et me semblèrent
porter visage plus gay et délibéré qu'es deux pre-
cedens. Et fut la musique serrée en la mesure plus
que de hemiole, en intonation phrygienne et belli-
que, comme celle qu'inventa jadis Marsyas. Adon-
ques commencèrent tournoyer et entrer en combat,
avec telle légèreté qu'en un temps de la musique
ils faisoient quatre desmarches, avec les révérences
de tours competans, comme avons dit dessus, de
mode que ce n'estoient que saux , gambades et
PANTAGRUEL Io3
voltigemenspetauristiques entrelassez les uns parmy
les autres. Et, les voyans sus un pied tournoyer
après la révérence faite, les comparions au mouve-
ment d'une rhombe girante au jeu des petis en-
fans, moyennant les coups de fouet, lors que tant
subit est son tour que son mouvement est repos,
elle semble quiète, non soy mouvoir, ains dormir,
comme ils le nomment. Et y figurant un point de
quelque couleur, semble à nostre veue non point
estre, mais ligne continue, comme sagement Ta noté
Cusane, en matière bien divine.
Là nous n'oyons que frappemens de mains, et
episemasies à tous destroits réitérez, tant d'une
bande que d'autre. Il ne fut onques tant severe
Caton, ne Crassus l'ayeul tant agelaste, ne Timon
Athénien tant misanthrope, ne Heraclitus tant ab-
horrant du propre humain qui est rire, qui n'eust
perdu contenance, voyant au son de la musique
tant soudaine, en cinq cens diversitez, si soudain
se mouvoir, desmarcher, sauter, voltiger, gamba-
der, tournoyer ces jouvenceaux avecq' les roynes
et nymphes, en telle dextérité qu'onques l'un ne
fist empeschement à l'autre.
Tant moindre estoit le nombre de ceulx qui res-
toient en camp, tant estoit le plaisir plus grand,
veoir les ruses et destours desquels ils usoient pour
surprendre l'un l'autre, selon que par la musique
leur estoit signifié. Plus vousdiray : si ce spectacle
plus qu'humain nous rendoit confus en nos sens,
14
I06 LIVRE V, CHAPITRE XXV
estonnez en nos esprits et hors de nous mesmes,
encores plus sentions nous nos cœurs esmeus et ef-
frayez à l'intonation de la musique; et croyrois fa-
cilement que par telle modulation Ismenias excita
Alexandre le Grand, estant à table et disnant en
repos, à soy lever et armes prendre. Au tiers tour-
nay fut le roy auré vainqueur.
Durant lesquelles dances la Dame invisiblement
disparut, et plus ne la vismes. Bien fusmes menez
par les Michelots de Geber, et là fusmes inscripts
en Testât par elle ordonné. Puis, descendans au
port de Mateotechnie, entrasmes en nos navires,
entendans qu'avions vent en pouppe, lequel si re-
fusions sur l'heure, à peine pourroit estre recou-
vert de trois quartiers brisans.
CHAPITRE XXVI
Comment nous descendismes en l'Isle d'Odes, en
laquelle les chenùns cheminent.
VOIR par deux jours navigé, s'offrit à
nostre veue l'Isle d'Odes, en laquelle
vismes une chose mémorable. Les che-
mins y sont animaux, si vraye est la
sentence d'Aristoteles disant argument invincible
d'un animant si se meut de soy mesme. Car les
chemins cheminent comme animaux, et sont les
uns chemins errans, à la semblance des planètes ;
PANTAGRUEL
7
autres chemins passans, chemins croisans, chemins
traversans. Et vy que les voyagiers souvent es ha-
bitans du pays demandoient : « Où va ce chemin?
et cestuy-cy? » On leurrespondoit : « Entre Midy
et Fevrolles, à la paroisse, à la ville, à la rivière. »
Puis, se guidans au chemin oportun sans autre-
ment se peiner ou fatiguer, se trouvoient au lieu
destiné, comme vous voyez advenir à ceux qui de^
Lyon en Avignon et Arles se mettent en basieau
sur le Rosne; et comme vous savez qu'en toutes
choses il y a de la faute, et rien n'est en tous en-
droits heureux, aussi là nous fut dict estre une ma-
nière de ^ens lesquels ils nommoient Guetteurs de
chemins et Batteurs de pavez, et les pauvres che-
mins les craignoient et s'esloignoient d'eux comme
des brigans. Ils les guettoient au passage comme
on fait les loups à la traînée et les bécasses au fillet.
Je vy un d'iceux lequel estoit appréhendé de la
justice, pource qu'il avoit prins injustement, mal-
gré Pallas, le chemin de l'escole : c'estoit le plus
long; un autre se ventoit avoir prins de bonne
guerre le plus court, disant luy estre tel advantage
à ceste rencontre que premier venoit à bout de son
entreprinse.
Aussi dist Carpalim à Epistemon , quelque jour
le rencontrant sa pissotière au poing, contre une
muraille pissant, que plus ne s'esbahissoit si tous-
jours premier estoit au lever du bon Pantagruel,
car il tenoit le plus court et le moins chevauchant.
Io8 LIVRE V, CHAPITRE XXVI
Je y recongnu le grand chemin de Bourges, et
le vy marcher à pas d'abbé, et le vy aussi fuir à la
venue de quelques charretiers qui le menassoient
fouller avec les pieds de leurs chevaux et luy faire
passer les charrettes dessus le ventre, comme Tullia
fist passer son charriot dessus le ventre de son père
Servius Tullius, sixiesme roy des Romains.
Je y recongnu pareillement le vieu quemin de
Peronne à Sainct Quentin, et me sembloit quemin
de bien de sa personne.
Je y recongnu entre les rochers le bon vieulx
chemin de la Ferrate sus le mont d'un grand Ours.
Le voyant de loin, me souvint de Sainct Hierosme
en peinture, si son ours eust esté lyon, car il estoit
tout mortifié, avoit la longue barbe toute blanche et
mal peignée :vouseussiez proprementdit que fussent
glassons; avoit sur soy force grosses patenostres de
pinaslre mal rabottées, et estoit comme à genoil-
lons, et non debouf ne couché du tout, et se bat-
toit la poitrine avec grosses et rudes pierres. Il nous
fîst peur et pitié ensemble. Le regardant, nous tira
à part un bachelier courant du pais, et, monstrant
un chemin bien licé, tout blanc et quelque peu
feustré de paille, nous dist : « Dorénavant ne des-
prisez l'opinion de Thaïes Milesien, disant l'eau
estre de toutes choses le commencement; ne la sen-
tence d'Homcrc, affermant toutes choses prendre
naissance de l'Océan. Ce chemin que voyez nasquit
d'eau, et s'y en retournera ; devant deux mois les
PANTAGRUEL IO9
basteaux par-cy passoient, à ceste heure y passent
les charrettes. — Vrayement, dist Pantagruel, vous
nous la baillez bien piteuse! En nostre monde nous
en voyons tous les ans de pareille transformation
cinq cens et davantage. y>
Puis, considerans les alleures de ces chemins
mouvans, nous dist que, selon son jugement. Phi-
lolaùs et Aristarchus avoient en icelle isle philoso-
phé, Seleucus prins opinion d'affermer la terre vé-
ritablement autour des pôles se mouvoir, non le
ciel, encores qu'il nous semble le contraire estre
vérité, comme, estans sur la rivière de Loire,
nous semblent les arbres prochains se mouvoir, tou-
tesfois ils ne se mouvent, mais nous par le decours
du batteau. Retournans à nos navires, vismes que
prés le rivage on mettoit sus la roue trois guetteurs
de chemins qui avoient esté prins en embuscade, et
brusloit à petit feu un grand paillard, lequel avoit
battu un chemin et luy avoit rompu une coste, et
nous fut dict que c'estoit le chemin des aggeres et
levées du Nil en Egypte.
IIO LIVRE V, CHAPITRE XXVII
CHAPITRE XXVII
Comment passasmes Vlsle des Esclots^ et de l'Ordre
des frères Fredons.
^EPUis passasmes l'Isle des Esclots, les-
quels ne vivent que de souppes de
merlus; fusmes toutesfois bien recuil-
#^^^£i^.lis et traitez du roy de l'Isle, nommé
Benius, tiers de ce nom, lequel après boire nous
mena voir un monastère nouveau, fait, érigé et
basty par son invention pour les frères Fredons :
ainsi nommoit-il ses religieux, disant qu'en terre
ferme habitoient les frères petits serviteurs et amis
de la douce Dame, item les glorieux et beaux frè-
res mineurs, qui sont semi-briefs de bulles, les frè-
res minimes haraniers enfumez, aussi les frères mi-
nimes crochus, et que du nom plus diminuer ne
pouvoit qu'en fredons. Par les statuts et bulle pa-
tente obtenue de la Quinte, laquelle est de tous
bons accords, ils estoient tous habillez en brusleurs
de maisons, excepté qu'ainsi que les couvreurs de
maisons en Anjou ont les genoux contrepointez,
ainsi avoient-ils les ventres carrelez, et estoient les
carreleurs de ventre en grande réputation parmy
eux.
Ils avoient la braguette de leurs chausses à forme
de pantoufle, et en portoient chascun deux, l'une
devant et l'autre derrière cousue, affermans par
PANTAGRUEL III
ceste duplicité braguatine quelques abscons et hor-
rifiques misteres estre duement représentez. Ils
portoient souliers ronds comme bassins, à l'imita-
tion de ceux qui habitent la mer areneuse; du de-
mourant avoient barbe rase et pieds ferrats. Et,
pour monstrer que de fortune ils ne se soucient, il
les faisoit raire et plumer comme cochons la partie
postérieure de la teste, depuis le sommet jusques
aux omoplates. Les cheveux en devant depuis les
os bregmatiques croissoient en liberté. Ainsi con-
trefortunoient comme gens aucunement ne se sou-
cians des biens qui sont au monde. Deffians davan-
tage Fortune la diverse, portoient, non en main
comme elle, mais à la ceincture, en guise de pate-
nostres, chascun un rasouer tranchant, lequel ils
esmouloient deux fois le jour et afhloient trois fois
de nuict.
Dessus les pieds chascun portoit une boulle ronde,
parce qu'est dict Fortune en avoir une soubs ses
pieds. Le cahuet de leurs scaputions estoit devant
attaché, non derrière; en ceste façon avoient le vi-
saige caché, et se moquoient en liberté tant de
Fortune comme des fortunez, ne plus ne moins
que font nos damoiselles quand c'est qu'elles ont
leur cachelaid, que vous nommez touret de nez;
les anciens le nomment chareté, parce qu'il couvre
en elles de péchez grande multitude.
Avoient aussi tousjours patente la partie posté-
rieure de la teste, comme nous avons le visaige;
112 LIVRE V, CHAPITRE XXVII
cela estoit cause qu'ils alloientde ventre ou de cul,
comme bon leur sembloit. S'ils alloient de cul, vous
eussiez estimez estre leur alleure naturelle, tant à
cause des souliers ronds que de la braguette pré-
cédente; la face aussi derrière rase et peinte rude-
ment, avec deux yeux, une bouche, comme vous
voyez es nois indiques. S'ils alloient de ventre,
vous eussiez pensé que fussent gensjouans au cha-
pifou. C'estoit belle chose de les voir.
Leur manière de vivre estoit telle. Le clair Lu-
cifer commençant apparoistre sus terre, ils s'entre-
bottoient et esperonnoient l'un l'autre par charité.
Ainsi bottez et esperonnezdormoient, ou ronfloient
pour le moins, et dormans avoient beziclesau nez,
ou lunettes pour pire.
Nous trouvions ceste façon de faire estrange,
mais ils nous contentèrent en la response, nous
remonstrans que, le jugement final lors que seroit,
les humains prendroient repos et sommeil. Pour
donques evidentement monstrer qu'ils ne refîusoient
y comparoistre, ce que font les fortunez, ils se te-
noient bottez, esperonnez et prests à monter à
cheval quand la trompette sonneroit.
Midy sonnant, notez que leurs cloches estoient,
tant de l'horloge que du batail de l'église et refec-
touer, faictes selon la divise pontiale, savoir est
de fin dumet contrepointé, et le batail estoit d'une
queue de renard; midy donques sonnant, ils s'es-
veilloient et desbottoient, pissoient qui vouloir, et
PANTAGRUEL Il3
esmeutissoient qui vouloit, esternuoient qui vou-
loit. Mais tous, par contrainte, statut rigoureux,
amplement et copieusement baisloient, se desjeu-
noient de baisler. Le spectacle me sembloit plai-
sant; car, leurs bottes et espérons mis sus un ras-
telier, ils descendoient aux cloistres, là se lavoient
curieusement les mains et la bouche, puis s'asseoient
sus une longue selle, et se curoient les dens jus-
ques à ce que le prevost fist signe, sifflant en
paume; lors chascun ouvroit la gueule tant qu'il
pouYoit, et baailloient aucunefois demie heure,
aucunefois plus, aucunefois moins, selon que le
prieur jugeoit le desjuner estre proportionné à la
feste du jour; après cela faisoient une belle pro-
cession en laquelle ils portoient deux bannières, en
l'une desquelles estoit en belle peinture le pourtrait
de Vertu, en l'autre de Fortune. Un Fredon pre-
mier portoit la bannière de Fortune, après luy
marchoit un autre portant celle de Vertu, en main
tenant un aspersoir mouillé en eau mercuriale,
descrite par Ovide en ses Fastes, duquel continuelle-
ment il comme sonettoit [fouettoit?] le précèdent
Fredon portant Fortune.
« Cest ordre, dist Panurge, est contre la sen-
tence de Ciceron et des Académiques, lesquels veu-
lent Vertu précéder, non suyvre Fortune. » Nous
fut toutesfois rernonstré qu'ainsi leur convenoit-il
faire, puisque leur intention estoit fustiguer For-
tune.
Rabelais. V. i 5
114 LIVRE V, CHAPITRE XXVII
Durant la procession ils fredonnoient entre les
dents mélodieusement ne sçay quelles antiphones,
car je n'entendois leur patelin, et, ententivement
escoutant, aperceu qu'ils ne chantoient que des au-
reilles. O la belle armonie, et bien concordante au
son de leurs cloches! Jamais ne les voirrez discor-
dans. Pantagruel fist un notable mirifique sus leur
procession, et nous dist : « Avez-vous veu et noté
la finesse de ces Fredons icy? Pour parfaire leur
procession, ils sont sortis par une porte de l'église
et sont entrez par l'autre. Ils se sont bien gardez
d'entrer par où ils sont yssus. Sus mon honneur,
ce sont quelques fines gens, je dy fins à dorer,
fins comme une dague de plomb, fins non affinez,
mais affinans, passez par estamine fine. — Cette
finesse, dist frère Jean, est extraicte d'occulte phi-
losophie, et n'y entends au diable rien. — D'au-
tant, respondit Pantagruel, est elle plus redoutable
que l'on n'y entend rien; car finesse entendue,
finesse preveue, finesse descouverte, perd de finesse
et l'essence et le nom : nous la nommons lourde-
rie. Sus mon honneur qu'ils en savent bien d'au-
tres. »
La procession achevée comme pourmenement et
exercitation salubre, ils se retiroient en leur refec-
toir, et dessous les tables se mettoient à genoux,
s'appuyans la poictrine et stomach chacun sus une
lanterne. Eux estans en cest estât, entroit un grand
Esclot, ayant une fourche en main, et là les traitoit
PANTAGRUEL Il5
à la fourche : de sorte qu'ils commençoient leur
repas par fourmage, et l'achevoient par moustarde
et laictue, comme tesmoigne Martial avoir esté l'u-
sage des anciens. En fin on leur presentoit à chas-
cun d'eux une platelée de moustarde, et estoient
servis de moustarde après disner.
Leur diette estoit telle. Au dimanche ils man-
geoient boudins, andouilles, saucissons, frican-
deaux, hastereaux, caillettes, exceptez tousjours le
fourmage d'entrée et moustarde pour l'issue. Au
iundy beaux pois au lard, avec ample comment et
glose interlineare. Au mardy force pain benist,
fouaces, gasteaux, galettes biscuites. Au mercredy
rustrerie : ce sont belles testes de mouton, testes de
veau, testes de bedouaux, lesquelles abondent en
icelle contrée. Au jeudy potages de sept sortes, et
moustarde éternelle parmy. Au vendredy rien que
cormes, encore n'estoient-elles trop meures, selon
que juger je pouvois à leur couleur. Au samedy ron-
geoient les os; non pourtant estoient-ils pauvres
ne souffreteux, car un chascun d'eux avoit bénéfice
de ventre bien bon. Leur boire estoit un antifortu-
nal : ainsi appelloient-ils ne sçay quel bruvage du
pays. Quand ils vouloient boire ou manger, ils rab-
battoient leur cahuet de leurs scaputions par le de-
vant, et leur servoit de baviere.
Le disner parachevé, ils prioient Dieu tresbien,
et tout par fredons. Le reste du jour, attendans le
jugement final, ils s'exerçoient à œuvre de charité.
llb LIVRE V, CHAPITRE XXVII
au dimanche se pelaudans l'un l'autre, au lundy
s'entrenazardans, au mardy s'entre-esgratignans,
au mercredy s'entremouchans, au jeudy s'entretirans
les vers du nez, au vendredy s'entrechatouillans, au
samedy s'entrefouettans.
Telle estoit leur diette quand ils residoient en
couvent; si par commandement du prieur claustral
ils issoient hors, défense rigoureuse, sur peine horri-
fique, leur estoit faite poisson lors ne toucher, ne
manger, qu'ils seroient sus mer ou rivière, ne chair
telle qu'elle fust lorsque ils seroient en terre ferme,
afin qu'à un chascun fust évident qu'en jouyssans
de l'objet ne jouyssoient de la puissance et concu-
piscence, et ne s'en esbranloient non plus que le
roc Marpesian; le tout faisoient avec antiphones
compétentes et à propos tousjours chantans des au-
reilles, comme avons dit. Le soleil soy couchant
en rOcean, ils bottoient et esperonnoient l'un
l'autre comme devant, et, bezicles au nez, se com-
posoient à dormir. A la minuit l'Esclot entroit, et
gens debout; là esmailloient [esmouloient?] et
affilloient leurs rasouers, et, la procession faite,
mettoient les tables sus eux, et repaissoient comme
devant.
Frère Jehan des Entommeures, voyant ces joyeux
frères Fredons, et entendant le contenu de leurs
statuts, perdit toute contenance , et, s'escriant
hautement, dist : « O le gros rat à la table ! Je
romps cestuy-là, et m'en vois par Dieu de pair. O
PANTAGRUEL
117
que n'est icy Priapus, aussi bien' que fust aux sacres
nocturnes de Canidie, pour le veoir à plein fond
peder, et contrepedant fredonner ! A ceste heure
congnois-je en vérité que sommes en terre antic-
thone et antipode. En Germanie Ton demolist mo-
nastères et deffroque on les moynes; icy on les érige
à rebours et à contrepoil. »
CHAPITRE XXVIII
Comment Panurge, interroguant un frère Fredon,
n'eust response de luy qu'en monosillabes.
ANURGE, depuis nostre entrée, n*avoit
autre chose que profondement con-
templé les minois de ces royaux Fre-
dons; adonc tira par la manche un
d'iceux, maigre comme un diable soret, et luy de-
manda :
« Frater, Fredon, Fredon, Fredondille, où est la
garse? »
Le Fredon luy respondit : « Bas.
Pan. En avez-vous beaucoup céans? Fr. Peu.
Pan. Combien au vray sont elles? Fr. Vingt.
Pan. Combien en voudriez vous? Fr. Cent.
Pan. Où les tenez vous cachées? Fr. Là.
Pan. Je suppose qu'elles ne sont toutes d'un aage ;
mais quel corsage ont elles? Fr. Droit.
Pan. Le taint, quel? Fr. Lys.
Il8 LIVRE V, CHAPITRE XXVIII
Pan. Les cheveux? Fr. Blonds.
Pan. Les yeulx, quels? Fr. Noirs.
Pan. Les tetins ? Fr. Ronds.
Pan. Le minois? Fr. Coinct.
Pan. Les sourcils? Fr. Mois.
Pan. Leurs attraicts ? Fr. Meurs.
Pan. Leur regard? Fr. Franc.
Pan. Les pieds, quels? Fr. Plats.
Pan. Les talons? Fr. Courts.
Pan. Le bas, quel? Fr. Beau.
Pan. Et les bras? Fr. Longs.
Pan. Que portent elles aux mains? Fr. Gands.
Pan. Les anneaux du doigt, quoy? Fr. D'or.
Pan. Qu'employez à les vestir? Fr. Drap.
Pan. De quel drap les vestez vous? Fr. Neuf.
Pan. De quelle couleur est-il? Fr. Pcrs.
Pan. Leur chapperonnage, quel ? Fr. Bleu.
Pan. Leur chaussure, quelle? Fr. Brun.
Pan. Touts les susdits draps, quels sont-ils ? Fr.
Fins.
Pan. Qu'est ce de leurs soulliers? Fr. Cuir.
Pan. Mais quels sont-ils volontiers? Fr. Ords.
Pan. Ainsi marchent en place? Fr. Tost.
Pan. Venons à la cuisine, je dis des garses, et
sans nous haster espluchons bien tout par le menu.
Qu'y a il en cuisine? Fr. Feu.
Pan. Qui entretient ce feu là? Fr. Bois.
Pan. Ce bois icy, quel est il? Fr. Sec.
Pan. De quels arbres le prenez? Fr. D'ifz.
PANTAGRUEL II9
Pan. Le menu et les fagots? Fr. D'houst.
Pan. Quel bois bruslez en chambre? Fr, Pins.
Pan. Et quels arbres encores? Fr. Teils.
Pan. Des garses susdites, j'en suis de moitié,
comment les nourrissez vous? Fr. Bien.
Pan. Que mangent elles? Fr. Pain.
Pan. Quel? Fr. Bis.
Pan. Et quoy plus? Fr. Chair.
Pan. Mais comment? Fr. Rost.
Pan. Mangent elles point souppes ? Fr. Point.
Pan. Et de pâtisserie? Fr. Prou.
Pan. J'en suis; mangent elles point poisson?
Fr. Si.
Pan. Comment? Et quoy plus? Fr. Œufs.
Pan. Et les aiment? Fr. Cuits.
Pan. Je demande comment cuits? Fr. Durs.
Pan. Est ce tout leur repas? Fr. Non.
. Pan. Quoy donc ? Qu'ont elles d'avantage ? Fr.
Bœuf.
Pan. Et quoy plus? Fr. Porc.
Pan. Et quoy plus? Fr. Oyes.
Pan. Quoy d'abondant? Fr. Jars.
Pan. Item ? Fr. Coqs.
Pan. Qu'ont elles pour leur saulce ? Fr. Sel.
Pan. Et pour les friandes? Fr. Moust.
Pan. Pour l'issue du repas? Fr. Ris.
Pan. Et quoy plus? Fr. Laict.
Pan. Et quoy plus? Fr. Pois.
Pan. Mais quel pois entendez vous ? Fr. Verds.
I20 LIVRE V, CHAPITRE XXVIII
Pan. Que mettez-vous avec? Fr. Lard.
Pan. Et des fruicts? Fr. Bons.
Pan. QuojPFr. Cruds.
Pan. Plus? Fr. Noix.
Pan. Mais comment boivent elles? Fr. Net.
Pan. Quoy ? Fr. Vin.
Pan. Quel? Fr. Blanc.
Pan. En hjver? Fr. Sain.
Pan. Au printemps? Fr. Brusq.
Pan. En esté? Fr. Frais.
Pan. En automne et vendange? Fr. Doux.
— Pote de froc, s'escria frère Jehan, comment
ces mastinesicy fredonniques devroient estre grosses,
et comment elles devroient aller au trot,veu qu'elles
repaissent si bien et copieusement ! — Attendez, dist
Panurge, que j'achève :
« Quelle heure est quand se couchent? Fr.
Nuict.
Pan. Et quand elles se lèvent? Fr. Jour.
— Voicy, dist Panurge, le plus gentil Fredon
que je chevauchay de cest an. Pleust à Dieu, et au
benoist sainct Fredon, et à la benoiste et digne
vierge saincte Fredonne, qu'il fust premier président
de Paris ! Vertugoy ! mon ami, quel expéditeur de
causes, quel abreviateur de procès, quel vuydeurde
débats, quel esplucheur de sacs, quel fueilleteur
de papiers, quel minuteur d'escritures ce seroit !
Or maintenant venons sus les autres vivres, et par-
PANTAGRUEL 121
Ions à traits et à sens rassis de nosdictes sœurs en
charité.
« Quel est le formulaire? Fr. Gros.
Pan. a l'entrée? Fr. Frais.
Pan. Au fond? Fr. Creux.
Pan. Je disois qu'il y faict ? Fr. Chaud.
Pan. Qu'y a il au bord ? Fr. Poil.
Pan. Quel? Fr. Roux.
Pan. Et celuy des plus vieilles? Fr. Gris.
Pan. Le sacquement d'elles, quel? Fr. Prompt.
Pan. Le remuement des fesses? Fr. Dru.
Pan. Toutes sont voltigeantes? Fr. Trop.
Pan. Vos instrumens, quels sont-ils? Fr. Grands.
Pan. En leur marge, quels? Fr. Ronds.
Pan. Le bout, de quelle couleur? Fr. Bail.
Pan. Quand ils ont fait, quels sont-ils ?Fr. Coys.
Pan. Les genitoires, quels sont? Fr, Lourds.
Pan. En quelle façon troussez? Fr. Prés.
Pan. Quand c'est faict, quels deviennent ? Fr.
Mats.
Pan. Or, par le serment qu'avez faict, quant
voulez habiter, comment les projettez-vous ? Fr.
Jus.
Pan. Que disent elles en culletant ? Fr. Mot.
Pan. Seulement elles vous font bonne chère ;
au demourant elles pensent au joly cas? Fr. Vray.
Pan. Vous font elles des enfans ? Fr. Nuls.
Pan. Comment couchez ensemble ? Fr. Nuds.
Pan. Par ledit serment qu'avez faict, quantes
i6
122 LIVRE V, CHAPITRE XXVIII
fois de bon compte ordinairement le faictes vous
par jour ? Fr. Six.
Pan. Et de nuict ? Fr. Dix.
— Cancre ! dist frère Jelian, le paillard ne dai-
gneroit passer seize, il est honteux.
— Voire, le ferois tu bien autant, frère Jean? Il
est, par Dieu, ladre verd.
« Ainsi font les autres ? Fr. Tous.
Pan. Qui est de tous le plus galland? Fr. Moy.
Pan. N'y faictes vous onques faute? Fr. Rien.
Pan. Je perds mon sens en ce poinct. Ayans
vuydé et espuysé en ce jour précèdent tous vos va-
ses spermatiques, au jour subsequant y en peut il
tant avoir? Fr. Plus.
Pan. Ils ont, ou je resve, l'herbe de l'Indie célé-
brée par Theophraste. Mais si, par empeschement
légitime ou autrement, en ce déduit advient quelque
diminution de membre, comment vous en trouvez
vous? Fr. Mal.
Pan. Et lors, que font les garses ? Fr. Bruit.
Pan. Et si cessiez un jour? Fr. Pis.
Pan. Alors, que leur donnez vous? Fr. Trunc.
Pan. Que vous font elles pour lors? Fr. Bren.
Pan. Que dis tu ? Fr. Peds.
Pan. De quel son ? Fr. Cas.
Pan. Comment les chastiez vous? Fr. Fort.
Pan. Et en faictes quoy sortir? Fr. Sang.
Pan. En cela devient leur tain? Fr. Tainct.
Pan. Mieux pour vous il ne seroit? Fr. Painct.
PANTAGRUEL 123
Pan. Aussi restez vous tousjours? Fr. Craints.
Pan. Depuis elles vous cuident? Fr. Saincts.
Pan. Par ledit serment de bois qu'avez fait, quelle
est la saison de l'année quand plus lasches lefaictes?
Fr. Aoust.
Pan. Celle quand plus brusquement? Fr. Mars.
Pan. Au reste vous le faictes? Fr. Gay. »
Alors dist Panurge en soubriant : ce Voici le pau-
vre Fredon du monde ! Avez-vous entendu com-
ment il est résolu, sommaire et compendieux en
ses responses ? Il ne rend que monosyllabes. Je
croy qu'il feroit d'une cerize trois morceaux. — Cor-
bieu, dist frère Jehan, ainsi ne parle il mie avec ses
garses; il y est bien polysyllabe; vous parlez de
trois morceaux d'une cerise : par Sainct Gris, je ju-
rerois que d'une espaule de mouton il ne feroit cjue
deux morceaux, et d'une quarte de vin qu'un traict.
Voyez comment il est hallebrené. — Ceste, dist
Epistemon, meschante freraille de moines sont par
tout le monde ainsi aspres sus les vivres, et puis nous
disent qu'ils n'ont que leur vie en ce monde. Que
diable ont les roys et grans princes? »
24 LIVRE V, CHAPITRE XXIX
CHAPITRE XXIX
Comment l'institution de Quaresme desplait à
Epistemon.
VEZ vous, dist Epistemon, noté com-
ment ce meschant et malautru Fredon
nous a allégué mars comme mois de
ruffîennerie? — Ouy, respondit Panta-
gruel; toutesfois il est tousjours en quaresme, le-
quel a esté institué pour macérer la chair, mortifier
les appétits sensuels etreserrer les furies vénériennes.
— En ce, dist Epistemon, pouvez vous juger de
quel sens estoit celuy pape qui premier l'institua,
qu£ ceste vilaine savatte de Fredon confesse soy
n'estre jamais plus embrené en paillardise qu'en la
saison de quaresme ; aussi, par les évidentes raisons
produites de tous bons et sçavans médecins, affer-
mans en tout le decours de l'année n'estre viandes
mangées plus excitantes la personne à lubricité
qu'en cestuj temps : febves, poix, phaseols, chiches,
oignons, noix, huytres, harans, saleures, garon,
salades toutes composées d'herbes veneriques ,
comme eruce, nasitord, targon, cresson, berle, res-
ponse, pavot cornu, haubelon, figues, ris, raisins.
— Vous, dist Pantagruel, seriez bien esbahy si,
voyant le bon Pape instituteur du sainct quaresme
estre lors la saison quand la chaleur naturelle sort
du centre du corps, auquel s'cstoit contenue durant
PANTAGRUEL 125
les froidures de Thyver, et se dispert par la circon-
férence des membres, comme la sesve faict es arbres,
auroit ces viandes qu'avez dictes ordonnées pour
aider à la multiplication de l'humain lignage. Ce
que me l'a faict penser est qu'au papier baptistère
de Touars plus grand est le nombre des enfans en
octobre et novembre nez qu'es dix autres mois de
l'année, lesquels, selon la supputation rétrograde,
tous estoient faits, conceus et engendrez en qua-
resme.
— Je, dist frère Jean, escoute vos propos, et y
prens plaisir non petit; mais le curé de Jambet
attribuoit ce copieux engrossissement de femmes
non aux viandes de quaresme, mais aux petits ques-
teurs voultés, aux petits prescheurs bottés, aux petits
confesseurs crottés, lesquels damnent, par cestuy
temps de leur empire, les ribaulx mariez trois toises
au desoubs des grifes de Lucifer. A leur terreur les
mariez plus ne biscotent leurs chambrières,, se reti-
rent à leurs femmes. J'ay dict.
— Interprétez, dist Epistemon, l'institution de
quaresme à vostre phantasie, chascun abonde en
son sens ; mais à la suppression d'iceluy, laquelle me
semble estre impendente, s'opposeront tous les mé-
decins, je le sçay, je leur ay ouy dire. Car sans le
quaresme seroit leur art en mespris, rien ne gaigne-
roient, personne ne seroit malade. En quaresme
sont toutes maladies semées : c'est la vraye pépinière,
la naïfve couche et promoconde de tous maux. En-
120 LIVRE V, CHAPITRE XXIX
cores ne considérez que, si quaresme faict les corps
pourrir, aussi faict il les âmes enrager. Diables alors
font leurs efforts, caffards alors sortent en place,
cagots tiennent leurs grands jours, foires, sessions,
stations, perdonnances, confessions, fouettemens,
anathematisations. Je ne veux pourtant inférer que
les Arimaspians soient en cela meilleurs que nous,
mais je parle à propos.
— Or çà, dist Panurge, couillon cultant et fre-
donnant, que vous semble de cestuy-cy? Est-il pas
hérétique? Fr. Très.
Pan. Doibt il pas estre bruslé? Fr. Doibt.
Pan. Et le plustost qu'on pourra? Fr. Soit.
Pan. Sans le faire pourbouillir? Fr. Sans.
Pan. En quelle manière donques? Fr. Vif.
Pan. Si qu'en fin s'en ensuyve? Fr. Mort.
Pan. Car il vous a trop faschë? Fr. Las!
Pan. Que vous sembloit il estre? Fr. Fol.
Pan. Vous dictes fol ou enragé? Fr. Plus.
Pan. Que voudriez vous qu'il fust? Fr. Ars.
Pan. On en a bruslé d'autres? Fr. Tant.
Pan. Qui estoient hérétiques? Fr. Moins.
Pan. Encore en bruslera on? Fr. Maints.
Pan. Les rachepterez vous? Fr. Grain.
Pan. Les faut il pas tous brusler? Fr. Faut.
— Je ne sçay, dist Epistemon, quel plaisir vous
prenez raisonnant avecques ce meschant penaillon
de moyne; mais, si d'ailleurs ne m'estiez congnu,
vous me créeriez en l'entendement opinion de vous
PANTAGRUEL 127
peu honorable. — Allons, de par Dieu, dist Pa-
nurge, je l'emmenerois volontiers à Gargantua, tant
il me plaist; quand je seray marié, il serviroit à ma
femme de fou. — Voire teur, dist Epistemon , par
la figure tmesis. — A ceste heure, dist frère Jehan
en riant, as tu ton vin, pauvre Panurge; tu n'es-
chappe jamais que tu ne sois cocujusques au cul. »
CHAPITRE XXX
Comment nous visitasmes le pays de Satin.
'M ^
J^ OYEUX d'avoir veu la nouvelle religion
J!^^ des frères Fredons, navigasmes par
lc|j^^ deux jours; au troisiesme descouvrit
^^fe^É^ nostre pilot une isle belle et déli-
cieuse sur toutes autres. On l'appelloit l'Isle de
Frize, car les chemins estoient de frize. En icelle
estoit le pays de Satin, tant renommé entre les
pages de cour, duquel les arbres et herbes jamais
ne perdoient fleur ne fueilles, et estaient de damas
et velous figuré. Les bestes et oiseaux estoient de
tapisserie. Là nous vismes plusieurs bestes, oiseaux
et arbres, tels que les avons de par deçà en figure,
grandeur, amplitude et couleur, excepté qu'ils ne
mangeoient rien et point ne chantoient, point aussi
ne mordoient ils comme font les nostres.
Plusieurs aussi y vismes que n'avions encores
veu; entre autres y vismes divers elephans en
125 LIVRE V, CHAPITRE XXX
diverse contenance; sus tous j'y notayles sixmasles
et six femelles présentez à Rome en théâtre par
leur instituteur, au temps de Germanicus, nepveu
de l'empereur Tibère, elephans doctes, musiciens,
philosophes, danseurs, pavaniers, baladins; et es-
toient à table assis en belle composition, beuvans
et mangeans en silence, comme beaux Pères au re-
fectouer. Ils ont le museau long de deux coudées,
et le nommons proboscide, avec lequel ils puisent
eau pour boire, prennent palmes, prunes, toutes
sortes de mangeaille, s'en deffendent et offendent
comme d'une main, et au combat jettent les gens
haut en l'air, et à la cheute les font crever de rire.
Ils ont joinctures et articulations es jambes; ceux
qui ont escrit le contraire n'en veirent jamais qu'en
peinture. Entre leurs dents ils ont deux grandes
cornes, ainsi les appelloit Juba; et dit Pausanias
estre cornes, non dents; Philostrate tient que soient
dents, non cornes; ce m'est tout un, pourveu
qu'entendiez que c'est le vray yvoire, et sont lon-
gues de trois ou quatre coudées, et sont en la
mandibule supérieure, non inférieure. Si croyez
ceux qui disent le contraire, vous en trouverez mal,
voire fust ce Elian, tiercelet de menterie. Là, non
ailleurs, en avoit veu Pline, dansans aux sonnettes
sus cordes et funambules, passans aussi sus les tables
en plain banquet sans olfenser les beuveurs beu-
vans.
J'y vy un rhinocéros du tout semblable à cestuy
PANTAGRUEL
129
que Henry Clerberg m'avoit autrefois monstre, et
peu differoit d'un verrat qu'autrefois j'avois veu à
Limoges, excepté qu'il avoit une corne au mufle
longue d'une coudée, et pointue, de laquelle il
osoit entreprendre contre un éléphant en combat,
et d'icelle le poignant sous le ventre, qui est la plus
tendre et débile partie de l'elephant, le rendoit
mort par terre.
J'y vy trente deux unicornes : c'est une beste
félonne à merveilles, du tout semblable à un beau
cheval, excepté qu'elle a la teste comme un cerf^
les pieds comme un éléphant, la queue comme un
sanglier , et au front une corne aiguë , noire ^
et longue de six ou sept pieds, laquelle ordinaire-
ment luy pend en bas comme la creste d'un coq
d'Inde; elle, quand veut combattre ou autrement
s'en aider, la levé roide et droite. Une d'icelles je
vy, accompagnée de divers animaux sauvages, avec
sa corne emunder une fontaine.
Là me distPanurge que son courtaut ressembloit
à ceste unicorne, non en longueur du tout, mais en
vertu et propriété. Car, ainsi comme elle purifioit
l'eau des mares et fontaines d'ordure ou venin
aucun qui y estoit, et ces animaux divers en seureté
venoient boire après elle, ainsi seurement on pou-
voit après luy fatrouiller sans danger de chancre,
vérole, pisse-chaude, pouUains, grèves et tels autres
menus suffrages : car, si mal aucun estoit au trou
méphitique, il esmondoit tout avec sa corne ner-
Rabelais. V. i -j
l3o LIVRE V, CHAPITRE XXX
veuse. « Quand, dist frère Jehan, vous serez marié,
nous ferons l'essay sus vostre femme, pour l'amour
de Dieu soit, puisque nous en donnez instruction
fort salubre. — Voire, respondit Panurge, et sou-
dain en l'estomac la belle petite pilulle agrégative de
Dieu, composée de vingt deux coups de pongnart,
à la Cesarine. — Mieux vaudroit, disoit frère Jehan,
une tasse de quelque bon vin frais. »
J'y vy la Toison d'Or conquise par Jason. Ceux
qui ont dit n''estre toison, mais pommes d'or, parce
que |j(.-?jXa signifie pomme et brebis, avoient mal
visité le pays de Satin.
J'y vy un chameleon, tel que le descrit Aristo-
teles, et tel que me l'avoit quelquefois monstre
Charles Marais, médecin insigne en la noble cité de
Lyon sur le Rosne ; et ne vivoit que d'air non plus
que l'autre.
J'y vy trois hydres, telles qu'en avois ailleurs
autrefois veu. Ce sont serpens ayans chascun sept
testes diverses.
J'y vy quatorze phœnix. J'avois leu en divers
autheurs qu'il n'en estoit qu'un en tout le monde
pour un aage; mais, selon mon petit jugement,
ceux qui en ont escrit n'en veirent oncques ailleurs
qu'au pays de Tapisseiie, voire fust-ce Lactance
Firmian.
J'y vy la peau de l'Asne d'or d'Apulée.
J'y vy trois cens et neuf pélicans, six mille et
seize oizeaux seleucides, marchans en ordonnance
PANTAGRUEL l3l
et devorans les sauterelles parmy les bleds ; des
cynamolges, des argathyles, des caprimulges, des
thynnuncules, des crotenotaires, voire, dis-je, des
onocrotales avec leur grand gosier; des stympha-
lides, harpyes, panthères, dorcades, cemades, cyno-
céphales, satyres, cartasonnes, tarandes, ures, mo-
nopes, pephages, cèpes, neares, stères, cercopite-
ques, bisons, musimones, bytures, ophyres, stryges,
gryphes.
J'y vy la My-caresme à cheval; la My-aoust et
la My-mars luy tenoient l'estaphe ; loups-garoux,
centaures, tygres, léopards, hyènes, camelopardales,
ériges.
J'y vy une remore, poisson petit, nommé echeneis
des Grecs, auprès d'une grande nauf, laquelle ne se
mouvoit, encores qu'elle eust pleine voile en haute
mer. Je croy bien que c'estoit celle de Perianderle
tyran, laquelle un poisson tant petit arrestoit contre
le vent. Et en ce pays de Satin, non ailleurs, l'avoit
veue Mutianus. Frère Jean nous dist que par les
cours de Parlement souloient jadis régner deux
sortes de poisson , lesquels faisoient de tous
poursuyvans, nobles, roturiers, pauvres, riches,
grands, petits, pourrir les corps et enrager les âmes.
Les premiers estoient poissons d'avril, ce sont
maquereaux ; les seconds bénéfiques remores ,
c'est sempiternité de procès sans fin de jugement.
Icy vy des sphynges, des raphes, des oinces^ des
cephes, lesquels ont les pieds de devant comme les
l32 LIVRE V, CHAPITRE XXX
mains, et ceux de derrière comrxie les pieds d'un
homme; des crocutes, des eales, lesquels sont grands
comme hippopotames, la queue comme elephans,
les mandibules comme sangliers, les cornes mobiles,
comme sont les aureilles d'asne; des cucrocutes,
bestes treslegeres, grandes comme asnes de Mire-
balais, ont le col, la queue et poitrine comme un
lion, les jambes comme un cerf, la gueule fendue
jusques aux aureilles, et n'ont autres dents qu'une
dessus et une autre dessous; elles parlent de voix
humaine, mais lors mot ne sonnèrent.
Vous dites qu'on ne veit oncques aire de sacre :
vrayement j'y en vy onze, et les notay bien.
J'y vy des hallebardes gaucheres, ailleurs n'en
avois veu.
J'y vy des menthichores, bestes bien estranges :
elles ont le corps comme un lion, le poil rouge, la
face et les aureilles comme un homme, trois rangs
de dents entrant les unes dedans les autres, comme
si vous entrelassiez les doigts des deux m.ains les uns
dedans les autres; en la queue elles ont un aiguil-
lon, duquel elles poignent, comme font les scor-
pions, et ont la voix fort mélodieuse.
J'y vy des catoblepes, bestes sauvages, petites de
corps, mais elles ont les testes grandes sans pro-
portion, à peine les peuvent lever de terre; elles
ont les yeux tant vénéneux que quiconques les
voit meurt soudainement, comme qui verroit un
basilic.
PANTAGRUEL l33
J'y vy des bestes à deux dos, lesquelles me sem-
bloyent joyeuses à merveilles et copieuses en cule-
tis, plus que n'est la mocitelle, avecques sempiternel
remuement de cropions.
J'y vy des escrevisses laictées, ailleurs jamais n'en
avois veu, lesquelles marchoient en moult belle or-
donnance, et les faisoit moult bon veoir.
CHAPITRE XXXI
Comment au pays de Satin nous veismes Ouy-dire,
tenant eschole de tesmoignerie.
ASSANS quelque peu avant en ce pays
de Tapisserie, vismes la mer Méditer-
ranée ouverte et descouverte jusques
aux abismes, tout ainsi comme au gouf-
fre Arabie se descovrit la mer Erithrée, pour faire
chemin aux Juifs issans d'Egypte,
Là je recongnu Triton sonnant de sa grosse
conche, Glaucus, Proteus, Nereus et mille autres
dieux et monstres marins. Vismes aussi nombre infîny
de poissons en espèces diverses, dansans, volans,
voltigeans, combatans, mangeans, respirans, belu-
tans, chassans, dressans escarmouches, faisans em-
buscade, composans trefves, marchandans, jurans,
s'esbatans.
En un coing là prés vismes Aristoteles tenant une
3,
LIVRE V, CHAPITRE XXXI
lanterne, en semblable contenance que Ton peint
l'hermite prés Sainct Christofle, espiant, considé-
rant, le tout rédigeant par escrit. Derrière luy es-
toient comme records de sergents plusieurs autres
philosophes, Appianus , Heliodorus, Atheneus,
Porphirius , Pancrates , Archadian , Numenius ,
Possidonius^ Ovidius, Oppianus, Olympius, Seleu-
cus, Leonides, Agathocles, Theophraste, Damos-
trate, Mutianus, Nymphodorus, Elianus, cinq cens
autres gens aussi de loisir, comme fut Chrysippus
ou Aristarchus de Sole, lequel demeura cinquante
huit ans à contempler Testât des abeilles, sans autre
chose faire. Entre iceux j'y advisay Pierre Gylles,
lequel tenoit un urinai en main, considérant en pro-
fonde contemplation l'urine de ces beaux poissons.
Avoir longuement considéré ce pays de Satin,
dist Pantagruel : « J'ay icy longuement repeu mes
yeux, mais je ne m'en peux en rien saouler, mon
estomach brait de maleraigede faim. — Repaissons,
repaissons, di-je, et tastons de ces anacampserotes
qui pendent là-dessus. Fy ! ce n'est rien qui vaille. »
Je donques prins quelques mirobalans qui pen-
doient à un bout de tapisserie, mais je ne les peu
mascher n'avaller; et, les goustans, eussiez propre-
ment dictet juré que fust soye retorsse, et n'avoient
saveur aucune. On penseroit qu'Heliogabalus là
eustpris, comme transsumpt de bulle, forme de
festoyer ceux qu'il avoit long-tems fait jusner,
leur promettant enfin bancquet somptueux, abon-
PANTAGRUEL l35
dant, impérial, puis les paissoit de viandes en
cire, en marbre, en potterie, en peintures et nappes
figurées.
Cerchans donques par ledit pays si viandes au-
cunes trouverions, entendismes un bruit strident et
divers, comme si fussent femmes lavant la buée, ou
traquets de moulins du Bazacle lez Toloze; sans
plus séjourner nous transportasmes au lieu où c'estoit,
etvismesun petit vieillard bossu, contrefait et mons-
trueux. On le nommoitOuy-dire ; il avoitla gueule
fendue jusques aux aureilles, dedans la gueule sept
langues, et la langue fendue en sept parties; quoy
que ce fust, de toutes sept ensemblement parloit
divers propos et languages divers; avoit aussi parmy
la teste et le reste du corps autant d'aureilles comme
jadis eut Argus d'yeux; au reste estoit aveugle et
paralitique des jambes.
Autour de luy je vy nombre innumerable d'hom-
mes et de femmes escoutans et attentifs, et en re-
congnu aucuns parmy latrouppe faisans bon minois,
d'entre lesquels un pour lors tenoit une mappe-
monde, et la leur exposoit sommairement par pe-
tites aphorismes, et y devenoient clercs et sçavans
en peu d'heure, et parloient de prou de choses pro-
digieuses elegantement et par bonne mémoire, pour
la centiesme partie desquelles sçavoirne suffiroit la
vie de l'homme : des Pyramides, du Nil, de Baby-
lone , des Troglodites , des Hymantopodes , des
Blemmies, des Pygmées, des Canibales, des Monts
l36 LIVRE V, CHAPITRE XXXI
Hyperborées, des Egipanes, de tous les Diables, et
tout par Ouy-dire.
Là je vy, selon mon advis, Hérodote, Pline,
Solin, Berose, Philostrate, Mêla, Strabo, et tant
d'autres antiques; plus Albert le Jacobin grand,
Pierre Tesmoin , Pape Pie second, Volateran,
Paulo Jovio le vaillant homme, Jacques Cartier,
Chaiton Armenian, Marc Paule Vénitien, Ludovic
Romain, Piètre Aliares, et ne sçay combien d'autres
modernes historiens cachez derrière une pièce de
tapisserie, en tapinois escrivans de belles besongnes,
et tout par Ouy-dire.
Derrière une pièce de velours figuré à fueille de
menthe, prés d'Ouy-dire, je vy nombre grand de
Percherons et Manceaux, bons estudians, jeunes
assez ; et demandans en quelle faculté ils appliquoient
leur estude, entendismes que là de jeunesse ils ap-
prenoient estre tesmoins, et en cestuy art proufitoient
si bien que, partans du lieu et retournez en leur
province, vivoient honnestement du mestier de
tesmoignerie, rendans seur tesmoignage de toutes
choses à ceux qui plus donneroient par journée, et
tout par Ouy-dire. Dictes en ce que voudrez, mais
ils nous donnèrent de leurs chanteaux, et beusmes
à leurs barils à bonne chère. Puis nous advertirent
cordialement qu'eussions à espargner vérité, tant
que possible nous seroit, si voulions parvenir en
court de grans seigneurs.
PANTAGRUEL
CHAPITRE XXXII
Comment nous fut descouvert le pais de Lanternois.
^AL traictez et mal repeus au païs de
^ Satin, navigasmes par trois jours; au
I quatriesme en bon heur approchasmes
^l de Lanternois. Approchans , voyons
sur mer certains petits feuz volans; de ma part, je
pensois que fussent non lanternes, mais poissons,
qui, de la langue flamboyans, hors la mer fissent
feu, ou bien lampyrides, vous les appeliez les cicin-
deles, là reluisans, comme au soir font en ma
patrie, l'orge venant à maturité. Mais le pilot nous
advertit que c'estoient lanternes des guets, lesquelles
autour de la banlieue descouvroient le païs, et fai-
soient escorte à quelques lanternes estrangeres,
qui, comme bons cordeliers et jacobins, alloient
là comparoistre au Chapitre provincial. Doutans
toutesfois que fust quelque prognostic de tempeste,
nous asseura qu'ainsi estoit.
38 LIVRE V, CHAPITRE XXXIII
CHAPITRE XXXIII
Comment nous descendismes au port des Lychno-
biens et entrasmes en Lanternois.
.^...v.^
:t^;^,
\.Q^.
'^•i'J\\js l'instant entrasmes au port de Lan-
I^Tternois. Là sus une haute tour recon-
, gnut Pantagruel la lanterne de la Ro-
m
®T^^4o^ chelle, laquelle nousfist bonne clarté.
Vismes aussi la lanterne de Pharos, de Nauplion,
et d'Acropolis en Athènes, sacrée à Pallas. Prés le
port est un petit village habité par lesLychnobiens,
qui sont peuples vivans de lanternes, comme en nos
païs les frères briffaux vivent de nonnains, gens de
bien et studieux. Demosthenes y avoit jadis lan-
terné. De ce lieu jusques au Palais fusmes conduicts
par trois Obeliscolychnies , gardes militaires du
havre, à baux bonnets comme Albanois, esquels
exposasmes les causes de nos voyage et délibéra-
tion, laquelle estoit là impetrer de la royne de
Lanternois une lanterne pour nous esclairer et con-
duire par le voyage que faisions vers l'oracle de la
Bouteille. Ce que nous promisrent faire, et volon-
tiers, adjoustans qu'en bonne occasion etoportunité
estions là arrivez, et qu'avions beau faire chois de
lanternes, lors qu'elles tenoient leur Chapitre pro-
vincial.
Advenans au palais royal, fusmes par deux lan-
ternes d'honneur, sçavoir est la lanterne d'Aris-
PANTAGRUEL ï3<)
lophanes et la lanterne de Cleanthes, présentez à
la royne, à laquelle Panurge, en langage lanter-
nois, exposa briefvement les causes de nostre
voyage; et eusmes d'elle bon recueil, et comman-
dement d'assister à son soupper, pour plus facile-
ment choisir celle que voudrions pour guide. Ce
que nous pleut grandement, et ne fusmes negligens
bien tout noter et tout considérer, tant en leurs
gestes, vestemens et maintien, qu'aussi en l'ordre
du service.
La royne estoit vestue de cristallin vergé par art
de tauchie, et azzeminé à ouvrage damasquin, pas-
sementé de gros diamens. Les lanternes du sang
estoient vestues, aucunes de strain, autres de pierres
phengites; le demeurant estoit de corne, de papier,
de toille cirée. Les fallots pareillement, selon leurs
estais d'antiquité de leurs maisons. Seulement j'en
advisay une de terre, comme un pot, en rang des
plus gorgiases : de ce m'esbahissent, entendy que
c'estoit la lanterne d'Epictetus, de laquelle on avoit
autresfois refusé trois mile dragmes.
J'y consideray diligentement la mode et accous-
trement de la lanterne Polymyxede Martial, encore
plus de ricosimyxe jadis consacrée par Canope,
fille de Tisias. J'y notay tresbien la lanterne Pensile,
jadis prinse deThebes au Temple d'Apollo Palatin,
et depuis transportée en la ville de Cyme iEolicque
par Alexandre le conquérant. J'en notay une autre
insigne, à cause d'un beau fioc de soye cramoisine
140 LIVRE V, CHAPITRE XXXIII
qu'elle avoit sus la teste, et me fut dit que c^estoit
Bartole, lanterne de droit. J'en notay pareillement
deux autres insignes, à cause des bourses declystere
qu'elles portoient à la ceincture, et me fut dictque
l'une estoit le grand et l'autre le petit luminaire des
apoticaires.
L'heure du soupper venue, la royne s'assit en
premier lieu, consequemment les autres, selon leur
degré et dignité. D'entrée de table toutes furent
servies de grosses chandelles de moulle, excepté
que la royne fut servie d'un gros et roidde flambeau
flamboyant de cire blanche, un peu rouge par le
bout; aussi furent les lanternes du sang exceptées
du reste, et la lanterne provinciale de Mirebalais,
laquelle fut servie d'une chandelle de noix, et la
provinciale du Bas-Poitou, laquelle je vy estre
servie d'une chandelle armée. Et Dieu sçait quelle
lumière après elles rendoient avecques leurs meche-
rons. Exceptez icy un nombre de jeunes lanternes
du gouvernement d'une grosse lanterne. Elles ne
luisoient comme les autres, mais me sembloient avoir
les paillardes couleurs. Après soupper nous retiras-
mes pour reposer. Le lendemain matin la royne
nous fîst choisir une lanterne, pour nous conduire,
des plus insignes. Et ainsi prinsmes congé.
PANTAGRUEL
141
CHAPITRE XXXIV
Comment nous arrivasmes à l'oracle de la Bouteille.
È osTRE noble lanterne nous esclairant
r et conduisant en toute joyeuseté,
arrivasmes en l'isle désirée, en laquelle
estoit l'oracle de la Bouteille. Descen-
dant Panurge en terre, fist sur un pied la gambade
en l'air gaillardement, et dist à Pantagruel : « Au-
jourd'huy avons-nous ce que cherchons avecques
fatigues et labeurs tant divers. » Puis se recom-
manda courtoisement à nostre lanterne. Icelle nous
commanda tous bien espérer, et, quelque chose qui
nous apparust, n'estre aucunement effrayez.
Approchans au temple de dive Bouteille, nous
convenoit passer parmy un grand vinoble faict de
toutes espèces de vignes, comme Phalerne, Mal-
voisie, Muscadet, Taige, Beaune, Mirevaux, Or-
léans, Picardent, Arbois, Coussi, Anjou, Grave,
Corsicque, Verron, Neracet autres. Le dit vignoble
fut jadis par le bon Bacchus planté avec telle béné-
diction que tous temps il portoit feuille, fleur et
fruict, comme les orangiers de Suraine. Nostre lan-
terne magnifique nous commanda manger trois
raisins par homme , mettre du pampre en nos sou-
liers, et prendre une branche verde en main gauche.
Au bout du vignoble passasmes dessous un arc
antique, auquel estoit le trophée d'un beuveur bien
142 ■ LIVRE V, CHAPITRE XXXIV
mignonnementinsculpé, sçavoir est en un bien long
ordre de flaccons, bourraches, bouteilles, fiolles,
barils, barraux, pots, pintes, semaises antiques pen-
dentes d'une treille ombrageuse. En autre, grande
quantité d'ails, oignons, eschalottes, jambons, bou-
targues, parodelles, langues de bœuf fumées, for-
mages vieux, et semblable confiture entrelassée de
pampre, et ensemble par grande industrie fagottées
avecquesdes ceps. En autre, cent formes de voerres,
comme voerres à pied et voerres à cheval, cuveaux,
retombes, hanaps, jadaux, salvernes, taces, gobe-
lets, et telle semblable artillerie bacchique. En la
face de l'arc, dessous le zoophore, estoient ces
deux vers inscripts :
Passant icy ceste poterne,
Garny toy de bonne lanterne.
« A cela, dist Pantagruel, avons nous pourveu,
car en toute la région de Lanternois n'y a lanterne
meilleure et plus divine que la nostre. »
Cestuy arc finissoit en une belle et ample ton-
nelle, toute faicte de ceps de vignes, aornez de
raisins de cinq cens couleurs diverses, et cinq cens
diverses formes, non naturelles, mais ainsi compo-
sées par art d'agriculture, jaunes, bleus, tanez,
azurez, blancs, noirs, verds, violets, riolez, piolez,
longs, ronds, toranglés, couillonnez, couronnez,
barbus, cabus, herbus. La fin d'icelle estoit close de
trois antiques lierres, bien verdoyanset tous chargez
PANTAGRUEL 1^3
de bagues. Là nous commanda notre illustrissime
lanterne de ce lierre chascun de nous se faire un
chappeau albanois et s'en couvrir toute la teste; ce
que fut faict sans demeure.
« Dessous, dist lors Pantagruel, ceste treille n'eust
ainsi jadis passé la pontife de Jupiter. — La raison,
dist nostre preclare lanterne, estoit mystique. Car y
passant auroit le vin, ce sont les raisins, au-dessus
de la teste, et sembloit estre comme maistrisée et
dominée du vin, pour signifier que les pontifes et
tous personnages qui s'adonnent et dédient à con-
templation des choses divines doivent en tranquil-
lité leurs esprits maintenir, hors toute perturbation
de sens, laquelle plus est manifestée en yvrognerie
qu'en autre passion, quelle que soit.
« Vous pareillement au temple ne seriez receus
de la dive Bouteille, estans par cy dessous passez,
sinon que Bacbuc la noble pontife vist de pampre
vos souliers plains, qui est acte du tout et par entier
diamètre contraire au premier, et signification évi-
dente que le vin vous est en mespris, et par vous
conculqué et subjugué. — Je, dist frère Jean, ne
suis point clerc, dont me desplaist; mais je treuve
dedans mon bréviaire que en la révélation fut comme
chose admirable veue une femme ayant la lune sous
les pieds : c'estoit, comme m'a exposé Bigot, pour
signifier qu'elle n'estoit de la race et nature des
autres, qui toutes ont à rebours la lune en teste, et
par conséquent le cerveau tousjours lunatique; cela
144 LIVRE V, CHAPITRE XXXIV
m'induit facillement à croire ce que dites, Madame
lanterne m'amie. »
CHAPITRE XXXV
Comment nous desccndisnies soubs terre pour entrer
au temple de la Bouteille, et comment Chinon est
la première ville du monde.
iNSi descendismes sous terre par un
arceau incrusté de piastre, peint au
dehors rudement d'une danse de
^:^W!l-i^b femmes et satyres, accompagnans le
vieil Silenus riant sus son asne.
Là jedisois à Pantagruel : « Geste entrée me ré-
voque en souvenir la cave peinte de la première
ville du monde, car là sont peinctures pareilles, en
pareille fraischeur, comme icy. — Où est, demanda
Pantagruel, qui est ceste première ville que dites?
— Chinon, di-je, ou Caynon, en Touraine. — Je
sçay, respondit Pantagruel, où est Chinon, et la
cave peinte aussi; j'y ai beu maints verres de vin
frais, et ne fais doute aucune que Chinon ne soit
ville antique; son blason l'atteste, auquel est dit
deux ou trois fois :
... Chinon,
Petite ville, grand renom,
Assise sus pierre ancienne ;
Au hault le bois, au pied la Vienne.
PANTAGRUEL I45
Mais comment seroit-elle ville première du monde?
Où le trouvez vous par escrit? Quelle conjecture
en avez? — Je, dy, trouve en l'Escriture sacrée
que Cayn fut premier bastisseur de villes; vray
donques semblable est que la première, il, de son
nom, nomma Caynon, comme depuis ont à son
imitation tous autres fondateurs et instaurateurs de
villes imposé leurs noms à icelles. Athené, c'est en
grec Minerve, à Athènes; Alexandre à Alexandrie;
Constantin à Constantinople; Pompée à Pompeio-
polis, en Cilicie; Adrian à Adrianople; Canaan aux
Cananéens; Saba aux Sabeians; Assur aux Assy-
riens; Ptolomaïs, Cesarea, Tiberium, Herodium,
en Judée. »
Nous tenans ces menus propos, sortit le grand
flasque (nostre Lanterne i'appelloit phlosque) gou-
verneur de la dive Bouteille, accompagné de la
garde du temple, et estoient tous Bouteillons Fran-
çois. Iceluy, nous voyans tyrsigeres, comme j'ay
dit, et couronnez de lierre, recognoissant aussi
nostre insigne lanterne, nous fist entrer en seureté,
et commanda que droit on nous menast à la princesse
Bacbuc, dame d'honneur de la Bouteille et pontife
de tous les mystères. Ce que fut fait.
Rabelais. V.
[46 LIVRE V, CHAPITRE XXXVL
CHAPITRE XXXVI
Comment nous descendismes les degrez teiradiqueSy
et de la peur qu'eut Panurge.
EPUis descendismes un degré marbrin
sous terre : là estoit un repos ; tournans
à gauche, en descendismes deux autres :
là estoit un pareil repos ; puis trois
à destour, et repos pareil ; et quatre autres de mesme.
Là demanda Panurge : « Est-ce icy? — Quant
degrez , dist nostre magnifique lanterne , avez
compté? — Un, respondit Pantagruel, deux, trois,
quatre. — Quants sont-ce ? demanda elle. — Dix,
respondit Pantagruel. — Par, dist elle, mesme
tétrade pythagorique, multipliez ce qu'avez résul-
tant. — Ce sont, dist Pantagruel, dix, vingt ^
trente, quarante. — Combien fait le tout? dist
elle. — Cent, respondit Pantagruel. — Adjoustez,
dist elle, le cube premier : ce sont huit ; au bout de
ce nombre fatal trouverez la porte du temple. Et
y notez prudentement que c'est la vraye Psyco-
gonie de Platon, tant célébrée par les Acade-
miens, et tant peu entendue, de laquelle la
moictié est composée d'unité des deux premiers
nombres plains de deux quadrangulaires et de deux
cubiques. »
Descendus ces degrez numeraulx sous terre.
PANTAGRUEL 1 47
nou5 furent bien besoin premièrement nos jambes,
car sans icellesne descendions qu'en rouUant comme
tonneaux en cave basse; secondement, nostre
preclare lanterne, car en ceste descente ne nous
apparoissoit autre lumière en plus que si nous fus-
sions au trou de Sainct Patrice en Hybernie, ou
en la fosse de Trophonius en Boëtie. Descendus
environ septante et huit degrez, s'escria Panurge,
addressant sa parolle à nostre luysante lanterne ;
« Dame mirifique, je vous prie de cœur contrit»
retournons arrière. Par la mort bœuf, je meurs de
malle peur. Je consens jamais ne me marier; vous
avez prinsde peine et fatigues beaucoup pour moy.
Dieu vous le rendra en son grand rendouer, je n'en
seray ingrat issant hors ceste caverne des Troglodi-
tes. Retournons, de grâce. Je doubte fort que soit
icy Tenare, par lequel on descend en enfer, et me
semble que j'oy Cerberus abbayant. Escoutez, c'est
luy, ou les aureilles me cornent; je n'ay à luy dé-
votion aucune, car il n'est mal des dens si grand
que quant les chiens nous tiennent aux jambes. Si
c'est icy la fosse de Trophonius, les lémures et lu-
tins nous mangeront tous vifs, comme jadis ils
mangèrent un des hallebardiers de Demetrius ,
par faute de bribes. Es tu là, frère Jean? Je te
prie, mon bedon, tien toy prés de moy, je meurs
de peur. As tu ton bragmard? Encores n'ay-je
armes aucunes, n'offensives ne defîensives. Re-
tournons.
148 LIVRE V, CHAPITRE XXXVI
— J'y suis^ dist frère Jean, j'y suis; n'ayes peur,
je te tien au collet ; dix huit diables ne t'empor-
teront de mes mains, encores que sois sans armes.
Armes jamais au besoin ne faillirent quand bon cueur
est associé de bon bras ; plustost armes du Ciel pleu-
veroient, comme au champs de la Crau, prés les
fosses Mariannes en Provence, jadis pleurent cailloux
(ils y sont encores) pour l'aide d'Hercules, n'ayant
autrement dequoy combatre les deux enfans de
Neptune. Mais quoy ? Descendons nous icy es lim-
bes des petits enfans? Par Dieu, ils nousconchieront
tous, ou bien en enfer à tous les diables? Cordieu,
je les vous galleray bien, à ceste heure que j'ay du
pampre en mes souliers. O que je me battray verde-
ment ! Où est ce? où sont ils? Je ne crains que
leurs cornes. Mais les deux cornes que Panurge
marié portera m'en garentiront entièrement. Je le
voy ja, en esprit prophétique^ un autre Acteon,
cornant, cornu, cornancul. — Garde, Frater, dist
Panurge, attendant qu'on marira les moines, que
n'espouses la fiebvre quartaine. Car je puisse donc
sauf et sain retourner de cestuy hypogée, en cas
que je ne te la beline, pour seulement te faire
cornigere, cornipetant; autrement pensé-je bien
que la fiebvre quarte est assez mauvaise bague.
Il me souvient que Grippe-minaud te la vou-
lut donner pour femme, mais tu l'appellas héré-
tique. »
Icy fut le propos interrompu par nostre splen-
PANTAGRUEL
49
dide lanterne, nous remonstrantque là estoit le lieu
auquel convenoit favorer et par suppression de
parolles et taciturnité de langues. Du demourant
fist response peremptoire que de retourner sans
avoir le mot de ia Bouteille n'eussions d'espoir
aucun, puisqu'une fois avions nos souliers feustrez
de pampre.
« Passons donques, dist Panurge, et donnons
de la teste à travers tous les diables. A périr n'y
a qu'un coup. Toutesfois je me reservois la vie
pour quelque bataille. Boutons, boutons, passons
outre. J'ay du courage tant et plus ; vray est que
le cueur me tremble, mais c'est pour la froideur
et relenteur de ce Cavayn. Ce n'est de peur,
non, ne de fîebvre. Boutons, boutons, passons,
poussons, pissons. Je m'appelle Guillaume sans
peur. »
CHAPITRE XXXVII
Comment les portes du temple par soy mesme
admirablement s* entr' ouvrirent.
hr-j N fin des degrez rencontrasmes un
portai de fin jaspe, tout compassé et
basty à ouvrage et forme dorique, en
Tss^r^Vs^ la face duquel estoit en lettres ioni-
ques d^or trespur escripte ceste sentence : 'Ev oTvw
oiXrfieioi, c'est à dire en vin vérité. Les deux portes
l5o LIVRE V, CHAPITRE XXXVII
estoient d'arain comme coiinthian, massives, faites
à petites vinettes, enlevées et esmaillées mignonne-
ment selon l'exigence de la sculpture , et estoient
ensemble jointes et refermées esgalement en leur
mortaise sans clavier et sans catenat, sans lyaison
aucune. Seulement y pendoit un diamant indique,
de la grosseur d'une febve egyptiatique, enchâssé
en or brisé à deux pointes^ en figure exagone et en
ligne directe. A chascun costé vers le mur pendoit
une poignée de scordion.
Là nous dist nostre noble lanterne qu'eussions
son excuse pour légitime si elle desistoit plus avant
nous conduire; seulement qu'eussions à obtempérer
es instructions de la pontife Bacbuc, car entrer
dedans ne luy estoit permis pour certaines causes,
lesquelles taire meilleur estoit à gens vivans vie
mortelle qu'exposer. Mais, en tout événement, nous
commanda estre en cerveau, n'avoir frayeur ne peur
aucune, et d'elle se confier pour la retraite. Puis
tira le diamant pendant à la commissure des deux
portes, et à dextre le jetta dedans une capse d'ar-
gent, à ce expressément ordonnée ; tira aussi de
Tessueil de chascune porte un cordon de soye cra-
moisine, long d'une toise et demie, auquel pendoit
le scordion, l'attacha à deux boucles d'or expres-
sément pour ce pendantes aux costez, et se retira
à part.
Soudainement les deux portes, sans que personne
y touchast, de soy mcsme s'ouvrirent, et s'ouvrant
PANTAGRUEL l5l
firent non bruit strident, non frémissement horrible,
comme font ordinairement portes de bronze rudes
et pesantes, mais doux et gratieux murmur reten-
tissant par la voulte du temple , duquel soudain
Pantagruel entendit la cause, voyant sous l'extré-
mité de l'une et l'autre porte un petit cylindre, le-
quel par sus l'esseuil joignoit la porte, et se tour-
nant selon qu'elle se tiroit vers le mur, dessus une
dure pierre d'ophytes, bien terse et esgalement po-
lie, par son frottement faisoit ce doux et harmonieux
murmur.
Bien je m'esbahissois comment les deux portes,
chascune par soy, sans l'oppression de personne,
estoient ainsi ouvertes; pour cestuy cas merveilleux
entendre, après que tous fusmes dedans entrez, je
projettay ma veuë entre les portes et le mur, con-
voiteux de sçavoir par quelle force et par quel
instrument estoient ainsi refermées, doutant que
nostre amiable lanterne eust à la conclusion d'i-
celles apposé l'herbe dite ethiopis , moyennant
laquelle on ouvre toutes choses fermées ; mais
j'apperceu que la part en laquelle les deux portes
se fermoient, en la mortaise intérieure, estoit
une lame de fin acier, enclavée sur la bronze corin-
thiane,
J'apperceu d'avantage deux tables d'aimant indi-
ques, amples et espoisses de demye paume, à cou-
leur cerulée, bien licées et bien polies; d'icelles
toute l'espoisseur estoit dedans le mur du temple
l52 LIVRE V, CHAPITRE XXXVII
engravée, à l'endroit auquel les portes entièrement
ouvertes avoient le mur pour fin d'ouverture.
Par doncques la rapacité violente de l'aimant,
les lames d'acier, par occulte et admirable insti-
tution de nature, patissoient cestuy mouvement ;
consequemment les portes y estoient lentement
ravies et portées, non tousjours toutesfois , mais
seulement l'aimant susdit osté, par la prochaine
session duquel Pacier estoit de l'obéissance qu'il
a naturellement à l'aimant absout et dispensé ;
ostées aussi les deux poignées de scordion , les-
quelles nostre joyeuse lanterne avoit par le cor-
don cramoisin eslongnées et suspendues, parce
qu'il mortifie l'aimant et despouille de ceste vertu
attractive.
En l'une des tables susdites, à dextre, estoit ex-
quisitement insculpé en lettres latines antiquaires ce
vers iambique senaire :
Ducunt volentemfata, nokntem trahunt.
Les destinées meuvent celuy qui consent, tirent
celuy qui refuse. En l'autre je veis à senestre, en
majuscules lettres, elegantement insculpé ceste sen-
tence :
Toutes choses se meuvent a leur fin.
PANTAGRUEL i53
CHAPITRE XXXVIII
Comment le pavé du temple estait faict par emble-
mature admirable.
^A^ EUES ces inscriptions, jettay mes yeux
j^)) à la contemplation du manifique temple,
)-'' et considerois l'incredible compacture
^ du pavé, auquel par raison ne peut
estre ouvrage comparé qui onques soit ou ait esté
dessous le firmament, fust-ce celuy du temple de
Fortune en Preneste, au temps de Sylla, ou le pavé
des Grecs appelle Asarotum^ lequel fist Sosistratus
en Pergame. Car il estoit à ouvrage tesseré, en
forme de petits carreaux, tous de pierres fines et
polies, chascune en sa couleur naturelle : Tune de
jaspe rouge tainct plaisamment de diverses macules,
l'autre d'ophite , l'autre de porphyre, l'autre de
lycoptalmie semé de scintiles d'or menues comme
atomes, l'autre d'agathe à onde de petits flammeaux
confus et sans ordre, de couleur laictée, l'autre de
calcédoine trescher, l'autre de jaspe verd, avec cer-
taines veines rouges et jaunes, et estoient en leur
assiete départies par ligne diagonale.
Dessus le portique, la structure du pavé estoit
une emblemature, à petites pierres rapportées, chas-
cune en sa naïfve couleur, servans au dessain des
figures, et estoit comme si par dessus le pavé susdit
on eust semé une jonchée de pampre, sans trop
1^4 LIVRE V, CHAPITRE XXXVIII
curieux agensement : car en un lieu sembloit estre
espandu largement, en l'autre moins, et estoit ceste
infoliature insigne en tous endroits, mais singuliè-
rement y apparoissoient . au demy jour, aucuns
limassons en un lieu, rampans sus les raisins, en
autre petits lisars courans à travers le pampre ; en
autre apparoissoient les raisins à demy et raisins
totalement meurs, par tel art et engin de l'archi-
tecte composez et formez qu'ils eussent aussi faci-
lement deceu les estourneaux et autres petis oise-
lets que fîst la peincture de Xeuxis Heracleotain.
Quoy que soit, ils nous trompoient tresbien, car à
l'endroit auquel l'architecte avoit le pampre bien
espois semé, craignans nous offenser les pieds, nous
marchions haut à grandes enjambées, comme on
fait passant quelque lieu inégal et pierreux. Depuis
jettay mes yeux à contempler la voulte du temple,
avec les parois, lesquels estoient tous incrustez de
marbre et porphyre, à ouvrage mosayque, avec
une mirifique emblemature, depuis un bout jusques
à l'autre, en laquelle estoit, commençant à la part
senestre de Tentrée, en élégance incroiable repré-
sentée la bataille que le bon Bacchus gagna contre
les Indians, en la manière que s'ensuit.
PANTAGRUEL i55
CHAPITRE XXXIX
Comment en l'ouvrage mosayque du temple estoit
représentée la bataille que Bacchus gagna contre
les Indians.
u commencement estoient en figure
diverses villes, villages, chasteaux,
forteresses, champs et forests, toutes
£ ardentes en feu. En figure aussi estoient
femmes diverses forcenées et dissolues, lescjuelles
metoient furieusement en pièces veaux, moutons et
brebis toutes vives, et de leur chair se paissoient.
Là nous estoit signifié comme Bacchus, entrant en
Indie, mettoit tout à feu et à sang.
Ce nonobstant^ tant fut des Indians desprisé
qu'ils ne daignèrent luy aller encontre, ayans adver-
tissement certain par leurs espions qu'en son ost
n'estoient gens aucuns de guerre, mais seulement
un petit bon homme, vieux, efféminé et tousjours
yvre, accompagné de jeunes gens agrestes, tous
nuds, tousjours dansans et sautans, ayans queues et
cornes, comme ont les jeunes chevreaux, et grand
nombre de femmes yvres. Dont se résolurent les
laisser outre passer, sans y résister par armes,
comme si à honte, non à gloire, deshonneur et
ignominie leurs revint, non à honneur et prouesse,
avoir de telles gens victoire. En cestuy despris,
Bacchus tousjours gaignoit pais, et mettoit tout à
l56 LIVRE V, CHAPITRE XXXIX
feu, pource que feu et foudre sont de Bacchus les
armes paternelles, et avant naistre au monde fut
par Jupiter saulvé de foudre, sa mère Semelé et sa
maison maternelle arse et destruite par feu, et sang
pareillement, car naturellement il en faict au temps
de paix et en tire au temps de guerre. En tesmoi-
gnage sont les champs en l'isle de Samos, dits Pa-
nema, c'est à dire tout sanglant, auquel Bacchus
les Amazones acconceut, fuyantes de la contrée
des Ephesians, et les mist toutes à mort par phlebo-
tomie, de mode que le dit champ estoit de sang
tout embeu et couvert.
Dont pourrez doresnavant entendre , mieux que
n'a descrit Aristoteles en ses Problèmes , pourquoy
jadis on disoit en proverbe commun : « En temps
de guerre ne mange et ne plante menthe. » La
raison est, car en temps de guerre sont ordinaire-
ment départis coups sans respect; donques l'homme
blessé, s'il a celuy jour manié ou mangé menthe,
impossible est, ou bien difficile, luy restreindre le
sang. Consequemment estoit en la susdite emble-
mature figuré comment Bacchus marchoit en bataille,
et estoit assis sur un char magnifique tiré par trois
coubles de jeunes pards joints ensemble; sa face
estoit comme d'un jeune enfant, pour enseignement
que tous bons beuveurs jamais n'envieillissent, rouge
comme un chérubin, sans un poil de barbe au man-
ton. En teste portoit cornes agues, au dessus
d'icelles une belle couronne faicte de pampre et de
PANTAGRUEL I Sj
raisins, avec une mitre rouge cramoisine , et estoit
chaussé de brodequins dorez.
En sa compagnie n'estoit un seul homme, toute
sa garde et toutes ses forces estoient de Bassarides,
Evantes, Euhyades, Edonides, Trieterides, ^gj"
gies, Mimallones, Menades, Thyades etBacchides,
femmes forcenées, furieuses, enragées, ceinctes de
dragons et serpens vifs en Heu de ceinctures , les
cheveux voletans en l'air, avecques frontaux de
vignes, vestues de peaux de cerfs et de chèvres, por-
tans en mains petites haches, tyrses, rançons, et
hallebardes en forme de noix de pin, et certains
petits boucliers légers, sonnans et bruyans quand on
y touchoit tant peu feust, desquels elles usoient,
quand besoin estoit, comme de tabourins et de tym-
bons. Le nombre d'icelles estoit septante et neuf
mille deux cens vingt sept. L'avantgarde estoit
menée par Silenus, homme auquel il avoit sa fiance
totalle, et duquel par le passé avoit la vertu et ma-
gnanimité de courage et prudence en divers endroits
congneu.
C'estoit un petit vieillard tremblant, courbé, gras,
ventru à plain basts, et les aureilles avoit grandes
et droictes, le nez pointu et aquilin, et les sour-
cilles rudes et grandes comme un sillon; estoit monté
sus un asne couillard; en son poing tenoit poursoy'
appuyer un baston, pour aussi gallentement com-
batre, si par cas convenoit descendre en pieds, et
estoit vestu d'une robbe jaulne à usage de femme.
l58 LIVRE V, CHAPITRE XXXIX
Sa compagnie estoit de jeunes gens champestres ,
cornus comme chevreaux et cruels comme lions,
tous nuds, toujours chantans et dansans les cor-
daces : on les appelloit Tityres et Satyres. Le nom-
bre estoit octante cinq mille six vingts et treize.
Pan menoit l'arrieregarde, homme horrifique et
monstrueux. Car par les parties inférieures du corps
il ressembloit à un bouc, les cuisses avoit velues,
portoit cornes en teste droictes contre le ciel. Le
visage avoit rouge et enflambé, et la barbe bien fort
longue; homme hardy, courageux, hazardeux et
facile à entrer en courroux; en main senestre por-
toit une fluste, en dextre un baston courbé; ses
bandes estoient semblablement composées de Saty-
res, Hemipans, Aegipans, Sylvains, Faunes, Lé-
mures, Lares, Farfadets et Lutins, en nombre de
soixante et dixhuit mille cens et quatorze.
Le signe commun à tous estoit ce mot : Evohe.
PANTAGRUEL I Sg
CHAPITRE XL
Comment en Vemhlematare estait figuré le hourt et
l'assaut que donnait le bon Bacchus contre les
Indians.
ONSEQUEMMENT estoit figuré le hourt et
l'assaut que donnoit le bon Bacchus
contre les Indians. Là consideroisque
SilenuSj chef de l'avantgarde, suoit à
grosses gouttes, et son asne aigrement tourmen-
toit; l'asne de mesmes ouvroit la gueule horrible-
ment, s'esmouchoit, desmanchoit, s'escarmouchoit
en façon espouvantable, comme s'il eust un freslon
au cul.
Les Satyres, capitaines, sergens de bandes, caps
d'escadre, corporals, avec cornaboux sonnant les
orthies, furieusement tournoyoient autour de l'ar-
mée à saux de chèvres, à bons, à pets, à ruades et
pennades, donnans courage aux compagnons de
vertueusement combatre. Tout le monde en figure
cryoit Evohe ! Les Menades premières faisoient in-
cursion sur les Indians avec cris horribles et sons
espouvantables de leurs tymbons et bouchers; tout
le ciel en retentissoit, comme designoit l'emblema-
ture, à fin que plus tant n'admirez l'art d'Apelles,
Aristides Thebain, et autres qui ont painct les ton-
nerres, esclairs, foudres, vents, paroles, lémures, et
les esprits.
l6o LIVRE V, CHAPiTRE XL
Consequemment estoit i'ost des Indians comme
adverty que Bacchus mettoit leur pays en vastation.
En front estoient les elephans, chargez de tours,
avec gens de guerre en nombre infiny; mais toute
l'armée estoit en routte, et contre eux et sus eux se
tournoient et marchoient leurs elephans par le
tumulte horrible des Bacchides et la terreur panique
qui leur avoit le sens tollu. Là eussiez veu Silenus
son asne aigrement talonner, et s'escrimer de son
baston à la vieille escrime, son asne voltiger après
les elephans la gueule bée, comme s'il brailloit, et
braillant martiallement(en pareille braveté que jadis
il esveilla la nymphe Lotis en plains Bacchanales,
quand Priapus plein de priapisme la vouloit dor-
mant priapiser sans la prier) sonnast l'assaut.
Là eussiez veu Pan sauteler avec ses jambes tortes
autour des Menades, avec sa fluste rustique les
exciter à vertueusement combatre. Là eussiez
aussi veu en après un jeune Satyre mener prison-
niers dixsept roys, une Bacchide tirer avec ses ser-
pens quarante et deux capitaines, un petit Faune por-
ter douze enseignes prinses sur les ennemis, et le
bon homme Bacchus sur son char se pourmener en
seureté parmy le camp, riant, se gaudissant et beu-
vant d'autant à un chascun. En fin estoit repré-
senté en figure emblématique le trophée de la vic-
toire et triomphe du bon Bacchus.
Son char triomphant estoit tout couvert de lierre
prins et cueilly en la montagne Meros, et ce pour la
PANTAGRUEL l6l
rarité, laquelle hausse le pris de toutes choses en
Indie, expressément d'icelles herbes. En ce depuis
l'imita Alexandre le Grand en son triomphe Indique,
et estoit le char tyré par elephans joints ensemble.
En ce depuis l'imita Pompée le Grand, à Rome,
en son triomphe aphricain. Dessus estoit le noble
Bacchus beuvant en un canthare. En ce depuis l'imita
Gains Marins après la victoire des Gimbres, qu'il
obtint prés Aix en Provence. Toute son armée estoit
couronnée de lierre, leurs tyrses, boucliers et tym-
bons en estoient couvers; il n'estoit l'asne de Sile-
nus qui n'en fust capparaçonné.
Es costez du char estoient les roys Indians, prins
et liez à grosses chaisnes d'or; toute la brigade
marchoit avec pompes divines en joye et liesse indi-
cible, portant infinis trophées, ferculeset despouilles
des ennemis, en joyeux epinicies et petites chan-
sons villatiques et dithyrambes resonnans. Au bout
estoit descript le pays d'Egipte avec le Nil et ses
crocodilles, cercopitheces, ibides, singes, trochiles,
ichneumones, hipopotames, et autres bestes à luy
domestiques, et Bacchus marchant en icelle contrée
à la conduite de deux beufs, sus l'un desquels estoit
escript en lettres d'or Apis, sus l'autre Osyris,
pource qu'en Egipte, avant la venue de Bacchus,
n'avoit esté veu beuf ny vache.
Rabelais. V.
>2 LIVRE V, CHAPITRE XLI
CHAPITRE XLI
Comment le temple estait esclairé par une lampe
admirable.
VANT qu'entrer à Texposition de la Bou-
teille, je vous descrirayla figure admi-
rable d'une lampe moyennant laquelle
.estoit eslargie lumière partout le tem-
ple, tant copieuse qu'encor qu'il fust subterrain, on
y voyoit comme en plein midy nous voyons le soleil
cler et serain, luysant sur terre.
Au milieu de la voulte estoit un anneau d'or
massif attaché, de la grosseur de plein poing, au-
quel pendoient de grosseur peu moindre trois
chesnes bien artificiellement faites, lesquelles, deux
pieds et demy en l'air, comprenoient en figure
triangle une lame de fin or, ronde, de telle gran-
deur que le diamètre excedoit deux coudées et
demye palme. En icelle estoient quatre boucles ou
pertuys, en chascune desquelles estoit fixement re-
tenue une boule vuyde, cavée par le dedans, ou-
verte du dessus comme petite lampe, ayant en cir-
conferance environ deux palmes, et estoient toutes
de pierres bien précieuses, l'une d'améthyste, l'autre
de carboucle lybien, la tierce d'opalle, la quarte
d'anthracite. Chascune estoit plaine d'eau ardente
cinq fois distilce par alambic serpentin, inconsomp-
tible comme l'huille que jadis mist Callimachus en
PANTAGRUEL l63
la lampe d'or de Pallas en l'Acropolis d'Athènes,
avec un ardent lychnion, faict part de lin abestin,
comme estoit jadis au temple de Jupiter en Ammo-
nie (et le veit Cleombrotus, philosophe tresstudieux),
part de lin carpasien, lesquels par feu plustost sont
renouveliez que consommez.
Au dessouz d'icelle lampe, environ deux pieds et
demy, les trois chesnes en leurs figures premières
estoient embouclées en trois anses, lesquelles issoient
d'une grande lampe ronde de cristalin trespur,
ayans en diamètre une coudée et demye, laquelle
au dessus estoit ouverte environ deux palmes; par
ceste ouverture estoit au milieu posé un vaisseau de
cristalin pareil, en forme de coucourde, ou comme
à un urinai, et descendoit jusques au fonds de la
grande lampe avec telle quantité de la susdicte eau
ardente que la flamme du lin abestin estoit droicte-
ment au centre de la grande lampe. Par ce moyen
sembloit donc tout le corps spherique d'icelle ardre
et enflamboyé, parce que le feu estoit au centre et
poinct moyen.
Et estoit difficile d'y asseoir ferme et constant
regard, comme on ne peut au corps du soleil, estant
la matière de merveilleuse perspicuité, et l'ouvrage
tant diaphane et subtil, par la flexion des diverses
couleurs, qui sont naturelles es pierres précieuses,
des quatre petites lampes supérieures à la grand
inférieure, et d'icelles quatre estoit la resplandeur
en tous points inconstante et vacillante parle temple.
164 LIVRE V, CHAPITRE XII
Venant d'avantage icelle vague lumière toucher sur
la pollissure du marbre, duquel estoit incrusté tout
le dedans du temple, apparoissoient telles couleurs
que voyons en l'arc céleste quand le clair soleil
touche les nues pluvieuses.
L'invention estoit admirable, mais encores plus
admirable, ce me sembloit, que le sculpteur avoit
autour de la corpulance d'icelle lampe cristaline
engravéeà ouvrage catagljphe une prompte et gail-
larde bataille de petis enfans nuds, montez sus des
petis chevaux de bois, avec lances de virolets et
pavois faits subtilement de grappes de raisins entre-
lassées de pampre, avec gestes et effors puériles
tant ingénieusement par art exprimez que nature
mieux ne le pourroit. Et ne sembloient engravez
dedans la matière, mais en bosse, ou pour le moins
en crotesque apparoissoient enlevez totalement,
moyennant la diverse et plaisante lumière, laquelle,
dedans contenue, ressortissoit par la sculpture.
PANTAGRUEL
65
CHAPITRE XLII
Comment par la pontife Bacbuc nous fust monstre
dedans le temple une fontaine fantastique.
ONSiDERANS en ecstase ce temple miri-
fique et lampe mémorable, s'offrit
à nous la vénérable pontife Bacbuc
avec sa compagnie, à face joyeuse et
riante; et, nous voyans accoustrez comme a esté
dit, sans difficulté nous introduit au lieu moyen du
temple, auquel, dessouz la lampe susdite, estoit la
belle fontaine fantastique.
CHAPITRE XLIII
Comment l'eau de la fontaine rendoit goust de vin,
selon l'imagination des beuvans.
s nous commanda estre hanaps,
I^N^ tasses et gobelets présentez, d'or,
!ii d'argent, de crystalin, de porcelaine,
2 et fusmes gratieusement invitez à
boire de la liqueur sourdante d'icelle fontaine, ce
que fismes tresvolontiers : car pour plainctive es-
toit une fontaine fantastique, d'estofîe et ouvrage
plus précieux, plus rare et mirifique qu'onques
n'en songea dedans les limbes Pluto. Le soubaste-
l66 LIVRE V, CHAPITRE XLIII
ment d'icelle estoit de trespur et treslimpide ala-
bastre, haulteur ayant de trois palmes, peu plus, en
figure heptagonne, esgalement party par dehors,
avec ses stylobates, arulettes, cimasultes et undicu-
lations doriques à Tentour. Par dedans estoit ronde
exactement. Sus le poinct moyen de chascun an-
gle et marge estoit assise une coulomne ventri-
cule, en forme d'un cycle d'yvoire ou alabastre
(les modernes architectes l'appellent portri), et es-
toient sept en nombre total selon les sept angles.
La longueur d'icelles, depuis les bases jusques aux
architraves, estoit de sept palmes, peu moins, à
juste et exquise dimension d'un diamètre passant
par le centre de la circonférence et rotondité inté-
rieure.
Et estoit l'assiette en telle composition que, pro-
jettans la veuë derrière l'une, quelle que fust en sa
cube, pour regarder les autres opposites, trouvions
le cône pyramidal de nostre ligne visuale finer au
centre susdit, et là recevoir, de deux opposites, ren-
contre d'un triangle equilateral, duquel deux lignes
partissoient esgalement la colomne. Celle que vou-
lions mesurer, et passante d'un costé et d'autre,
deux colomnes franches à la première tierce partie
d'intervalle, rencontroient leur ligne basique et fon-
damentale, laquelle par ligne consulte pourtraicte
jusques au centre universal, esgalement mipartie,
rendoit en juste départ la distance des sept colom-
nes opposites par ligne directe, principiante à l'angle
PANTAGRUEL
167
obtus de la marge, comme vous sçavez qu'en toute
figure angulaire impare un angle tousjours est au
milieu des deux autres trouvé intercalant. En quoy
nous estoit tacitement exposé que sept demis diamè-
tres font en proportion géométrique amplitude et
distance, peu moins, telle qu'est la circonferance de
la figure circulaire de laquelle ils seroient extraicts,
sçavoir est trois entiers avec une huitiesme et demie,
peu plus, ou une septiesme et demie, peu moins,
selon l'antique advertissement d'Euclides, Aristo-
teles, Archimedes et autres.
La première colomne, sçavoir est celle laquelle à
l'entrée du temple s'objectoit à nostre veuë, estant
de saphir azuré et céleste; la seconde de hiacinthe
naïfvement la couleur, avec lettres grecques A I en
divers lieux, représentant de celle fleur, en laquelle
fut d'Ajax le sang colericque converty; la tierce de
diamant anachite, brillant et resplendissant comme
foudre; la quarte de rubis baillay, masculin et ame-
thistizant, de manière que sa flame et lueur finis-
soit en pourpre et violet, comme est l'amethiste; la
quinte d'emeraude, plus cinq cens fois magnifique
qu'onques ne fut celle de Serapis dedans le laby-
rinthe des Egyptiens, plus floride et plus luysante
que n'estoient celles qu'en lieu des yeux on avoit
apposé au lion marbrin gisant prés le tombeau du
roy Hermias; la sexte d'agathe, plus joyeuse et va-
riante en distinctions de macules et couleurs que ne
fut celle que tant chère tenoit Pirrhus, roy desEpy-
l68 LIVRE V, CHAPITRE XLIII
rotes; la septiesme de sienite transparente, en
blancheur de berylle, avec resplendeur comme miel
hymetian, et dedans y apparoissoit la lune, en figure
et mouvement telle qu'elle est au ciel, pleine, silente,
croissante ou décroissante : qui sont pierres par les
antiques Caldeans et mages attribuées aux sept pla-
nettes du ciel. Pour laquelle chose par plus rude
Minerve entendre, sus la première de saphir estoit,
au dessus du chapiteau, à la vive et centrique ligne
perpendiculaire, eslevée, en plomb elutian bien pré-
cieux, l'image de Saturne tenant sa faux, ayant aux
pieds une grue d'or artificiellement esmaillée, selon
la competance des couleurs, naïfvement deuz à
l'oiseau saturnin; sus la seconde de hiacinthe tour-
nant à gausche estoit Jupiter en estain jovetian, sus
la poictrine un aigle d'or esmaillé selon le naturel;
sus la troisiesme Phebus en or obrizé, en sa main
dextre un coq blanc; sus la quatriesme en airain
corinthien Mars, à ses pieds un lion; sus la cinquiesme
Venus en cuyvre, matière pareille à celle dont Aris-
tonides fist la statue d'Athamas, exprimant en rou-
gissante blancheur la honte qu'il avoit contemplant
Learche, son fils, mort d'une cheute à ses pieds;
sus la sixiesme Mercure en hydrargyre, fixe, malea-
ble et immobile, à ses pieds une cigogne; sus la
septiesme la Lune en argent, à ses pieds un lévrier.
Et estoient ces statues de telle hauteur, qui estoit
la tierce partie des colonnes subjettes, peu plus,
tant ingénieusement représentées, selon le portraict
PANTAGRUEL 169
des mathématiciens, que le canon de Polycletus,
lequel faisant fut dit l'art apprendre de l'art avoir
fait, à peine y eust esté receu à comparaison.
Les bases des colonnes, les chapiteaux, les archi-
traves, zoophores et comices, estoient à ouvrage
phrygien, massives, d'or plus pur et plus fin que
n'en porte le Leede prés Montpelier, Gange en
Indie, le Pau en Italie, l'Hebrus en Thrace, leTage
en Espagne, le Pactol en Lydie; les arceaux entre
les colomnes surgeans, de la propre pierre d'icelles
jusques à la prochaine par ordre, sçavoir est de
saphir vers le hiacinthe, de hiacinthe vers le dia-
mant, et ainsi consécutivement. Dessus les arces et
chapiteaux de colomne en face intérieure estoit une
croppe, érigée pour couverture de la fontaine, la-
quelle derrière l'assiette des planettes commençoit
en figure heptagone, et lentement finissoit en figure
spherique, et estoit de cristal tant emundé, tant
diaphane et tant poly, entier et uniforme en toutes
ses parties, sans venes, sans nuées, sans glassons,
sans capilamens, que Xenocrates onques n'en vid
qui fust à luy à parangonner.
Dedans la corpulance d'icelle estoient par ordre
en figure et characteres exquis artificiellement inscul-
pez les douze signes du zodiaque, les douze mois
de l'an, avec leurs proprietez, les deux solstices, les
deux equinoxes, la ligne eclyptique, avec certaines
plus insignes estoiles fixes autour du pol antar-
tique, et ailleurs, par tel art et expression que je
22
yo
LIVRE V, CHAPITRE XLIII
pensois estre ouvrage du roy Necepsus ou de Peto-
siris, antique mathématicien.
Sus le sommet de la croppe susdite, correspon-
dant au centre de la fontaine, estoient trois unions
eleichies, uniformes, de figure turbinée en totale
perfection lachrimale, toutes ensemble cohérentes, en
forme de fleur de lis, tant grandes que la fleur exce-
doit une palme. Du calice d'icelles sortoit un car-
boucle gros comme un œuf d'autruche, taillé en
forme heptagonne (c'est nombre fort aimé de Na-
ture), tant prodigieux et admirable que, levans
nos yeux pour le contempler, peu s'en faillit que
perdissions la veuë : car plus flamboyant ne plus
croissant est le feu du soleil, ne l'esclair; lors il
nous apparoissoit tellement qu'entre justes estima-
teurs jugé facilement seroit plus estre en ceste fon-
taine et lampes cy-dessus descriptes de richesses et
singularitez que n'en contiennent l'Asie, l'Aff'rique
et l'Europe ensemble. Et eust aussi facilement
obscurcy le pantharbe de loachas, magicien Indic,
c^ue sont les estoilles par le soleil et clair midy.
Aille maintenant se vanter Cleopatra, royne d'E-
gypte, avec ses deux unions pendens à ses aureilles,
desquels l'un, présent Antonius triumvir, elle par
force de vinaigre fondit en eau, estant à l'estimation
de cent fois sexterces.
Aille Pompeïe Plautine avec sa robbe toute cou-
verte d'emeraudes et marguerites, en tissure alter-
native, laquelle tiroit en admiration tout le peuple
PANTAGRUEL
7
de la ville de Rome, laquelle on disoit estre fosse
et magazin des vainqueurs larrons de tout le
monde.
Le coulement et laps de la fontaine estoit par trois
tubules et canals faits de marguerites fines en l'as-
siette de trois angles equilateraux promarginaires
cy-dessus exposez, et estoientles canals produits en
ligne limaciale bipartiente. Nous avions iceux con-
sidéré, ailleurs tournions nostre veuë, quand Bac-
buc nous commanda entendre à l'exiture de l'eau;
lors entendismes un son à merveille harmonieux,
obtus toutesfois et rompu, comme de loin venant et
soubterrain. En quoy plus nous sembloit délectable
que si apert eust esté et de prés ouy. De sorte
qu'autant comme les fenestres de nos yeux, nos es-
prits s'estoient oblectez à la contemplation des
choses susdites, autant en restoit il aux aureilles, à
l'audiance de ceste harmonie.
Adonc nous dist Bacbuc : « Vos philosophes
nient estre par vertu de figures mouvement fait ; oyez
icy, et voyez le contraire. Par la seule figure lima-
ciale que voyez bipartiente, ensemble une quintuple
infoliature mobile à chascune rencontre intérieure,
telle qu'est en la veine cave au lieu qu'elle entre le
dextre ventricule du cueur, est ceste sacrée fon-
taine excolée, et par icelle une armonie telle qu'elle
monte jusques à la mer de vostre monde. » Puis
commanda qu'on nous fist boire.
Car, pour clerement vous advertir, nous ne som-
172 LIVRE V, CHAPITRE XLIII
mes du calibre d'un tas de veaux qui, comme les
passereaux ne mangent sinon qu'on leur tappe la
queue, pareillement ne boivent ne mangent sinon
qu'on les rue à grands coups de levier; jamais
personne n'esconduisons nous invitant courtoise-
ment à boire. Puis nous interrogua Bacbuc, de-
mandant que nous en sembloit. Nouslujfismesres-
ponse que ce nous sembloit bonne et fresche eau de
fontaine, limpide et argentine plus que n'est Argi-
rondes en Etolie, Peneus en Thessalie, Axius en
Mydonie, Cidnus en Cilicie, lequel, voyant Alexan-
dre Macedon tant beau, tant clair et tant froid en
cœur d'esté, composa la volupté de soy dedans
baigner au mal qu'il prevoyoit luy advenir de ce
tiansitoire plaisir. « Ha! dist Bacbuc, voila que
c'est non considérer en soy ni entendre les mouve-
mens que faict la langue musculeuse, lorsque le
boire dessus coule pour descendre en l'estomac.
Gens peregrins, avez-vous les gosiers enduits, pavez
et esmaillez, comme eut jadis Pythillus, dit Theutes,
que de ceste liqueur deïfique onques n'avez le goust
ne saveur recongneu? Apportez icy, dist à ses da-
moiselles, mes descrottoires que sçavez, à fin de leur
racler, esmonder et nettoyer le palat. »
Furent donques apportez beaux gros et joyeux
jambons, belles grosses et joyeuses langues de
bœuf fumées, saumades belles et bonnes, cervelats,
boutargues, bonnes et belles saucisses de venaison,
et tels autres ramonneurs de gosier; par son com-
PANTAGRUEL
■75
mandement nous en mangeasmes jusques là que
confessions nos estomachs estre tresbienescurez, de
soif nous /importunant assez fascheusement; donc
nous dist : « Jadis un capitaine Juif, docte et che-
valeureux, conduisant son peuple par les desers en
extrême famine, impetra des cieux la manne, la-
quelle leur estoit de goust tel par imagination que
paravant realement leur estoient les viandes. Icy de
mesme, beuvans de ceste liqueur mirifique, sentirez
goust de tel vin comme l'aurez imaginé. Or imagi-
nez et beuvez. « Ce que nous fîsmes.
Puis s'escria Panurge, disant : « Par Dieu ! c'est
ici vin de Beaune, meilleur qu'onques jamais je
beus, ou je me donne à nonante et seize diables.
O ! pour plus longuement le gouster, qui auroit le
col long de trois coudées, comme desiroit Phi-
loxenus, ou comme une grue, ainsi que souhaittoit
Melanthius! — Foy de lanternier, s'escria frère
Jean, c'est vin de Grèce, gallant et voltigeant, O !
pour Dieu, amye, enseignez-moy la manière com-
ment tel le faictes. — A moy, dist Pantagruel, il
me semble que sont vins de Mirevaux, car avant
boire je l'imaginois. Il n'a que ce mal qu'il est
frais, mais je dis frais plus que glasse, que l'eau de
Nonacris et Dercé, plus que la fontaine de Con-
thoporie en Corinthe, laquelle glassoit l'estomach
et les parties nutritives de ceux qui en beuvoient. —
Beuvez, dist Bacbuc, une, deux ou trois fois, de
rechef changeans d'imagination, telle trouverez au
174 LIVRE V, CHAPITRE XLIII
goust, saveur ou liqueur comme l'aurez imaginé,
Et doresnavant dictes qu'à Dieu rien soit impos-
sible. — Onques, respondi-je, ne fut dit de nous:
nous maintenons qu'il est tout puissant. »
CHAPITRE XLIV
Comment Bacbuc accoustra Panurge pour avoir
le mot de la Bouteille.
ES paroles et beuvettes achevées, Bac-
buc demanda: « Quiestceluy de vous
qui. veut avoir le mot de la dive Bou-
teille ? — Je, dist Panurge, vostre
humble et petit entonnouer. — Mon amy, dist-elle,
je n'ay à vous faire instruction qu'une, c'est que,
venant à l'Oracle, ayez soin n'escouter le mot, sinon
d'une aureille. — C'est, dit frère Jean, du vin à une
aureille. r>
Puis le vestit d'une galleverdine, l'encapitonna
d'un beau et blanc béguin, l'affeubla d'une chausse
d'hypocras^ au bout de laquelle, en lieu de floc,
mist trois obélisques, l'enguentela de deux bra-
guettes antiques, le ceingnit de trois cornemeuses
liées ensemble, le baigna la face trois fois dedans la
fontaine susdite, enfin luy jetta au visage une poi-
gnée de farine, mist trois plumes de coq sus le costé
droit de la chausse hypocratique, le fist cheminer
neuf fois autour de la fontaine, luy fist faire trois
PANTAGRUEL
.75
beaux petits sauts, luy fist donner sept fois du cul
contre la terre, tousjours disant ne sçay quelles
conjurations en langue ethrusque, et quelquefois
lisant en un livre ritual, lequel prés elle portoit une
de ses mystagogues.
Somme, je pense que Numa Pompilius, roy second
des Romains, Cerites de Tuscie et le sainct Capitaine
Juif, n'instituèrent oncques tant de cérémonies que
lors je vy, n'aussi les vaticinateurs memphitiques
à Apis en Egipte, ne les Euboïens en la cité de
Rhamnes à Rhamnasie, n'a Jupiter Ammon, n'a
Feronia, n'usèrent les anciens d'observances tant
religieuses comme là je considerois.
Ainsi accoustré, le sépara de nostre compagnie
et mena à main dextre par une porte d'or, hors le
temple, en une chappelle ronde faite de pierres
phengites et speculaires, par la solide speculance
desquelles, sans fenestre n'autre ouverture, estoit
receuë lumière du soleil, là luysant par le précipice
de la roche couvrante le temple major, tant facile-
ment et en telle abondance que la lumière sembloit
dedans naistre, non de hors venir. L'ouvrage n'es-
toit moins admirable que fut jadis le sacré temple
de Ravenne, ou en Egypte celuy de l'isleChemnis.
Et n'est à passer en silence que l'ouvrage d'icelle
chappelle ronde estoit en telle symmetrie compassé
que le diamètre du project estoit la hauteur de la
voûte.
Au milieu d'icelle estoit une fontaine de fin alabas-
176
LIVRE V, CHAPITRE XLIV
tre, en figure heptagonne, à ouvrage et infoliature
singulière, pleine d'eau tant clere que pourroitestre
un élément en sa simplicité, dedans laquelle estoit
à demy posée la sacrée Bouteille, toute revestuëde
pur cristalin, en forme ovale, excepté que le limbe
estoit quelque peu patent plus qu'icelle forme ne
porteroit.
CHAPITRE XLV
Comment la pontife Bacbuc présenta Panurge
devant ladicte Bouteille.
A fîst Bacbuc, la noble pontife, Pa-
nurge besser et baiser la marge de
la fontaine, puis le fîst lever, et autour
danser trois Ithymbons. Cela fait, luy
commanda s'asseoir entre deux scelles, le cul à terre,
là préparées. Puis desploya son Livre ritual, et, luy
soufflant en l'oreille gausche, le fist chanter une
epilenie, comme s'ensuit :
E.Boilvin del ft se
inp A S«.!mon
PANURGE DEVANT LA DIVE BOUTEILLE
' Rabelais, L. 5, C.iS)
PANTAGRUEL
177
o
BOUTEILLE
PLEINE
TOUTE
DE PrlISTERES,
d'une OREILLE
JE t'escoute ;
NE DIFFERES,
ET LE MOT PROFERES
A U Q_U E L PEND MON CUEUR.
EN LA TANT DIVINE LICQ^UEUR,
QUI EST DEDANS TES FLANS RECLOSE ,
BACHUS , QUE FUT d'iNDE VAINCQUEUR ,
TIENT TOUTE VERITE ENCLOSE.
VIN TANT DIVIN, LOING DE TOY EST FORCLOSE
TOUTE MENSONGE ET TOUTE TROMPERYE ;
EN JOYE SOIT l'aME DE NOÉ CLOSE ,
LEQUEL DE TOY NOUS FEIST LA TEMPERYE.
SONNE LE BEAU MOT, JE t'eN PRYE ,
QUI ME DOIBT OSTER DE MISERES.
AINSI NE SE PERDE UNE GOUTTE
DE TOY, SOIT BLANCHE, OU
SOIT VERMEILLE,
O BOUTEILLE,
PLEINE TOUTE
DE MISTERES.
Rabelais. V,
23
iy8 LIVRE V, CHAPITRE XLV
Ceste chanson parachevée, Bacbuc jetta je ne sçay
quoy dedans la fontaine, et soudain commença l'eau
bouillir à force, comme fait la grande marmite de
Bourgueil quand y est feste à bastons. Panurge es-
coutoit d'une aureille en silence, Bacbuc se tenoit
près de luy agenouillée, quand de la sacrée Bou-
teille issit un bruit tel que font les abeilles naissantes
de la chair d'un jeune taureau occis et accoustré
selon l'art et invention d'Aristeus, ou tel que fait
un guarot desbandant l'arbaleste, ou en esté une
forte pluye soudainement tombant. Lors feut ouy
ce mot: « Trinch. »
« Elle est, s'escria Panurge, par la vertu Dieu,
rompue ou feslée, que je ne mente; ainsi parlent
les bouteilles cristallines de nos pays quand elles
prés du feu esclattent. »
Lors Bacbuc se leva, et print Panurge sous le bras
doucettement, luy disant : a Amy, rendez grâces es
Cieulx, la raison vous y oblige; vous avez prompte-
ment eu le mot de la dive Bouteille. Je dy le mot
plus joyeux, plus divin, plus certain qu'encores
d'elle aye entendu depuis le temps qu'icy je mi-
nistre à son tressacré oracle. Levez-vous, allons au
chapitre en la glose duquel est le beau mot inter-
prété. — Allons, dist Panurge, de par Dieu. Je
suis aussi sage que entan. Esclairez : ou est ce livre?
Tournez: où est ce chapitre? Voyons ceste joyeuse
glose. ))
PANTAGRUEL
79
CHAPITRE XLVI
Comment Bacbuc interprète le mot de la Bouteille.
ACBUC, jettant ne sçay quoy dedans le
timbre, dont soudain fut l'ebulition de
j à l'eau restraincte, mena Panurge au
(^^ê^^^^ temple major, au lieu central auquel
€Stoit la vivifique fontaine. Là, tirant un gros livre
d'argent en forme d'un demy muy, ou d'un quart
de sentences, le puysa dedans la fontaine et luy
<list: « Les philosophes, prescheurs et docteurs de
vostre monde vous paissent de belles paroles par
les aureilles, icy nous realement incorporons nos
preceptionspar la bouche. Pourtant je ne vous dy :
Lisez ce chapitre, voyez ceste glose. Je vous dy : Tas-
fez ce chapitre, avaliez ceste belle glose.
« Jadis un antique prophète de la nation judaïque
mangea un livre, et fut clerc jusques aux dents;
présentement vous en boirez un, et serez clerc
jusques au foye. Tenez, ouvrez les mandibules. »
Panurge ayant la gueule bée, Bacbuc print le livre
d'argent, et pensions que fust véritablement un
livre, à cause de sa forme, qui estoit comme un
bréviaire, mais c'estoist un veneré, vray et naturel
flascon plein de vin Phalerne, lequel elle fist tout
avaller à Panurge.
c( Voicy, dist Panurge, un notable chapitre, et
glose fort autentique; est-ce tout ce que vouloit
ibo LIVRE V, CHAPITRE XL VI
prétendre le niot de la Bouteille trimegiste? J'en
suis bien, vrayement. — Rien plus, respondit Bac-
buc, car Trinch est un mot panomphée, célèbre
et entendu de toutes nations, et nous signifie :
Beuvez. Vous dites en vostre monde que sac est
vocable commun en toute langue, et à bon droit
et justement de toutes nations receu. Car, comme
est l'apologue d'Esope, tous humains naissent un
sac au col, souffreteux par nature, et mandians l'un
de l'autre. Roy souz le ciel tant puissant n'est qui
passer se puisse d'autruy, pauvre n'est tant arrogant
qui passer se puisse du riche, voire fust-ce Hippias
le philosophe, qui faisoit tout. Encores moins se
passe l'on de boire qu'on ne fait de sac.
« Et icy maintenons que non rire, ains boire,
est le propre de l'homme. Je ne dy boire simple-
ment et absolument, car aussi bien boivent les bes-
tes; je dy boire vin bon et frais. Notez, amis, que
de vin divin on devient, et n'y a argument tant seur,
ny art de divination moins fallace. Vos Académiques
l'afferment rendans l'etimologie de vin, lequel ils
disent en grec oTvoç, estre comme vis, force, puis-
sance : car pouvoir il a d'emplir l'ame de toute
vérité, tout sçavoir et philosophie. Si avez noté ce
qui est en lettres ioniques escrit dessus la porte du
temple, vous avez peu entendre qu'en vin est vérité
cachée. La dive Bouteille vous y envoyé, soyez
vous mesmes interprètes de vostre entreprinse.
— Possible n'est, dist Pantagruel, mieux dire que
PANTAGRUEL l8l
fait ceste vénérable pontife; autant vous en dy-je
lorsque premièrement m''en parlastes. Trinch donc-
ques. Que vous dit le cœur, eslevé par enthusiasme
bacchique?
« Trinquons, dist Pamir ge^ de par le bon Bacchus.
Ha, ho, ho, je voiray bas culs
De bref bien à poinct sabourez
Par couilles et bien embourez
De ma petite humanité.
Qu'est-ce cy ? La paternité
De mon cœur me dict seurement
Que je seray non seulement
Tost marié en nos quartiers,
Mais aussi que bien volontiers
Ma femme viendra au combat
Vénérien : Dieu, quel débat
Jy prevoy ! Je laboureray
Tant et plus, et saboureray
A guoguo, puis que bien nourry
Je suis. C'est moy le bon mary.
Le bon des bons. lo Pean !
lo Pean, lo Pean !
10 mariage trois fois !
Çà, çà, frère Jean, je te fais
Serment vray et intelligible
Que cest oracle est infallible,
11 est seur, il est fatidique.
LIVRE V_, CHAPITRE XLVII
CHAPITRE XLVII
Comment Panurge et les autres rithment par fureur
poétique.
^^1 fjj s-TU, dist frère Jean, fol devenu ou
vi^ enchanté? Voyez comme il escume,
entendez comment il rithmaille. Que
tous les diables a-il mangé? Il tourne
les yeux en la teste comme une chèvre qui se meurt.
Se retirera-il à l'escart? Fiantera-il plus loing?
Mangera-il de l'herbe aux chiens pour descharger
son thomas, ou à usage monachal mettra-il dedans
la gorge le poing jusques au coude afin de se curer
leshypochondres? Reprendra-il du poil de ce chien
qui le mordit?
Pantagruel reprend frère Jean et luy dit :
" Croyez que c'est la fureur poétique
Du bon Bacchus : ce bon vin eclyptique
Ainsi fait sens et le faict cantiqueur.
Car sans mespris
A ses esprits
Du tout espris
Par sa liqueur,
De cris en ris,
De ris en pris.
En ce pourpris,
Faict son gent cœur
Rhetoriqueur
Roy et vaincueur
De nos souris ;
PANTAGRUEL l83
Et, veu qu'il est de cerveau phanatique,
Ce me seroit acte de trop piqueur,
Penser moquer un si noble trinqueur.
— Comment! dist frère Jean, vous rithmez aussi?
Par la vertu de Dieu, nous sommes tous poivrez.
Plust à Dieu que Gargantua nous vist en cestuy
estât! Je ne sçay, par Dieu, que faire de pareille-
ment comme vous rithmer, ou non. Je n'y sçay rien
toutesfois, mais nous sommes en rithmaillerie. Par
sainct Jean, je rithmerai comme les autres, je le
sens bien; attendez, et m'ayez pour excusé si je ne
rithme en cramoisi :
O DieUj père paterne.
Qui muas l'eau en vin.
Fais de mon cul lanterne.
Pour luire à mon voisin. »
Panurge continue son propos et dit :
« Onq' de Pythias le tréteau
Ne rendit par son chapiteau
Response plus seure et certaine;
Et croirois qu'en ceste fontaine
Y soit nommément colporté
Et de Delphes cy transporté.
Si Pkuarque eust icy trinqué
Comme nous, il n'eust révoqué
En doute pourquoy les oracles
Sont eh Delphes plus muts que macles,
Plus ne rendent response aucune.
La raison est assez commune :
En Delphes n'est, il est icy.
Le tréteau fatal ; le voicy.
184 LIVRE V, CHAPITRE XLVII
Qui presagist de toutes choses :
Car Athenaeus nous expose
Que ce tréteau estoit Bouteille
Pleine de vin à une aureille,
De vin, je dis de vérité ;
11 n'est telle syncerité
En Tart de divination
Comme est l'insinuation
Du mot sortant de la Bouteille.
Çà, frère Jean, je te conseille,
Cependant que sommes icy.
Que tu ayes le mot aussi
De la Bouteille trimegiste,
Pour entendre se rien obsiste
Que ne te doives marier ;
Tien cy, de peur de varier,
Et joue l'amorabaquine.
Jectez luy un peu de farine. »
Frère Jean respondit en fureur, et dist :
« Marier! Par la grand' Bottine,
Par le houseau de sainct Benoist,
Tout homme qui bien me congnoist
Jurera que feray le chois
D'estre desgradé ras ainçois
Qu'estre jamais engarié
Jusques là que sois marié ;
Cela ! que fusse spolié
De liberté ! fusse lié
A une femme désormais !
Vertu Dieu, à peine jamais
Me liroit on à Alexandre,
Ny à Ca2sar, ny à son gendre,
N'au plus chevaleureux du monde. »
Panurge, deffeublant sa gualleverdine et accous-
trcment mistique, respondit :
PANTAGRUEL l85
« Aussi seras tu, beste immonde.
Damné comme une maie serpe.
Et je seray comme une herpe
Sauvé en paradis gaillard :
Lors bien sus toy, pauvre paillard,
Pisseray-je, je t'en asseure.
Mais escoutez : advenant l'heure
Qu'à bas seras au vieux grand diable,
Si^ par cas assez bien croyable.
Advient que dame Proserpine
Fust espinée de l'espine
Qui est en ta brague cachée,
Et feust de fait amourachée
De tadite paternité,
Survenant l'oportunité
Que vous feriez les doux accords
Et luy montasses sus le corps.
Par ta foy, envoyeras tu pas
Au vin, pour fournir le repas
Du meilleur cabaret d'Enfer,
Le vieil ravasseur Lucifer?
Elle ne fut onques rebelle
Aux bons frères, et si fut belle.
— Va, vieil fol, dist frère Jean, au diable ! Je ne
saurois plus rithmer, la rithme meprent à la gorge;
parlons de satisfaire icy. »
86 LIVRE V, CHAPITRE XLVIII
CHAPITRE XLVIII
Comment, avoir prins congé de Bacbuc,
délaissent l'Oracle de la Bouteille.
'iCY satisfaire, respondit Bacbuc, ne
soyez en esmoy, à tout sera satisfaict
À de nous estes contens. Çàbasen ces
îgions circoncentrales nous establis-
sons le bien souverain non en prendre et recevoir,
ains en eslargir et donner, et heureux nous reputons
non si d'autruy prenons et recevons beaucoup,
comme paraventure décrètent les sectes de vostre
monde, ains si à autruy tousjours eslargissons et
donnons beaucoup. Seulement vous prie vos noms
et païs icy en ce Livre ritual par escrit nous laisser. »
Lors ouvrit un beau et grand Livre, auquel, nous
dictans, une de ses mystagogues excequant, furent
avecques un stile d'or quelques traits projectez,
comme si l'on eust escrit, mais de l'escriture rien ne
nous apparoissoit.
Cela faict, nous emplit trois oires de l'eau phan-
tastique, et manuellement nous les baillant, dist :
« Allez, amis, en protection de cette sphère intel-
lectuale de laquelle en tous lieux est le centre et
n'a en lieu aucun circonférence, que nous appelions
Dieu. Et, venus en vostre monde, portez tesmoi-
gnage que sous terre sont les grands trésors et
choses admirables. Et non à tort Cerés, ja révérée
PANTAGRUEL IO7
par tout l'univers parce qu'elle avoit montré et en-
seigné l'art d'agriculture, et par invention de bled
aboly entre les humains le brutal aliment de gland,
a tant et tant lamenté de ce que sa fille fut en nos
régions subterraines ravie, certainement prévoyant
que sous terre plus trouveroit sa fille de biens et
excellences qu'elle sa mère n'avoit faict dessus.
Qu'est devenu l'art d'évoquer des cieux la foudre
et le feu céleste, jadis inventé par le sage Prome-
theus? Vous certes l'avez perdu; il est de vostre
hémisphère departy, icy sous terre est en usage. Et
à tort quelquefois vous esbahissez voyans villes con-
flagrer et ardre par foudre etfeuetheré, etignorans
de qui, et par qui, et quelle part tiroit cestuy es-
clandre horrible à vostre aspect, mais à nous fami-
lier et utile. Vos philosophes, qui se complaignent
toutes choses estre par les anciens escriptes, rien
ne leur estre laissé de nouveau à inventer, ont tort
trop évident. Ce que du ciel vous apparoist, et
appeliez phénomènes, ce que la terre vous exhibe,
ce que la mer et autres fleuves contiennent, n'est
comparable à ce qui est en terre caché.
« Partant est equitablement le souverain Domi-
nateur presques en toutes langues nommé par epi-
thete de richesses. Il, quant leur estude addonne-
ront et labeur à bien rechercher par imploration de
Dieu souverain, lequel jadis les Egyptiens nommoient
en leur langue l'Abscond, le Musse, le Caché, et,
par ce nom l'invoquant, supplioient à eux se mani-
l88 LIVRE V, CHAPITRE XLVIII
fester et descouvrir, leur eslargira cognoissance et
de soy et de ses créatures, par ainsi conduite de
bonne lanterne. Car tous philosophes et sages anti-
ques à bien seurement et plaisamment parfaire le
chemin de la congnoissance divine et chasse de sa-
pience ont estimé deux choses nécessaires, guyde
de Dieu et compagnie d'homme. Ainsi entre les
philosophes Zoroaster print Arimaspes pour com-
pagnon de ses pérégrinations; Esculapius, Mer-
cure; Orpheus, Musée; Pythagoras, Agleopheme;
entre les princes et gens belliqueux, Hercules eut
en ses plus difficiles entreprinsespour amy singulier
Theseus; Ulysses, Diomedes; Eneas, Achates. Vous
autres en avez autant fait prenans pour guide vostre
illustre dame Lanterne. Or allez^ de par Dieu, qui
vous conduie. »
Fin du cinqiiiesme Livre des faids et dicts héroïques
du noble Pantagruel.
VARIANTES
CINQUIÈME LIVRE
Nous suivons le texte de l'édition de 1564, mais, comme
le cinquième livre n'a été publié pour la première fois que
plusieurs années après la mort de Rabelais, nous n'avons pas
eu le même respect du texte que dans les quatre premiers
livres, et toutes les fois que les leçons du manuscrit nous ont
paru meilleures, nous les avons préférées. Nous donnons ici
les passages du manuscrit qui ne sont pas dans l'édition de
1564.
Prologue. Page 2, ligne 28. « J'entends bien... » On
lit dans le manuscrit :
« Plaist-i, Carneades ? Despartés, tous les diables. Il n'y
viendra pas à vostre reigle ; car Neptun, par Lucilius intro-
duict pour resolution d'un double pareil, oncques des
Champs Elisiens evocquer ne le peult. J'entends bien... »
Le Chapitre i*
nuscrit :
page 1 1 , commence ainsi dans le ma-
(' Estans montez sus mer et navigué par plusieurs jours
avecques bon vent, entendismes ung son, de loin venant...»
90
VARIANTES
Le Chapitre XI, page 48, commence ainsi dans le ma-
nuscrit :
n Quelques jours après, ayant failly plusieurs foys à faire
naufrage, nous passasmes... »
Chapitre XI, page 48, lignes 10-11 : parce que quel-
qu'un de nostre bande voulust vendre... » On lit dans le
manuscrit :
« Parce que quelc'un de nostre bande avoit battu le
Chicanoux, passant procuration. Les chatz... »
Chapitre XXVI, page 109, à la fin, après « et levées du
Nil en Egypte », le manuscrit ajoute à ce chapitre :
c< Là davantaige nous fust dict que Panigon sur ses der-
niers jours s'estoit en ung hermitaige d'icelle Isle retiré, et
vivoit en grande saincteté et vraye foy catholique, sans con-
cupissance, sans affection, sans vice, en innocence, son
prochain aymant comme soy mesmes et Dieu sur toutes
choses ; par tant faisoit il plusieurs beaulx miracles. A nos-
tre département de Clothu, je veiz le pourtraict mirifique de
Varlet cherchant Maistre, jadis depainct par Charles Char-
moys, Aurelian. »
Chapitre XXVIII, page 128, à la fin : « Que diable ont
les roys et grands princes ? », le manuscrit ajoute :
'.(... dadvantaige? Ma foy, je m'anuye beaulcoup icy. —
Allons chasciin, dist Panurge, à son affection ; mais, si une
foys je suys marié à mon souhait, je feray encores une nou-
velle Moynerve. Je n'entendz mye de moynes moynez ; ilz
sont moynes moynans, et je les nourriray frères lenps (?) ou
bien frères Narjorie (?) parfaictz. Hz n'yront pas si tost que
ses gallandz Fredons icy. »
Chapitre XXXIII, page 140, ligne 20, après « du gou-
vernement d'une grosse Lanterne », le manuscrit termine
ainsi ce chapitre :
« Là me souvint de Matheline, laquelle ne vouloit per-
VARIANTES I9I
mectre que l'on mist au corps huille ne chandelle ; aussi ne
luysoient elles comme les aultres, mais me sembloient avoir
les paillardes couleurs. »
Puis vient dans le manuscrit :
CHAP...
Comment furent les dames Lanternes servies à soupper.
Les vezes bouzines et cornemuses sonnèrent harmonieuse-
ment, et leurs furent les viandes apportées. A l'entrée du
premier service, la royne print en guise de pillules qui sentent
si bon, je dis ante cibum, pour soy desgresser l'estonmatz,
une cuillerée de petasine. Puys furent servies... »
S'ensLiyt ce qui estoiî en marge et non compris au présent
livre :
Servato, in-4° lier., Panorgum ad nuptias.
Les quatre quartiers du mouton que porta Hellé et Frixus
au destroit de Propontide ;
Les deux chevreaulx de la célèbre chèvre Amaltée, nourrisse
de Jupiter ;
Les fans de la cerfve bische Egerye^ consellere de Numa
Fompillius ;
Six oysons couvez par la digne oye îlmaticque, laquelle par
son chanipt saulva la rocque Tarpée de Rome;
Les cochons de la truye...;
Le veau de la vache Ino, mal jadis gardée par Argus ;
Le poulmon du regnard que Neptune et... Julius Pollux
in canibus.
Le cigne auquel se convertit Jupiter pour l'amour de
Leda ;
Le Beuf Apis de Menphes en Egipte, que reffusa sa pitance
de la main de Germanicus César,
Et six beufz desrobez par Cacus, recouvertz par Hercules ;
Les deux chevreaulx que Coridon rescovrit pour Alexis ;
Le sanglier Herimentien, Olimpicque et Calidonien;
Les cramasteres du toreautant aymé de Pasiphé;
192 VARIANTES
Le cerf auquel fut transformé Actheon ;
Le foye de l'ourse Calixio...
Des corquignolles savoreuses, Des genabins de haulte fus-
Des happelourdes, taye,
Des badigonyeuses. Des starabillatz,
Des cocquemares à la vinai- Des cormeabotz,
grette, Des cornameuz revestuz de
Des coquecigrues, bize,
Des etangourres. De la gendarmenoyre,
Des ballivarnes en pasté, Des jerangoys,
Des estroncs fins à la nasar- De la trismarmaillej
dine. Des ordisopiratz,
Des aucbares de mer, De la mopsopige,
Des godiveaulx de lévrier Des brebasenas,
bien bons, Des frondilles.
Du promerdis, grand' viande. Des chinfreneaulx.
Des bourbelettes, Des bubagaz,
Primeronges, Des volepupinges.
Des bregizollons, Des gafelages,
Des lansbregotz. Des brenouzets.
Des freleginingues, De la mirelaridaine.
De la bistroye. De la croquepye.
Des brigailles mortiffiées,
En second service furent servies :
Des ondrespondredetz, Du suif d'asnon.
Des entreduchz. De la crotte en poil.
De la friande vesianpenar- Du moinascon,
derye. Des fanfreluches.
Des baguenauldes. Des spopondrilloches.
Des dorelotz de liepvre. Du Laisse moy en paix.
Des bandelivagues, viande Du Tire toy là,
rare, Du Boutte luy toy mesmes.
Des manigoulles de levant. De la clacquemain.
Des brinborions de ponnent, Du sainct balleran,
De la petaradine. Des epiboches,
Des notrodilles. Des ivrichaulx,
VARIANTES
19Î
De la vesse coulière,
De la foyre en braye.
De la baudaille,
Des smubrelotz,
Des Je renye ma vye^
Des hurtalis,
De la patissandrye,
Des ancrastabotz,
Des babillebabous.
De la marabire,
Des sinsanbregoys,
Des quaisse quesse,
De cocquelicous,
Des maralipes,
Du brochaucultis,
Des giboullées de mars.
Des tricquebilles,
Des hoppelatz,
De la marnitandaille avec beau
pissefort,
Du merdignon,
Des croquinpedaignes,
Des tintaloyes,
Des piedz à boulle.
Des chinferneaulx,
Des nez d'as de treffles en
paste,
Des pasques de solles,
De estafillades,
Des guyacoux.
Pour le dernier service furent présentées :
Des drogues sernogues,
Des tricquedaudaines,
Des gringuenauldes à la jon-
cade.
Des brededinsbrededas,
De la galimaffrée à l'escafi-
gnade,
De barabinbarabas,
Des mocquecroquettes,
De la hucquemasche.
De la tirelytantaine,
Des neiges d'antan, desquelles
ilz ont eu en abondance
en Lanternois,
Des gringaletz,
jDu sallehort.
Des rairelaridaines,
Des mizenas.
Des gresamines, fruict deli-
cieulx,
Des marioletz,
De fricquenelles.
De la piedebillorie,
De la mouchancullade,
Du souffle au cul myen.
De la menigance,
Des tritrepoluz,
Des befaibemis,
Des aliborrins,
Des tirepetadans.
Du coquerin.
Des coquilles betissons,
Du croquignologe,
Des tinctamarrois.
Pour déserte apportèrent ung plain plat de merde, cou-
vert d'estrongs fleuris ; c'estoit ung plat plain de miel blanc,
couvert d'une guimple de soye cramoisine.
Rabelais. V, 2 5
194
VARIANTES
Leur boitte feut en tirelarigotz, vaisseaulx beaulx et an-
îicques, et riens ne beuvoient fors elaiodes, breuvaige assez
mal plaisant en mon goust, mais en Lanternois c'est boitte
deiffique et s'enyvrent comme gens, si bien que je veiz
une vieille lanterne edentée revestue de parchemin, lanterne ^
corporalle d'aultres jeunes lanternes, laquelle , criant aux
semetieres lampades nostre extinguntur, feut tant ivre du
breuvaige qu'elle, sur l'heure, y perdit vye et lumière ; et
feut dict à Pantagruel que souvent en Lanternois ainsi peris-
soi[en]t les lanternrs lanternées, mesmes au temps qu'elle[s]
îenoi!^enjt chappitre.
Le soupper finy, furent les tables levées. Lors, les menes-
triers plus que devant mélodieusement sonnantz, fut par la
royne commancé ung bransle double, auquel tous et falotz
et lanternes ensemble dansèrent. Depuys se relira la royne
en son siege^ les aultres, aux dives sons des bouzines, dan-
sèrent diversement, comme vous pourrez dire :
Serre martin,
C'est la belle franciscane.
Dessus les marches d'Arras,
Bastienne,
Le trihorry de Bretaigne,
Hely pourtant si estes belle,
Les sept visaiges,
La gaillarde,
La revergasse.
Les crapaulx et les grues,
La marquise,
Si j'ay mon joly temps perdu,
L'espine,
C'est à grand tort,
La frique.
Par trop je suys brunelte.
De mon dueil triste,
Quant m'y souvent,
La gallioue,
La goutte.
Sainct Roc,
Sanxerre,
Nevers,
Picardie la jolye,
La doulourouze,
Sans elle ne puys,
Curé, venez donc,
Je demeurre seulle,
La mousque de Biscaye,
L'entrée du fol,
A la venue de Noël,
La péronnelle,
Le gouvernai,
A la bannye,
Foix,
Verdure,
Princesse d'amour.
Le cueur est myen,
Le cueur est bon,
Jouyssance,
VARIANTES
195
Marry de par sa femme,
La gaye,
Malemaridade,
La pamine,
Catherine,
Jacqueline,
Le grand helas,
Tant ay d'ennuy,
Mon cueur sera,
La seignore,
Beauregard^
Perrichon,
Maulgré danger.
Les grandz regretz,
A l'ombre d'un buissonne;;,
La douleur qui au cueur me
blesse,
La fleurye.
Frère Pierre,
Va t'en regretz,
Toute noble cité.
N'y boutés pas tout,
Les regretz de l'aignau.
Le bail d'Espagne,
C'est simplement donné congé.
Mon con est devenu sergent,
Expect ung poc ou pauc,
Le renon d'un esgaré.
Qu'est devenu ma mignonne,
En attendant la grâce,
En elle n'ay plus de fiance.
En plainctz et pleurs, je prens
congé.
Tire toy là, Guillot,
Amours m'ont faict desplaisir,
La patiance du Maure,
Les soupirs du polin.
Je ne sçay pas pourquoy,
Chasteaubriant,
Beure fraiz.
Elle s'en va,
La ducate.
Hors de soulcy,
Fortune,
L'alemande,
Les pensées de ma dame.
Pensés tous la peur,
Belle, à grand tort.
Je ne sçay pas pourquoy,
Helas ! que vous a faict mon
cueur.
Hé Dieu ! quelle femme j'a-
voye,
L'heure est venue de me plain-
dre.
Mon cueur sera d'aymer.
Qui est bon a ma sembtance,
Il est en bonne heure né,
De doleur de l'escuyer,
La douleur de la charte,
Le grand Alemant,
Pour avoir faict au gré de
mon amy,
Les manteaulx jaulnes.
Le moût de la vigne,
Toute semblable,
Cremonne,
La mercière,
La tripière.
Mes enffans.
Par faulx semblant,
La valantinoise,
Fortune à tort,
Testimonium,
Calabre,
L'estrac,
196
VA R I A N T E s
Faisons la, faisons,
Noire et tannée,
La belle Françoise,
C'est une pensée,
O loyal espoir.
C'est mon plaisir,
Biscaye,
La doulourouse.
Ce que sçavez,
Qu'il est bon,
Le petit helas,
A mon retour,
Je ne fay plus,
Paouvres gensdarme;
Le faulcheron,
Ce n'est pas jeu,
Beaulté,
Tegratiroine,
Patience,
Navarre,
Jac Bourdaing,
Rouhault le fort.
Noblesse,
Tout au rebours,
Cauldas,
C'est mon mal,
Diilcis arnica^
Le chault,
Les chasteaulx,
La girofflée,
Vaz an moy.
Jurez le prix,
La nuyt,
A Dieu m'envoys.
Bon gouvernement,
Mi sonnet,
Amours,
Espérance,
Robinet,
Triste plaisir,
Rigoron, pirouy,
L'oyselet,
Pampelune,
Hz ont menti,
Ma joye.
Ma cousine.
Elle revient,
A la moictié,
Tous les biens,
Ce qu'il vous plairra,
Puys qu'en amour suys mal-
heureux,
A la verdure.
Sur toutes les couleurs.
En la bonne heure.
Or faict il bon aymer.
Mes plaisans champtz,
Mon joly cueur.
Bon pied, bon oeil,
Hau, bergère, m'amye,
La tisserande,
La pavane,
Hely, pourtant si estes belle,
La marguerite.
Or faict il bon,
La laine,
Le temps passé.
Le joly boys,
L'heure vient.
Le plus dolent.
Touche luy l'anticaille,
Les hayes.
Encores les veiz-je danser aux chansons de Poictou, die-
VARIANTES
197
tes par un fallût de Sainct-Messant, or ung grand baislant
de Partenay le Vieil.
Notez, beuveurs, que tout alloit de hait, et se faisoient
bien valoir les gentils fallotz avecques leurs jambes de boys.
Sus la fin fut apporté vin de coucher, avecques belles mous-
ches enculades, et feut cryé largesse, de par la royne,
moyennant une boette de petasinne. Lors la royne nous oc-
troya le choix d'une de ses Lanternes pour nostre conduicte,
telle qu'il nous plairoit. Par nous futssieue et choisie la mye
du grand M. P. Lamy, laquelle j'avois autresffoys congneue
à bonnes enseignes. Elle pareillement me recongnoissoit, et
nous sembla plus divine, plus hilique, plus docte, plus saige,
plus diserte, plus humaine, plus débonnaire et plus ydoine
que autre qui fut en la compaignye pour nostre conduicte.
Remercians bien humblement la dame royne, feusmes ac-
compaignez jusques à nostre nauf par sept jeunes fallotz bal-
ladins, ja luysant la claire Diane. Au départir du palais, je
ouys la voix d'un grand fallot à jambe torte, disant que un
bonsoir vault mieulx que autant de bons matins qu'il y a eu
de chastaignes en farce d'oye depuys le déluge de Ogigés,
voulant donner entendre qu'il n'est bonne chère que de
nuyt, lorsque lanternes sont en place, accompaignées de
leurs gentils fallotz. Telles chères le soleil ne peult veoir de
bon œil, tesmoing Jupiter, lorsqu'il coucha avecq Alcmene,
mère d'Hercules, il le feit cacher deux jours, car peu de-
vant il avoit descouvert le larcin de Mars et de Venus.
Chapitre XLIII, page 171, ligne 27 : «monte jusques à la
mer de vostre monde » termine ce chapitre, qui est coupé
en deux dans le manuscrit; la seconde partie est intitulée :
« Comment l'eau de la Fontaine rendoit goust de vin selon
l'imagination des beuveurs. Chap... » el commence ainsi :
« Puis commenda estre hanaps, tasses et goubeletz pré-
sentez, d'or, d'argent, de cristallin, de porceline, et feusmes
gracieusement invitez à boyre de la liqueur sourdante d'icelle
fontaine, ce que feismes tresvolontiers. Car, pour plaine-
ment vous advertir... »
Même chapitre (XLIII), page 172, lignes 17-18: « le boyre
98
VARIANTES
dessus coule pour descendre... » Le manuscrit porte :
« Non éspoulmons par l'artère inegualle, comme a esté l'op-
pinion du bon Platon, Plutarque, Macrobe et aultres, mais
en l'estomatz par le sesophage. »
Chapitre XLVIII, page i88, ligne 7, à partir de «... et
compagnie d'homme », voici comment le livre se termine
dans le manuscrit :
« Ainsi, entre les Perses, Zoroastes print Arismaspe pour
compaignon de toute sa misterieuse philosophie ; Hermès le
Tresmegiste, entre les Egyptiens, eut Esculapius ; Orpheus
en Thrace eut Muse ; illecques aussi Aglaophemus eut Pyta-
gore ; entre les Athéniens Platon eut premièrement Dyon de
Syracuse en Cicille, lequel defunct, print secondement Xeno-
crates; Appolonius eut Damis. Quant doncques voz philoso-
phes, Dieu guyde, accompaignens à quelque claire Lanterne,
se adonneront à songneusement rechercher et investiger,
comme est le naturel des humains (et de ceste qualité sont
Hesrodothe et Homère, appeliez alpheste, c'est à dire re-
chercheurs et inventeurs), trouveront vray estre la responce
faicte par le saige Talés à Amasis, roy des Egiptiens, quant,
par luy interrogé en quelle chose plus estoit de prudence,
respondit : « On temps. » Car par temps ont esté et par
temps seront toutes choses latentes inventées, et c'est la
cause pourquoy les antiens ont appelé Saturne, le Temps,
père de Vérité, et Vérité fille du Temps. Infaliblement aussi
trouveront tout le sçavoir et d'eulx et de leurs prédécesseurs
à peine estre la minime partie de ce qui est, et ne le sçavent.
De ces troys oires, que présentement je vous livre, vous en
prendrés jugement, congnoissance, comme dict le proverbe :
(I Aux oncles le lyon. » Par la raréfaction de nostre eaue
dedans enclose, intervenant la chaleur des corps supperieurs
et ferveur de la mer sallée, ainsi qu'est la naturelle transmu-
tation des elemens, vous sera air dedans tressallubre engen-
dré, lequel de vent clair, serain, delicieulx, vous servira, car
vent n'est que air flottant et undoyant. Cestuy vent moyen-
nant, yrez à droicle routte sans terre prendre si vouliez.
VARIANTES
99
jusques au port de Olonne en Talmondois^ en laschant à
travers voz velles, par ce petit soubspiral d'or que y voyés ap-
posé, comme une fleute, aultant que penserez, pour tout ou
lanternent naviger, à tousjours en plaisir et seureté, sans
dangier ne tempeste. De ce ne doubtez, et ne pensez la
terapeste yssir et procéder du vent : le vent vient de la tem-
peste excitée du bas de l'abisme. Ne pensez aussi la pluye
venir par impotence des vertus retentives des cieulxet gravité
des nues suspendues : elle vient par évocation des soubzter-
rennes régions, comme, par évocation des corps supérieurs,
elle de bas en haut estoit imperceptiblement tirée, et vous le
tesmongne le Roy Prophète, chantant et disant que l'abisme
invocque l'abisme. Des troyes oyres, les deux sont pleines de
l'eaue susdite, la tierce est extraicte du puys des saiges In-
diens, lequel on nomme le tonneau des Brachmanes.
Trouverez davantaige voz naufz bien duement pourveues
de tout ce qu'il vous pourroit estre utille et nécessaire pour
le reste de vostre mesnaige. Ce pendant que icy avez séjourné,
je y ay faict ordre tresbon donner. Allez, amys, en gayetté
d'esprit, et portés ceste lettre à vostre roy Gargantua, le sa-
luez de par nous, ensemble les princes et officiers de sa
noble court. »
Ces motz parachevez, elle nous bailla des lettres closes et
scellées, et nous, après action de grâces immortelles, feist
yssir par une porte adjacente à la chapelle, où la Bacbuc les
semonnoit de proposer questions aultant deux foys qu'est
hault le mont Olympe. Par ung païs plain de toutes délices,
plaisant, tempéré plus que Tempe en Thessalye, salubre plus
que celle partie d'Egipte laquelle a son aspect vers Libye,
irrigé et verdoyant plus que Thermiscrie, fertille plus que
celle partie du mont Thaure laquelle a son aspect veis
Aquilon, plus que l'isle Hiperborrée en la mer judaïque,
plus que Caligés on mont Caspit, flairant, serain et gratieulx
autant qu'est le païs de Touraine, en fin trouvasmes noz na
vires au port.
GLOSSAIRE-INDEX
A, avec.
A bas, ici-bas.
Abbegesse, abbesse.
Aben-Ezra, rabbin, commen-
tateur de la Bible.
Aberkeids , vilifiés , en alle-
mand,
Abestin (Lin), asbeste. Voyez
Asbeston.
Abhorrent, éloigné, qui fait
horreur, impie.
Abhorryz, abhorrés.
Abila, montagne d'Afrique au
détroit de Gibraltar.
Abiron, nom d'un diable.
Abordée (De prime), de prime
abord.
Aboth, prophètes, de l'hébreu ?
Abrier, mettre à l'abri.
Abriconner, tromper.
Abscond, absconce, caché, in-
accessible, profond.
Absterger, nettoyer,
Absîracteur, qui extrait, sépare,
isole, distille.
Abundant (D'), de plus.
Acamas, infatigable, du grec.
Acarations, confrontations.
Accapaye, mets-toi à la cape ;
ne porte que très-peu de
voile (Jal).
Acclamper, planter.
Acconcepoir, atteindre.
Accoubler, accoupler.
Accoursiers , commentateurs
d'Accurse.
Accurse(F.), jurisconsulte flo-
rentin du XIF siècle.
Acertainé, renseigné d'une fa-
çon certaine.
AcHATES, ami d'Énée.
AcHORiE, pays imaginaire, pays
n'existant pas, du grec.
Aconcepvoir, atteindre.
Acravanté, écrasé.
Acresté, qui redresse la crête,
qui fait le fier.
AcRisius, père deDanaé.
26
GLOSSAIRE-INDEX
Acromion (Os), apophyse dj
l'omoplate.
Acroué, accroupi.
Aculler, déraciner.
Acut, agu, aiguisé, fin, aigu,
du latin acutus.
Adamastor, géant.
Additainens mammillaires,
bouts des mamelles, du la-
tin additamenta.
Adenes, glandes.
Adiantos , non humide, en
grec.
Adiantum, la capillaire.
Adjouda my, aidez-moi, en li-
mousin.
Adrian Villart , "Willaert, mu-
sicien belge du XVI^ siècle.
Adscript, inscrit.
Advers, ennemi, opposé.
vEacus, Eaque, l'un des trois
juges à l'entrée de l'enfer.
vEditue, sacristain, du latin
sediluus.
iEMiLiAN, itmilianus, rhéteur
grec.
y£olipyle, porte d'Éole. Voir
ce mot dans la Briefve Dé-
claration, à 1.1 suite du
livre IV, page 296.
/Egipanes, Egipans, sorte de
satyre.
itcEON, géant.
/Egylops, graminée. On croit
que l'aegylops a, par des
modifications successives ,
donné naissance au froment.
A^quiparer, mettre sur le même
rang.
Aeromantie , divination par
AesleSj JEsles, ailes.
jEthiopis, espèce de fucus.
Affaictée, terme de fauconne-
rie, apprivoisée.
Affecter, désirer avec inquié-
tude.
Affections, passions.
Affené, garni de foin, rassasié.
Affier, affirmer, greffer.
Affiert, a rapport.
Affiner, tromper finement.
Affoler, affoller, rendre fou ;
blesser, maltraiter.
Afriquanes, les bêtes féroces pri-
ses en Afrique.
Agalloche, substance végétale
balsamique connue sous le
nom de bois d'aloès.
Agarene, en arabe, descendant
d'Agar.
Agathias, poëte et historien
grec des VF et VIF siècles.
Agatho, géant.
Agathocles, tyran de Syra-
cuse.
Agelaste, qui ne rit point, du
grec.
Agenor, père d'Europe.
Aggeres, digues.
Agios, saint, en grec.
Agiotate, très-saint, superlatif
grec.
Agiots, choses saintes.
Agrené, garni de grain, rassa-
sié.
Agricola, musicien des Pays-
Bas du XVe siècle.
Agrie, ou plutôt Agnie, fon-
taine d'Arcadie.
GLOSSAIRE-INDEX
Agrimenseur, mesureur de
champs, arpenteur, du latin
ager et mensor.
Agu. V. Acut.
Agua, regarde ; est employé
dans le même sens dans
Pathelin.
Aguars (Oiseaux), hagards, oi-
seaux pris trop âgés pour
être dressés.
Agueilky Agueillette, aiguille,
aiguillette.
AguyoM, vent doux et favorable.
Ahan, effroi.
Aguilanneuf, au gui l'an neuf,
le premier jour de l'année.
Aguille de Virgile, clocher soi-
disant bâti par Virgile à
Rome.
Aignevillot, aiguillot, gond fixé
au gouvernail.
Aigresi, verjus.
A fgtmrfe (Faire), faire de l'eau.
Aigueillettes , aiguillettes. V.
Aguilles, Aguillettes.
Aiguillette borgne, aiguillette
ferrée d'un seul bout.
Aiguosité, partie aqueuse.
Ains, mais, mais bien; pen-
dant.
Aire, grand flacon ; coffre. V.
Oire.
AisGNEjAisgnes, arrondissement
d'Angoulème, Charente.
Aisgué (Vin), vin mêlé d'eau.
Aisses, ais, planchettes de bois.
Aisseuil septentrional, l'essieu
sept., le pôle arctique.
Alaire ou Allaire, musicien.
Alanus, Alain de Lisle, auteur
d'un traité des Paraboles.
Alateré, faut-il lire a latere,
titre donne à certains légats
du pape?
Albert le Grand, moin-e jaco-
bin, philosophe scolastique
du XIIF siècle.
Alberti (Leo-Battista), archi-
tecte florentin du XV siècle.
Albian Camat, blanc sacris-
tain, en hébreu.
Albrans, hallebrans, canards
sauvages.
Alcibiadion, la vipérine com-
mune.
Alcman, poète grec du VIP
siècle avant J.-C.
AlcofribasNasier, anagramme
de Rabelais.
Alecretz, corsets de fer.
Alectryomantie, divination par
un coq.
Aies, ailes.
Aleuromantie, divination par
la farine.
Alexander Myndius, philoso-
phe grec du IIF siècle.
Alexandre, jurisconsulte ita-
lien.
Alexicacos, qui éloigne !e mal,
du grec. C'est un des sur-
noms d'Hercule.
Alezan ioustade, alezan brîjlé.
Algamala, Algamana, Algv.a-
mala, amalgame; nom du
mercure chez les alchimis-
tes.
Algorisme, calcul.
Algousan, argousin.
Alibantes, morts, du grec.
204
GLOSSAIRE-INDEX
Alibitz forains, mauvaises chi-
canes.
Alicacabut, fruit de l'alkékenge.
Alidada, alidade, règle qui sert
à déterminer la direction des
objets.
Aliptes, garçons de bains, du
latin aliptge.
AJkatim, Alkatin, mot arabe.
D'après le texte, ce serait le
coxis, et plus loin le péri-
toine.
Allebouter, grappiller.
Alliaco (De), Pierre d'Ailly,
théologien du XV^ siècle.
Allianciers, faiseurs de jeux,
d'alliances de mots.
Alliboron (Maistre), sorcier,
diable.
Allouvy, qui a une faim de
loup, affamé.
AllumelUs, lames d'épée.
Alluz, boire, en allemand.
A/me, nourricière, du latin
aima.
AlmicantaraihjAlrnucantharat,
cercle astronomique paral-
lèle à l'horizon.
Almyrodes, salés.
Aloe, géant.
AloVdes , Otus et Ephialte,
géants , descendants d'A-
loeus.
Alopecuros , plante de la fa-
mille des graminées.
Alphitoniancie , divination par
la farine d'orge.
Altère, artère.
Alun de plume, sulfate d'alu-
mine en poudre.
Alvares (Piètre), Pedro Alva-
res Cabrai, voyageur por-
tugais du XVI^ siècle.
Alyasum ; est-ce un ail, al-
lium ?
Amadeans, ordre religieux fon-
dé par Amédée VIII de Sa-
voie.
Amaurotes, inconnus, obscurs.
Ambezars, Ambezas, les deux
as, aux dez.
Ambouchouoir, embauchoir.
Ambrun, charpente de toit.
Amerine saule, variété de saule
qui passait pour antiaphro-
disiaque.
Ammomus, philosophe éclec-
tique du V^ siècle.
Amoderer, réduir.
Amodier, déterminer, fixer.
Amodunt, a modo, sine modo,
sans forme.
Amorabond, amoureux.
Amorabaquine, danse turque.
Amphiaraus , fils d'Apollon,
interprète des songes.
Amphicyrces, amphicyrtes, du
grec, arrondi aux trois
quarts. « État où se trouve
la lune le onzième jour du
mois quand elle croît, et le
dix-neuvième quand elle dé-
croît. » (Le Duchat.)
Amure, cordage qui fixe une
voile par en bas.
Amy (Pierre), cordelier de Fon-
tenay-le-Comte, ami de Ra-
belais.
Anacampserotes , herbe qui,
d'après Pline, fait revenir
GLOSSAIRE-INDEX
:o5
l'amour passé.
Anachite, nom d'un diamant
qui était regardé comme un
talisman.
Anagnostes, lecteur, du grec.
Le lecteur de la dédicace du
IV«^ livre était Pierre du
Chastel, évêque de Tulle.
ANARCHE,sans pouvoir, du grec.
A/ia/o/e(Tour),tour de l'Orient.
Anatomies, dissections.
Anaxagoras , philosophe de
l'école ionienne, cinq siè-
cles avant J.-C.
André (Jo.), Giovanni Andréa,
jurisconsulte italien du XIV'=
siècle.
Anerudutes ; ce nom fait partie
des animaux venimeux énu-
mérés par Eustène au cha-
pitre Lxiv du IV^ livre, et
empruntés, pour la plupart,
à Aristote et à Pline ; il y a là
des reptiles, des insectes, des
animaux fantastiques, etc.,
dont il est impossible d'ar-
river à expliquer le nom par
un équivalent moderne.
Aneth, anis ou fenouil.
Angarier, Engarier, tourmen-
ter, contrarier.
Angaries, Anguaries, Engaries,
tourments, vexations, in-
justices, oppression.
Angelotz, monnaie frappée sous
Philippe de Valois.
Anglicquetnentj à l'anglaise.
AnguoLinages ; ce mot est ex-
pliqué dans la BrUfvt Dé-
claration, à la suite du
IV^ livre, page 298.
Angustie, angoisse, anxiété.
Animant, subst., animal.
Anonchaly , rendu nonchalant.
Ansées, vases à anses.
Anseride (Plume), plume d'oie,
anas anser.
Antan, Van passé, auparavant.
Antée, géant.
Anthromantie, divination par
les entrailles d'un homme.
Antibust, le devant du buste.
Anticthone, antipode, du grec.
Antifortunal, contre le mau-
vais temps.
Antigone, changée en cigogne
par Junon.
Antiphon, sophiste et orateur
athénien du IV^ siècle avant
J.^C.
Antiphysie, antinature, contre
nature, du grec.
Antiquaille, ancienne danse.
Antiquaille (Sonner 1'), parler
de choses anciennes, ou
jouer l'air de l'Antiquaille.
Antiquaire, antique, ancien.
Antonoinatic, adj., d'antono-
mase, sorte de synecdoque
qui consiste à prendre un nom
commun pour un nom pro-
pre, ou un nom propre pour
un nom commun.
Apedeftes ou Apedeutes, igno-
rants, du grec ; c'est ici
appliqué aux magistrats de
la cour des comptes.
Apert, à découvert, apertus.
A/3er//ses d'armes, faits d'armes.
Aplane, ciel des étoiles 'fixes,
;o6
GLOSSAIRE-INDEX
du grec.
Apollo, salle d'Apollon, chez
Lucullus.
Apone (Fontaine de), à Albano,
près de Padoue.
Aporrheticques, douleurs , qui
doutent.
Apostoles, apôtres.
Aposîoles, lettres demandées
au juge pour qu'il renvoie
l'affaire qu'il a jugée à une
juridiction supérieure.
Apotheque, magasin, boutique,
du grec.
Apoiherapie, exercice hygiéni-
que, du grec.
Apotrophées , détournant les
maléfices, du grec.
Appeaulx, appels, en justice.
Appellations , révision des
comptes.
Applausenunl , applaudisse-
ment.
Appareil (Haut), armure com-
plète.
Appianus , historien grec du
11^ siècle.
Appigrets, profits illicites, grap-
pillage.
Appoincté , arrangé , accom-
modé.
Apposées (Viandes), mises sur
table.
Appoulle, Apulie.
Apoyer, Appoyer, appuyer.
Appous, acolytes.
Appréhension, compréhension.
Aprivoiser, acclimater.
Aquileie, Aquila, ville de l'A-
bruzze supérieure.
Aranthas, géant.
Arbalestes de passe, grosses
arbalètes.
Arbre, mât.
Arc à jallet, arbalète.
Arcadelt, musicien des XV*-'
et XVie siècles.
Arceau Guabeau, localité du
Chinonais.
Archadian, Arcadien.
Archasdarpenins, voudrait dire
étudiant, en hébreu?
Archiiriclin, majordome.
Ardillon (Antoine), abbé de
Fontenay-le-Comte.
Aremotis, au loin, éloigné.
Arer, labourer ; parcourir.
.1res me^js (Tout), en gascon,
tout de suite.
Argathyles , oiseaux fantasti-
ques.
Argentangine, angine payée à
Démosthène par les ambas-
sadeurs milésiens pour qu'il
ne parle pas. Voir la Bne/'i'e
Déclaration, à la suite du
IV*' livre, page 298.
Argentier, nom propre de
VAnthologie, traduit par Ra-
belais.
Arges, lumière blanche de la
foudre, éclairs.
Argiere, Alger.
Argives, Argiens.
Arguer, argumenter.
Argut, subtil.
Argy, Argis, Arrondissement de
Châteauroux, Indre.
Argyropile, Arguropoulo, hel-
léniste du XV^ siècle.
GLOSSAIRE-INDEX
20'
Arietant, faisant le bélier.
Arimanian (Daemon), Ahri-
mane, principe du mal, en
Perse.
Arimaspians ou PiENS, peuples
du Nord dont parlent Pline
et Hérodote, et qui n'avaient,
disent-ils, qu'un œil.
Ariphron, poëte, né àSicyone.
Aristarchus , philosophe de
Samos, vivait 3oo ans avant
J.-C.
Aristarchus de Sole, gram-
mairien grec du IF siècle
avant J.-C.
Aristodice , nom grec em-
prunté à l'Anthologie.
Aristophanes , grammairien
grec du III^ siècle avant
J.-C.
Arinet de Platon, casque qui
rendait invisible.
Armoisij Armoisy, étoffe de
soie.
Armoisine, de taffetas.
Arin, airain.
Aromatisant , sentant les épices.
Arondelle, hirondelle.
Aroy, charrue.
Arraper, saisir.
Arresser, dresser.
Arroy, train, équipage.
Ars, arcs.
Artachée, Artacaeas, géant.
Artemidorus Daldianus. Ar-
témidore, écrivain grec du
IF siècle.
Artemon^ écrivain néàMllet.
Artemon, mât d'artimon.
Ariice (Tour), tour arctique, du
Nord.
Articuler, faire le procès.
Artiens, étudiants es arts.
Arulettes, sillons.
Asarotum, mosaïque, du grec.
Asbeston, asbeste , amiante;
c'est un silicate de magnésie.
Asçavanté, informé, instruit.
Ascites, hydropisies.
Asnerie, l'Asinaria, comédie de
Plaute.
AsoPE, personnification d'un
fleuve de Béotie.
Aspharage, gosier.
Asprettes, un peu âpres.
Assaphis, gens de basse con-
dition, du grec.
Assay, essai.
Assere, d'acier.
Asserer, aiguiser , armer de
pointes de fer ; affermir ;
prendre, saisir.
Assertivement , catégorique-
ment.
AssiER (François de Genouillac,
seigneur d'), tué à la ba-
taille de Cérisoles.
Assimentées, épaissies comme
du ciment.
Assimenty, bouché.
AssuERE, Assuérus.
AsTAROST, nom de diable.
Astipulateurs, défenseurs.
Astipulation, approbation.
Astragalomantie, divination par
les osselets, astragales.
AsTROPHiLE, le pilote aimé des
astres.
Asturciers, fauconniers.
Ataves, aïeux.
GLOSSAIRE-INDEX
Até , divinité grecque qui
pousse à l'erreur.
A.thanatos, immortel, en grec.
Athen^us, Athénée, grammai-
rien grec du IF siècle.
Athineus, Athénée, mathéma-
ticien grec du llh' siècle
avant J.-C.
A tout, avec.
Aires, foyers, dans le sens de
maison.
Atrophts, atrophiés.
Altediation, ennui.
Attempier, tenter.
Attrempé (Temps), temps doux.
Aube des mousches, l'instant le
plus chaud de la journée.
Aube du bast, le bord de de-
vant du bât.
Aubeliere, muselière de cou-
leur blanche.
Aubers, Haubergeons, cottes de
mailles.
Aubert, argent.
Aubier (Franc), osier.
AuCTOLiA, mère d'Ulysse.
Audiance, audition, ouïe.
Aulcunemeni, un peu, quelque
peu.
Auliques, de cour.
Aultelissiers, tapissiers de hau-
telisse.
Aumusse, peau de martre ou
de petit-gris que les cha-
noines et les chantres por-
tent sur le bras quand ils
vont à l'office (Littré). Bon-
net fourré. "
Aurande, fleurs d'oranger.
Aureilles de Bourbonnoys, lon-
gues oreilles.
AuRELiANS, Orléans.
AuRiDiE, prophétesse nommé
par Tacite.
Auriflue, qui fait couler l'or.
Auripeaux, mal d'oreille.
Ausou, saindoux.
Autant (D'); boire d'autant à
I un chascun, c'est tenir tète à
j tous ceux qui boivent, boire
! autant qu'eux.
AuxERRE, ou Dauxerre, mu-
sicien.
Avalisque Sathanas, retire-toi,
Satan, en provençal.
Avaller, tomber, abaisser, des-
cendre, manger (ce qu'on
boit et mange descend par
l'œsophage dans l'estomac);
abattre.
Avalluer, mettre en valeur.
Avangtr, avancer.
Aveiglé, aveuglé.
Averlans, gaillards, fanfarons,
tapageurs.
AvERROïs, Averroës, célèbre
médecin arabe du XIF siè-
cle.*
Apes, aïeux.
AvicENNE, ou Abou-ibn-Sina,
philosophe et médecin arabe
des Xc et XF siècles.
Avives (Males)^ engorgement
de glandes du cou chez les
chevaux.
Avoir. Cet infinitif, employé
seul au commencement d'une
phrase, signifie toujours :
après avoir. Il y a dans Ra-
belais d'autres infinitifs em-
GLOSSAIRE-INDEX
ployés avec le même sens
mais ils sont très-rares.
Avoistre, enfant adultérin.
Avoler, voler, aller vite.
Axinoinantie, divination parla
cognée,
Azetnine, azziminina, sorte de
damasquinure appliquée sur-
tout aux armes et aux ar-
mures.
Azes guayes, zagaies, lances.
Azimuth, cercle astronomique
vertical à l'horizon.
Babines, lèvres.
Babou (Faire la), faire la ni-
que, narguer. C'est propre-
ment le bruit que les nour-
rices produisent en faisant
passer rapidement leur doigt
sur leurs lèvres pour amuser
les petits enfants.
Babouyneries, singeries.
Bac, baquet.
Bac (De queue et de). Faut -il
de queue et de bec, ou de
cap, à égale distance de la
queue à la tête ?
Bacabery l'aisné, auteur de la
fabrique de Rabelais.
Bacbuc, personnification de la
bouteille en hébreu.
Baccane (Lac), lac Baccano, au
N.-O. de Rome.
Bacchides, bacchantes.
Bacces, baies, graines. V. Bague.
Bacchelier, jeune garçon.
Bachelettes , aimables jeunes
filles.
Bàdebec, niaise, ensaintongeais.
Rabelais, V.
Badelaire, épée à lame large,
courte et recourbée.
Badelorié, recourbé.
Badeloury, géant.
Badigoinces, babines, lèvres,
mâchoires.
Baguaige, bague, bagage, du
bas latin baga, sac.
Bague, baie, du latin bacca.
V. Bacces.
Bail, bai, rouge brun.
Bailler le moine, c'est attacher
aux pieds de quelqu'un qui
dort une corde qu'on tire
pour lui faire peur.V. Moine.
Baisler, bâiller.
Baissiere, la lie, ce qui est au
bas du tonneau vidé.
Bal solistime des canes, bruit
que font les canes en man-
geant.
Balais, balay, rubis balais.
Balane, gland.
Balde de Ubaldis, jurisconsulte
italien du XV^ siècle.
Balle (Pain), pain où reste la
balle ou enveloppe du grain.
Balleruc, Balaruc, eaux ther-
males, arr. de Montpellier.
Hérault.
Balloter, aller aux voix.
Bandouille (Jousse), probable-
ment Jean Cheradame, pro-
fesseur de grec de l'Univer-
sité, à la famille duquel ap-
partenait le prieuré de Ban-
douille (Burgaud).
Bandouillers, bandits, brigands.
Banerol, porteur de bannière
Banier, crieur de ban.
2 10
GLOSSAIRE-INDEX
Baririj d'éléphant, du latin bar-
rus.
Barrier, se dit du cri des élé-
phants.
Baralipton, forme de syllogisme.
Baratter, remuer comme avec
une baratte à heure, hous-
piller.
Barbatia , Andréa Barbazio ,
jurisconsulte italien du XV'^
siècle.
Barbe (En), en face, en avant
de, devant.
Barbe de Jupiter, plante vulné-
raire.
Barboire, mascarade où l'on se
déguisait avec de fausses
barbes, du bas latin barba-
toria .
Barbotine, armoise.
Barbute, capuce de moine, ca-
goule, casque à fourrure.
Barde, armure de cheval.
Bardocuculkz, encapuchonnés.
Barraige, droit de passage.
Barrault, mesure languedo-
cienne des liquides, de près
de 5 2 litres.
Barraux, petits barils.
Barretade, salut de la barrette,
du bonnet.
Bartachim, Bertachin, Jean
de Bertachino, jurisconsulte
italien.
Bartolus, Bartole, juriscon-
sulte italien de XlVe siècle.
Baschatz, pachas.
Basché, arrondissement deChi-
non, Indre-et-Loire.
Baschb (Le seigneur). Un Per- |
rot de Basché alla en Italie
par ordre de Charles VIII.
Bazilicz, canons un peu longs.
Basic-, bailler. V. Baisler.
Basme, baume, parfum.
Bassarides, bacchantes.
Baston, arme, terme généri-
que.
Batail, battant de cloche.
Baudement, agréablement.
5aurf[(/fe, lavette de toile; bau-
druche.
Bauffrer, manger avec avidité.
Bauffrures, grandes mangeail-
les.
Baulevres, mâchoires.
Baulkvre, tour de la bouche.
Baurach, borax, borate de
soude.
Bauracineuses, de la nature du
borax.
Bavière, visière du casque ; ba-
vette.
Baye, béante.
Bazacle lés Toloze (Moulin
du). Ce moulin existe encore
à Toulouse.
Bazelic, bazilic, pièce de canon.
Barizel, barigel, chef de sbires.
Beaugears, fréquentant les bau-
ges.
Becars, nom d'une espèce d'oie.
Bêchée, becquée
Beclïiuni, béchion, pas d'âne.
Beda (Noël), principal du col-
lège de Montaigu.
Bedaines, boulets de canon en
pierre.
Bcdaud, ami.
Bedon, petit ventre, nom d'à-
GLOSSAIRE-INDEX
mitie.
Bedondaine, ventre, gros ven-
tre.
Bedouault, blaireau.
Bedouaux, petits veaux.
Bée (gueule), gueule béante.
V. Baye.
Beffier, bafouer.
Been, racine du silène-been
commun.
Bejaune, jeune sot ; au propre,
jeune oiseau qui a encore
les commissures du bec
jaunes.
Belima, rien, en hébreu.
Belin (Regnauld), nom de ber-
ger de quelque conte popu-
laire.
Beliner, mystifier, tromper.
Belistrandie , sottise, coquinerie.
Belistrandiers, mendiants, bélî-
tres, gueux, vagabonds.
Belutement, examen minutieux.
Bénéfice, bienfait.
Benistre, benoist, bénir, béni.
Benoistier, bénitier.
Berkj racine du ginseng, qui
a l'aspect de l'ambre jaune
et passait pour aphrodisia-
que.
Bernes j mantelets à capuchon.
Berose, historien chaldéen du
IVc siècle avant J.-C.
Bers, berceau.
Besaguë Tenedie, hache de
Ténédos, hache à deux
tranchants, besaiguë. V. Be-
zague.
Besc/i, vent du S.-O., Libeccio.
Bessains, bassins
Bessarion (Jean), helléniste du
XVe siècle.
Bessé, arr. de Saumur, Maine-
et-Loire.
Besser boys, abaisser les lances.
Bessons, jumeaux.
Bette, boisson, action de boire.
Betune, Bithynie.
Beufîes, buffles.
Beurre (Tour de), tour bâtie
avec l'argent donné pour
avoir la permission de man-
ger du beurre en carême
(Burgaud).
Beurs, burs, moines vêtus de
bure.
Beusse, bourg et rivière, près
de Loudun.
Beuvette, action de boire, bu-
verie.
Beuvreaux, buveurs.
Bezagues, besaiguës, outils de
de charpentier taillant par
les deux bouts. V. Besaguë.
Bezans d'or, monnaie frappée
à Byzance sous les empereurs
chrétiens.
BiART, Béarn.
BiEAROYs, Vivarais.
Bicane, nom d'un cépage.
Bière (La forêt de). Les com-
mentateurs ne sont pas d'ac-
cord et ne savent s'il s'agit
d'une forêt sur les bords de
la Bièvre, ou de la forêt de
Fontainebleau.
Bigearre, bizarre.
Bigot (Guillaume), professeur
de philosophie à Tubinge, au
XVP siècle.
2 I 2
GLOSSAIRE-INDEX
Billart, bûche, bille de bois.
Bilks vizécs, balles soufflées.
Billonneurs, qui font de la
monnaie de billon, faux-
monnayeurs.
Bipartient, part., se divisant en
deux parties.
Biscarié, maladif.
Bischarsj jeunes daims,
Biscle, bigle, qui louche en
dedans.
Bisouars, vêtus d'étoffes grises,
porte-balles.
Bistorié, qui a des coups de
bistouri.
Bitars, variété d'outardes.
Biterne (Diable de), juron.
Biton, bitous, pièce de bois à
laquelle on amarre les cor-
dages à bord d'un navire.
Blanc, petite monnaie.
Blanchée, ce qu'on avait pour
un blanc.
Blanchei, étoffe blanche, dou-
blure de laine blanche.
Blandureau (Pomme de), pom-
me blanche et dure.
Blason {Le) des couleurs, par
Sicile, imprimé d'abord sous
le titre de : Le Blason des
armes.
Blemmies, peuples sans têtes,
qui ont les yeux et la bou-
che sur le sternum.
Bobeliné, rapiécé.
Bobelins, chaussures grossières,
savates.
BoissoNNÉ, Jean de Boyssone,
jurisconsulte du XVI'' siècle.
Bolides, plomb de la sonde
BoLiYORAX, géant.
Bolines, boulines, cordages.
Bonache, bonace, calme en
mer.
Bonases de Pseonie, espèce de
buffle.
Bondes de Hercules^ les colon-
nes d'Hercule.
Bondon, bonde.
BoNivET, château près de Chà-
tellerault, commencé par
l'amiral de ce nom.
Bonne-Dée, bonne déesse, du
latin bona dea.
Bonnes-Nouvelles (Notre-Da-
me de), près d'Orléans.
Bonnette, voile supplémentaire.
Bonnetz (Du temps des haults),
à la vieille mode.
Bononus, proclamé empereur
par l'armée du Rhin et
vaincu par Probus, se pendit.
Bordes, bordieux, maisons des
champs.
Botanomancie, divination par
les plantes.
Botes d'olif, tonneaux d'huile.
BotineurSj moines qui portaient
des bottes.
Botte, bote, tonneau.
Botte Sainct-BertoU , la grande
tonne qui est à Bologne.
Bouc, bouche.
Bouc (De broc en), de broche
en bouche, immédiatement.
Boucaiges, bocages, bois.
Boucal, bocal, vase.
Boucler, bouclier.
Boucler à la bergamasque,
mettre une ceinture de
GLOSSAI RE-lNDEX
chasteté.
BoucleZj fermés avec un cade-
nas.
Bouclus, tranchée.
Boucon, bouchée. Ly boucon
de Lombard, les bouchées
empoisonnées.
Bouconi, poison, de l'italien
boccone.
Boucque du hault ventre, le
creux de l'estomac.
Boucquer, baiser de force.
Boudinalle (Fressure), de bou-
din.
BouffaigCj bouffage, chose à
manger.
Bouger, partir.
Bougette, bourse.
Bougres, bougrins, hétérodoxes,
hérétiques.
Bougrino, petit bougre.
Bougrisque, à la bougre.
BouGUiER (Guy) , contempo-
rain de Rabelais à Mont-
pellier.
Boulas, bouleau.
Bouline, l'un des cordages d'un
navire.
Boulingues , boulines, petites
voiles hautes.
BouLOiGNE, Bologne.
BouRBONNENCY,Bourbon-Lancy,
arr. de Charonnes, Saône-
et-Loire.
Bourdes. Est-ce Le Bourdet, arr.
de Niort, Deux-Sèvres?
Boure, Bura, où était un ora-
cle d'Hercule.
Bourgeoys (Frère Jan), corde-
lierdelafinduXIVe siècle.
Bourgueil, arr. de Chinon, In-
dre-et-Loire, avait une ab-
baye de bénédictins.
Bourlet, bourrelet, ancienne
coiffure des docteurs.
Bourne, borne.
Bourrabaquin, flacon garni de
cuir.
Bourrabaquiniere (Nauf), na-
vire qui avait pour enseigne
un bouriabaquin.
Bourraches, bouteilles de cuir.
Bourrachous, ivrogne.
Bourreau, bureau.
Bourré (François;; faisait par-
tie de la maison de Du Bel-
lay.
Bourt, bord.
Boussin, morceau.
Boutargues, poutargues, cerve-
las d'oeufs de poisson.
Boutavent, boutevent, soufflet.
Boutée, boutade.
Boutées (A), par troupes.
Bouteiller, musicien français
du XVP siècle.
Bouteillon, grand buveur, de
l'italien bottiglione.
Bouzine, cornemuse.
Bo-je, bourreau, de l'italien
boja.
Boyers, bouvier.
Boyre, courant d'eau.
Boyte, provision de vin pour
l'année.
Boyteau , petite botte , petit
tonneau.
Bracque. Est-ce un jeu de
paume du faubourg Saint-
Marceau ou le carrefour de
214
GLOSSAIRE-INDEX
Bracque, aujourd'hui place
de l'Estrapade ?
Bragmard , bracquemart, bâ-
ton, épée courte.
Braginarder , mener joyeuse
vie,
Braguart, élégant, pimpant,
coquet.
Brague, cordage; braguette.
Bragues avalades, culottes tom-
bantes.
Braguette, pochette entre les
deux jambes du haut-de-
chausses ; quelquefois le con-
tenu de la braguette.
Braguettodyiej habitant de la
braguette.
Brain, un brin, un peu.
Braisler, braire.
Bramer, brasmer, crier.
Brancquars, vergues.
Brandes, broussailles.
Brandif, brandissant.
Brandi fz (Tous), tout brandi,
tout de go, tout d'une pièce.
Branc ou brand d'acier, épée
à large lame.
Branchier, nom général des
oiseaux de proie.
Bransler, brandir.
Brassai, bra;sart.
Brassée, embrassade.
Brassisers, bâtons.
Braye, culotte ; toile goudron-
née.
Braver (Jamet), pilote célèbre
du XVF siècle.
Brayer, broyer.
Brayes (Faulses), murs exté-
rieurs de fortifications.
Braze, braise allumée.
Bréchet, le sternum, os de
la poitrine où aboutissent
les côtes par devant.
Bregerac, Bergerac, chef-lieu
d'arr., Dordogne.
Bregmatis (Os), ou bregmati-
ques, partie antérieure du
crâne, sinciput.
Brehaigne, stérile.
Brehemont, arr. de Chinon,
Indre-et-Loire.
Bren, merde.
Brenasserie, se rappeler le sens
du mot bren.
Breneux, brenoux, merdeux.
Brésil incarnat, bois du Brésil,
fourni par les Cxsalpinia
echinata et tinctoria, légu-
mineuses.
Bresser, bercer.
Bressiner, tirer le cordage qui
sert à hisîer une voile.
Bretesque (A la), comme les
Bretons.
Breton '^Vin), vin du cépage
Chinonais Le Breton.
Breton Villandry, Claude le
Breton, seigneur de Villan-
dry, secrétaire des rois
François F"" et Henri II.
Breusse, vase à boire.
Bréviaire, flacon en forme de
livre de messe.
Briare, Briarée, géant.
Briber, boire et manger avec
avidité.
Bricot (Guillaume), péniten-
cier de Notre-Dame au
XVIc siècle.
GLOSSAIRE-INDEX
Brief (De), bientôt.
BriffauLv, frères quêteurs, gou-
lus, gourmands, gens de
grand appétit.
Briguandines, armure.
BrimbaleurSj sonneurs de clo-
ches.
Brimballer, se remuer, s'agiter,
sonner les cloches.
Brimballatoyre, propre à être
brimballé, remué, agité.
Brimbelettes, gâteaux recs.
Brinde, vase à boire.
Brindiere (Nauf), navire qui a
pour enseigne une brinde.
Bringuenarilles, géant.
Brisnns. « Etat de la lune le
quatrième jour du mois
quand elle c?oît, et le vingt-
sixième quand elle décroît.»
(Le Duchat.)
Brismarg d'algotbric. . . C'est du
lanternoys, langage de fan-
taisie.
Brizepaille , d'auprès Sainct-
Genou (Venir de), se dit, en
Languedoc et en Dauphiné,
d'une femme débauchée.
Brocadium juris, recueil de
droite Brocardia juris, dont
Brid'oye fait un juge.
Broc, broche.
Broc en bouc (De), de broche
en bouche, immédiatement.
Brocards, maximes de droit.
Brosse ^^La), arr. de Saumur,
Maine-et-Loire.
Brouet, le Broglio, grande
place à Milan.
Brumel, musicien flamand du
XVe siècle.
Brushant de Mommiere, géant.
Bruslefer, géant.
Bruslefer (Etienne^, cordelier
parisien du XV^ siècle.
Brusq, âpre ; vin âpre, de l'ita
lien brusco.
Bruyer, géant.
Bruyer, musicien.
Bruyre, faire du bruit.
BubeletteSj petites gouttes.
BuDÉ (Guillaume), érudit con-
temporain de Rabelais.
Buées, lessives ; la buée, le
linge qui a passé à la lessive.
Buffer, souffler.
Buffeter, boire à même au ton-
neau. (Littré.)
Buglosse, buglose.
Bulletin, patente de santé.
BuLLou, de la maison de Du
Bellay.
BuourSj butors.
Bur, de couleur grise; toge bure,
toge d'étofîe grise.
Bureau, grosse étoffe de laine.
Burgotz, moines vêtus de bure.
Buro/2, cabane.
Bursal, qui est relatif à l'im-
pôt.
BuscH, La Tête-de-Buch, arr.
de Bordeaux, Gironde.
Busche (Bachelier en). On ap-
pellerait en Poitou et en
Saintonge bûche les bâtons
tracés par ceux qui commen-
cent le rude apprentissage
de l'écriture. Le mot bache-
lier en bûche aurait alors un
sens ironique.
GLOSSAIRE- INDEX
Bussart, tonneau.
BustarinSj ventrue.
Bustuaire, du bûcher.
Bustuaires (larves), larves rô-
dant autour des tombes.
BuTROT, Buthrole, ville d'Epire.
BuzANÇAY, Busançais, arr. de
Châteauroux, Indre.
Byssines (Paroles), paroles
douces flatteuses, du latin
byssus, lin le plus fin.
Bytures, oiseaux fantastiques.
C, lettre par laquelle Brid'oye
déîigne le Code romain.
Cababezacé, mis en panier et
en besace.
Cabasser, amasser.
Cabires (Dieux), divinités phé-
niciennes.
Cabirotades, grillades de che-
vreau ; allusion aux dieux
cabires.
Cabirotz, chevreaux.
Cabourne, sorte de chapeau.
Cabre, chèvre.
Cabus, subst., choux pommés;
et adj. , pommés.
Cace, Cacus, géant.
Cachekt, demi-masque, loup.
Faut-il lire cacheiaid?
Cacoethe, difficile à guérir, du
grec.
CacqueroleSj CacqueroUiere, co-.
limaçons, colimaçonnière,
l'un des revenus de Panurge.
Cacquerotier, homme à doigts
crochus.
Cacquesangue, Caquesangue,
flux de sang.
Cadeac, musicien français.
Cadouyn, chef-lieu de canton
de l'arrondissement de Ber-
gerac, Dordogne, où se
conserve un saint suaire.
Cagar, chier.
Cagaux, Cagotz, moines men-
diants.
Cahuaillej canaille.
Cahuet, bout, pointe ; en par-
ticulier, bout du capuchon.
Caiche, queue.
Caignard, sale recoin, chenil.
Calabrisme, genre de danse.
CaillebotteSj lait caillé.
Cailles coyphées, jeunes femmes
en gaîté.
Caillette, fou de Louis XII et
de François I*'".
Caisgne, chienne.
Ca/aer (Tour), tour du bel air.
Calamité, aimant, l'aiguille de
la boussole, la boussole.
Calaihe, corbeille, du grec.
Calfreter, rembourrer.
Calibes (Acier de), acier trempé
dans le Chalibs, fleuve des
Celtiberes.
Calicules, calices.
Caliges, chaussures.
Callafater, calfater.
Callaischre, Grec mort en mer
dont ['Anthologie cite les
épitaphes.
Coller, caler, plier.
Callianax, médecin grec anté-
rieur à J.-C.
CALLiMACHE.nom grec emprunté
à VAnthologie.
Calloier. Ce mol serait formé
GLOSSAIRE-INDEX
de deux mots grecs, et signi-
fierait : beau moine, ou
bon prêtre.
Calpe, montagne d'Espagne au
détroit de Gibraltar.
Calumniateur (Le), le diable.
Camarine, ou Camerine. V.
Palus.
Camelin, musicien.
Camelin, allure du chameau.
Catnelopardales, doit être une
sorte de panthère.
Camille, reine des Volsques.
Camille, messager, serviteur,
surnom de Mercure.
Camisade, attaque inattendue.
Campane, campanelle, clo-
che, clochette, du latin cam-
pana.
Canabasser, canabasserie, exa-
miner minutieusement, exa-
men minutieux.
Canarre (Ilesde), îles Canaries.
Cancre, crabe.
Candé, arr. de Blois, Loir-et-
Cher.
Cancelleresques (Lettres), lettres
émanant des chancelleries.
Cane (Faire la), avoir peur,
caner.
Canne, mesure de longueur.
Canon (Casse en), en bâtori ;
on dit encore souffre en
canon.
Canonge la carte, Canonica
charta, papier canonique,
papier fort.
Canore, adj., sonore; subst.,
chanteur.
Canteperdris, nom de lieu ;
doit être dans l'Hérault,
près de Montpellier.
Canthare, vase à boire.
Cap de Sainct-Arnaud... Voici
la traduction de M. Bur-
gaud :
« Tête de Saint-Arnaud,
qui es-tu, toi qui me réveil-
les ? Que l'ivresse te retourne !
Oh ! saint Sévère, patron de
la Gascogne, je dormais si
bien quand ce taquin est
venu me réveiller ! »
Cap en houlle, l'avant du na-
vire à la lame.
Cap et les basses, le cap et les
bas-fonds.
Capable (Escuelle), de grande
capacité.
Capella (Martianus), gram-
mairien latin du V^ siècle.
Capilamens, filets, ligne fine.
Capito (Atteius), jurisconsulte
romain du F^ siècle avant
J.-C.
Capitoly, capitole.
Capitonner (Se), se couvrir la
tête.
Capnomantie, divination par la
fumée.
Capo Melio, le cap Malio.
Cappassonnez, caparaçonnés.
Cappe, manteau,
Cappelines, sorte de casque.
Cappiettement, furtivement.
CaprimulgeSj oiseaux qui tet-
tent les chèvres.
Caps, chefs, capitaines, du la-
tin caput.
Capse, coffret.
GLOSSAIRE-INDEX
Capter, prendre.
Capulaire, corde.
Capiissionnaire, qui a un ca-
puce.
Caputions, porteurs de capu-
ces, capucins.
CaqueroUe, écaille, coquille.
V. Cacquerolles.
Caracque, carracque, sorte de
navire.
Caradoths, énigmes.
Carbonnades, grillades.
Carcan, collier.
Cardiacque (Passion), souffrance
du cœur.
Cardinalizer, rendre rouge.
Carine, carène.
Carmaigne, Caramanie.
Carmes, vers.
Caroles, danses en rond.
Carolus, monnaie de Char-
les VIII.
Caros, carous (Faire), boire à
l'allemande.
Carpalim, vif, alerte, du grec.
Carpasie, ville de l'île de Chy-
pre.
Carpasien (Lin), asbeste,
amiante. V. Asbeston.
Carpentras, Elzéar Genêt, né
à Carpentras, musicien du
XVF siècle.
Carp/o/j,carpillon, petite caipe.
Carracons, caraques, espèce
de navire.
Carreau, trait, flèche.
Carreau, carré.
Carreleure de ventre, raccom-
modage de ventre, raan-
geaille.
Cartasonnes, licornes.
Cartier (Jacques), navigateur
malouin du XVF siècle.
Caruel (Hans) , personnage
qu'on retrouve dans l'Arioste
et la Fontaine.
Carymary, carymara , juron
burlesque de la fabrique de
Rabelais.
Case, maison.
Caseiforme, en forme de fro-
mage.
Caspies, caspiens.
Casquets, casques.
Cassade (L'isle de), l'île de la
Tromperie.
Casse escoute, haler une écoute
avec force.
Cassemuzeaulx, sorte de petits
gâteaux durs.
Casserons, casseroles, poêlons ;
c'est aussi le nom d'une es-
pèce de poulpe.
Cassidoine, calcédoine.
Cassines, maison de campagne.
Castamena, ville d'Asie.
Castanes, châtaignier.
Castel (Le), cabaret parisien.
Castilliers, ou Châtelliers, ab-
baye du diocèse de Poitiers.
Caston, chaton.
Castor, étoile de la constella-
tion des Gémeaux ; feu saint
Elme.
Castoreum, sécrétion qui se
trouve dans une poche à
l'anus du castor.
Castes, chastes.
(Castro (De), jurisconsulte ita-
lien du XVe siècle.
GLOSSAIRE- INDEX
2 19
Catadupes, cataractes, du grec.
Cataglyphe, ciselure, du grec.
Catarates, maudits, du grec.
Catay (Le), la Chine.
Categides, tempêtes, du grec.
Catenat, cathenat, cadenas.
Caterve, bande.
Catharactes, qui brisent, du
grec.
Cathedrant, siégeant en chaire.
Cathene, chaîne.
Catoblepes, animaux fantasti-
ques.
Catoptromaniie, divination par
un miroir.
Caudict, tige.
Caiild, rusé, cautus.
CAULDAUREiL(Frai), frère Chau-
deoreille, moine de la façon
de Rabelais.
Caules emb' olif, choux mari-
nés à Thuile.
Cauponizer, boire.
Cauquemarre, quelque animal
rare et curieux.
Cavalliers, talus où l'on met
de l'artillerie.
Cavayn, caveau.
Cave paincte (La), dépendance
de la maison de Rabelais à
Chinon.
Caveche , tète, de l'espagnol
cabeça.
Caviatz, caviar, œufs de pois-
son dans la saumure.
Caynon, Chinon , nommée
Caino par Grégoire de Tours .
CEE, géant.
Ceincts, cordeliers.
Ceincture ardente (La), l'équa-
teur, la zone torride.
Celeume, chant rhythmé pour
encourager les matelots ;
chants d'allégresse, du grec.
Celles, arr. de Melle, Deux-
Sèvres.
Celoces, petits navires légers.
CeniadeSj faons.
Cen, ce en.
Cenomanique, du pays des Cé-
noraans, les Manceaux.
Censorin, censeur.
Centonifïques, faiseurs de cen-
tons.
Centumvirale (Court) , Cour
composée de cent juges.
Centurie, centaine.
Cèpes, cephes, animaux fantas-
tiques.
Cephaleonomantie , divination
par la tète d'un âne.
Cepola (Barthélémy), juriscon-
sulte véronais.
Cercelles, sarcelles.
Cerclé, sarclé, arraché.
Cercopitheces, cercopiteques, sin
ges à queue.
CeRCU, dict BOURGUEMAISTRE,
personnage de la maison de
Du Bellay.
Cere, cire.
Cerfouettes, petite binette, ou-
til de jardinage.
Cerge, serge.
Cerites, habitants de Ceres,
ville de Tuscie (Toscane),
ou Étrurie.
Cerne, cercle.
Cernophore, genre de danse.
Cerons, cirons.
GLOSSAIRE-INDEX
Cerq, île deSerk, dans l'archi-
pel anglo-normand.
Certon, musicien français du
XVie siècle.
Ctrulé, bleu, du latin cœru/e«s.
Ctsinim, serviteurs, de l'hé-
breu ?
Ctssateur, cessant de faire
quelque chose.
Cestrin, succin, ambre jaune.
Cesves, sève.
Chachanin, serviteur, de l'hé-
breu x?
Chaffourer, barbouiller, salir,
tacher.
Chaire, siège à bras.
Chaisne, chêne.
Chaisnon, Chinon, chef-lieu
d'an., Indre-et-Loire.
Chaiton, armenian. L'Armé-
nien Hayton, voyageur du
XIIF siècle.
Challans, mauvaises pratiques.
Chalbroth, géant.
ChMit, bois de lit.
Challer, écaler.
Chamarre, robe de cérémonie.
Chambrier, Joachim Camera-
rius, érudit du XVF siècle.
Chambourg, château de Chani-
bord, commencé en i5 36
par François F"".
Champier (Symphorien), méde-
cin lyonnais du XVF siècle.
ChampiSj enfant trouvé.
Chaneph, hypocrisie, en hé-
breu.
Chanteau, morceau ; quartier
de lune.
Chantelle, en Bourbonnais, arr.
de Gannat^ Allier.
Chantepleure, arrosoir.
Chanu, à cheveux blancs.
Chapifou, jeu de Colin-Mail-
lard.
Chaplis, coups; bruit des
masses d'armes s'entre-cho-
quant.
Chapoter, racler.
Chappart, qui s'échappe.
Chappe du ciel. On dit encore :
la calotte des cieux.
Chappelle, alambic.
Chappl-ys (Le capitaine) et son
facteur Alcofribas. Sont-ce
Rabelais et son ami Claude
Chappuys, garde des livres
de François I^""?
Charazie, pays de Charax, en
Asie,
Chardonnetie. La chardonnette,
dont on se sert dans quel-
ques localités pour faire
cailler le lait, est la fleur de
l'artichaut.
Chardriers, chardonnerets.
Charesses, caresses.
Chareté, masque.
Charisteres , chants d'actions
de grâces, du grec.
Charités, les grâces.
Charmois (Charles), Charles
Carmoy, peintre du XVF
siècle, qui a travaillé à
Fontainebleau.
Charnier, lieu où l'on conserve
les viandes salées.
Charrantons, charançons.
Charte, alphabet.
Charles, cartes.
GLOSSAIRE-INDEX
Chasteau^Le , cabaret parisien.
Chat de mars^ martre.
Cliatouille, lamproie.
Charmâtes , trous profonds ,
gouffres.
Chauffourer, égratigner.
Chault (Me), m'importe.
Chaumeny, moisi.
Chausse, cône d'étoffe feutrée
pour filtrer les liquides.
Chauver des aureilles, remuer,
dresser, baisser les oreilles.
Chauvigny, Chavigny, Chavi-
NY, arr. de Vendôme, Loir-
et-Cher.
Cheli, gâteau, en hébreu.
Chélidoine, hirondelle, du
grec; c'est un nom de na-
vire.
Chelimins , rêveries, de l'hé-
breu.
Chemant (François Erault, sei-
gneur de), président au par-
lement de Turin.
Chemnis, île d'Egypte célèbre
par un temple d'Apollon.
Chenevé, chènevis, qui passait
pour antiaphrodisiaque.
Chenin, nom d'un cépage.
Chère lye , chère joyeuse,
liesse.
Cherme, charme.
Chesaulx , habitations de pay-
sans.
Chesil , nom hébraïque d'O-
rion, constellation des tem-
pêtes.
Chesinins, forts, de l'hébreu?
Cheutes, tombées.
Chevauche, bien, profit.
Chevaulx (Isle des), île d'Inch-
keith, sur la côte d'Ecosse.
Chevêche, chouette.
Chevecier^ celui qui a soin du
matériel de l'église.
Cheveu de Venus, capillaire.
Chevreter , faire la chèvre,
s'impatienter.
Chevrotin, outre de peau de
chevreau.
Chiabrena, minauderie.
Chiabrener , faire l'aimable ,
minauder.
Chichart, chiche.
Chiliandres (Naufz), navires
portant mille hommes.
Chippes, navires, de l'anglais
ship .
Chiquanous, gens de chicane.
Chirotnantie , divination par
les lignes de la main.
Chironacte, à main prenante,
du grec.
Chocquer, se battre.
Charomantie , divination par
les porcs.
Choine, ou Choesne, pain blanc
délicat.
Choie, Cholere, colère ; bile,
du grec.
Chorme, chiourme, l'équipage
de rameurs d'un navire.
CHOR.EBUS , fils d'un roi de
Thrace, amant de Cassan-
dre, qui fut tué au siège de
Troie.
Chorographie , description de
pays.
Chose, Chouzé-sur-Loire, ar-
rond. de Chinon, Indre-et-
GLOSSAIRE-INDEX
Loire.
Chronique, maladie chronique.
Chrysippus, philosophe stoïcien
du IP siècle avant J.-C.
Cibotz, ciboules.
Cil, celui, celui-là.
Cimasultes, contours sinueux.
CiNAYS , Cinais , arrond. de
Chinon, Indre-et-Loire.
Cincinnatule, prisé.
Cinamone, cinnamoine , can-
nelle.
Circumbilivagination , tour-
noiement.
Circuinbilivaginer , tourner.
Civadiere, voile attachée sous
le mât de beaupré.
Clabault, aboyant.
Claquedens, gueux, qui souffre
du froid.
Claudin, Claude de Sermizy,
musicien du XVI^ siècle.
Claustrier (Moine) ^ moine
cloîtré.
Claveaux, espèce de hame-
çons.
Clavelé, mouton qui a la cla-
velée; Rabelais l'applique
aux hérétiques.
Claver, fermer.
Claveure , serrure , fermoir ,
clef.
Clavier, serrure.
Cleanthe, stoïcien du III« siè-
cle avant J.-C.
Clémentines, décrétâtes de Clé-
ment V.
Cleon DE Daulie, cité par Plu-
tarque pour n'avoir jamais
rêvé.
Clerberg (Henry}, contempo-
rain de Rabelais.
Cleromaniie, divination par le
sort.
Clicquer, claquer.
Clicqueites, crécelles.
Climatere, âge climaterique,
âge d'un homme qui est un
multiple de 7 ou de 9.
Clouatier, cloutier.
Clouer, réunir.
Ciousbraneau (Le), le derrière;
c'était le nom d'une partie
fort sale de l'Université.
Clyinenos, plante de la famille
des euphorbiacées.
Cobbir, bosseler.
C0CCAIE (Merlin), poëme ma-
caronique de Théophile Fo-
lengo.
Coccognide, fruit du garou.
Cocquassier, marchand d'œufs.
Cocqueinart, marmite, chau-
dron.
Cocquecigrue, animal fantasti-
que.
CoDERETZ, Cauterets.
Codices, cahiers.
Ccelivages, tirés du ciel.
Canaires (Lois), lois limitant
le luxe de la table.
Coguk, cagoule, capuchon.
CoHUAU, de la maison du car-
dinal Du Bellay.
Coinci, agréable, propret. V.
Cointe.
CoiNGNAUFOND (Abbaye de).
Abbaye de la fabrique de
Rabelais. L'édition origi-
nale porte Fonthevrault.
GLOSSAIRE-INDEX
CoiNGNET (Pierre du), Pierre
de Cugnières, avocat du
XIV^ siècle, qui eut de
grands démêlés avec le clergé.
CoingMt, petit coin.
Cointe, mignonne. V. Coinct.
Coiraux, boeufs gras.
Coissins, coussin, oreiller.
Col, cole, colle, bourrasque,
coup de vent, tempête, ou-
ragan.
CoLDREAULx (Les), Village du
Chinonais.
Collauder, vanter.
Colligence, colliguance, chose
qui réunit; lien, relation,
rapport.
CoLLiNET, serait Jacques Col-
lin, d'Auxerre.
Colocasie, colocase.
Colocynthe, coloquinte.
C0L0NGES-LÉS-R0YAUX,C0Ulan-
ges-sur-l'Autize, arr. de
Niort, Deux-Sèvres.
Colymbades (Olives), olives
confites dans l'huile, du
grec.
Combrecelle, action de se bais-
ser pour recevoir quelqu'un
sur son dos (Le Duchat) ;
comble, selle, monture (Bur-
gaud).
Comicque (Le) , Térence dans
VEunuque.
Comité, compagnon, du latin
cornes; surveillant des galé-
riens.
Comment, commentaire.
Commissure lambdoïde, suture
du crâne.
Commissure sagittale, suture du
crâne en forme de flèche.
Compacture, assemblage.
Compaing, compagnon.
Companage , ce qui se mange
avec le pain, cum pane.
Compère , musicien du XV
siècle.
Competer, convenir à, s'appli-
quer à, appartenir à, s'ac-
corder avec.
Compites, carrefours.
Complainctz, plaintes.
Compost, comput , livre pour
calculer les époques du ca-
lendrier.
Compouste, compote.
Compte romanicque, calendrier
romain.
Compulsoire, qui pousse à.
Conare, glande pinéale.
Conche, conque.
Concilipetes, qui vont au con-
cile.
Concion, contion, discours.
Conclusion, fermeture.
Concoction, digestion.
Concoctrice (Vertu), force qui
fait digérer.
Concords, qui est d'accord,
qui s'équilibre.
Conculqué, foulé aux pieds.
Concussion, concution , com-
motion, secousse.
CoNDEMNATiON, pays où l'on
condamne.
Condempner, condamner.
Condieux , dieux en même
temps qu'un autre dieu, ses
confrères.
224
GLOSSAIRE-INDEX
Condignac, cotignac, gelée de
coins. V. Cotoniat.
Condigne, digne.
Conduist, conduisit.
Confahidation, conversation.
Confalonnier , porte-enseigne.
Confalorij confanon, gonfanon,
enseigne, étendard.
Confermer, confirmer, affermir.
Conformer, confirmer.
Connilz, connins, connis, la-
pins.
Connubiales, conjugales.
Conopée, lit de repos à rideaux.
CoNSENTiNois, habitants de Co-
senza.
Consequemmentj ensuite.
Conserve (En), en compagnie ;
on dit encore de deux navi-
res qu'ils naviguent de con-
serve, quand ils suivent la
même route.
CoNsiLiON, Jacques Consilium,
musicien du XVI^ siècle.
Consolde, consoude.
Consonnantes, consonnes.
Consonner, concorder, s'accor-
der, sonner avec.
CoNSTANTio Festi, OU Festa,
musicien romain des XV« et
XVie siècles.
Contaminer, souiller.
Co/i/emperer, tempérer,adoucir.
Contempnement,contemnement,
mépris.
Contempner, contemner, mé-
priser.
Contemptible, méprisable.
Contendent, soutenant.
Contendens, prétendants , exi-
geants.
Contrehastier, landiers , che-
nets à crans pour y mettre
les broches.
Contremont, en l'air.
Controverses, controversées.
Contumelies, injures.
Contunder, écraser.
Convenir, se réunir, se rassem-
bler.
Conventz, couvents.
Copie, abondance, du latin co-
pia.
Copieux , mauvais plaisants ;
abondants, prodigues.
Coqu, coucou.
Coquarde (Bonnet à la), sorte
de bonnet très-lourd, garni
de rubans.
Coquart, niais.
Coquasses, cocquasses, petit pot
de terre allant au feu pour
faire chauffer l'eau ; chau-
drons.
Coqueluche, capuchon.
Coquemars, pots.
Coquillons, encapuchonnés.
Coquins, mendiants.
Corbeuf, corne de bœuf, juron.
Cor bieu^ juron,
CoRAXiENs, peuple de la Col-
chide.
Corbigeaux , cormorans.
Corbiner, dérober.
Cordaces, danses lascives.
Cordouan, cuir de Cordoue.
Corme, cidre de cormes.
Cormier (La plante du grand),
le cru, le cépage.
Cornabons (La journée des).
GLOSSAIRE-INDEX
faut-il lire cornabous ? la
journée des cornets à bou-
quin, la journée où l'on fit
un grand tapage,
Cornaboux, cornets à bou-
quin.
Cornélius (Alexander), Poly-
histor, philosophe, géogra-
phe et historien du pr siè-
cle.
Cornette, cravate.
CoRNiBus (De), Des Cornes,
Pierre Cornu, prédicateur
contemporain de Rabelais.
Cornucopie, corne d'abondance,
du latin cornucopia.
Coronal (Os), os frontal.
Coronale (Joincture), jointure
de» deux parties de l'os
frontal ou coronal.
CoRONE, Cyrène, en Afrique.
Coronie, corniche.
Coronopous, coronope, plante.
Corpe degalline, corps de poule,
juron italien.
Corpore, corps.
Corratières, courtières.
Correct, adv., correctement.
Corrugation, contraction.
Corruptele, corruption.
CorsecqueSj javelots à grosse
tête.
Corsique, corse.
Corybantier, dormir les yeux
ouverts, comme les cory-
bantes veillant sur Jupiter
enfant.
CoRYTUS, le mari d'Electre.
Coscinomantie, divination par
un crible.
Rabelais. V.
Coscossons et coscotons à la
mauresque, couscoussou.
Coscoté, tacheté.
Coscotons, caillots de lait.
Cosses, anneaux où passent les
cordages d'un navire ; M. Jal
dit qu'il faut lire costes (cô-
tes) du navire.
Cosson, nom vulgaire donné
aux larves du bruchus pisi,
ou 6. fabz, qui vivent dans
les semences farineuses ali-
mentaires, pois, fèves, len-
tilles, etc.
Cotoniat, cotignac, gelée de
coing. V. Condignac.
CoTiRAL (Henry), serait Henry-
Corneille Agrippa, suivant
Johanneau.
Cotonner, garnir de coton,
bourrer de vivres.
Cotte hardie, grande robe tail-
tée droite et fermée comme
un fourreau (Quicherat).
Cotteurs, commentateurs.
Cotylédons, orifices extrêmes
des veines et artères mens-
truelles. (Paré.)
Cotyles, ancienne mesure d'un
peu plus de six litres.
Couane, couenne.
Couble, coublement, couple,
accouplement.
Coubte, coubtée, coude, cou-
dée.
Coucher en chapon, se coucher
de bonne heure, comme les
poules.
Coucourde, gourde.
Coudinac, coudignac, cotignac.
22t
GLOSSAIRE-INDEX
V. Condignac et cotoniat.
Coue, couetz, amures (Jal).
Couillaris, grosses pièces de
canon.
Couillevrines, coulevrines.
Coul, col, cou.
CouLAiNES, lieu près de Chinon.
CouLDRAY (Le), lieu planté de
coudriers, le Coudray, arr.
de Saumur, Maine-et-Loire.
Couller, brandir.
Coupe guorgée, coupe testée,
gorge coupée, tête coupée.
Coupelaud, coupelle, creuset à
éprouver les métaux.
Coupes, couppes, bassins, pla-
teaux de balances.
Couppiers, écuyers tranchants.
Coural, corail.
Courbassée, toute courbée.
CouRCAiLLET, ami de Panurge.
Courtes, courges ; courlis.
Courmaran, cormoran.
Courquaillet, appeau à cailles.
Courracteurs, correcteurs des
comptes.
Courraies, courroies.
Courrait, gros verrou.
Courratiere, courtière, entre-
metteuse.
Coursie. V. Coursouoir.
Coursouoir, coursie , coursière
(Jal), passage entre la proue
et la poupe du navire.
Courtault, cheval ramassé, d'é-
paisse encolure.
Courtil, jardin clos autour
d'une maison.
CouscoiL (Adam), cordelier de
la façon de Rabelais.
Coussons, goussets de manches
de chemise.
Couste et vaille, quels qu'en
soient le prix et la valeur,
coûte que coûte.
Coustiers, côtiers ; qui mettent
à côté.
Coustieres, haubans.
Coustrets, cottrets.
Coustrets ( Porteurs de) , por-
teurs de hotte, portefaix.
Coy, tranquille, non troublé,
non agité.
Coyphe, coiffe.
Coylte, courte-pointe.
Coz, pierre à repasser.
Cradots^ brèmes.
Crxpalocomes, cris d'ivresse, du
grec.
Craine, crâne.
Cramoisi; est employé comme
superlatif.
Cramoisine, belle étoffe.
Crapaudine,crapauldine, pierre
précieuse d'un gris brunâtre,
qui se trouvait, dit-on, dans
la tète d'un crapaud,
Cratyle, titre d'un dialogue de
Platon.
Cravans, oies sauvages.
Gravant, arr. de Chinon, In-
dre-et-Loire.
Créance, témoignage.
Credentiers^ dégustateurs^ es-
sayeurs de mets.
Cremasteres, muscle des testi-
cules.
Cremere (Le fleuve), aujour-
d'hui Valea, rivière d'Étrurie.
Crenequin, outil à tendre les
GLOSSAIRE-INDEX
27
arbalètes.
Crespelu, crêpé, frisé.
Crevailles, festins où l'on man-
ge à en crever ; faire sa cre-
vaille, mourir.
Creziou, creuset; godet de
lampe.
Cristallin, cristal.
Critiquer, diminuer.
Critolaus, philosophe péripa-
téticien de Phasélisen Lydie.
Crocquenotaire, protonotaire,
V. Crote notaire.
Crocutes, animaux fantastiques.
Croql'ignolles, ville delà géo-
graphie de Rabelais.
Crotaphique (Artère) , artère
temporale.
Crote notaire, protonotaire V.
Crocquenotaire.
Crotesque (En), comme la pein-
ture des grottes.
Croue, écrou.
Croulay, cou Croulé (près de
Chinon), où il y avait un
couvent de cordeliers, »
(Burgaud.)
Croustelevés, ayant des mala-
dies de peau dont les croûte^
s'enlèvent.
Croustelle, arr. de Poitiers,
Vienne.
Crue, croc, crochet.
Cruon, cruchon.
Crustumenies (Poyres), poires
de Crustumenum, en Tos-
cane. •
Cryere (Tour), tour froide.
Cucrocutes, animaux fantasti-
ques.
Cueilleroyent (Se y), s'y réuni-
roient.
Cueur (Bas), moindre qualité.
Cuider, cuyder, croire, penser.
Cuisse dorée (Le philosophe à la) ,
Pythagore.
Cuisse heronniere , cuisse de
héron, cuisse maigre.
Cuiites, cuissons.
Culices, cousins.
CuLLETANT (Frère Artus), moine
de la façon de Rabelais.
Culpelê, singe.
Cultans, rendant un culte.
CuNAULT (Notre-Dame de),
prieuré de l'Anjou, arr. de
Sauraur, Maine-et-Loire.
Cures, excréments, en faucon-
nerie.
CuRTius, jurisconsulte fîa.mand.
CusANUs, CusANE, le Cardinal
Nicolas Crebs, de Cusa, ma-
thématicien du XV^ siècle,
qui avait prophétisé la fin
du monde.
Custodes, gardes, du latin cus-
tos.
Cuticule, surface.
Cuve le Vénus, chardon ""à fou-
lon; Pline l'appelle Vene-
ris labrum.
Cyerce,went d'ouest-nord-ouest.
Cymbales, sonnettes, clochettes.
Cynamolges, oiseaux fantasti-
ques.
Cynara, l'artichaut.
Cynes, arbres à fibres textiles.
Cynocéphales, animaux à tète
de chien, du grec.
Czà, çà.
:8
GLOSSAIRE- INDEX
Dactyle, datte.
Dadvantaige, de plus.
DaemonSj génies.
Daguenets, petites dagues.
Dail, faux.
Daire, Darie, Darius.
Damerj surpasser.
Damis , compagnon d'Apollo-
nius de Tyane.
Damostrate , philosophe de
l'antiquité.
Dangiers palatins, surveillants
au service des maris jaloux.
Danouble, Danube.
Dar, Dard, petit poisson blanc
à nageoires rougeâtres.
Dardelles, petites javelines.
Darie, Daire, Darius.
Daril, nom d'une forme de
syllogisme.
Barioles, gâteaux à la crème
cuite.
Dast, Dax, chef-lieu d'arr.,
Landes.
Datan, nom d'un diable.
Dateur, distributeur, dispen-
sateur.
Dauber, Daubber, frapper fort;
encore usité chez les éco-
liers.
Davantau, tablier.
Daviet, davier, pince-levier à
l'usage des dentistes.
Davus, esclave dans VAndriennc
de Térence.
Dea, interjection.
Déambuler, promener.
Débarquer d'un lieu, s'enfuir.
Debezilkr, briser, mettre en
pièces.
Debitis (Millort). Signifie-t-il :
Milord qui a des dettes?
Débouter, repousser.
Debradé, qui avait le bras dé-
mis.
DÈCE (Philippe), Decio, juris-
consulte italien des XV^ et
XVP siècles.
Deceinpedale, de dix pieds.
Décliner, éviter.
Decours, courant, cours; dan-
gers.
Decreiales, constitutions pon-
tificales.
Decretaliarche , souverain des
Décr étales, le pape.
Decretalicides, Decretalictones,
tueurs de Décrétales.
Decretalifuges , qui fuient les
Décrétales.
Decretalipotens, docteur très--
fort sur les Décrétales.
Decumane, dixième, dix fois,
gros comme dix; c'était le
nom d'une légion romaine,
Deduyt (En voir le), voir ce
qui en résulte.
Déesse soubsterraine , Proser-
pine.
Defaucillé, démis à l'os focile.
V. ce mot.
Deffourrer, enlever la fourrure.
Défiance, défi.
Defleuher, dégrafer.
Degourt, dispos, joyeux.
Degout, écoulement, ce qui dé-
goutte; le jus d'une viande.
Degouziller, boire très-vite.
Deguast, dégât.
Deguaster, détruire.
GLOSSAIRE-INDEX
De hayt, adj., gai, joyeux, vif.
De hayt, adv., gaiement et
vivement,
Deject, abattu.
De la Fage , musicien du
XVe siècle.
De la Rue , musicien belge
du commencement du XVI"
siècle.
Delphinium, pied d'alouette.
Demande (J'en), j'en appelle.
Démarcher, s'en aller.
Demigre (Je), je me rends.
Demiourgon, Demogorgon, le
génie de la terre, en mau-
vaise part.
DeModis signifîcaiidi, ouvrage
de Jean de Garlande.
Demonax , qui vécut près de
cent ans.
Demouller, déformer.
Demy-ostade , étoffe à poils
demi-longs.
Demye alaine{A), à la moitié.
Denare, denier, argent, de
l'ital. danaro.
Dendromalache , arbre , bois
tendre, du grec.
Denigement, Deniger, déniche-
ment, dénicher.
Départ, séparation.
Département, Départie, départ.
Départir, partir, fuir; séparer,
partager, donner une part ;
disposer.
Depescher (S'en), s'en débar-
rasser à la hâte.
Dépiter, maudire.
Depopulé, dépeuplé.
Déporter (Se), s'écarter.
Déporter [S' en] , s'en aller, s'en
abstenir; s'en rapporter à.
Deposcher, tirer du sac , de la
poche.
Dépravez, défigurés, altérés.
Deprisement, mépris. V. Des-
pris.
Dercé, fontaine de Dircé, en
Arcadie.
Der Guasconguer thut schich...
C'est du vieux allemand ;
M. Burgaud traduit : « Le
Gascon se flatte de se battre
avec n'importe qui, mais il
est plus enclin à voler : ainsi
donc, chères femmes, veillez
aux bagages. »
Desarroy, meslée, bataille en
désordre.
Descœuvrer, découvrir.
Desconfite gigantale, déconfi-
ture des géants.
Desconfort, découragement.
Descrouller, désarticuler.
Desemparer, supprimer.
Deservy, mérité.
Desgonder, faire sortir des
gonds, déboîter.
Dés huy, dès aujourd'huy.
Desincornifistibuié, démanché.
Desinens, finissant.
Désister, renoncer.
Desyuc/zer (Au), au réveil, quand
les poules cessent de jucher.
Deslocher, désarticuler.
Desnier, refuser.
Despendre, dépenser.
Despiter, défier.
Desporter (Se), V. Déporter.
Despris, Despriser, mépris, mé-
23o
GLOSSAIRE-INDEX
priser.
Despurner, cracher.
Desracher, desrocher, arracher.
Desrayé, hors du chemin.
Desroter, délier,
Dessay, André de Montalem-
bert, sieur de Dessé, qui
commandait le corps fran-
çais envoyé au secours des
Écossais contre les Anglais,
en I 549.
Dessirer, déchirer.
Destituer, priver.
Destorses, détours.
Desultoyres (Chevaux), che-
vaux sur lesquels on sautait.
Detravé, échappé, qui a rompu
ses entraves.
Detricho aères, dévidoirs.
Deu Colas, faillon, par saint
Nicolas, compagnon, en
lorrain.
Deult, chagrine, blesse, dolet.
Dévaler, devaller, descendre.
Dei'allée, descente.
Deviniere (La), propriété de
Rabelais, entre Chinon et
Lerné.
Devis, gré, convenance.
Devise, enseigne.
Devise de Monsieur l'Admirai :
Festina lente.
Dévotion ( Horrificque) , un
vœu effrayant.
Dez (Hors tous , en dehors de
tout hasard.
Diableteau, petit diable.
Diableteau de choeur, diable
jeune comme un enfant de
chœur.
DiA Cyenes, près Syène, ville
de la Haute-Egypte.
Diainent en table, diamant
taillé à surface plane.
Diamerdis (Poudre de), pou-
dre d'excréments desséchés.
Diaphragme, muscle très-large
et très-mince qui sépare la
poitrine de l'abdomen.
Diarhomes (Climat), climat de
Rome?
Diastolicque, mouvement de
dilatation.
Diatyposes, inventions, du grec.
Diavol, diable.
Dicastes, juges, du grec.
Dicou, dites, en limousin.
Dict, édicté.
Dictaine, plante de la famille
des labiées.
Dicte, montagne de l'île de
Candie.
Diecule, jour.
Diesble, diable.
Diète, diette , manière de se
nourrir, façon de vivre.
Dieu seas (A), adieu, bonjour,
en provençal.
Diffame, perte de réputation.
Diipetes, aspirant aux dieux,
allant vers les dieux.
Dilicule, point du jour.
Diliger, aimer, chérir, du latin
diligere.
Dille, fosset. V. Donzil.
Dimions, illusions.
Dimittons, remettons, du latin
dimittimus.
Dîna, en Lycie , célèbre par
un oracle d'Apollon.
GLOSSAIRE-INDEX
3
Diole, diable.
DiocLiDES, nom grec emprunté
à ['Anthologie.
Diphthere, peau de la chèvre
Amallhée.
DipsodeSj altérés, du grec.
Direption, action de mettre en
pièces, de déchirer.
Dis, Pluton, dieu des richesses
souterraines.
Disceder, éloigner.
Discepier, discuter.
Discession, départ.
Disciplines, études.
Discrasiée, dyscrasié, de mau-
vaise constitution, de mau-
vaise complexion, du grec.
Discrétion, discernement.
Dissolu, dissipé, dissout, ré-
solu.
DiVE (La), petite rivière du Poi-
tou , marécageuse et non
navigable.
Doctrine, ensemble d'études.
Doctrinal, Doctrinale pt^erorum,
par Alexandre de Villedieu.
Dodeliner, balancer doucement
la tête de droite à gauche
et de gauche à droite.
Dodeliner (Se), être pour soi
aux petits soins.
Dodine, sauce à l'oignon.
Doint, donner.
Dominotier, fabricant d'images
et de cartes à jouer.
Dommaine (Hault), le royaume
des cieux.
DoNAT, vElius Donatus, gram-
mairien du IV^ siècle, auteur
d'une grammaire latine, et
par suite la grammaire elle-
même.
Dont, d'où.
DoRBELLis, cordelier angevin du
XVe siècle.
Dorcades, espèce de chevreuil.
Dorelot, enfant gâté, dorloté.
DoRiBus (Maistrej , P. Doré,
jacobin, ou Matthieu d'Orry,
dominicain.
Doriphages, mangeurs de pré-
sents, du grec.
DoRis (Michel), Espagnol.
Doublet, musicien.
Doublet, terme de trictrac.
Doubler, douter, redouter.
Doué, arr. de Saumur, Maine-
et-Loire.
Dours, douz, dos.
Douzains, pièce de douze de-
niers.
Douzil, fosset. V. Dille.
Doyac (Jean), ingénieur qui
construisit le pont Notre-
Dame, à Paris, et passe pour
avoir fait franchir les Alpes
à l'artillerie de Charles VIII.
Doye, mesure de capacité.
Draconneaulx, vers de la cuisse.
Dragées, épices données aux
gens de loi.
Drapeaulx (Vieux), vieux chif-
fons.
Dronos (Donner), donner des
coups, en languedocien.
Dropace, épilatoire.
Drouet. Serait-ce Heroët?
Du Bellay (Guillaume), l'un
des frères du cardinal, grand
capitaine et écrivain.
GLOSSAI RE-INDEX
Duir, duyr, convenir, plaire.
Duisantj convenable.
Dulie, culte de vénération qu'on
rend aux saints.
Dumet, dumtté, duvet, duveté.
Du MoLLiN, ou Du Moulin ,
musicien français.
Duple, double, du latin duplex.
DuppCj huppe, oiseau.
Du tout, tout à fait.
Dyas, deux.
D'Ynarius, Dinarius?
Eales, animaux fantastiques.
Eau ardente, eau-de-vie.
Eau beniste de cave, vin.
Eau d'ange, eau de myrte.
Eau de naphe , eau de fleur
d'orange.
Eau gringorienne, eau bénite,
dont Grégoire le Grand gé-
néralisa l'usage.
Eccius ou EcKius, théologien
allemand, adversaire de Lu-
ther.
ECHEPHRON, ayant du bon sens,
du grec.
Echineis , echeneis rémora ,
poisson. V. Remore.
Echines poignans, enveloppes
piquantes.
Edonides, bacchantes.
Efferée, sauvage.
Effiancé, fiancé.
Effructé, dépouillé de fruit.
Ef rené, ne supportant pas le frein.
Egenes, pauvres.
Egesta, fille d'un prince troyen
qui se livra au fleuve Cri-
sinus changé en chien.
Egipanes, egipans, moitié hom-
mes, moitié boucs.
Egiuchus, qui tient l'égide, du
grec.
Egnatins, ordre religieux.
Ela, note la plus haute de la
gamme.
Elaiodes, huileux, du grec.
Elanes, les Landes.
Electre, ambre, du grec.
Eleeniosynes, aumônes, du grec.
Eleichie, en forme de poire, du
grec.
Elianus, Elien, naturaliste du
me siècle.
Elicies, éclairs, du grec.
Elixo. Est-ce élixir?
Eluer, laver, du latin eluere.
Elutian, épuré, du latin e/uere.
Ernbavieré, ayant une bavette.
Emblée (A 1'), en cachette.
Embourrer, engrosser.
Embrunché, recouvert, fait de
branches
Eniburelucocquer, embarrasser,
emmitoufler, entortiller.
£m6ofr,s'imboire, s'approprier.
Embut, entonnoir.
EmininSj espèces, de l'hé-
breu ?
Emmelie, genre de danse.
Empaletocqué, enveloppé.
Empans, mesures de longueur.
Empantophlé, enfermé dans
une enveloppe.
Empas, entraves.
Empeger, empeiger, empêtrer,
prendre au piège.
Empescher, sommer, contrain-
dre; embarrasser, mettre dans
GLOSSAIRE-INDEX
i33
l'embarras.
Emploicter, employer.
Emunderj nettoyer.
En, au.
Enasé, sans nez.
Enay, géant.
Enay, l'abbaye d'Ainay, à
Lyon.
Encarrer, engraver.
Enclaver, enfiler ; clôturer.
Enclins, penchés, inclinés.
Encochcr, attacher.
Encyliglotte, anciloglosse, vul-
gairement le filet, du grec.
Endenteléj endenté.
Endouayré, gratifié.
Endousseure, arête, crête d'un
toit.
Enduire, digérer, terme de fau-
connerie.
Eneoremes, nuages floconneux
dans l'urine, du grec.
Enfermier, infirmier.
Engarier, engaries. V. Anga-
rier, angaries.
Engastrimythes, ceux qui par-
lent du ventre, du grec ;
ventriloques, du latin.
Engin, moyen, outil, appareil,
stratagème, adresse.
Engipponné, enjuponné, por-
tant robe.
Engolevent, géant.
Engoulevezinemassez, froissés,
foulés.
Engoullé, mis dans la bouche.
Engourdely, engourdi.
Engroneland, Groenland,
Groënlandais.
Engrouin (Mal), mauvaise for-
tune.
Enguainnant (Frère) , frère
mettant en gaîne.
Engys, proche, du grec •
Enig, sans, en allemand.
Enilins, serviteurs de la Quinte,
de l'hébreu?
Enite (Je me), je m'efforce.
Ennasin, ennasé, camus ; ne
serait-ce pas plutôt en-nasé,
à long nez?
Ennicroché, accroché.
Enrimer, enrhumer.
Ensagir, devenir sage.
Entaknté, disposé, prêt à.
Entelechie, perfection intérieure,
du grec.
Entendant, intendant.
Entendouoire, compréhension,
intelligence.
Entommer, entamer.
Entommericque (Mer), du nom
de frère Jean des Entom-
meures.
Entommeures, entailles; frère
Jean est proprement Jean
des Entailles.
Entouillé, sali.
Entreillizé, entremêlé.
Entronificqué, qui est dans.
Enyo, nom grec de Bellone,
déesse de la guerre.
Eone, éon, bois dont était fait
le navire Argos.
Epagon, poulie (Jal).
Epanalepse, répétition de mots,
du grec.
Epaticque, qui tient au foie, du
grec.
Ephectique, a le même sens que
3o
234
GLOSSAIRE-INDEX
le mot pyrrhonien qui suit :
qui ne dit jamais ni oui ni
non, qui doute toujours.
Ephemerum, plante inconnue.
Epicenaire, frivole.
Epidemiale, épidémique,
Epiglotide, épiglotte.
Epilenie, chant de vendanges,
du grec.
Epinicies, chant de victoire,
du grec.
Episemasies, manifestations, du
grec.
Epistemon, savant, du grec.
Epithersés, grammairien grec,
maître de Plutarque.
Epxnons, cris d'ivresse, du
grec.
Eraige, héritage; race.
Eresné, éreinté.
Ergo ghic, conclusion d'un
raisonnement qui, en réalité,
ne conclut pas.
Ergotz, arguments d'ergoteurs.
Erre (Grand), vivement, grand
train.
Erres, direction.
Erres, en vénerie, les excré-
ments laissés par un animal
sur son chemin.
Eruce, roquette.
Eruyté, qui n'entre plus en rut,
Erynge, eryngion, chardon-
Roland, ou roulant, pani-
caut.
Eryon, géant.
Eryx, géant.
Es, aux, dans les, sur les.
Esbanoit, épanouit.
Escafignon, escarpin.
Escalle, écaille.
Escamper, fuir, décamper.
Escanioula, pompe à bord
d'une galère (Jal).
Escarques, valets, de l'alle-
mand.
Eschalleur de noys , écaieur
de noix.
Eschallons, échelons.
Eschaloté, écalé comme une
noix.
Escharboiter, éparpiller, four-
gonner.
Eschenaulx, chéneaux, conduits
d'eau.
Eschervis, chervi, girole.
Esclaffer, éclater.
Esclotz, sabots ; sandales de
moine ; désigne parfois le
moine lui-même.
Escorcher le renard, vomir.
Escorter, écorcher.
Escorné, triste.
Escornifler, affronter.
Escors, escorts, adroits, dispos.
Escot (Parlons par), parlons
chacun à notre tour.
Escriptoire, endroit où l'on
écrit, bureau.
Escrouller, secouer.
Escuelles (Aller par), servir
abondamment.
Esculée, écuellée.
Esculler, écraser.
Escurieux, écureuils.
Escuz au sabot, pièces de mon-
naie de la façon de Rabe-
lais.
Escuz au soleil, monnaie d'oi
de Louis XI.
GLOSSAIRE-INDEX
35
Escuz du palais, jetons.
Esgous, sale.
Esguasser, agacer ; dégoûter.
Esgue orbe, jument borgne, du
latin equa orha.
Eslargir, faire des largesses.
Esmeut, fiente de bête sauvage.
Esmeutir, esmoutir, émouvoir ;
par extension avoir besoin
d'aller à la selle, cacare,
évacuer.
Esmorche, amorce ; ordure lais-
sée après un nettoyage.
Esmouchail, chasse-mouches.
Esmoucheter, moucheter, orner
de broderies.
EsoPET, Ésope.
Esparer (S'), s'éclaircir, de
l'italien spararsi.
Espartir, répartir, répandre.
Esparvkrs de Montagu, poux.
Le collège de Montaigu
était renommé pour sa sa-
leté.
Espaultrer, luxer les épaules.
Espaves, hors d'usage.
Espelan, éperlan.
Esperruquancluzelubelouzerlrelu
paralysé.
Espices, épices; cadeaux que
l'on faisait aux juges pour
se les rendre favorables, et
qui, dans l'origine, étaient
réellement des épices ; a
souvent le sens de gâteaux,
confitures, dragées, sucre-
ries.
Espies, espions.
Espine de Saint-Fiacre (V).
Était conservée dans la cathé-
drale de Meaux.
Espiner, piquer.
Espingarderie, machine de
guerre.
Espouilleresse, chercheuse de
poux.
Esquames, écailles,
Esquarrer, tailler.
Esquels, auxquels.
Esquinanche, esquinanci^.
Esrafflade, égratignure.
Esrener, éreinter, fatiguer.
Essors (Oiseaux), oiseaux qui
s'échappent facilement.
Essuer, essuyer.
Essueil, essieu.
EsTABLES, village des environs
de Poitiers.
Estait, nom d'un cordage.
Estaincts, asphyxiés.
Estamet, étamine.
EsTRANGouRRE (Pays d') ; c'est
pour Le Duchat l'East-En-
gland, une des heptarchies
de l'Angleterre^ sous les
rois saxons.
Estanterol, pilier de bois sup-
portant la poupe d'une ga-
lère (Jal).
Estaphe, étrier.
Esteuf, balle.
Estiomené, rongé.
Estivallet^ chaussure d'été.
Estoc, épée, bâton, pointe.
Estoille poussiniere, monnaie
de l'invention de Rabelais.
Estommis, vaincus.
Estonnemens, événements éton-
nants.
Esiorce, effort.
36
GLOSSAIRE-INDEX
Estouper, boucher.
Eslradiotz, stradiotes, troupes
mercenaires vêtues à la tur-
que,
EsTRELiNS, Esthoniens, habitants
des villes anséatiques.
Estrene (En bonne), sous de
bons auspices.
Estrif, danger, embarras, si-
tuation embarrassante , in-
quiétude.
Estrindore, sorte de danse.
Estrippé, crevé, déchiré.
Estrh'iers, estrivkres, étriers,
EsTROCZ (Bois d'), en Poitou.
EsTROiCT DE Sibylle, le détroit
de Séville, de Gibraltar.
Estronspicinî, divination par
les fèces.
Esveigkz, éveillés.
Esvantoirs, évantails.
EthiopiSj herbe qui ouvre les
portes.
Etion, géant.
EuBOiENs, habitants de l'Eubée.
EucLiDES, mathématicien grec
du IJI^ siècle avant J.-C.
EuDEMON, bon génie, du grec.
El'Gube, ville de l'Ombrie.
Euhyades, bacchantes.
Eumetrides (La pierre), pierre
précieuse citée par Pline.
Euphorbe, euphorbium, résine
irritante tirée d'un arbris-
seau cactoïde de la famille
des euphorbiacées.
Euphorion, poète grec du IIF
siècle avant J.-C.
Eupolis, nom grec emprunté à
VAnlhologie.
EuRYCLES, ventriloque athénien
dont parle Aristophane.
EuRiSTHEUs, Eurysthée, rival
d'Hercule.
EusTATHius, de Constantinople,
archevêque du XII® siècle,
commentateur d'Homère.
EusTHENES, fort, robuste, du
grec.
EuTYCHE, fortuné, du grec.
Evangile, bonne nouvelle, du
grec.
Evangiles de boys, tables à
jouer.
Evantes, bacchantes.
Everseurs, destructeurs.
Eversions, renversements.
Euig, avec, allemand.
Eviré, privé de forces.
Excequer, exécuter.
Exclusive, exclusivement.
Excolé, écoulé.
Exempiiles, postiches.
Exenterer, arracher les entrail-
les, du grec.
Exeques, obsèques.
Exercite, armée, du latin exer-
citus.
Exhauste, vidé.
Eximé, amaigri.
Exinaniz, épuisés.
Existimation, réputation.
Exiture, sortie.
Expiration, respiration.
Expediens, prompts.
Expédiez, entraînés, disposés.
Expoly, poli.
Exponibles (Les) de M. Haulte-
chaussade. Titre d'ouvrage
et auteur inventés par Rabe-
GLOSSAIRE-INDEX
:37
lais.
Extispicine, divination par les
entrailles des victimes.
Extoignoit, éteignait.
Extoller, rehausser, vanter.
Extrandzer, mettre hors.
Extravagantes , constitutions
postérieures aux premières
collections de Décrétales, du
latin Constitutiones qusevaga-
bantur extra.
Extravaguant, qui déborde,
qui coule dehors du vase.
Exule, qui sort, qui s'en va.
Fabrile (Art), l'art du forge-
ron.
Facet, livre de morale familière.
Faciende, chose à faire.
Facultatule, faculté.
Fadas, sot.
FadrinSj jeunes matelots.
Faguenat, puanteur.
Faignoit (Se), faisait le fai-
néant.
Failly, disparu.
Faindre (Se), se ménager.
Fallaces, tromperies, finesses
de la discussion.
Falot, gai compagnon.
Falourdin, géant.
Fanfarer', parader.
Faiïtesque. Est-ce une courti-
sane? L'italien fantesca veut
dire chambrière.
Far de mal' encontre, phare de
malheur.
Faratz, tas, assemblage.
Farce magistrale, assaisonne-
ment de haut goût et abon-
dant.
Fardeau (Le) de Sainct-Chris-
tofle, le Christ.
Farfadetz, esprits follets ; le
plus souvent moines.
Farfelu, gonflé, gras, replet.
Faribroth, géant.
Fasché de ialeures, fatigué de
viandes salées.
Fasques, petites boîtes, étuis.
Fatuel, qui prédit l'avenir, du
lat. fatum.
Fauciles, les deux os de l'a-
vant bras.
Faulcon, faulconneaulx, petit
canon, petits faulcons.
Faulseres, faussaires,
Faultier, qui fait des fautes.
Fauveau, de couleur fauve.
Faverolles, arr. de Blois, Loir-
et-Cher.
Favorer, faire silence, du lat.
f avère linguis.
Faye, foie.
Faye ( Le chemin de), chemin
contourné par lequel on
monte à Faye- la-Vineuse,
arr. de Chinon, Indre-et-
Loire.
Faseolz, haricots, du lat. pha-
seolus.
Fenabregue. Le Duchat dit que
c'est le nom qu'on donne
en Languedoc à l'alisier.
Ne serait-ce pas une altéra
tion du mot fenugrec, sé-
né grain ?
Fenestré, attaché à cordons
croisés.
Fenoil, fenouil.
i38
GLOSSAIRE-INDEX
Fercuks, plateaux de balance.
FeriaUj férié.
Fcrics, fêtes; ferks esuriales^
fêtes où l'on doit jeûner, du
lat. esuriaks.
Fernelj anneau de corde qui
maintient l'aviron à bord
d'une galère (Jal).
Feronia, déesse des forêts.
Ferragus, géant.
Ferrandat (Henri), juriscon-
sulte nivernais du XVI<^ siè-
cle.
Ferrate (Chemin de la), che-
min entre Tours et Limoges.
Ferrais (Pieds), pieds chaussés
de galoches.
FerreaUj fer, lame.
Ferrement, tout instrument ou
outil tranchant en fer.
Ferremens de la inesse, orne-
ments religieux.
FerrkreSj grands flacons, bou-
teilles de cuir.
Ferron. Est ce Arnold Ferron,
conseiller au Parlement de
Bordeaux?
Fers, ferrets.
Ferulacée, qui ressemble à une
férule (ombellifères), d'où
l'on extrait une résine fétide
connue sous le nom d'Assa-
fatida.
Fessée, Fascée, divisée. La
fasce est une pièce en for-
me de barre horizontale pla-
cée sur le milieu de l'écu.
Fessepinte, héros de roman,
grand buveur.
Feston Dkne, Fête-Dieu.
Feuillades, feuillées.
Feurre, paille.
Feustré, jonché.
Fevin, musicien Orléanais du
XVe siècle.
ff, lettres par lesquelles Bri-
d'oye désigne le Digeste.
Fiant, fien, fumier.
Fktil, de terre cuite, du latin
flctilis.
Fierabras, géant.
Fkreté, hardiesse.
Fkrs, nom d'un cépage.
Fkulx, enfants, en picard.
Figue (Faire la), se moquer,
far le fiche, montrer le bout
du pouce entre le médius
et l'index.
Figues dioures, figues d'or,
provençal.
Filopendoks, contre-poids.
Fins, frontières.
Fins maritimes, côtes.
Flacce. Horace, Quintus Ho-
ratius Flaccus.
Flacque, flasque.
Flagitiose, vicieux, du lat. fla-
gitiosus.
Flammivomes, vomisseurs de
flammes, épithète appliquée
aux chevaux du Soleil.
Flancquegées, flanquées, italia-
nisme de fiancheggiate.
Flasque, bouteille, de l'ita-
lien fiasco.
Fkurins, florins.
Fleury (François), érudit du
XVI« siècle.
Fleute, tuyau qui part du cha-
piteau d'un alambic.
GLOSSAIRE-INDEX
:39
Fleutes d'Alkmant, instrument
de la musique militaire alle-
mande.
Floc, Flocquars, houppe.
Flocqutr, flotter au vent.
Flocquetz, freluquets.
Flouins, petits navires à voiles
et à rames.
Florale, genre de danse.
FluXj terme de jeu.
Focile, le cubitus, os de l'avant-
bras, pris pour l'avant-bras.
Foillouze, bourse.
Foin en corne (Avoir du), être
désigné à la moquerie. On
mettait du foin aux cornes
des animaux méchants.
FoLENGo (Théophile), bénédic-
tin mantouan, auteur de
{"Histoire macaronique de
Merlin Coccaïe, que Rabe-
lais connaissait bien et à
laquelle il a fait plus d'un
emprunt.
Folfré, rendu fou.
Folliant, faisant le fou, jouant,
folâtrant.
Follie Guobelin, la manufac-
ture de tapisseries de Gilles
Gobelin, aujourd'hui les
Gobelins.
Foncé, ayant des fonds.
Fonde, fronde.
Fondrillons, ramassis de chan-
vre de rebut sur quoi on
pelotonne le fîl.
Fons cabalin, l'Hippocrène,
fontaine du cheval Pégase.
FoNSBETON, pays de la fabrique
de Rabelais.
FoNTAiNE-LE-CoNTE, Fontenay-
le-Comte, chef lieu d'arr.,
Vendée.
Forbe, fourbe, tromperie.
Force (Toute), de toute façon.
Forces, forts ciseaux à ressort,
sans charnières.
Forcettes, petites forces, petites
cisailles.
Forcez, forçats.
Forclus, exclus.
Forest (La) de l'Académie, les
jardins d'Académus à Athè-
nes^ où l'on discutait en li-
berté.
Forfant, mauvais sujet, forban.
Forissoient, Forissu, faisaient
sortir, sorti.
Fort, l'endroit le plus épais
d'un bois.
Forteresse, force.
Fortunal, tempête, de l'ita-
lien fortunale.
Fortune (De), par un heureux
hasard.
Fortunes, bonheurs, prospéri-
tés, succès.
Fou, Foug, arr. de Toul,
Meurthe.
Fouace, galette tourangelle,
poitevine ou saintongeaise.
Fougent, fouillent.
Fougons, cuisines de navire.
Fouillouse, poche.
Foullouaires, fouloirs.
Foulque, poule d'eau.
Fouquet, foucquet, jeu où l'on
éteignait une lumière en
soufflant par les narines.
Fourche fière, fourche ferrée,
240
GLOSSAIRE- INDEX
lance avec une fourche.
Fourchez là, arrêtez -vous là.
Fourmay (Je complainte, je
portai plainte.
Fourneasmes {Onques puis ne)
nous. M. Burgaud explique
cette locution, dont il cite
un autre exemple, comme
marquant la perfection d'une
chose, qu'il n'est plus be-
soin de remettre au four.
FouRQUES Les) d'Augsbourg,
les Fugger, riches négo-
ciants dont la fortune était
proverbiale.
FoussCj fosse,
FouTASNON, géant.
Fouteau, hêtre.
FouTiGNAN, Frontignan, arr. de
Montpellier, Hérault.
Fouzil, fuzil, briquet à pierre.
FoyneSj fouines.
Foyrad, foirard.
Foys, fais, de faire.
Fraires, frayres, fraises.
Francarchierus de Bagnolet.
Le Franc-Archier de Bagno-
let est un filou renommé.
On imprime à la suite du
Villon une pièce : Monolo-
gue du Franc-Arcliier de
Baignolet.
Francolys, francolins, oiseaux.
Francs Gontiers, habitants des
forêts.
Francs-Taulpins, Franctopins,
Milices campagnardes, ar-
chers irréguliers.
Frapars, épithète de moine.
Frapin, Lucas Le Moyne, curé
de Saint-Georges d'Angers,
a composé et publié des
noëls poitevins.
Frarie, confrérie.
Frayer, subvenir.
Fredons Frères , frères fredon-
nant, les moines qui mar-
monnent des prières et des
chants d'église.
Frelore, Bigoth (Tout est)! tout
est perdu, bon Dieu! de
l'allemand.
Fressurade, embrassade.
Freusser, froisser, rompre.
Frezes Febves , fèves décorti-
quées.
Friandeaulx, gourmands.
Friperie, fripperie, friponnerie.
Fripesaulce, marmiton.
Friquenelles, jeunes andouilles.
Friscades, boissons fraîches.
Frisque, tout éveillé, tout gail-
lard.
Frize, étoffe grossière.
Frizons, pots à boisson à bord
des navires.
Fronde, furoncle.
Fronton. Est ce Frontin, l'au -
teur des Straiagemata^
Fructices, arbrisseaux annuels.
Fruition, jouissance.
Fulciz, soutenus, du lat. fulciti.
Funges, champignons, du lat.
fungus.
Furt, vol.
Fust, bois.
Fastaye, futaie.
Fustes, navire à rames (Jal .
Futeur, futur.
Fy, foy.
GLOSSAIRE-INDEX
241
Gabbara, géant arabe.
Gabeler (Se), se moquer.
Gabies, cages ; hunes d'un mât.
Gabriel (Maistre), Gabriel Ta-
phenon, médecin.
Gagate^ jais oujayet. V. Gayet.
Galaffre, géant.
Galbanum, résine du Bubon
galbanum.
Galehaut, géant.
Galen, Galenl's, Galien, célè-
bre médecin grec du 11^ siè-
cle.
Galerne (Vent de), vent du
N.-O.
Galland (Pierre) , recteur de
l'Université de Paris et pro-
fesseur du Collège Royal au
XVP siècle.
Gallefreté jCaUaté, goudronné.
V. Guallef retiers.
Galler, gauler, frapper à coups
de gaule.
Galleverdine, cape. V. Gual-
vardine.
Galliers, galeux. V. Gualliers.
Gallochler, sabotier.
Galls, Gaulois, Français.
Gais, Galli ou Corybantes.
Gama ut, note la plus basse de
la gamme.
Cambres, Gambie.
Gammares, homards, du latin
cammarus.
Game (Entra en la haulte), se
mit à songer sérieusement.
Ganabin, larron, en hébreu?
Ganarriens, habitants des îles
Canaries.
Ganivet, canif.
Rabelais. V.
Ganyvetieres, marchandes de
canifs, marchandes des rues.
Garaniers (Chats) , chats sau-
vages, qui mangent les lapins
de garenne.
Garbin, vent du S.-O., de
l'italien garbino.
Gargamelle, gorge.
Garon, garum, assaisonnement
sur lequel Rabelais a fait
une pièce de vers latins.
Garré, bariolé.
Gastrolatres , adorateurs du
ventre, du grec.
Gastromancie, divination par
ventriloquie.
Gaubregeux, qui se goberge.
Gaudebillaux, tripes de bœufs
gras.
Gaudez, réjouissons-nous, gau-
deamus, commencement
d'antienne.
Gaudisserie, réjouissance.
Gaultier, Gautier, mauvais
plaisant.
Gaultier (Bon), bon vivant.
Gausc/ziere (Raquette), raquette
faite pour être tenue de la
main gauche.
Gavion, gosier,
Gayet, jayet, jais. V. Gagate.
Gayetier, sonneur de corne-
muse.
Gayoffe, géant.
Gays, geais.
Gaza (Théodorus), philologue
byzantin du XV^ siècle.
Gebarim, coqs , en hébreu ;
peut-être les Français, Galli.
Geber, alchimiste et mathéma-
3i
242
GLOSSAIRE-INDEX
ticien arabe du 1X<^ siècle.
Gehainer, tourmenter.
Geheignoyt, geignait.
Géhenne^ lieu de supplice^ du
latin gehenna.
Gelasim, pays où l'on rit , du
grec.
Gelines, poules.
Gelones, Tartares.
Gemmagog, géant.
Gendre, Jean Le Gendre, mu-
sicien parisien du XVP siè-
cle.
Geneliabin , miel rosat , en
arabe.
Generaulx (Messieurs les), les
magistrats de la Cour des
Aides.
Genêt, cheval d'Espagne.
Genethliaque, horoscope tiré à
la naissance d'un individu.
Genevoys, les habitants de
Gênes, de l'italien Genova.
Gentj gens, braves.
Geoffroy, à la grand'dent, de
Lusignan, qui fit brûler
l'abbaye de Maillezais.
Géoinantie, divination par la
terre.
Gergeau, Jargeau, arr. d'Or-
léans, Loiret.
Germain de Brie, ami de Ra-
belais.
Gerson (J.)> chancelier de
l'Université, théologien du
XlV-XVe siècle.
Gestes, actions, choses faites.
Giborins, forts, robustes, de
l'hébreu?
Gilbathar, Gylbàthar, Gibral-
Gippon (Le moule du) ; le
moule du jupon , c'est l'es-
tomac, le ventre.
Girard (Charles), de la maison
de Du Bellay.
Girardine, espèce de râle.
Glands, boulets de canon.
Glaterons, glouterons, boutons
aspérulés de la bardane.
Glaz, glace.
Glenay, Glennay, arr. de
Bressuire, Deux-Sèvres.
Glimpes, flambeaux.
Glirons, loirs.
Gloux, Gloute, Glouite, glou-
ton, gloutonne.
Gluber, peler.
GlyphoLioires , canonnières en
sureau.
Gnatho, gourmand de l'anti-
quité.
Gnaver, s'efforcer.
Gocourte (Kohe), demi-longue,
descendant à mi-jambe.
Godale, boisson, probablement
bonne bière, good aie.
Godalle, débauche.
Godemarre , marmite ? gros
ventre.
Goguelus, mauvais plaisants.
Gogues , médicaments purga-
tifs.
Goitrou, Guoytrouz, goitreux.
GoLFARiN, neveu imaginaire de
Mahomet.
GoMBERT, musicien belge du
XVI° siècle.
Gonnelle, robe, de l'italien
gonella.
GLOSSAIRE-INDEX
MÎ
Gorgery, gorgerin.
Gorgias, gorgiasement, brave,
bien mis, pimpant, fierot,
qui se rengorge ; avec osten-
tation, avec braverie.
GossampineSj cotonniers.
GotSj moines, cafards.
Gottis, gothique.
Goud fallût, pour goodfdlow,
bon compagnon ; falot dé-
signe aussi une lumière au
bout d'un bâton.
Gouet, serpette.
Gougt, femme ou fille,
Goaimphe, coin de bois.
Gourmander , manger avec
gourmandise.
Gourmanderies , Gourman-
deurs, commanderies, com-
mandeurs.
Gourretz , Gitoretz , gorets ,
porcs.
Gourrkr, bien mis, arrogant,
fier.
Gourrier (Palefroy), beau che-
val.
Goussets, partie de l'armure en
haut du bras.
Gozal, pigeon, en hébreu.
GrabeaUj examen minutieux.
Grabeler, grabeleurs, étudier,
examiner, discuter; gens qui
épluchent tout, qui exami-
nent minutieusement.
Grain, pas, point; négation,
du latin granum.
Graisler, griller.
Grampes, crampes.
Grandmont, seigneurie près
de Chinon.
Graphides, images.
Grapper, grappiller.
Gratelles (Prince de), prince
des démangeaisons , prince
de Galles.
Gratuité, reconnaissance.
Grave, grève.
Graver, Gravir, grimper.
Gravot, commune de Bour-
gueil, arr. de Chinon, Indre-
et-Loire.
Grefves , Grèves , jambards ,
cuissards ; le devant des
jambes. V. Griefves.
Gregeoys, Grégeois, Gregoys,
grecs.
Greigneur, plus grand, du latin
grandior.
Grene, Grené, graine, en graine.
Grever, peiner, faire de la peine,
charger.
Greziller, griller, briàler.
Grezillons, petits chapelets?
Griays, chagrin.
Gribouillis, nom de diable.
Grief, adj . , 'douloureux; subst. ,
dommage.
Griefves , grègues , grèves ,
haut-de-chausses. V. Gref-
ves.
Grilgoth, nom de diable.
Grillotier, marchand de cerises.
Grimaulx, écoliers des basses
classes.
Gringotter, chanter.
Gringuenaudes , gringuenau-
diers, ordures, restes ; indi-
vidus malpropres.
Griphons, greffiers.
Grippeminaulx, gens de justice.
144
GLOSSAIRE-INDEX
Grisler, Grlsles, griller; grils.
Grishmtnt, grésillement, bruit
de ce qui brûle en pétillant.
Grivolées, grivelées, tachetées
comme les grives,
Grizelles, enfléchures des hau-
bans (Jal).
GrobiSj important.
Groisse, grossesse.
Grolle, corneille; en poitevin,
le point noir qui est au mi-
lieu de la carte blanche du
but, au tir à l'arbalète.
Grollier (Noyer) , noyer à
grosses noix que peuvent en-
tamer les grolles.
GruppadeSj groupe de nuages
noirs.
Gruppemens, griffements.
Grupper , saisir , accrocher ,
griffer.
Gri/yers, soldats mercenaires
originaires de la vallée de
Gruyère.
GrypheSj griffons, oiseaux fan-
tastiques.
Grsphon, Gryphus, petit poëme
d'Ausone.
Gryson (Pierre de), grès?
Guahan caban.
Guabarriers, meneurs degabar-
res.
GuabeUr. V. Gabeler.
Guabet , flamme, pavillon du
haut d'un mât fJal).
GuADAiGNE, Thomas de Gua-
dagne, financier du XVF siè-
cle.
Gualée, galère.
Gualentir , rendre souples.
dispos.
GuaUrne , galerne, vent du
N.-E.
Gualimaffrée, pot-pourri.
Gualimard, GualUmart, Gali-
mard , étui à mettre les
plumes, encrier.
Guaîinottes, gelinotes.
Guallefretiers , Gallefretiers ,
gredins, vauriens, racailles,
matelots, calfats, goudron-
neurs de navires.
Guciler, gratter, étriller; rire,
plaisanter, faire bombance.
Guallicr, tout gaillard; vaurien.
Gualoise, Gualloise, jeune fille
qui mène joyeuse vie, femme
plus que galante.
Gualot, galop.
Gualous, galeux.
Gualvardine, jaquette. V. Gal-
lei-erdine.
Guambayer, gambader.
Guarani, garant, cordage d'un
palan (Jal).
Guarbin, vent doux du S.-O.
Guareserre, action de se mettre
sur ses gardes.
Guargoulks, bruits et cloches
faits en soufflant dans l'eau
avec un chalumeau.
Guarguareon, la luette.
Guarigues, Giiarrigues, plaines
incultes, broussailles, lan-
des, bruyères.
Guarot, Guarrot, trait d'arba-
lète, flèche.
Guaroux, loups-garoux.
Guarres, bigarrées.
GuASCoiGNE , Matthieu Gas-
GLOSSAIRE-INDEX
cogne, musicien du com-
mencement du XVP siècle.
Guast, dégât, ravage.
Guatie, hune de guet (Jal),
Guavasche, sale.
Guaviet, gosier.
Guedofle, Guedoufîe , flacon
couvert de cuir.
Guementer (Se), s'informer avec
anxiété.
Guenaulx, Guenaux, gueux.
GuENET (La dive Oye), oie qui
figure dans la légende de
Saint- Guennolé (Burgaud).
Giierdonner, Gaerdonneur, ré-
compenser; qui récompense.
Gucspin , piquant, au figuré,
comme une guêpe ; surnom
des Orléanais.
Gueules, couleur rouge en
blason.
Gueux de l'hostiaire, mendiants
de porte en porte.
Guildirij cheval hongre.
Guillaume sans paour, héros
de roman.
GuiLLOT , Guillaume , taver-
nier célèbre à Amiens au
XVP siècle.
GuiLLOT le Songeur, person-
nage populaire.
Guilverdons, capuchons.
Guimaux (Prés), prés fauchés
deux fois par an.
Guinder (Se), s'enlever.
GuiNGUOLFus. Gengoulfest un
saint breton.
Guinguoys (De), de travers.
Guisarmes, armes piquant des
des deux bouts.
Gumenes, cables des ancres,
cordages (Jal).
GuoBELiN- V. FolUe.
Guodebillaux, tripes de bœufs
gras.
Guodetz, gobelets.
Guogue, farce, au propre et au
figuré; boyaux; musette.
Guoguelu, personnage ridicule;
railleur, farceur.
Guo/ Wronneurs, goudronneurs.
GuoLGOTZ Rays. Serait l'amiral
turc Dragus Rays.
Guorgeriz, gorgerins, partie de
l'armure qui protégeait la
gorge.
Guorges (Sur leurs), bien gor-
bigés, en repus.
Guorgias. V. Gorgias.
Guorre (La Grande), la grande
truie, femme débauchée.
Guourneau, gournal, rouget.
Guoyons^ goujons.
Guoytrouz. V. Goitrou.
GuYERCHAROis (Le seigneurdu),
seigneur de la Guerche,
arr. de Loches , Indre-et-
Loire.
Guy de Flandres, plâtre de
Flandre, du latin gypsuin.
GuynetteSj espèce de poule.
Gylles (Pierre), d'Alby, natu-
raliste du XVP siècle.
Gymnaste, maître dans les
exercices corporels, du grec.
Gyrer^ tourner.
Gyrognomonique , circulaire
Gyromantie, divination par le
tournoiement de cercles.
246
GLOSSAIRE-INDEX
Habaliné, ahuri.
Habille, alerte.
Hacquebuter, hacquebutes, ar-
quebuser; arquebuses.
HacquebutierSj porteurs de hac-
quebutes, fortes arquebuses
qu'on appuyait sur une
fourchette pour les tirer.
Hacquelebac, géant.
Hagarene (Langue), langue
arabe.
Halian, haan, fatigue (onoma-
topée).
Hailz, ail.
HaimSj hameçon.
Haire, jeune cerf de un à deux
ans.
Halcret, cotte de mailles en fer
forgé, dur habit.
Ha/e^interjection : courage! va!
Hali Abbas, médecin persan
du X^ siècle.
Halleboter, grappiller.
Hallebrené, harassé ; languis-
sant ; qui a perdu des plu-
mes; mal étrillé, mal pei-
gné.
Halot, cercle autour de la lune,
annonçant la pluie.
Hanicroches, crochets.
HanicrochemenSj embarras, em-
pêchements, obstacles.
HanebanCj hannebane, jusquia-
me noire.
Hannuiers, habitants du Hai-
naut.
Hanttr, enter, greffer.
Hapelopins, preneurs de bons
morceaux.
Happelourdc, pierre fausse;
tromperie.
Happemousche, géant.
Happesouppes, cuillers à pren-
dre la soupe dans le bouil-
lon.
Haraniers, mangeurs de ha-
rengs fumés.
Harborins, pensées.
Hardeau, grand et mince.
Harpailleur, gueux des campa-
gnes (Nicot;.
Harry bourriquet ja\\on%, bourri
que.
Hasch, ehasch, grenhenhasch,
onomatopée de la toux.
Haschantj fendant l'air.
Hastereaux, brochette de mor-
ceaux de foie et de lard al-
ternés.
Hastille, abats, entrailles de
porc.
Haubdon, houblon.
Haulser le temps, boire (Littré).
Haultechaussade (M.), auteur
inventé par Rabelais.
Haultelissiers , tapissiers de
haute lisse.
H.ivetz, crochets.
Hayre, supplice, haire.
Hayt (De bon). V. De hayt.
Hayte (Qui plus leur), qui leur
convient le mieux.
Hé paovret iou te esquinerio...
Voici la traduction de M. Bur-
gaux : « Hé ! malheureux !
je t'éreinterais, maintenant
que je suis bien reposé. Va-
t'en un peu dormir comme
moi ; après cela nous nous
battrons.»
GLOSSAIRE-INDEX
247
Heaulme, barre du gouvernail.
Hchdomades, semaines .
HÉBRARD de Béthune, auteur
du Grsecismus.
Hebrus, fleuve de Thrace.
Hecale, vieille femme de l'At-
tique dévouée à Thésée.
Hectique, étique.
Hegronneaux, petits hérons.
Hélène, météore, feu Sainl-
Elme.
Helepolides, machines de siège.
Heliodorus , mathématicien
grec du 11^ siècle.
Helxine, pariétaire.
Hemicraines, migraines, du
grec.
Hemiole, nombre qui contient
un nombre plus la moitié
de ce nombre.
Henilles, contes.
Henricus, monnaie d'or de
Henri II.
Heouses, yeuses, chênes verts.
Heptaphone, à sept voix, por-
tique d'Olympie où un écho
répétait sept fois un mot.
Her, Hers, monsieur, mes-
sieurs.
Her der Tyfel, Teufel, M. le
diable, en allemand.
Heraclides, architecte né à
Tarente,
Heracleotain, d'Héraclée.
Heraclitus, Heraclite l'obscur,
philosophe grec; vivait cinq
cents ans avant J.-C.
Herbault, personnification de
l'indigence.
Herbe aux charpentiers, achil-
lée millefeuilles.
Herbée, couchée dans l'herbe.
Herberger, demeurer.
Herbiers, botanistes.
Hercules gaulloys ; il sédui-
sait par son éloquence.
Hergneux, qui a une hernie.
Herm, île de l'archipel anglo-
normand.
Hermès Trismegistus, Mercure
trois fois très-grand. Un
Grec néo-platonicien a
écrit sous ce nom.
Hermodactyles, tubercules d'un
blanc jaunâtre au dehors,
blanc au dedans, ressem-
blant aux bulbes du colchi-
que. On les attribue au col-
chicuni variegatum.
Hermolaus Barbarus, savant
vénitien du XV^ siècle.
Herophilus, Hérophile, méde-
cin grec; vivait en 820
avant J.-C.
Herper, ramper.
Herpe, harpe.
Herselez, habitués à discuter.
Hersoir, hier soir.
Herte, guet.
Hervé, de Porzmoguer, célè-
bre marin breton.
Hesdin, musicien.
Hespailliers, hespaliers, ra-
meurs.
Hesperie (Tour), tour du Cou-
chant.
Hesperus, Vesper, l'étoile du
soir.
Heur, bonheur, bonne chance.
Heurt, attaque. V. Hourd et
248
GLOSSAIRE-INDEX
Hurte.
Heurteur, musicien touran-
geau du XVP siècle.
HiBERNiE, Irlande.
Hieracia, piloselle, oreille de
souris.
Hillot, mon fils, en gascon.
Himantopodes, qui marchent
comme des serpents, du
grec.
HiPPES, Hippone.
HiPPOLYTUs, jurisconsulte ita-
lien.
HiPPONAX, poète satirique grec.
HiPPOTHADÉE. Serait Guillaume
Pavie, docteur en Sorbonne.
HiPPOTHADÉE, compagnon He
Pantagruel. Ce nom signi-
fie apôtre à cheval, du grec..
Hippuris, prêle, queue de che-
val.
HiRCANE (Mer), partie de la
mer Caspienne.
HiRCus ou Œnopion, fils d'A-
pollon, qui eut un fils sans
femme: c'est Orion.
Hobin, allure du bidet.
HoBRETHZ, Jacques Hobrecht,
musicien hollandais du XV«
siècle.
HocsTRATEM ( Jacobus ) . V.
HOOGSTRATEM.
Hxmorrutts, hémorrhoïdes.
Hoguines, parties de l'armure
entre le corps et les jam-
bes.
Holos, hélas !
HoMMEFLEUR, Honflcur.
Homocentricalenunt, autour du
même centre.
Hondrespondres, hommes pe-
sant cent livres, hundred
pounds.
HooGSTRATEN (Jacobus)^ jaco-
bin brabançon du XVl** siè-
cle.
Horche, bâbord, la gauche
du navire, de l'italien orza.
Hord, hordous, sale.
HoRDOux (Maistre), gras, cou-
vert de graisse , le chef des
cuisiniers.
Hoschepoi, pot-pourri.
Hostarde, outarde.
Hostiatement, à la porte des
maisons.
Houltaige, otage.
Hourdj hoart, bataille, choc,
attaque, coup. V. Hturt et
Hurte.
Housé, houzé, botté, crotté.
Houseaux, houztaulx, hautes
guêtres en cuir, sans pieds,
qui protégeaient les jambes
contre la crotte.
Housée de pluye, une battue
de pluie, une forte ondée.
Houssepailleur, houssepaillier,
marmiton.
Houst, houx.
Houster, ôter. enlever, déro-
ber.
Hugrement, rudement.
HuGUTio, Hugutius, auteur
d'une grammaire.
Huillier, marchand d'huile.
Humer, boire à grand'lampée ;
hunierie.
Hurneux, buveur.
HuMEVESNE (Le seigneur de),
GLOSSAIRE-INDEX
249
de aspire-vesse.
HuoN DE Bordeaux, héros de
roman.
Hurte, heurt, coup.
HuRTALY, géant contemporain
du déluge.
Hurtis, hurtys, le heurtement,
le choc.
Huscher en paulme, crier dans
ses mains.
HussÉ, Houssay, arr. de Ven-
dôme, Loir-et-Cher?
Hutaudeaux, chapons.
Huy, aujourd'hui.
HuymeSj Huismes, arr. de Chi-
non, Indre-et-Loire.
Hydrargyre, mercure, métal.
Hydries, pots à eau.
Hydromantiej divination par
l'eau.
HymantopodeSj qui a les pieds
en forme de courroies.
Hyoscyame, jusquiame.
Eypencmkn, venteux, du grec.
littéralement : sous-vent.
Hypocritique, feinte.
Hypogée, souterrain, du grec.
Hypophetes, qui parlent des
choses passées, du grec.
HyposargueSj hydropiques.
Hypostases, sédiments d'acide
urique.
lambicque, genre de danse.
Ibices, boucs sauvages.
Ihides, ibis.
ICAROMENiPPE, le philosophe
Ménippe, ainsi surnommé
par Lucien pour avoir voulu
se faire des ailes.
ICARUS, père d'Erigone. C'est
sa chienne Méra, et non
son chien, qui devint la
constellation qu'on appela
la Canicule.
IcELON, ministre du Sommeil.
Ichthyomancie, divination par
les poissons,
Icosimyxe (lanterne), lanterne
à vingt becs, du grec.
Idée, image, du grec.
IdoiiHj propre à, approprié à,
du lat. idoneus. V. Ydoine.
Ignave, lâche, du lat ignavus.
Il, lui.
Illucescer, briller.
Image, cachet (Burgaud).
Immutation, changement.
Imola, jurisconsulte italien.
Impendente, très-prochaine.
Imperit, inhabile, ignorant, du
lat. imperitus.
Impétrer, obtenir.
Impotence, Impotent, impuis-
sance, impuissant.
Impotentes, qui ôtent les forces.
Impropere, honte.
Incaguant, souillant.
Incautement, imprudemment.
Incentricquer, concentrer.
Inclyte, illustre.
Inconsumptible, incombustible.
Incornifistibuler, faire entrer.
Inculquer, enfoncer.
Indagn^, grossier, impuissant.
Indalgos, idalgos.
Indemnez, francs de droits.
Indice (Doigt), l'index.
Indicque, indienne.
Indie, Inde.
32
5o
GLOSSAIRE-INDEX
Inertes (Maistres) , maîtres es
arts, in artibus.
Infauste, néfaste.
Infinable, infini.
Infractions, déchirements.
Infringibk, qu'on ne peut
rompre.
Ingénieux, ingénieurs.
Inhiber, défendre.
Inian, juron.
Inigo 'Frai), Ignace de Loyola.
Initians, commençants.
Inquinamens, souillures.
Insculpé, sculpté, gravé.
Inse, verbe à l'impér., hisse.
Insail, drisse qui sert à hisser
les voiles (Jal).
Instablée, établie, installée.
Instant, exigeant, pressant.
Instaurateurs, rétablisseurs,
restaurateurs.
Instauré, rétabli, renouvelé,
restitué.
Instituer, instruire.
Instrophiez, entremêlés.
Instruez, impér., instruisez.
Instrument, matériel.
Intendictz, relation de faits dont
on doit faire la preuve.
Intentement, avec attention.
Intenter, tenter.
Intention, tension d'esprit.
Interbastez, piqués.
Interestz, dommages.
Interinées, achevées, parfaites.
Interminée, appliquée.
Internition, entre-tuerie.
Intrade, rente, revenu, del'it.
intrata.
Intrans, délégués des facultés.
Intrinquées, embrouillées.
Inviser, visiter.
lo, je, moi, italien.
Iota (Un), le moins possible;
l'iota est la plus petite des
lettres grecques.
lo ti ringratio, bel messere...
« Je te remercie, beau sei-
gneur; ainsi faisant, tu me
as espargné le coiit d'un
cly stère. «
Irrision, moquerie, dérision.
Irrorant, mouillant.
Irus, mendiant, dans l'Odyssée.
IsABELLA, ville des Canaries.
7sc/ue, sciatique, du grec.
Ischiatiques. V. Isciatiques.
Ischies, hanches, du grec.
Isciatique, goutte, rhumatisme
sciatique ; Isciatiques, nerfs
sciatiques.
Isiaces, Isiaques, prêtres vêtus
de blanc, prêtres d'Isis.
ISLE-BOUCARD, ISLE-BOUCHART,
arr. de Chinon, Indre-et-
Loire.
Isthme, orifice qui fait com-
muniquer la cavité buccale
avec le pharynx.
Ithybole, homme bien fait,
droit, du grec.
Ithymbons, danses bachiques.
Ithyphalle, image sacrée du
phallus en érection.
Itys, changée en oiseau par
Jupiter.
lynges, philtres, charmes, du
grec.
Jacquemart, marteau de potte,
GLOSSAIRE-INDEX
25
d'horloge.
Jacques Bonshoms, paysans.
Jacquet Bercan, Jacques ou
Giachetto Berchèm, musi-
cien flamand du XVI^ siècle.
Jadauiz, Jadaux, paniers^
écuelles.
Jadeau de. VergnCj écuelle de
bois.
Jalousie, balustrade qui fer-
mait la galère à la poupe.
(Jal).
Jambe-torte, épithète de Vul-
cain, qui était boiteux.
Jambet (Le curé de), Rabe-
lais lui-même.
Jamblicque, philosophe du IV*^
siècle.
Jambus, qui ont de grandes
jambes,
Jan, terme de trictrac.
Janequin, Clément Jannequin,
musicien du XVI^ siècle.
JanspilV hommes, variante plai-
sante de gentilshommes.
Japhes, Jaffa.
Jargonner, Jargonnoys, balbu-
tier ; les premiers mots d'un
enfant.
Jartier, jarretière.
Jason, Giasone del Maïno,
jurisconsulte italien du XV^
siècle.
Jau, coq.
Jaulne et verd (livrée de), livrée
des fous au moyen âge.
Javart, maladie des chevaux.
Javotin, ou Jacotin, musicien
français.
Jazeran, jaseron, chaîne d'or
à fins anneaux.
Jazerans, cottes à très-petites
mailles.
Jecabots, abstractions.
Jects, Jectz, lanières de cuir
qu'on attachait aux pattes
des oiseaux de chasse, du
lat. jacti.
Jectigaiion, remuement ner-
veux, mouvement convulsif.
Jejiine, à jeun.
Joan (Seigny), le seigneur
Jean, fou du XIV^ siècle.
JoBELiN Bridé, nom forgé par
Rabelais, avec le sens de
niais, nigaud.
Joncades, petites crèmes parfu-
mées.
JosQuiN DES Prez, musicien
français du XV^ siècle.
Joussaulme (Guillaume), le
marchand de drap dans
Pathelin.
Jouste, Jouxte, près de, au-
près de; suivant, conformé-
ment à.
Jovetian, Jovial, de Jupiter.
Jovio (Paulo), Paul Jove, his-
torien et géographe du XVF
siècle.
Joyeulx, bouffon de roi.
Jubés, crinières.
Jules second, le pape Jules TI,
qui fut en guerre avec
Louis XII.
Jumelles, deux pièces de bois
pareilles dans un pressoir.
Jupiter-Philios, Jupiter protec-
teur de l'amitié.
Jupiter Pierre, le pape, suc-
GLOSSAIRE-INDEX
cesseur de saint Pierre.
Jus, à bas.
KiMY, David Kimchi, rabbin,
commentateur de la Bible,
des XIF et XIIF siècles.
Kyne, chien, du grec.
Kyrielles, Kyrie, oraisons.
La Basmette, abbaye près d'An-
gers.
Labeo (Antistius), jurisconsulte
romain.
Labeurer, travailler.
Lachrima - Christi , larme du
Christ, nomd'un vin célèbre
récolté au bas du Vésuve.
Lactantius (Firmianus), auteur
latin du III^ siècle.
La FayeMoniau. La Foye Mon-
jault, arr. de Niort, Deux-
Sèvres.
Ladres, lépreux.
Lagona edatera, en basque, ca-
marade à boire.
Laicter, teter.
Laignel(Co1 de),cold'Agnello,
au pied du mont Viso?
Laise (Grande), grande mesure.
Laissas aquaio , en limousin,
laissez cela.
Laisse, fiente de bête sauvage.
Laize, largeur.
Lamah hazabthani , derniers
mots du Christ sur la croix.
Lamballe, ville de l'arr. de
Saint - Brieuc , Côtes- du-
Nord, renommée pour son
parchemin.
Lamies, sorcières représentées
avec une tête de femme et
un corps de serpent.
La Motte, arr. de Melle, Deux-
Sèvres.
Lamines, armures formées de
lames imbriquées.
Lampreons, lamproies.
ia/jcepesarfes^anspessades, sous-
officiers.
Lanciz, foudre,
Lancy, esquinancie.
Landerousse, nom de lieu forgé
par Rabelais.
Landier, grand chenet.
Landores, Landorez, endormis.
Landrivelj andrivel, gros cor-
dage (Jal).
Laneret, oiseau de proie.
Lanes, landes.
Lango, nom moderne de l'île
de Cos, où naquit Hippo-
crate.
Langrauff d'Esse, le Landgrave
de Hesse.
Langres, chef-lieu d'arrond.,
Haute-Marne.
Languegoth, le Languedoc.
Langues, nations.
Lanier, espèce de faucon.
Laniftcque, qui produit la laine.
Lans tringue , en allemand,
pays, bois !
Lansquenette, de lansquenet.
Lanterné, amaigri.
Lanternier, marchand de lan-
ternes, cafard.
Lanier nois (Pays de), pays des
lanternes, des lumières.
Lanternoys, langage Imaginaire.
La part, partout où.
GLOSSAIRE-INDEX
53
Lapatlïium acutum, ou Lapa-
thum, patience aquatique.
Lappia, Laponie.
Laps, chute.
Larege, mélèze.
Larisse, lance; suivant M. Mo-
land, il faudrait lire Sarisse.
Larmiers, corps en forte saillie
pour empêcher les eaux
de couler le long d'un
mur.
La Roche Clermauld, arr. de
Chinon, Indre-et-Loire.
Larrix, mélèze.
Lasanon, Lazanon, bassin de
chaise percée.
Lasanophore , porteur de lasa-
non, du grec.
Lascaris, érudit grec contem-
porain et ami de Rabelais.
Lassez, croisés.
Lassas, là-dessus, là-haut.
Late, largeur.
Latial, latin.
Latinicome , latin.
Latrialement , avec culte de
latrie.
Latrie, culte d'adoration qu'on
doit à Dieu.
Laurence (Tante), tante du
drapier dans Pathelin.
Laurette (Notre-Dame de),
près d'Angers.
Laurezay ou Jaurezay, village
du Poitou.
Lavailies, eaux de vaisselle.
Lavedan, cheval du pays de ce
nom, en Bigorre.
Layz, frères lais.
Léans, céans, ici, là.
Lecanoniantie, divination par
la vue d'une image dans un
vase d'eau.
Lectieres, litières.
Legugé, monastère aux environs
de Poitiers.
Leive (Anthoine de), général
de Charles-Quint.
Lelapes, tempêtes, du grec.
Le Maire (Jean), poëte et his-
torien, de Belges en Hainaut.
Lemovicque, limousin.
Lémures, esprits du mal ; âmes
des morts.
Lendole. V. Dar.
Lenou (Notre- Dame -de -la-),
entre Chinon et Richelieu.
Lentisce, lentisque.
Léon, lion.
Leonicus, auteur vénitien du
XVP siècle.
Leonides, poëte grec de ['An-
thologie.
Lernb, arr. de Chinon, Indre-
et-Loire.
Leschars, gourmands.
Leschart, avare.
Lesche, partie.
Letrain, lutrin.
Leuce, blanc.
Leurier, laurier.
Leurre, morceau de cuir qui
servait à rappeler les faucons.
Le Veneur-Carrouges (Jean),
évêque de Lisieux, fait car-
dinal en I 533, gastronome.
Lever guerre, faire la guerre.
Lexif, suc blanc du figuier.
Lez, proche de, le long de.
Lheritier , musicien français
:54
GLOSSAIRE-INDEX
du XVie siècle.
Libanomantie , divination par
l'encens.
Libentissiment, de très-bon gré.
Libères (Personnes), de condi-
tion libre, non serves.
Librairie, bibliothèque.
Libiirnicques, petits navires à
marche rapide.
Licence, autorisation.
Licentier, donner licence, per-
mettre.
Lichecasse, lécheur de casse...
La casse serait le vase qu'on
met sous le rôti pour en
recevoir le jus? Marmiton.
Lifreloffres, ignorants ; grands
buveurs.
Lignade (Faire), faire^ prendre
du bois.
Ligneare (En forme), en forme
de potence ; marche des ca-
valiers aux échecs (Burgaud).
LiGRE, Ligré, arr. de Chinon,
Indre-et-Loire.
Liguombeau, Bernard l'hermite,
crustacé.
LiGUSTiQUE (La mer), le golfe
de Gênes.
Limacial, de limace.
Limessourdes, gens en dessous.
LiMOUs, Limoux, Aude.
Linceux , pluriel de linceul,
draps de lit.
Linostolies, robes de lin, du
grec.
LiPARA, aujourd'hui Lipari, îles
Éoliennes.
Lipothymie défaillance, éva-
nouissement, du grec.
Lippée, bouchée, repas de bons
morceaux.
Liron, loir.
Lithontripon, casse-pierre, du
grec.
Livesche , livêche, ache des
montagnes.
Livier, levier.
Livrée à une noce, rubans aux
couleurs de la mariée, que
les invités se partagent et
portent.
Liz, lisse, poli.
Lizart, lézard.
Lize, compacte.
Lo, lof, vent.
Locale, poche.
Locupkter, enrichir.
Locustes, sauterelles.
Lodier, courte-pointe.
LoGROiNE, Logrono, en Espa-
gne?
LoNGYS, géant.
Lopiner, mettre en menus mor-
ceaux ; examiner en détail ;
goûter, faire une collation.
Loppin, morceau ; on dit encore
un lopin de terre.
Loqueteux, en loques, dégue-
nillé.
Los, louange.
Lourche, sorte de jeu.
Louschetz, louchetz, serait une
étoffe de laine.
Lourdoys , lourdeau. A mon
lourdoys, h ma façon , naï-
vement.
Lourpidor} , y'ieWle au pied bot,
dont la rencontre est de
mauvais augure.
GLOSSAIRE-INDEX
255
LouzEFOUGEROusE, La Loge-
Fougereuse, arr. de Fonte-
nay-le-Comte, Vendée.
Loyer consigné , récompense
assurée.
LoYSET, musicien du XV^ siècle.
Lubin (Frère), un moine.
Lubine^ espèce de bar, poisson.
Luc, luth.
Lucestre (Balles de), balles de
Leicester?
Lucifer, Tétoile porte-lumière,
la planète de Vénus.
Lucifuges, qui fuient la lumière.
Lucullian (Marbre), marbre
tiré de l'île de Milo, très-
employé par Lucullus.
Ludificatoyres, trompeurs.
Luettes, jeu de cartes du Poitou.
LuGA, ville d'Asie.
LuLLE, LuLLius, Raymond LuUe,
alchimiste du XIIl» siècle.
Lunaria major, lunaire, herbe
à la lune.
Lunettes des Princes, Recueil de
vers de Jean Meschinot,
poëte du XV® siècle.
Lupi, musicien.
LusiGNAN, arrond. de Poitiers,
Vienne.
Lussonnoys,\e diocèse de Luçon.
Luter, joindre.
Lutz, petits navires.
Lybistides, de Libye.
Lycambe. Se pendit à cause de
vers qu'Archiloque avait faits
contre lui.
Lycaon, animal fantastique dont
parle Pline.
Lychaon patepelu, que Jupiter
changea en loup après avoir
séduit sa fille.
Lychnion, mèche de lampe, du
grec.
Lychnobiens, peuple vivant de
lanternes ou de phares,
comme le dit le texte.
Lycisque orgoose, chienne en
chaleur.
Lycoptalmie, œil de loup, pierre
dure.
Lycus, tyran de Thèbes, qui
voulut séduire Mégare.
Lye (Chère), vie joyeuse.
Lyra (Nicolas de), juif con-
verti du XIV® siècle, domi-
nicain, commentateur de la
Bible.
Lyripipié, en forme de bonnet
doctoral.
Lyripipion, chaperon des doc-
teurs de Sorbonne.
Lysidices, nom grec emprunté
à V Anthologie.
Ma dia, juron : Non, par Jupi-
ter?
Mabrun, géant.
Macé Pelosse (Frère), moine
de la fabrique de Rabelais.
Macle, macre, châtaigne d'eau.
Macrxons, ou Macreons, gens
qui vivent longuement, du
grec.
Macrobe, à longue vie, du grec.
Madourré, fainéant; maladroit.
Magdaleon d'entraict, masse
emplastique maniée entre
les mains.
Magdeleine (La), cabaret pari-
56
GLOSSAIRE-INDEX
sien.
Mage, ad)., plus grande, major.
Magnigoule, grande gueule.
Magotz, géants.
Maguelet (Huille de), huile
tirée des semences du cera-
sus mahaleb.
Mahom, Mahon, Mahomet.
Maignans, vers à soie.
Maigre, nom de la sèche sur
les côtes de Saintonge.
Maillard (Olivier), frère mi-
neur, prédicat. deLouisXI,
célèbre par la singularité
de ses sermons.
Maillart, musicien.
Maille, musicien.
Maille, monnaie valant un
demi-denier.
Maillezays, Mailiezais, arr.
de Fontenay-le-Comte, Ven-
dée.
Mailly le Borgne, commissaire
de l'artillerie.
Maiorici, de la maison de Du
Bellay.
Maison du Ciel, constellations
sous lesquelles un person-
nage est né.
Maistral, mistral, vent du
N. O.
Maistralle, grande voile (Jai),
Majeurs, Majores, ancêtres ;
plus âgés.
Major (Jean), contemporain
de Rabelais, principal du
collège de Montaigu.
Malader-je, maladrerie.
Malandré, lépreux.
Malchus, Malcus, l'épée avec
laquelle saint Pierre coupa
l'oreille à Malchus.
Maie guarde, mégarde.
Maie heure (En la), par mal-
heur.
Maies, malles, coffres, bagages.
Maléfique, porte-malheur.
Malengroin, mauvais vouloir.
Maies mules, engelures au
talon, engelures d'un mau-
vais caractère.
Malesuade,- mauvaise conseil-
lère.
Maleites, maillettes, œillets où
passent les cordes des voiles.
Malivole, de mauvaises inten-
tions, qui veut du mal,
malveillant.
Malogranatum, pomme de
grenade, fruit du grenadier.
Mal Sainct Eutrope, maladie
épidémique, sorte de peste.
Malvedis, niaravédis, monnaie
espagnole.
Mal vouluz, ceux à qui on
veut du mal.
Mammallement , adverbe forgé
avec le mot mammelle.
Mammone, le démon des ri-
chesses.
Manche, pourboire, gratifica-
tion, de l'ital. manda.
Manche de la paroece, le clo-
cher de l'église.
Manchicourt, musicien du
XVF siècle.
Manchons, manchettes.
Mancipée, prise en possession.
Mancippe, esclave.
Mandés (Ile de), ile dont les
GLOSSAIRE-INDEX
5'
femmes adoraient Pan et le
bouc.
Mandousianes, épées larges.
Mandragore; passait non-seule-
ment pour antiaphrodisia-
que, mais encore jouait un
grand rôle dans les sortilèges.
Manduce, en lat. Manducus,
espèce de Croquemitaine,
de tnanducare, manger.
Manequins, ornement en forme
de panier plein de fleurs.
Manillier, marguillier.
Maquerelle (Isle), île dans la
Seine, en bas de Paris, qui
s'est depuis appelée l'île des
Cygnes, et qui a fini par
être réunie à la rive gauche.
Marais (Charles), médecin de
Lyon, contemporain de
Rabelais.
Marault, musicien.
Marc Paule, Vénitien, Marco
Polo, voyageur du XIII^
siècle.
Marcellus (Donatus), méde-
cin du XVF siècle.
Marcellus Empiricus, médecin
du IVe siècle.
Marché vieulx, village du
Chinonnais.
Marchettes, touches d'un cla-
vier.
Marchez, Marques, dizaines
d'un chapelet.
Marforio, restes en marbre
d'une statue de fleuve à
Rome, sur laquelle on affi-
chait des épigrammes.
Marguerite, perle, du lat.
Rabelais. V.
margarita.
Marlottes, mantelets d'été.
Marmiteux, mendiants piteux.
Marmotret, Mammotrectus, ti-
tre d'un Abrégé de morale
à l'usage des écoliers.
Marotus du Lac, auteur de la
fabrique de Rabelais.
Marpault, palefrenier.
Marpesian (Le roc), le mont
Marpesus, dans l'île de
Paros.
Marques, V. Marchez.
Marrabais, marrabeise, rené-
gat, mauresque.
Marrane, mécréant.
Marranisés, infidèles, impies.
Marres, Mar roches, Marro-
chons, binettes, pioches,
outils de jardinage.
Marsupies, bourses.
Martin de Cambray, le ja-
quemart de l'horloge de
Cambrai.
Martiner, boire comme on boit
à la Saint-Martin.
Martingualle (Chausses àla\
chausses dont le derrière
s'abattait; on en fait encore
aux petits garçons.
Mas, pièce de terre.
Mascarer, barbouiller.
Maschefain, géant.
Maschefains, insatiables.
Mascherable, mangeur de
raves.
Massiteres pétrisseurs, mâ-
cheurs.
Massorethz, interprètes et glos-
sateurs de l'Ancien Testa -
33
i58
GLOSSAIRE-INDEX
ment.
Massuau (Claude), traducteur ;
faisait partie de la maison de
Guillaume du Bellay.
MASUEL;serait Claude Massuau .
Mat, fou, de l'ital. matto.
Matabrune, personnage de la
chanson de geste Le Cheva-
lier au Cygne.
Matafain, pâte indigeste.
MatagotSj vieux drôles; fana-
tiques.
Matagrabolisé,hou\eversé , pré-
occupé.
Matagraholiser, apprendre à
grand'peine.
Matagrabolisme, hypocrisie.
Mateologiens, qui font des dis-
cours mutiles, du grec.
Mateotechnie, étude d'une
science inutile, du grec.
Matraz, trait d'arbalète; ma-
telas.
Matute, du matin.
Mau de pipe vous byre, gascon:
le mal de tonneau vous
retourne.
Mau de terre, mal de terre,
épilepsie.
Maugis, enchanteur dans les
Quatre Fils Aymon.
Maugré, malgré.
Maujoin, par opposition à ben-
join.
Maujoinct, mal joint.
Maulevrier le Boyteux , le
mari de Diane de Poitiers,
Louis de Brézé, comte de
Maulevrier.
Maulgouvert, se gouvernant
Maulubec (gascon), ulcère, mal
de jambe.
Maulvys, mauviettes.
Maumusson, arr. d'Ancenis,
Loire-Inférieure.
Maunettes, mal nettes, sale;.
Maydenbourg, Magdebourg.
Mebins, intelligents, del'hébr.?
Me^ha, La Mecque.
Medamothi, nom d'un pays
imaginaire : aucun lieu, nulle
part.
Meden, pays imaginaire.
Medere, Madère.
Mediastinc, continuation de la
plèvre.
Medulare (Os), os à moelle,
médullaire.
MeduUes, moelle.
Megiste, très-grand, du grec.
Mejane, Conire-Mejane, voile
d'artimon et de contre-arti-
mon (Jal).
Mêla (Pomponius), géographe
latin du l^' siècle.
Melancholier, attrister, fâcher.
Melinde, en Afrique.
Melli, Meliiia, en Afrique.
Mcllifîue, douce comme du
miel.
Melze, mélèze.
Mémorial, chose qu'on n'ou-
blie pas.
Memoriallement, adverbe de
mémorial.
Menades, bacchantes en fureur.
Men cm}!, mon ami, en lorrain.
Menthicores, animaux fantasti-
ques.
GLOSSAIRE-INDEX
59
Menu (Du), menues volailles
de basse-cour.
Menuail (Duc de), duc de pe-
tites gens.
Mephitis, déesse du mauvais
air.
Meratre, marâtre.
Mercuriale (Eau), eau lustrale
ou eau bénite.
Merdé (Par la), juron, par la
Mère de Dieu.
Merdigues, juron, Mère de
Dieu.
Mere-goutte, premier vin tiré
du pressoir.
Meretricules, courtisanes.
Merluz, Merlus, merluche,
morue sèche.
Mervant, Mervent, arr. de
Fontenay-le-Comte, Vendée.
Merville (Le Seigneur de),
seigneur de la fabrique de
Rabelais.
Mesa, moyenne.
Mesaraïcques (Veines), veines
du mésentère.
Mesembrine ( Porte , Tour ) ,
Porte, Tour du midi.
Mesescrire, écrire du mal.
Meshaing, malechance, insuc-
cès , souffrance , malheur,
chagrin, infirmité.
Meshaigner, affliger, tourmen-
ter.
Mesles, Nèfles.
Mesnagerie (La), de Caton,
l'art du ménage , le traité
De Re rustica.
Mesnagerie, soins de la basse-
cour, de la ferme; écono-
mie domestique.
Mesoùan, cette année.
Mespris, méprise.
Messe seiche, messe dite sans la
consécration.
Mes^/Va/Z/es, fêtes de la moisson.
Mestiviers, moissonneurs.
Met, la huche où l'on pétrit
le pain ; cuve où tombe le
vin qui découle du pressoir.
Metalepsis, métalepse ; d'après
Dumarsais, figure par la-
quelle on prend l'antécédent
pour le conséquent, ou le
conséquent pour l'antécé-
dent.
Metaphrenes, aponévrose du
diaphragme.
Mete, borne, limite, du latin
ineia.
Melhanesiens, habitants de Mé-
thène, près de Trézène.
Metifs, métis.
Metopomantie, divination par
les lignes du front.
Metoscopie, aspect du front.
Mètre, vers.
Metrodorus, philosophe grec.
Meung, arr. d'Orléans, Loiret ;
ce sont les habitants qu'on
appelait Asnes de Meung.
Meusnier, espèce d'ablette.
Meuvoir armes, mouvoir, faire
la guerre.
Mezarims, médecins des en-
trailles.
Mezeaulx, Mezeaux, arr, de
Poitiers, Vienne.
Michelots, Micquelots, pèlerins;
on donnait en particulier ce
260
GLOSSAIRE-INDEX
nom à ceux qui se rendaient
au mont Saint-Micliel ; par-
tisans.
Micraines, Migraines, grenade
d'artillerie.
Microcosme, petit monde, du
grec.
MiDY, musicien.
Mignotize, gentillesse.
Migraine, mi-graine, sorte de
teinture, V. Micraine.
Miliaires (Bornes), mesure ro-
maine indiquant un espace
de 1 ,000 pas.
Millesouldiers, soldats.
Millet, musicien.
M/'/our^mylord, monseigneur.
Mimallones, bacchantes.
Mimallonides, prêtresses de
Bacchus.
Minere, minière, mine.
Minorative, minoratif, purga-
tif léger.
Minot, mesure de près de 40
litres .
Minutait, petite.
Mirach, mot arabe, partie du
ventre.
Miraclifîque, faiseur de mira-
cles.
Miralliers, miroitiers.
MlREBALAlS, MlRABALAYS, Mi-
rebeau , arr. de Poitiers,
Vienne.
MiRELANGAULT, géant.
MiREVAULX, Mireval, arr. de
Montpellier, Hérault.
Missayr, messire.
Missicque, de la messe.
Mistes, Mystes, mystères.
Mitouard, matou.
Mitouflez, Emmitouflez, enve-
loppés.
Mixarchagevas, nom donné par
lesArgiens à l'étoile Castor.
Mna dies , corruption parlée
de bona dies, bon jour.
Mocitelle, hoche-queue, passe-
reau.
Mocque, Mocquette, moquerie.
Modal, suivant la mode.
Mode que (De), de sorte que,
de façon que.
Moine (Avoir le), être attrapé.
Le moine était un instru-
ment destiné à réchauffer le
lit en temps froid, et la
substitution de la neige ou
de la glace au feu, dans le
moine, était une plaisanterie
très-pratiquée.
Moine Bailler le), porter mal-
heur.
Moins de mon plus (Le), le plus
que je pourrai.
Mo/sso/?n/ers(Chevreaulx), che-
vreaux de redevance.
Molares, molaires.
Moler, larguer, 4àcher (Jal).
Moles, meules.
Mo/es^e^ fâcheux, du latin mo-
lesius.
Montions, travaux de siège.
MoUice, mollesse, douceur.
Molossicque , genre de danse.
MOMMORILLON.MONSMORILLON,
Montmorillon,ch.-lieu d'arr.
de la Vienne.
Monettes, qui avertissent.
Mongas, genre de danse.
GLOSSAIRE-INDEX
Monochordion , instrument de
musique à une seule corde,
du grec.
Monochordiser des doigts, imi-
ter le mouvement des doigts
sur un instrument à une
seule corde.
Monopes, animaux à un pied,
du grec.
Monopole, contrarié.
Mons Jovis, proéminence sur
les doigts.
MONSMORILLON. V. MOMMO-
RILLON.
McTNSLEHERY, Montlhéry, arr.
de Corbeil, Seine-et-Oise.
Monstkr^ monastère, église.
Monstre, cortège, procession.
Monstre (Chien de), chien qui
montre, chien d'arrêt.
MoNTRiBLE (Pont du), pont du
Mont-Terrible, pont imagi-
naire.
Mont (A), en haut.
Montaison, se dit du vin qui
commence à fermenter, à
monter dans la cuve.
MoNTARGENTAN, Porto di Tela-
mone, en Toscane.
MoNTEViEiLLE, héros de roman.
Montigenes, nés dans les mon-
tagnes.
Montjoye, entassement, mon-
ceau, amas.
MoNTSOREAU, arr. de Saumur,
Maine-et-Loire.
Morales, musicien espagnol
du XVie siècle.
Morcrocassebezassevezassegrig -
ueliguoscopapopondrilléjCon-
tusionné, blessé.
Morderegrippi.piotabirofreluch-
amburelurecoquehirintimpa-
nemens, coups.
Moret, suc du maurei ou mau-
rette, baie noire de l'airelle
ou myrtille.
Mor/îai7/€r, manger goulijment.
Morguan, Morgan, géant.
Morgue (La fée; , Morgane,
sœur d'Obéron et d'Artus.
Morgue, regard sévère.
Morgue (Bonne), bon visage.
Moriginer, soumettre.
Morisque, danse mauresque ;
Mauresque; nom d'une voile.
Morné, émoussé (Littré).
Morosophe, ïou sage, du grec.
Morpain, musicien du XVI^ siè-
cle.
Morpiaille, pediculus pubis.
Morguaguoqfuasse'jfoulé.froissé,
blessé.
Morrambouzevezengouzequoq -
uemorguatasacbacguevezine-
maffressé, l'œil, poché l'œil.
Mort beuf (Par la), juron.
Mort beuf de boys (Par la),
juron.
Mortier, sorte de bonnet de
magistrat.
Mortifiez, en forme de mortier.
Mosmerie, mascarade.
Mouchet, émouchoir.
Mouee, une volée, une quantité,
Moufpes, mitaines; bouffissures.
Moule, Moulle d'un bonnet, la
tête.
Moulle, caractère moulé, ca-
ractère d'imprimerie. On
:62
GLOSSAIRE-INDEX
dit encore : Il sait lire la
lettre moulée.
Moulinet, petit moulin.
Moulu, musicien.
MoulueSj morues.
Mourions, morions, casques.
Mourre, visage.
Mourre, jeu italien où il faut
dire vite le nombre de doigts
restés fermés aux deux mains
de son adversaire.
Mourrins, musaraignes, petits
rats mangeurs de blé, du
latin nius, mûris.
MouscHE (Maistre), nom d'un
charlatan; type de l'homme
adroit.
Mouschenez, mouchoir.
Mousche bovine, taon,
Mouschet, chasse-mouches.
Moussines, branches de vigne
avec les raisins.
Moust de vin, vin doux.
Moustardier, jeu de mot sur
moult tardier,qui tarde beau-
coup.
Moustardois, le pays de la mou-
tarde.
Moutons à la grand laine,
monnaie d'or de saint Louis
'à Charles VII.
Mo uv ans {Nous), nousexcitant.
Mouvons (Qtie) toute pierre,
que nous remuyions toute
pierre, que nous essayions
de tout.
Moyeux d'eufz. Prononcez :
meyeux ; c'est-à-dire : mi
lieux, les jaunes.
Moyneaux, guérites mobiles.
Mucer, Musser, cacher.
Mugueter, faire la cour, cour-
tiser.
Muguttz, galants.
Mules, engelures. V. Maies
mules.
Muliebre, de femme.
Muliebrité, état de femme.
Mulle (La), cabaret parisien.
Munde, pur, du latin mundus.
MuNiCAN, Munich?
MuRMAULT, peut-être J.Mur-
mellius, professeur du XVI^
siècle.
Musaffiz, Musaphiz, docteurs
de la loi musulmane.
Musimones, béliers?
Musser. V. Mucer.
Mut, muet,
Mutue, mutuelle.
Myault, onomatopée burles-
que, pour exprimer des
pleurs.
Mylasea, destinée à la meule,
farineuse.
Myoust, mi-août.
My rallier, miroitier.
Myres, médecins.
Myrebeau, Mirebeau, arr. de
Poitiers, Vienne.
Myrelingays en Myrelingues,
pays de la fabrique de Ra-
belais.
Myriandres (Naufz), navires
portant dix mille hommes,
du grec.
Myrobalans, Myrobolans em-
blicz, fruit du Myrobolanus
citrina, de la grosseur d'une
petite olive, et dont la cou-
GLOSSAIRE-INDEX
263
leur varie du noir au jaune.
Mysota, myosotis, ne m'oubliez
pas.
M)is'agogf<es^prêtres, prêtresses.
Mystes, prêtres initiés aux mys-
tères.
Nacelles, vases de métal.
Naïfve, véritable, naturelle.
Naphe, fleur d'oranger.
Naquets, mendiants.
Narsay, village du Chinon-
nais.
Nasitord, cresson alénois.
Nasturtium, cresson de fon-
taine.
Natatoires, bains où l'on peut
nager.
Nau, nau, nau, refrain d'un
noël poitevin.
Nature quite, anagramme de
Jean Turquet, ami de Rabe-
lais.
Nauchiers, navigateurs,
Naufj navire.
Naufz oner aires, navires de
transport.
Nausiclete, célèbre par ses
navires^ du grec.
Naute, pilote.
Navrer, blesser.
Nays, Nesde? arr.de Poitiers,
Vienne.
Nazardes, coups sur le nez.
Nazarder, taper sur le nez.
Nazdecabre, nez de chèvre.
Neares, animaux fantastiques.
Nearins, nom hébreu (?) d'un
serviteur de la Quinte.
Nebulon, mauvais garnement,
du latin nebulo.
Necromantie, divination par
l'évocation d'un mort.
Nedibins, serviteurs, de l'hé-
breu ?
Neemanins, puissants, de l'hé-
breu?
Nercins, adolescents, de l'hé-
breu ?
Nemains, serviteurs, de l'hé-
breu?
Nembroth, Nemrod, géant.
Nephelibates, peuple qui mar-
che au milieu des nuages,
du grec.
Nephrocatarticon, qui dégage
les reins, du grec.
Neric, Néris, arr. de Mont-
luçon, Allier.
Nettiz, nettoyés, rendus nets.
Nettre-Dene, Notre-Dame.
NiANTO (Francesco di) le Thus-
can, auteur de la fabrique
de Rabelais.
Nicander (Jovien) de Colo-
phon, médecin et poète grec
du IP siècle avant J.-C,
auteur d'un traité sur les
serpents.
Nicatisme, genre de danse.
Nice, propret.
Nicquenocque, chiquenaude.
Nieblé, gâté.
Nobles à la rose, monnaie
d'Edouard III d'Angleterre.
Noisettes, petites noises, petites
querelles.
Noix de pin, pommes de pin.
Noizille, noisette.
Nonacris, fontaine en Béotie.
264
GLOSSAIRE-INDEX
NoNNAiN (Le pont de la), an-
cien pont de Chinon.
Nosocome^ hôpital, du grec.
Notable, chose à noter.
Notice, connaissance.
Nou, Noud, nœud.
NouAiLLÉ, arr. de Poitiers,
Vienne.
Noverce, seconde femme de
père, du latin noverca.
Noyer (Balthasar), contempo-
rain de Rabelais à Mont-
pellier.
Noyrettes, jeunes noyers.
Nully, aucun.
NuMENius, philosophe grec du
II*^ siècle.
Nyctimene, changée en hibou
par Minerve.
Nymphsea heraclia, nénufar,
qui passait pour antiaphro-
disiaque.
Obelices, obélisques, obélisques;
aiguilles, aiguillettes.
Obeliscolychnies , obélisques
surmontés d'un phare; sol-
dats portant un falot au
bout d'une lance, du grec.
Obelies, oublies, plaisirs.
Obelon. V. Haubelon.
Objectes, mises devant.
Oblecter (S'), se réjouir.
Obrizé, affiné.
Obsister, s'opposer, faire ob-
stacle.
Obstestans, prenant à témoin.
Obtempérer, se soumettre.
06/ur6cr, troubler ; interpréter
les choses du mauvais côté.
Ocieux, oisifs, oiseux, pares-
seux, du latin otiosus.
OcKAM, théologien anglais du
XVe siècle.
Oconcevoir, atteindre.
Odes (Ile d'), île des Chemins,
du grec.
Odet, cardinal de Chastillon ;
était le frère aîné de l'ami-
ral Coligny.
Œdipodicque, qui a les pieds
enflés, du grec.
Œil de Jupiter, plante. Est-ce
la matricaire, dite aussi œil
de soleil ?
ŒnOPION. V. HiRCUS.
Œstre junonicque, taon, oes-
trum, que Junon envoya
s'acharner après lo, changée
en vache par Jupiter.
Œtyle, ville de Laconie.
Œuvres, travaux.
Offendre, attaquer, défendre.
Office, devoir, du latin officium.
Officiai, pot à uriner.
Offot, géant.
Og, géant, roi de Basan.
Ogier le Dannoys, l'un des
douze pairs.
Ogygies, bacchantes.
Ohabé (Le roii; suivant M. Sar-
dou, ce serait un mot hé-
breu signifiant : l'ami, le
chéri.
Oince, once, anima! du genre
chat ; lynx.
Oinces, articulations des doigts
qui font saillie quand le
poing est fermé.
Oinsestre (La marquise de), de
GLOSSAIRE-INDEX
265
Winchester.
OirCj vase. V. Aire.
Oiseau de masson, instrument
à l'aide duquel les maçons
transportent le mortier sur
leurs épaules.
Oizillets, petits oiseaux.
Olcam, Ockam, théologien an-
glais du XIV^ siècle.
Olif, huile.
Olif enlycaleil (languedocien),
huile dans la lampe.
Olimpicoles, habitants du ciel.
Olive {V), maison à Chinon.
Ollzegan, Jean Ockeghem, ou
Olkegan, musicien du XV^
siècle,
Olone, Olonne, arr. des Sa-
bles, Vendée.
Oltroy, action d'octroyer.
Olus atrum. Daps Pline, serait
une espèce d'ache? Dans
Plaute, ce serait, d'après les
traducteurs, des épinards.
Omniforme, qui prend toutes
les formes.
Omnigene, qui engendre tout.
Omnijuge, qui juge tout.
On, au, dans.
Onagrier, allure de l'âne sau-
vage, onagre.
Oncle (Un vieux), un vieux papa,
un vieux bonhomme.
Onestes, nom grec emprunté
à V Anthologie.
Onirocrite, interprète des son-
ges,
Oniropole, qui interprète ses
songes.
Onocrotale, palmipède, péli-
can; âne; oiseau fantasti-
que qui imite le braiment
de l'âne.
Onomatomantie, divination
par les lettres du nom de
celui qui interroge.
On quel, en ce ; pendant le-
quel.
Onymantie, divination par
l'ongle enduit de cire.
Onys, Aunis.
Onzay, Onzain (?), arr. de
Blois, Loir-et-Cher.
O O (Les benoists saincts), an-
tiennes de Noël, qui com-
mencent toutes par un O :
O Sapientia, etc.
Opérer, travailler.
Ophyres, serpents fantastiques.
Ophite, Ophyte, serpentine,
pierre dure, du grec,
Opignerée, ornée.
Opistographes, écritures, pa-
piers écrits.
Oppianus, Oppien, pcëte grec
du ne siècle.
Oppiler, boucher, fermer,
clore.
Opprimer, écraser, accabler,
combler.
Oppugner, assiéger, combat-
tre.
Opter, souhaiter.
Oranges, oiseaux,
Orbellis (Nicolas de), corde-
lier du XV^ siècle.
Orchades, navires.
Orche, a gauche, bâbord,
Orchis, orchis mascula, dont
le petit tubercule passait
34
t66
GLOSSAIRE-INDEX
pour antiaphrodisiaque, tan-
dis que le gros devait pro-
duire l'effet contraire.
Ord, sale.
Ordre (11 n'y a), cela va mal.
Ordres, rangs.
Orée, entrée, bord, commen-
cement.
Oreille, anse de vase.
Ores, actuellement, mainte-
nant, dès lors.
Organes, instruments de musi-
que.
Orgeau, barre du gouvernail
(Jal).
Orgues, orge.
Orgues (Dire d'), parler com-
un oracle.
Oribasius, Oribase, de Per-
game, médecin et ami de
Julien.
Oribus (Poudre d'), poudre de
résine.
Oriflamhe,Orifîant, oriflamme.
Oriflans, éléphants.
Origes, gazelles unicornes.
Orlando furioso, poëme de
l'Arioste.
Orobrinche, ers, légumineuse.
Oromédon, géant.
Orque, hourque, navire de
transport.
Orthies, chants de mort, du
grec.
Ortuinus Gratius, lîardouin
de Graetz, docteur de Colo-
gne du XVI'" siècle.
Orus Apollon, ou Horapollon,
grammairien grec du IV'- siè-
cle.
Osawiiere (Croix), croix au
pied de laquelle on chante
Hosanna le dimanche des
Rameaux.
Oscines, oiseaux qui prédisent
l'avenir par leur chant.
Oscitation, action de bâiller.
OssE, le mont Ossa en Thessa-
lie.
Ost, Oust, armée, camp.
Ostade, étoffe à longs poils.
Ostarde, Otarde, outarde.
Otacustes, espions, du grec,
Othe, géant.
Ou, dans le.
Ouailles, moutons.
Oultrés, gonflés, gros comme
des outres.
OuZ/roy, octroi, chose octroyée.
Oultroyer, octroyer, donner.
Ous, os.
Oust. V. Ost.
Ouster, ôter.
Outre, au delà; Rabelais en
fait un pays.
Ouvert, nu, découvert.
Ouvrouoir, ouvroir, lieu de
travail, boutique.
Ouzeaulx. V. Houseaux.
Oxydraces, Oxydraques, peu-
ples de l'Inde.
Oyre, outre.
Ozillons, petits oiseaux.
Pacolel, cheval de bois en-
chanté , dans Vakntin et
Orson.
Faction, traité.
Paele, Palle, manteau, du lat.
palUuni.
GLOSSAIRE-INDEX
Paelles, poêles.
Paeslon^ poêlon.
Paeone, pivoine.
Paffuz, armes tranchantes.
Pagine, page.
Pagnier, musicien.
Pailles^ poêles.
Pal, pieu.
Palatj Palatin, ^ahis, qui tient
au palais.
Palices (Les deux), jumeaux
enfantés par Jupiter et la
nymphe Thalie.
Palingenesie, régénération.
Paliniocie, renaissance, nou-
velle naissance.
Palle. V. Paele.
Palle, chaton de bague.
Palle, Pale, pelle.
Palletoqué, bien vêtu.
Palluau, arr. des Sables, Ven-
dée.
Palmes, palmiers.
Palodes ou Pelodes, port d'É-
pire.
Palude. Palus, Paluz, marais.
Palus Camarine ou Cainerine,
marais fangeux en Sicile.
Palys, barrière.
Pamphile, Pamphylie.
Pampillette, Papillette, petite
houppe de soie, paillettes.
Pamyle, femme thébaine à qui
une voix avait prophétisé la
naissance d'Osiris.
Panacea. Est-ce V Arnica mon-
tana, qu'on nommait Pana-
cea Lapsorum ?
Panaciée, panacée, remède
universel.
Pane, panne, roulis d'un na-
vire (Jal).
Panerotz, paniers.
Panes, pans, satyres.
Panicault, chardon Roland.
Panice, panique.
Panigon, du latin paniculus,
petit pain, ou du grec -rràv
zixo'yj, toute image.
Panomphée, qui rend à tous
des oracles.
Panorme, Panormitan, Niccolo
Tedeschi, dit Panorrnitano,
canoniste italien du XIV^
siècle.
Panouere, pannetière.
Pantagruelisme, gaieté philoso-
phique.
Pantagruelistes, bons vivants
intelligents.
Pantarches, Pantarques, regis-
tres, actes, papiers.
Pantharbe , pierre précieuse
indienne.
Pantheologie, toute théologie.
Pantophle, mule, pantoufle.
Pantodiables, tout-diables, dia-
bles de toutes les façons.
Pantagruelion, le chanvre.
Panurge, qui fait tout, du grec.
Panzoust, Panzoult, arr. de
Chinon, Indre-et-Loire.
Pao cap de bious... Voici la
traduction que donne de ce
discours M. Burgaud :
« Tête bœuf, mes petits,
que l'ivresse vous roule à
terre ! Maintenant que j'ai
perdu mes vingt-quatre va-
chettes, je n'en donnerai que
:68
GLOSSAIRE-INDEX
mieux des coups de griffes,
de poings et taloches. Y a-
t-i! quelqu'un de vous autres
qui veuille se battre avec
moi de franc jeu? »
Paoul, Paul.
Paour, peur.
Paouvre, pauvre.
Papefîgues, ceux qui font la
figue au pape, qui se mo-
quent de lui.
Papefil, nom d'une voile (Jal).
Papegay, Papeguay, perroquet.
Papelard, hypocrite.
Papeligosse, pays où l'on se
moque du pape,
Paperat, papier.
Papier baptistère, registre des
actes de baptême, seul état
civil alors.
Papillette. V. Pampillette.
Papiinanes, ceux qui ont la
manie du pape, qui en sont
les partisans absolus.
Papimanie, papisme exagéré.
Papinian, Papinien, juriscon-
sulte romain du IF siècle.
Pappes, duvets.
Parabolains, infirmiers.
Paradis (Graines de), semences
de VAinomum grana para-
disi.
Paradoxe, adj., paradoxale.
Paragon, Parangon, modèle,
comparaison.
Parangonner, comparer.
Paranomasie , Paronomasic ,
ressemblance entre des mots
de différentes langues. On
appelle paronomase le rap-
prochement dans la même
phrase de mots dont le son
est à peu près semblable,
mais dont le sens est différent.
Paranymphe, conducteur, in-
troducteur.
Parasanges, Parasangues, me-
sure itinéraire des anciens
Persans, évaluée à 3,75o pas.
Parasine, poix-résine.
Paras^afes, conduits séminifères.
Par autant, par ce que.
Parces, les Parques.
Parceux, perçus.
Para, léopard.
Pardoinner, pardonner.
Pardonnaires , Pardonneurs,
vendeurs d'indulgences.
Pardonnigere, porteur d'indul-
gences.
Pardons, indulgences; lieu de
pèlerinage où l'on va pour
gagner des indulgences, des
pardons.
Parement, garniture.
Parez, accouplés.
Parfaict, Parfait, fait accom-
pli, achevé, fini.
Parfond, profond.
Par forcer, forcer.
Par forcer (Se), s'efforcer.
Parguoys, Perguois, du Perche.
Parien, de Paros.
PARiLLÉ,Parilly, arr.de Chinon,
Indre-et-Loire.
Pariser, appareiller, rendre pa-
reil.
Parlouoire aux bourgeoys ,
grande salle d'hôtel de ville.
Parodelles, fromages ronds.
GLOSSAIRE-INDEX
269
ParpaillonSj Parpaillos, papil-
lons, mécréants.
Parragonner, comparer.
Pars Les), le rudiment.
Parsus, par surplus, au surplus.
Part, partie, lieu, où.
Part (La), le parti.
Partement, départ.
Parthenay, ch.-lieu d'arr. des
Deux-Sèvres.
Parthenay-le-Vieulx, rasé en
i486 par les troupes de
Charles VIII.
Parthisanes, pertuisanes.
Partir, diviser, partager, faire
les parts.
Partuys, pertuis, trou.
Pasadouz (provençal), flèche.
Pasle, pelle.
Pasquenade, panais.
Pasques de soles, Pâques du
soleil, du dimanche; juron,
Pasquillu5,doctor marmoreus,
Pasquin, restes d'une statue
de marbre, au coin d'une
rue de Rome, sur laquelle
on affichait des épigrammes.
V. Marforio.
Passato el pericolo, gabato el
santo , passé le danger,
moqué est le saint.
Passavantus, Jacques Passa-
vant, moine florentin.
Passelourdin, rocher près de
Poitiers.
Passe sans flux, terme de jeu
de cartes, pas de résultat; je
m'en prive.
Passereau, musicien.
Passevolan, pièce de canon
d'origine italienne.
Passion de Saulmur, mystère
de la Passion, joué à Sau-
mur en i 534.
Past, pâture, repas.
Pastophores, prêtres égyptiens.
Patacz, patars, monnaie de
cuivre.
Patays. Est-ce Pantays, court
d'haleine ?
Pâté, pattu.
Patelin, jargon; allusion au
langage de Pathelin.
Patelinage, farce dans le genre
de la Farce de Pathelin.
Patelineux, imitateur de Pa-
thelin.
Patelinoys, langage de Pathelin.
Patenostres, chapelets.
Patenostre du cinge, grimace.
Patent, visible; sans nuages.
Patespelues, hypocrites qui font
patte de velours.
Patience, plante employée pour
les ladres, contre la lèpre.
Patrocinations, longs discours.
Patrociner, parler longuement.
Patroiller , piétiner dans la
boue.
Pau, pieu.
Pautillé, Pautilé, Potillé,
village du Chinonnais.
Pavaniers, qui dansent la pa-
vane.
Pavée d'Andouilles (Rue). La
rue Saint-André-des-Arts a
porté ce nom.
Pavoys, grands boucliers.
Paxes, îles de Paxos.
Pean, surnom d'Apollon.
lyo
GLOSSAIRE-INDEX
Peaultraille, canaille.
Peautre, barre du gouvernail.
Pecile, varié, du grec.
Pecune, argent.
Pédales (Doubles), saut des
quatre pieds.
Pedané, qui va à pied; qui
reste debout.
PîDAUCQUE (La royne), per-
sonnage aux pieds d'oie,
légendaire à Toulouse.
Peder, péter.
Pegiiad, pot de vin.
Pelaudans (Se), s'arrachant les
poils, se battant.
Pelauder, battre; user la peau
à force de la battre.
Pé lé quau Dé! par le corps
Dieu ! juron poitevin.
Pèlerin (Faire un), faire vœu
d'envoyer quelqu'un en pè-
lerinage.
Pelei, petit poil,
Pellaaderies, membranes.
Pellican, pélican, pince à bec
à l'usage des dentistes.
Penader, sauter, danser, piaffer.
Penaillon, déguenillé.
Penard, grand poignard.
Pendilloche, pendelocque.
Pendre, dépendre.
Pêne de nez, l'arête du nez.
Peneau, penon, flamme du
haut du mât.
Pener, peiner.
Penet, musicien.
Peneux, tout honteux.
Penie (Dame), pauvreté, du
grec.
Penier, panier.
Pennades, coups de pieds de
derrière.
Pennage, Pennaige, plumage.
Pennes, plumes.
Pensaroys, le pays des pensées.
Pensement, inquiétude, pensée.
Pensile, suspendu.
Pentaphyllon, potentille ram-
pante.
Pephages, animaux fantastiques
Perannité, éternité.
Peratre, parâtre.
Perazons, chevaliers, de l'hé-
breu?
Perdonnances, façons de gagner
des pardons, des indulgences,
Perdrier (Jan), contemporain
de Rabelais à Montpellier.
Perdurante, durant.
Perefamiles, père de famille.
Peregn/zs, voyageurs, étrangers.
Pereilleux, périlleux.
Pères, moines.
Perforaminé, piqué.
Perguois. V. Parguoys.
Perichairie, grande joie,
Periclymenos. Ce serait le chè-
vrefeuille.
Perigot, le Périgord,
Perigrinité, action de voyager,
Periller, périr.
Périt, habile, du lat. peritus.
Perlas Isles de ' , iles aux perles.
Perples, compliqués.
Pers, bleu foncé, bleu noirâtre.
Persephone, Proserpine,
Perser, franchir.
Perses, Persée.
Persicque, de Perse ; espèce de
danse.
GLOSSAIRE-INDEX
PersicqueSj Persiguiere, persi-
caire poivrée, piment d'eau.
Perspectif, qui peut percevoir.
Pertuisé, troué.
Pesinunt , Pessimonte , en
Phrygie.
Peslier, poêlier.
Petault (Le roy), héros de
quelque conte populaire.
Petauristique, de danseurs de
corde, du grec.
Petrocil, persil.
Petron, Pétrone?
Petron, philosophe sicilien.
Petrus Alexandrinus, com-
mentateur d'Hippocrate.
Petrux (Os), le rocher, partie
de l'os temporal.
Peuple, peuplier, populus.
Pevier, pierrier.
Phabetor, ministre du Sommeil.
Phalarices , javelots porte-
flamme.
Phaleré, harnaché, capara-
çonné.
Phantasie, fantaisie.
Phantasmes, Phantasmes, fan-
tômes.
Phantasus, ministre du Som-
meil.
Pharingues, pharynx.
Phaseols, haricots, du latin
phaseolus.
Phébol, île du golfe arabique.
Phée, résolu par le destin.
Phée (adj.), enchantée.
Phengite, transparente.
Philautie, amour de soi, amour-
propre, du grec.
Philippus, monnaie d'or.
Philippus (Tournoy),un sol ou
douze deniers.
rHiLOCORus, historien et poëte
athénien.
Philo groholizez, perplexes.
PHiLOLAiis, philosophe de Cro-
tone ; vivait 400 ans avant
J.-C.
Philophanes, qui aime à se
faire voir, du grec.
Philotheamon, qui aime à voir,
du grec.
Philostrate, auteur de la vie
d'Apollonius de Tyane.
PiiiLOTOME, qui aime à couper,
nom d'un maître d'hôtel, du
grec.
Philoxenus, gourmand de l'an-
tiquité.
Phlebotomie, saignée, du grec.
Phlosque, bouteille, de l'ital.
fiasco.
PhreneSj aponévroses du dia-
phragme.
Phrixus et Helle, enfants du
roi de Thèbes Athamas,
furent transportés en Col-
chide par un bélier dont la
toison devint la toison d'or.
Phrontiste, vigilant, du grec.
Phrontistere, lieu d'études, de
veilles, du grec.
Phrygie, genre de danse.
Phryson, cheval de frise.
P/î//ijnas/s,maladie pédiculaire ,
du grec.
Physetere, baleine, cachalot.
Physon, l'un des quatre fleuves
qui sortaient du paradis.
Piboles, flageolets.
2 7 2
GLOSSAIRE-INDEX
Pication, emploi de la poix.
Picote, petite vérole.
PiCQUET (Trilman). Il y a eu a
Montpellier une famille de
médecins de ce nom.
PiCROCHOLE, bile amère^ du
grec.
Picus MiRANDULA, Pic de la
Mirandoie, omniscient du
XVe siècle.
Fiez mars, pivers, picus mar-
tius, oiseau.
Pie second, ^Eneas Sylvius,
pape, qui publia des livres
de géographie.
Pieça, depuis longtemps.
Pièce, morceau.
Pièce (En), en aucune façon.
PiEDEBOYS, médecin d'Angers.
Pierre levée, pierre druidique
près de Poitiers.
Piéton (Foi de), foi d'homme
qui va à pied, parodie de :
Foi de chevalier.
PiETRO (Don) de Castille ; est-
ce Pierre le Cruel, est-ce
l'infant de Castille, frère
d'Alphonse V?
Pifre, gourmand ; fifre.
Pigne,pigner,^e.\gnQ, peigner.
Pile Sainct-Marc, monument
carré de près de 3o mè-
tres, d'origine inconnue, à
3 kilomètres de Saint-Mars,
près de Langeais.
Pilettes, ornements de bonnets.
Pille (Amusez à la), jouant à
la balle.
Pille, nade, jocque, fore, ter-
mes du jeu des dés.
Pille à mil, mortier à millet.
Pillemaille, maillet au jeu du
mail.
Pillotizer, bâtir sur pilotis.
Pilât, pilote.
Pinard, petite monnaie.
Pinart, gaillard.
Pinastre, pin sauvage.
Pineau, nom d'un cépage.
Pingres, petites billes d'ivoire.
Pinne, arête.
Piolé, bariolé.
Pioller, piailler, criailler.
Pion. V. Pyon.
Piot, Pyot, pot ; la boisson
par excellence.
Pippe, mesure de liquide dont
le contenu varie suivant les
pays.
Piraticque, piraterie.
Piscantine, eau rougie.
Pisioletz, poignards de Pistoie;
gens nés à Pistoie.
Pistons, pilons.
Pistrines, meunerie?.
Pital, bassin de chaise percée,
de l'ital. pitale.
Pithe, petite monnaie, le
quart d'un denier.
Pithies, buvettes, du grec.
Pitoyable, pieux.
Pivars. V. Picz Mars.
Placiades (Fulgentius), gram-
mairien arabe du IV siècle.
Plaincts, plaintes.
Planté, abondance.
Planudes (Max), écrivain grec
du XIVc siècle.
Plasmateur, créateur de for-
mes, du grec.
GLOSSAIRE-INDEX
3
Plasmature, forme.
Plataine, plateau, ou plutôt
platane d'or que Pythius
aurait donné à Darius.
Playdoyens, plaideurs.
Plegeray, provoquerai à boire.
Pleiger guaillard, lutter à qui
boira le plus.
Plombin, Piombino, en Tos-
cane.
Plonge (Au), en plongeant,
Plotin, philosophe grec du
me siècle.
Plumailj aileron de volaille
qui a conservé ses plumes,
et sert à enlever la poussière;
la volaille elle-même.
Plumart, plumet.
Poche, cuiller à servir le po-
tage.
Poche, Pochée, sac.
Pochecullieres, oiseaux d'eau.
Podagres, goutteux.
Podestat, gouverneur.
Page, à droite, tribord.
Poictral, poitrail.
Poiltronité, poltronité^ poltron-
nerie.
Poiltrons, poltrons; paresseux.
Poinct, Poincture, Poindre, pi-
que, piqiàre, piquer.
Poine, peine.
Poisant, pesant
Poisles, poêles.
Poitry, pétri.
Pote, plie ; poisson plat.
PoLiTiAN, Ange de Ambroginis,
dit Poliziano, érudit et poëte
italien du XV^ siècle.
PoLLUX (Julius), écrivain grec
Rabelais. V.
du 11^ siècle.
PoLYDAMAS, devin célèbre dans
l'antiquité.
Polymyxe (Lanterne), lanterne
à plusieurs becs, du grec.
PoLYPHiLE. Hypnerotomachia
Polyphili : Venise, Aide Ma-
nuce, 1499, in-folio. L'au-
teur est Fr. Colonna.
Polypragmon, curieux, indis-
cret, du grec.
PoLYSTYLO, Abdere, dans l'anti-
quité.
Pomme de Pin (La), cabaret
parisien.
PoMPEÏE Plautine, épouse de
l'empereur Julien.
Pomper, faire le fier.
Pompettes, verrues, boutons
rouges et luisants; pom-
pons.
Ponant, Ponent, couchant.
Poncires, variété du citronnier
de Médie.
Pond, pondu.
PoNEROPOLE, ville des mé-
chants, du grec.
Ponnent, Ponnus, pondent,
pondus.
PoNOCRATEs, homme laborieux,
du grec.
Pont-Alais (Jean de), auteur
et acteur de farces, morali-
tés et sotties.
Pont- aux -Meusniers, ancien
pont de Paris.
Pont-de-Clam ^ village du
Chinonnais.
Pontal, planche sur laquelle
on va du navire à terre (Jal).
35
274
GLOSSAIRE-INDEX
PoNTiNER, le sonneur de corne
des Suisses à Marignan.
PoNZAUGES, Pouzauges, arr.
de Fontenay-le-Comte, Ven-
dée.
Popismes (Petits), mouvements
élégants de voltige.
PoR£, Porus, géant.
PoRPHYRio, géant.
PoRPHYRius, Porphyre, écrivain
grec du III^ siècle.
Porter (Se), se comporter.
Portai, portail.
Portecole, le souffleur pendant
la représentation d'un mys-
tère.
Portement, santé, manière de
se porter.
PortenteSj choses prodigieuses,
du lat. portenta.
PoRT-HuAUX, village sur l'In-
dre, au nord-est de Chi
non.
Porto SANCTO,peîite île Madère.
Portoueriere (Nauf), navire qui
a pour enseigne une Por-
touere, hotte de vendangeur.
Portouoire, portuoir, hotte de
vendangeur.
Portri, pourtour.
Portugualoys, portugais.
PoRUS, dieu de l'abondance.
Poser (Se), se reposer.
PossiDONius, philosophe syrien.
Possouer, enfonçoir, qui sert à
enfoncer.
Poste, poteau.
Pot à plume, pot o\X l'on
garde les plumes des volail-
les jusqu'à ce qu'il y en ait
assez pour faire un lit.
Pot pourry, plat composé de
viandes et de légumes divers
mêlés ensemble.
Poiatif, buveur.
Potet, petit vase, petit pot.
PoîingLies, buveries.
Pouacres, hérons ; podagres.
PoLidrebif, poudre de bœuf.
Poulain, deux fortes charpen-
tes, réunies par de courtes
traverses, sur lesquellesglisse
la pièce de vin qu'on des-
cend en cave.
Poukmart, gros fîl, ficelle.
Poullains grenez en laratouere.
M. Burgand voit là des ra-
tières à poulie.
Poulie (Courir la), marauder.
Poulies de Inde, dindes, din-
dons.
Poulpre, poulpe, mollusque.
Poultre, jeune jument.
Poupié, pourpier.
Pourreaux^ poireaux.
Pourrée, poirée, bette.
Pourtant, ainsi donc, c'est
pourquoi, à cause de cela.
Pourtraire, peindre, dessiner,
représenter, faire le portrait.
Poussavant, jeu.
Poussé (Vin), vin fermenté.
Poussinierc (L'étoile), les Pléia-
des.
Poutargues. V. Boutargues.
Pouvoir (ellipse), pouvoir tenir.
Poy, peu.
Poyer, payer.
Poyzars, tiges des pois.
Pracontal (Her), proconsul
GLOSSAIRE-INDEX
2^5
de la fabrique de Rabelais.
Prsesagir, présager.
Prseveid, prévit.
Przvieigne, prévienne.
Prassine, verte, du lat, prasina.
Praye, proie.
Pncation, prière.
Preceptions , enseignements ,
préceptes.
PreclarCj célèbre, du lat. prae-
clarus.
PrecLiles, prières.
Predicantes (Les), les Haran-
gueuses d'Aristophane.
Prefation, préface, chose mise
en avant.
Prefix, fixé d'avance.
Pregustes, goûtant d'avance,
dégustateurs.
Prelations, prélatures.
Premier, adverbe, première-
ment.
Preneur de taulpes, attrapeur
d'imbéciles. Les taupes pas-
sent pour aveugles.
Prescriptz, préceptes.
Presle, prèle, queue de che-
val.
Pressouer, pressoir.
Presteres, orages, du grec.
Prestjan, souverain oriental
légendaire au moyen âge.
Prestolant, attendant.
Prestolans, juges de village.
Preu, profit.
Preude, honnête, prude dans
le bon sens.
Prieras (Sylvestre), jacobin du
XVP siècle.
Prime face, première vue.
Prime vere, le printemps, pri
ma vera.
Primeve, ancien, du premier
âge.
Primipile, centurion de la
première compagnie de la
cohorte.
Prindrent, Prins, Prinse, pri-
rent, pris^ prise.
Prioris, musicien du commen-
cement du XVP siècle.
Priour, prieur.
Friving, beau-fils, du latin
privignus.
Probation (L'an de), l'année
d'épreuves.
Proboscide, trompe, du grec.
Procéder oultre, passer outre.
Prochain, proche parent.
Prochaines, près de, proches.
Prochas, Prochatz, pourchas,
poursuite.
Proclus, poëte et philosophe
byzantin du V^ siècle.
Procultous, procureurs.
Procurer, rechercher.
Prodenou, palan.
Prcetides, filles de Prœtus, af-
folées par Junon.
Proficiat, bienvenue, terme
ecclésiastique.
Profiterolle, espèce de gâteau.
Progné, changée en hirondelle.
Progrez, marches, progressus.
Prolepsie, objection prévue, du
grec.
Promoconde, dispensateur éco-
nome.
Promotion, instigation.
Promovens, prenant l'initiative.
.76
GLOSSAIRE-INDEX
Propenser, méditer.
Prophylactique, préservative.
Propouser, tenir un propos.
Prore, proue.
Proscrire, adjuger en vente
publique.
Prosopopée, déguisement, du
grec.
Protervie, sacrifice pour rendre
un voyage heureux.
Protodiables, diables de pre-
mier rang.
Prototype, modèle.
Protraictj dessin, portrait.
Protraire. V. Pourtraire.
Prou, beaucoup.
Prouffiter, profiter.
Proust (François), de la mai-
son de Du Bellay.
Provent, pourvu.
Proximes, proches, du latin
proximus.
Psoloentes, foudres, du grec.
Psycogonie, procréation de
l'âme, du grec.
Psylion, plantain des sables.
Ptissane, tisane.
Pudendes, parties sexuelles.
Punays, puant.
Pungitive, poignante.
Puputz, huppes.
Purée septembrale, le vin. On
vendange généralement en
septembre.
Putherbes (Les Enraigez). Les
enragés partisans de Puits-
Herbault, moine qui a dif-
famé Rabelais.
PuY (Le). Est-ce le Puy-Notre-
Dame , arr. de Saumur,
Maine-et-Loire ?
Pymion, pays des Pygmées.
Pyon, simple soldat; la pièce
des échecs qui a le moins
de valeur ; buveur.
Pyreicus, peintre dont parle
Pline.
Pyromantie, divination par le
feu.
Pyrope, escarboucle.
Pyrricque, genre de danse.
Quaderne, quaterne, les deux
quatre aux dés.
Quadrannier, de quatre ans.
Quadrivies, carrefours, du
latin quadrii'icC.
Qitanard, canard.
Qiiand est de moi, quant à
moi.
Quand Israël hors d'Egypte
sortit, ce vers est de Marot.
QuANDÉ, Candé, arr. de Blois,
Loir-et-Cher.
Qiiants, Quaniz, combien.
Qiiaquerolles. V. Caquerolles.
Qj.iare ? quia, pourquoi ? parce
que.
QuARESME PRENANT, C'est ici la
personnification du carême,
et non le mardi gras seule-
ment.
Quarreaux, traits d'arbalète.
Qj.tarres, carats.
Quarreleure, semelle.
Quarroy, carrefour.
Quart, quatrième.
Quartiers brisans, quartiers de
lune.
Quatridien, de quatre jours.
GLOSSAIRE-INDEX
277
Quecas, noix.
QueconqueSj quelconque.
Qathcue, queue ; cul-de-Iampe.
Quelle part, où.
Quemin (picard), chemin.
QuENELAULT, médecin normand.
QuenoilleSj quenouilles.
Quentin (Jan), contemporain
de Rabelais à Montpellier,
que Le Duchat croit être le
même que Giovanni Quin-
tiani, médecin italien.
Querelans, cherchant querelle;
questionnant.
Querelle, demande.
QueritanSj demandants.
Quiers, cherche.
Queux, cuisiniers.
Queux (Maistre), intendant
des cuisines.
Quid est, quest-ce que ? titre
d'un livre de classe du XVI«
siècle, par demandes et par
réponses.
Quidditatif, qui est en soi-
même.
Quiète, en repos, du lat. quietus.
Qui ha, si parle, que celui
qui a quelque chose à dire
parle.
Quinault (Faire), faire camus,
forcer à s'avouer battu.
Quine, les deux cinq aux dés.
QuiNQUENAYS, vignoblc près
de Chinon, d'après Le Du-
chat.
Quinquenelle, rien, en poite-
vin.
Quinquenelles, délai de cinq
ans accordé à un débiteur
pour payer ses dettes.
Quint, Quinte, cinquième.
Quinte, alchimie.
Quintaine, exercice militaire
qui consiste à frapper de la
lance un mannequin ou un
poteau.
Quinterne, guitare.
Quintessence, cinquième es-
sence, propriété par excel-
lence des choses.
Quintessentiaux, tireurs de
quintessence, alchimistes.
QyiNTus Calaber, Quintus de
Smyrne, poète grec du V^ ou
du Vl^ siècle.
Quitte (M. le), monsieur sans
dettes.
Quotté, noté.
Quoy. V. Coy.
Raballe, ratissoire.
Rabanistes, porteurs de rabats ;
rabbinistes.
Rabbes, raves.
Rabiz, rabbins.
Rabouliere, Raboulliere, ter-
rier du lapin, recoins de ce
terrier.
Rabrebans, grand seigneur, de
l'hébreu?
Rachapter, racheter.
Raclet, professeur de droit à
Dôle.
Racleresse de verdet, éplucheuse
de légumes (Burgaud). Le
vert-de-gris s'appelle verdet;
serait-ce : nettoyeuse de
chaudrons, racleuse de vert-
de-gris?
2^8
GLOSSAIRE-INDEX
Racquedenare, Racledenier.
Radz, rangs.
Ragletorelz, frotteurs, racleurs
de la peau, dans les bains.
Ragot, capitaine des gueux.
Raillons, fers du bout des ja-
velots, des flèches.
RairCj raser.
Raislier, associer.
Ramasse, discipline.
Rambades, pavillons construits
à la proue d'une galère (Jal).
Ramberges, navires dont la
marche est rapide (Jal).
Rameau, Pierre La Ramée, dit
Ramus, philosophe, gram-
mairien, philologue du XVF
siècle.
Ramenttvoir, rappeler, se sou-
venir.
Raminagrobis. Ce serait Guil-
laume du Boys, dit Crétin,
poëte du XVl^ siècle. Le
rondeau Prenez-la se trouve,
avec des variantes, dans les
poésies de Crétin.
Ramons, petits balais de cui-
sine.
Rançon, crochet, pique, halle-
barde, grappin, dard acéré.
Ramparer (Se), se réparer, se
remettre en ^tat.
Ranco (De), de main en main,
avec ordre.
Ranes, rainettes, grenouilles.
Rane gyrine, gyrin, têtard,
grenouille sous sa première
forme.
Rapallus, nom de diable.
Rapars, moines rapaces.
Raphe, jeu à coups de poing.
Rasettes, os du poignet.
Rasouer, rasoir.
Rassoie, rendu sot; aussi sot
que possible.
Rat (Gros), grosse bévue,
grosse erreur.
Rataconneur, raccommodeur,
rapetasseur.
Râtelle, rate.
Ratepenade, chauve-souris.
Ratifier, affirmer.
Ratiocination, Ratiociner, rai-
sonnement, raisonner.
Rational, raisonnant.
Ratouere, ratière.
Ratz, détroits ; sables.
Ravasseur, rêvasseur,
Ravelins, tranchées.
Real, espèce d'esturgeon.
Realement, réellement.
Rebatz, esprits follets.
Rebec, violon à trois cordes.
Rebecquer, rebiffer.
Rebidaines, Rebindaines (A
jambes), les jambes relevées,"
les quatre fers en l'air.
Rebouscher, s'émousser, se re-
courber.
Rebousse, revêche.
Rebras, retroussis, repli.
Rebraz (Double), double re-
pli ; cette expression veut
dire le plus possible.
Rebrassit, retroussa.
Rébus, façons de parler parti-
culières.
Recepvent, reçoivent.
Recesses, retraites.
Record 'Être) ou recors, se sou-
GLOSSAIRE-INDEX
79
venir.
Receler par cœur, réciter.
Recollez (Les joueurs), ayant
repassé leurs rôles.
Recompense, reconnaissance.
Record, avertissement.
Recordation, souvenir.
Recourser, rebrousser, retrous-
ser.
Recouvert, recouvré.
Recouvrer, obtenir, avoir.
Recouvreur, couvreur.
Recreuz, vaincus.
Recueil, Receuil, accueil.
Recuillir, recueillir, accueillir.
Reculorum (A), à l'écart,
Recutitz, circoncis.
Redame (Je), j'aime.
Rédiger, réduire.
Reduyt à mémoire, rappela.
Réfection, repas.
Refuis, repoussés.
Refuyent (Se), se sauvent,
s'éloignent.
Regilian, Quintus Nonus Re-
gilianus, Dace d'origine,
général sous Vespasien, élu
empereur par ses soldats.
Régis (Pierre), prédicateur du
XVie siècle.
Regnard, renard.
Regnault de Montauban,
personnage des Quatre Fils
Aymon.
Regoubillonner ,Reguoubilloner ,
faire le réveillon.
Regualles, tuyaux d'orgue.
Reigletz, filets dorés.
Relenteur, odeur de relant, de
moisi, de renfermé.
Relés, relais.
Religion, maison de religieux,
couvent.
Remembrer , rappeler.
Remémorer, se rappeler.
Remolquer, remorquer.
Remore, Echeneis rémora, pe-
tit poisson qui s'attache aux
navires à l'aide d'un appa-
reil à succion, mais qui n'en
retarde en rien la marche.
Remoytie, moite.
Remparer (Se), se fortifier, se
mettre derrière des remparts.
Renaguer, renier, du latin re-
negare.
Rendouer, le Rendoir, là où les
actions sont punies ou ré-
compensées.
Reniguebieu, renie-Dieu.
Renier, jurer.
Repaire, fiente de bête sauvage.
Repaisaille, Repaissaille, repas.
Réparation de dessoubz le nez,
ce qu'on mange.
Repceoyt, Repceu, reçoit, reçu.
Repetacé, rapiécé.
Repeter, demander de nouveau,
réclamer.
Repous, Repouser, repos, palier;
reposer.
Requamé, brodé, niellé, da-
masquiné.
Requiesce, repose,
Resjeuner, Ressieuner, Ressiner,
faire collation, goûter.
Resolution, solution.
Resplendentes, resplendissantes.
Response, raiponce.
Ressaleument, re-salut, re-salu-
!8(
GLOSSAIRE-INDEX
ment, nouveau salut.
Resserrer j reprendre.
Restes, loisirs.
Restile, qui rapporte tous les
ans^ du latin restilis.
Restrinctif, astringent.
Resudante, suante.
Resveiglay (Me), me réveillai.
Retaillaiz, eunuques.
Retaillatz marranes, renégats
circoncis. V. Marranes.
Retaillons, morceaux de drap.
Retepenade, chauve-souris, en
languedocien.
Retirant, ressemblant.
Retirante, attenante.
Retombe, Retumbe,\3ise à boire.
Retornant, revenant,
Retouble, champ fauché,
chaume.
Retraict, cabinet d'aisances.
Retraict du guoubelet, l'office,
l'endroit où l'on serrait le
service de table.
Retraict lignagier, droit qu'a-
vait un membre de la lignée
de reprendre un héritage à
celui qui l'avait acheté. Ici
retrait signifie latrines.
Reuchlin, théologien du XV!"
siècle.
Révélation (La), l'Apocalypse.
Revenu de queue, dont la
queue a repoussé, ou qui a
perdu la queue ?
Révérence, respect.
Revocquer, Révoquer, ramener,
rappeler, enlever, faire reve-
nir.
Revocquer en recordation, rap-
peler à la mémoire.
Rez, ras, rasés.
Rhabarbe, rhubarbe.
Rhagadies, rhagades, fissures.
Rhizotome, coupeur de raci-
nes, du grec.
Rhodigina (Jacoba), femme
ventriloque.
Rhombe girante, toupie, ou
plutôt sabot tournant sous
les coups de fouet que lui
applique le joueur.
Ribaudaille, péjoratif de ri-
baud.
Ribaulx, vauriens,
Ribleur, coureur de nuit,
Ribon, ribaine, bon gré, mal
gré.
Ricasser, sourire, rire sous
cape.
RiCHARDFORT, Jean Richafort,
musicien belge du XV^ siè-
cle.
Richinant, rechignant.
Ricqueracques, ulcère du fon-
dement.
Ridde, monnaie d'or.
RiFLANDOuiLLE, géant imagi-
naire.
Rigoller, RigouUer, rire joyeu-
sement^ se réjouir.
Rillé, Rislé, rillettes, conserves
de fragments de porc; celles
de Tours sont particulière-
ment célèbres.
Rimasseurs, rimailleurs.
Rimer, se dit, en saintongeais,
d'un aliment qui s'attache
au fond du vase où on le
fait cuire ; d'où : « As-tu
GLOSSAIRE-INDEX
:8:
pnns au pot, veu que tu
rimesdesja? »
RiOLE (La). La Réole, chef-
lieu d'arr., Gironde .
Riolé, rayé, bariolé.
Riottes, disputes de peu d'im-
portance.
Riparographe, qui écrit sur des
riens.
RiPHÉES (Montsj, monts hyper-
boréens.
Ripperie^ escroquerie.
Rislé. V. Rillé.
Risses j hérissons.
RivAU (Le), village du Chi-
nonnais ; est-ce le même que
Rivière ?
Riveran, passeur en bateau.
Rivereaux, gaffes, crochets
de bateliers.
Rivière, La Rivière^ arr. de
Chinon, Indre-et-Loire, où
il y avait un pèlerinage re-
nommé.
Robbe (Bonne), commère ave-
nante de toutes les façons.
Robbe (En), à la dérobée.
Robber, dérober, voler.
Robbes, tout le bagage d'un
voyageur, de l'italien ro66a.
Robert le Diable, ancien ro-
man populaire.
Robinet (François), contem-
porain de Rabelais à Mont-
pellier.
RoBOASTE, géant.
Roc, Rocques, la tour, aux
échecs.
Roche-Clermauld (La), arr.
de Chinon, Indre-et-Loire.
RocHE-PosAY (Jean-Châtai-
gner, seigneur de la), maî-
tre d'hôtel de François l^'^
et de Henri II.
RocHE-PosAY (La), arr. de
Châtellerault, Vienne.
Roches-Sainct-Paoul, arr. de
Vendôme, Loir-et-Cher.
Rocquette Tarpeïe, petite ro-
che Tarpéienne.
Rocquettes de cheminées, for-
tin; les cheminées sont les
forteresses des andouilles
qu'on y fume.
RoDiLARDus, Ronge-lard.
RoDOGiNE (Jacobe), ou Rodi-
gine, femme ventriloque
italienne.
Rogue, bélier dont les cornes
commencent à pousser.
Roigneux, qui a la rogne, la
gale invétérée.
Romain (Ludovic), Louis de
Verthema,/)afnz/o romane,
voyageur du XV^ siècle.
Romanicque (A la), à la ro-
maine.
Romicoles, habitants de Rome.
Romipetes, Romivages, pèle-
rins allant à Rome.
Rondelle, bouclier rond.
RoNDiBiLis (Maistre) ; serait
Guillaume Rondelet, méde-
cin que Rabelais connut à
Montpellier.
Ronfle, le point, dans un an-
cien jeu de cartes.
Rongneurs, rogneurs.
RosATA (Albéricde), juriscon-
sulte bergamasque.
36
282
GLOSSAIRE-INDEX
Rostocosto (italien), rôti cuit.
Rotans, tournans, du latin
rotare.
Rotte, liens, osier,
Rouaisons, rogations.
Rouart, bourreau qui roue.
RouBON, musicien.
Rouelle, petite roue, rondelle.
Rouer, faire la roue.
RouiLLAC, bourg de grande
renommée gastronomique,
arr. d'Angoulême, Cha-
rente.
Roupieuse, qui a la roupie au
nez.
Roupt, Roupie, rompu ; rup-
ture, cassure ; déroute.
Rousseau, François Roussel,
ou Rossello, musicien ita-
lien du XVP siècle.
Roussin, cheval entier, cour-
taud.
Roust, Rousties, rôt, rôties.
Route, déroute.
RouzÉE, Cyprien de Rore, ou
van Roor, musicien flamand
du XVie siècle.
Royaulx, monnaie d'or de
Philippe le Bel.
RoYDDiMET (Dom), Roide-y-
met, nom forgé par Rabe-
lais.
Rozuins, princes, de l'hé-
breu ?
Ruach, vent, esprit, en hé-
breu.
Ruant, faisant descendre.
Rubette, graissât, grenouille
verte dont le sang, dans
l'antiquité, était regardé
comme vénéneux ; Pline en
parle.
Ruer, se précipiter.
Ruez, renversés.
Rugient, rugissent.
Rugient, part, prés., rugis-
sant.
Rustrement, vigoureusement,
solidement.
Rustrie, Rusterie, grossièreté ;
tête de mouton.
Ruysseau qui passe à Saint-
Victor, la Bièvre.
Ruyt, rut.
S. P. Qi R., Senatus populus-
que romanus, le Sénat et le
peuple romain.
Sabbot, sabot, espèce de tou-
pie que les enfants font tour-
ner à coups d'un fouet de
peau d'anguille.
Sabée, en Arabie.
Sabez quey, hillots (gascon),
savez-vous, mes enfants.
Sabine, sabinier.
Sable, noir, en blason.
Sabourre, lest de navire, du
lat. saburra.
Sabourre, Saburé, plein, empli,
chargé, lesté, saturé, rassa-
sié.
Saccade 'Bailler la), donner une
forte secousse.
Sacmenter, mettre en pièces,
mettre à sac.
Sacqueboutte, instrument à
vent.
Sacquer, frapper.
Sacquer l'espée, tirer l'épée du
GLOSSAIRE-INDEX
t83
fourreau.
Sacre, oiseau dressé pour la
chasse.
Sacre, sacrée.
Sacre (La fête du), la fête du
Saint-Sacrement, la Fête-
Dieu.
Sacrée, consacrée.
Sacrificule, prêtre.
Sades, gracieuses, douces.
Saffrettes, piquantes, agaçan-
tes, appétissantes.
Sagamions, administrateurs, de
l'hébreu?
Sagane, sorcière.
Sage, Saie, Saye, Sayon, vête-
ment court.
Sagettesj flèches, du lat. sa-
gittse.
Sagres, port portugais.
Saie, Saye. V. Sage.
Saingelais, Mellin de Saint-
Geiais, poëte français du
XVie siècle.
Sainct Adauras, saint en l'air.
Sainct-Aubin du Cormier (La
journée de). C'est à Saint
Aubin du Cormier, arr. de
Fougères, Ille- et- Vilaine ,
quese livra une bataille entre
Charles VIII et le duc de
Bretagne, le 28 juillet 1484.
Sainct-Ayl, Saint-Ay (pronon-
cez Saint-Y), arrond. d'Or-
léans, Loiret.
Sainct Alipentin^ saint de la
fabrique de Rabelais.
Sainct Babolin, ou saint Babo-
lein, premier abbé de Saint-
Maur-les-Fossés, au VIF
siècle.
Sainct Balletrou, saint de la
fabrique de Rabelais.
Sainct Clouaud, saint Cloud.
Sainct-Espain, Saint-Espain,
arr. de Chinon, Indre-et-
Loire.
Sainct-Florent, abbaye de
bénédictins, arr. de Saumur,
Maine-et-Loire.
Sainct François le Jeune,
saint François de Paule.
Sainct-François (Mal), parce
que les disciples de saint
François faisaient vœu de
pauvreté.
Sainct Goderan, saint poi-
tevin.
Sainct-jacques ; est-ce Saint-
Jacques-des-Guérets, arr.
de Vendôme, Loir-et-Cher?
Sainct-Jago, de Bressuire,
Saint-Jacques.
Sainct -Jan de la Palisse,
Saint Jean, dans l'Apoca-
lypse.
Sainct-Jean Decollaz, saint
Jean Baptiste, qui fut dé-
collé.
Sainct Joan, saint Jean.
Sainct-Louant, Sainlouand ,
prieuré du diocèse de Tours,
arr. de Chinon , Indre-et-
Loire.
Sainct Ligaire; est-ce S. Li-
goire, S. Ligorius, qui se
fête le i 3 septembre?
Sainct-Mahieu , cap sablon-
neux non loin de Brest.
Sainct-Maixent, arr.deNiort,
284
GLOSSAIRE-INDEX
Deux-Sèvres,
Sainct Nicolas (Les exemples
de), sa légende.
Sainct Sang breguoy, Sainsam-
breguoy, saint sang de
Dieu, juron.
Sainct-Olary, abbaye de la
fabrique de Rabelais,
Sainct Picault, saint martyrisé
à Nicée.
Sainct RiGOMÉ, saint Rigomer,
Poitevin.
Sainct Sébastian, Saint-Sébas-
tien, arr. de Nantes, Loire-
Inférieure.
Sainct-Sever, Saint-Sever,
chef-lieu d'arr. des Landes.
Sainct Treignan, Écossais.
Saincte Geltrude, sainte
Gertrude.
Salade, espèce de casque.
Salel (Hugues), abbé de
Saint-Chéron, ami de Clé-
ment Marot, auteur du
dizain qui précède le livre
II.
Saleures, salaisons.
Salkbrenaux, Sallebreneux,
sales ; littéralement, sales
merdeux (bren).
Sallet. V. Salel (Hugues).
Salses, salées.
SaluernCj grand vase à boire.
Salutz d'or, monnaie de
Charles VI.
Salvation, salut; état de sal-
vation : état de grâce.
Sahations, répliques juridi-
ques.
Salvernes, coupes.
Samagarie, contrée d'Asie.
Sambreguoyj Sambroguoy , ju-
ron. V. Sainct sang breguoy.
Samosatoys (Le philosophe),
Lucien, de Samosate, écri-
vain du IP siècle.
Sam-malo, Saint-Malo.
Sanctimoniales, nonnes, reli-
gieuses.
Sandrin, ou Sandryn, musi-
cien.
Sang de Mars, plante; est-ce la
sanguinaire?
Sanglerons, petits sangliers,
marcassins.
SangloLitir, avoir le hoquet.
Sangreal, Sang greal, le sang
du Christ; le Saint Gréai,
ou Graal, est le plat qui re-
çut le sang du Christ.
Sangdedez, petites épées.
Sanguifier, transformer en
sang.
Sanie, pus mal élaboré.
Sanie des oreilles, cérumen.
Sanità et guadain, Messer,
santé et gain, Messire.
Sanmaieu, saint Matthieu, en
breton.
Sansay, Sansais, arr. de Niort,
Deux-Sèvres.
Sa/i/o/jj'cçue, absinthe maritime.
Santorons, santons, sorte de
moines mahométans.
Sanxi, donné sanction, ac-
cepté.
Saphran, bonnet jaune des
banqueroutiers.
Saphran, safran, pistil du cro-
cus saiivus.
GLOSSAIRE-INDEX
■M
Saporta (Antoine), docteur en
médecine de Montpellier,
mort en i SyS,
Sarabroth, géant.
Sarbataine, sarbacane.
Sardaine, la Sardaigne ; une
sardine.
Sarge, serge.
Sarins, gardiens, de l'hébreu?
Sarpe, serpent. V. Serpe.
Sarrabovites, religieux égyp-
tiens de vie déréglée,
Satalie, dans la Pamphylie,
en Asie.
Satin (Pays de), pays ovl la
vie est douce et agréable ;
pays des tapisseries.
Saulgrenée, fricassée, rata-
touille, macédoine de légu -
mes.
Saulieu, arr. de Semur, Côte-
d'Or.
Saullaye, Sauloye, Saulsaye,
terrain planté de saules.
Saulmates. V. Saumades.
Saulmones, saumons.
Saulmur, Saumur, chef-lieu
d'arr., Maine et-Loire.
Saulnier, marchand de sel.
Saulvement, Saulveté, sécurité,
salut.
Saumades, Saumates, viandes
salées.
Saussignac; peut-être Sausse-
nac, arr. d'Albi, Tarn? Il
y a un Saussignac-Razac,
arr. de Bergerac, Dordogne.
Savasta, en Asie.
Savorados, os qu'on met dans
la marmite pour donner de
la saveur au bouillon.
Saye, soie.
Saye, Sayon. V. Sage.
Scale, Scalle, escale.
ScALiGER (Jules-César), philo-
sophe et médecin du XVI^
siècle. Rabelais mourut en
I 5 5 3 , et le livre de Scaliger
auquel il est fait allusion
dans le V"^ livre est de
i557.
Scammonie, Scammonnée colo-
phoniacque, de Colophon,
en Asie Mineure; résine
fournie par la scammonée.
Scandai, corde de la sonde
(Jal).
Scaputions, capuchons.
Scatophages, mangeurs de dé-
jections.
Scelle, Selle persée, chaise per-
cée.
Scendaux, enveloppes de reli-
ques? Sendal, ou cendal,
étoffe de soie légère.
Sceur, Sceureté, siàr, assuré ;
sûreté, assurance, certitude.
Schedules, cédules.
Scybale, excrément endurci,
du grec.
Scintille, subst., étincelle, fai-
ble apparence.
Sciomantie, divination par
l'ombre d'un mort.
Sclirrhotiques, qui ont des
squirrhes.
Scordion, Scordon, german-
drée aquatique.
Scorpions, espèce de fléaux de
guerre .
(86
GLOSSAIRE-INDEX
Scotines, ténébreuses, du grec,
ou parallusion à J. Scot.
ScoTUS, Duns Scot, le Docteur
Subtil.
Scripteurs, écrivains.
ScuRRON, Jean Schyron, mé-
decin de Montpellier.
ScythropeSj lugubres, du grec.
Sebaste, respectable, vénéra-
ble, du grec.
Sechabots, escarbots, scarabées.
Secundaca^sécuridaque, plante.
Seder, apaiser, du lat. sedare.
Segré, chef-lieu d'arr. de
Maine-et Loire.
Seguin, musicien.
Seigner (Se), se signer, faire le
signe de la croix.
Seille, seigle.
Seillaux, SeilleauXj Seilks^
seaux.
Seine, réseau.
Séjour, loisir, repos, inoccupa-
tion.
Séjourner, reposer, tarder.
Sela, affirmation, en hébreu.
Selande, Zélande.
Seleucides (Oizeaux), oiseaux
envoyés par Jupiter pour
détruire les sauterelles.
Seleucus, mathématicien ro-
main du I*^"" siècle.
Semaise, broc en bois.
Sembler, ressembler.
Semervé, Semarvé; est-ce
Semerville, arr. de Blois,
Loir-et-Cher?
Semonce, demande.
Semondre, ordonner, inviter.
Senaire, de six pieds.
Senege, Sénégal.
Senestre, gauche.
Senogues, médicaments pur-
gatifs.
Senoys, de Sienne.
Sentement, sentiment.
Sententier, rendre des senten-
ces, des arrêts.
Sequenie, Sequenye, souque-
nille.
Sequente, suivante.
Sequane, la Seine, du lat. 5e-
quana.
Seraph, monnaie d'or orien-
tale.
Serapion d'.'^scalon , auteur
d'un livre sur les songes.
Sercleurs, sarcleurs.
Seres, probablement les Chi-
nois.
Sergent, huissier.
Serpe Dieu, serpent de Dieu,
juron.
Serper, lever.
Serpentine, pièce de canon.
Serpillière, tablier.
Serpoullet, serpolet.
Serrail, palais, château, habi-
tation, chez soi.
Serrargent, jeu de mots, pour
sergent .
Sert, le premier service à table.
Sertorianes (Guerres), guerres
de Sertorius.
Serra/eur, sauveur, Jésus-Christ.
Server, observer.
Sesolfiez, troublés.
Seuil, entrée du port.
Seuillé, abbaye de bénédictins
près de Chinon ; Seuilly-
GLOSSAIRE-INDEX
7
l'Abbaye, arr. de Chinon ,
Indre-et-Loire.
Sexterée, setier.
Sexte-Essence, essence superla-
tive, la quintessence étant le
dernier résultat de l'analyse
des alchimistes.
Seyer, scier, couper le blé à la
faucille.
Sij si bien que, pourtant.
Sicinnie, Sicinnistes, genre de
danse, danseurs.
Siderite (Pierre), aimant.
Sidoine, Sidon, en Phénicie.
SiGEiLMES, en Libye.
Sigillaiif, à sceau.
Signamment^ notamment.
Signé, signalé, tracé.
Simulachre, statue.
Simulte, haine.
Sinapiser, moutarder, assaison-
ner, saupoudrer.
SiNAYS, Sinaï.
Sinon, Grec rusé au siège de
Troie.
Sinopien, de Sinope, en Ana-
tolie.
SinopUj vert, en blason.
Sions, tourbillons.
Siphach, la plèvre, en arabe.
Siriace (Mer), mer de Syrie.
S/roc/i, siroco, vent du sud-est.
Sisame, sésame.
Siticines, chantres des obsèques.
Smach ; Rabelais l'oppose à
brusq, qui signifie âpre.
Smilax, esquine, plante.
Smyrnium, maceron, plante.
Sobresse, sobriété.
Socialement, à la façon d'un
ami.
SoHiER, musicien du XVje siè-
cle.
Soingneusej inquiétante.
Solas. V. Soûlas.
Soleretz, Sollerets, armures des
pieds.
Solier, plancher.
SoLiN, Caius Julius Solinus,
compilateur latin.
Solu, résolu.
Solue (Oraison), manière libre
de parler, prose , du latin
oratio soluta.
Solvables, payables.
SomateSj corps, membres, du
grec.
Sommade, charge d'une bête
de somme.
Sommer, additionner, faire la
somme.
Sommier d'orgue, coffre où
s'emmagasine l'air envoyé
par les soufflets.
Somnial, tiré des songes.
Sones, sonnez, les deux six aux
dés.
SoNGECREUX, auteur supposé de
livres facétieux.
Sonnant, chantant.
Sonnet, petit son.
Sophie, la mosquée de Sainte-
Sophie.
SoPHRONÉ, sage, prudent, du
grec.
SopoLis, nom grec emprunté à
l'Anthologie.
SoRANus, Éphésien , médecin
grec ; exerçait à Alexandrie
au IP siècle.
GLOSSAIRE-INDEX
Sorbonicoles, qui fréquentent^
qui honorent la Sorbonne.
Soretz, saurs.
Sororité, lien de sœur.
Sort principal^ le capital.
SoRTiBRANT, de Conimbres ,
géant.
Sotrins, gouverneurs, de l'hé-
breu ?
Soubarbade, muselière.
Soubastement, soubassement.
Soubdan, soudan.
Soubelin, souverain, martre zi-
beline.
Soubrequart, quatrième com-
plémentaire.
Soubsecretain, sous-sacristain.
Soubstraicte (Vin de), dernier
vin tiré du pressoir.
Soucilles, sourcils.
Soudant, soutenant.
SouEVE, Souabe.
Soufflegan, suffragant.
SouiCE, SouissE, Suisse.
Souillartde cuysine, marmiton.
Soûlas, soulagement, consola-
tion, joie, plaisir, du lat.
solatium.
Soulcil, souci.
Souldre, résoudre.
Souloir, avoir coutume, du
lat. sokre.
Soupes de primes, tranches de
pain garnies de fromage ou
de gras de bœuf.
Soupiz, frippés.
Sourdre, naître, jaillir.
Soutte , soute, emplacement
destiné à serrer, à bord des
navires, les provisions, soit
de guerre^ soit de bouche.
Soui'ieigne, souvienne.
Spadonicque, rendu stérile, du
lat. spado.
Spagitides (Artères), artères du
cou.
Spagnola, Espagne.
Spatule, épaule.
Spectable, visible; regardable,
méritant d'être regardé, beau
à voir.
Speculaire, réfléchissant la lu-
mière.
Speculance, action de réfléchir
la lumière.
Sperme d'emeraulde ; doit-on
lire presme ou prime d'éme-
raude?
Sphaceler , meurtrir, gan-
grener.
Spliengitide; M. Burgaud pro-
pose de Vire phengiiide, trans-
parente.
Sphragitide (Terre), terre sigil-
lée, marquée d'un sceau ;
substance alumineuse rosée,
employée autrefois comme
astringent.
Sphynges , animaux fantas-
tiques.
Spica celtica, grande lavande.
Spirer, respirer.
Spirale, petit canon.
Spodizateurs, pulvérisateurs.
Spondyles, vertèbres.
Sporades, îles de la Manche.
Spyrathe, crotte de chèvre.
Squinanche, esquinancie.
Squinanthi, résine du Calamus
draco.
GLOSSAIRE-INDEX
289
SS (Allonger les), en faire des
ff , falsifier les comptes, faire
Tdes francs (ff) avec les sols (ss) .
Stade, mesure grecque de i 2 5
pas.
Stamboucqs, bouquetins.
Stères, animaux fantastiques.
Sternomantes, ceux qui parlent
de la poitrine, du sternum,
du grec.
Sternomantie, divination parle
sternum.
Stichomantie sibylline, divina-
tion par des vers de la Si-
bylle.
Stipe, monnaie,
Stocfisé, réduit à l'état de mo-
rue sèche, stockfish.
Stœchas, lavande.
Strain, strass, faux diamant.
Strossy (Philippe;, Strozzi, né-
gociant, père de Pierre, ma-
réchal de France au service
de Henri II.
Stryges, oiseaux fantastiques.
Style, petite baguette pointue,
stylet .
Stymphalides, oiseaux du lac
de Stymphale, tués par Her-
cule.
Stypticité, astringence.
Subit, adv., subitement.
Subler, Sublet, siffler, sifflet.
Submirmillant, murmurant.
Subside, aide, secours.
Substantifique, substantiel.
Succéder, arriverheureusement.
Succès (Par), successivement.
Successitres, successeurs au fé-
minin.
Rabelais. V.
Suèdes ; il faudrait lire Sueves.
Suffrages, prières.
Suffrages (Menus), petites
prières.
Sugser, sucer, vider.
Suidas, lexicographe grec du
X« siècle.
Suille {Queste^, quête du porc,
faite à Noël par le curé.
Sulz, Suzeau, sureau.
Supellis, surplis.
Super coquelicantieux , surpas-
sant tous ceux qui ont porté
le bonnet de fou.
Supereroger, répandre.
Supererogation (De), d'excé-
dant.
Super gurgiter, regorger.
Supernel, suprême.
Suppied, sous-pieds , pédales
d'orgues.
Supports, Suppous, suppôts,
soutiens, défenseurs.
SuRAiNE Orangiers de), dans le
V^ livre. Le ms. porte Sa«-
Reme ; serait-ce San-Remo ?
Surgeoit , survenait, surgissait.
SuRiE, Syrie.
Surot, maladie au canon d'un
cheval.
Susanné, suranné.
SuTOR, Pierre Cousturier, doc-
teur de Sorbonne.
Suzeau. V. Sulz.
Suzat (Vinaigre), vinaigre de
sureau.
SwEDEN-RiCH, la Suède.
Sycoinantie, divination par le
figuier.
Sycophage, mangeur de figues,
37
290
GLOSSAIRE-INDEX
du grec.
Sylvestre de Prierio , jacobin
du XVP siècle.
Symmeterye, symétrie.
Symmistes, complices, inities
aux mêmes mystères.
Symptomates, symptômes.
Synapizer. V. Sinapiser.
Synecdochique, synecdoche, es-
pèce de métonymie en vertu
de laquelle on donne une
signification particulière à un
mot qui, dans le sens pro-
pre, a une signification plus
générale.
Synesius, écrivain grec du
IVe siècle.
Syslolicque, mouvement de con-
traction.
Tabachins, serviteurs, cuisi-
niers, de l'hébreu?
Tabellaires, lettres, messages.
ra6mn(Laict;,lait préparé pour
les émaciés, du lat. tabès.
Tabide, atteint de consomp-
tion, du lat. tabès.
Table (Seconde), second ser-
vice.
Tabliers, échiquiers.
Taboureurs, joueurs de tam-
bours; amants heureux.
Taprobaniens, habitants de la
Taprobane, l'île de Ceyian.
Tabus, soucis, tourments.
Tabus (Fagoteurs), chercheurs
de querelles, faiseurs de ta-
page.
Tabuster, tourmenter.
Tac, nom d'une maladie con-
tagieuse du XV^ siècle.
Taces, tasses.
Tacquin; il n'y a pas là de pro-
fession, il n'y a qu'une as-
sonance à Tarquin.
Tacuin, taquin, avare, truand.
Tadournes, canards sauvages.
Tafetas (Vin de], vin doux à
boire ; on dit encore d'une
boisson agréable : C'est un
velours.
Taillebacon, taille-jambon, de
l'anglais bacon.
TAiLLEBOuRG^arr. deSaint-Jean-
d'Angéiy, Charente- Infé-
rieure.
Taille-viej coupe la voie, de
l'it. taglia via.
Taillon, morceau, tranche.
Taillon, petite taille, petit im-
pôt.
Tain, arr. de Valence, Drôme.
Talares (Robes) , robes qui
descendent très-bas.
Talemouse, espèce de pâtis-
serie ; celles de Saint Denis
sont encore célèbres.
Taies, osselets, dés.
Taluer, donner du talus, delà
pente ; solidifier.
Talvassiers , hâbleurs, gens
grossiers.
Tamarin, c'est la pulpe du
tamarindus indica.
Tanné, couleur de tan, cou-
leur foncée.
Tanquart, grand pot à bière.
Tant jazer, c'est trop parler.
Tapinois (Isie de), île des mi-
sérables.
GLOSSAIRE-INDEX
:9I
Tappecoue (Frère Etienne), cor-
delier de la fabrique de
Rabelais.
Taprobana, l'île de Ceylan.
Tarabinj Tarabas, formule de
conjuration devenue une
plaisanterie.
Tarande, animal fantastique
dont parlent ^lien et Pline.
Tare, tache.
Targon, estragon.
Tartaretus (Petrus) , Pierre Tar-
taret, docteur en Sorbonne
du XVie siècle.
Tartes, Tartres, Tartares.
Tartre, tertre.
Tartre borbonnoise, tarte bour-
bonnaise, assemblage de sa-
leté, bouse de vache.
Tassettes, cuissards.
Tatin fUn', un peu.
Tauchie (Ouvrage de),damas-
quinure (Littré).
Tauchié, damasquiné.
Taulpetiers, ennemis de la lu-
mière.
Taureau !Le gros) de Berne,
Pontiner, le sonneur de corne
des Suisses, qui fut tué à
Marignan.
Tedieux, ennuyeux, du lat.
tssdium.
Teils, tilleuls.
Teleniabin, marine, en arabe.
Telephiuin, plante, telephe.
Tellumon, le génie des forces
de la terre.
Temperie, Temperye, saison
tempérée; modération.
Tempeste (Pierre), principal
très-sévère du collège de
Monlaigu, au XVl*^ siècle.
Temple j tempe.
Templettes, bijoux pour orner
la tête.
Tempter , Temptation, tenter,
tentation.
Tenare, la porte de l'enfer.
Tenaud, frère Jean Thenaud,
suivant M. Burgaud.
Tenebrions, esprits des ténè-
bres.
Teneur, continuité.
Tenissiez, tinssiez.
Tenites, divinités du sort.
Tephramantie, divination par
la cendre.
Tereus, qui fut changé en
épervier.
Teriere, tarière.
Termes, Paul de Thermes, qui
commandait le corps fran-
çais envoyé au secours des
Écossais contre les Anglais,
en 1 549.
Terminer, déterminer.
Terne, les deux trois, aux dés.
Terreistreité, faculté d'être ter-
restre.
Terriene, terre à terre.
Terriens, de la terre.
Terrigoles, oiseaux.
Terse, frotté, poli, du lat.
tersus.
Tesmoin (Pierre), Pierre Mar-
tyr, Milanais, auteur d'ou-
vrages sur l'Amérique.
Tesniere, tanière.
Tesseré, marqueté, du lat. tes~
seratus.
GLOSSAIRE-INDEX
Tesson j l'arbre d'un pressoir.
Testament, la tête et l'esprit,
du lat. testa et mens.
Teston, monnaie.
Testonner, faire la toilette de
la tête, soigner la tête, coif-
fer, peigner.
Testonneurs, coiffeurs.
TestZj écorce dure.
Tétrade, nombre de quatre,
du giec.
Tetradiqae, à quatre parties.
Tetragone, à quatre côtés.
Teiricque, Tetrique, de mau-
vaise humeur, brusque, maus-
sade.
Teucrion, germandrée.
Tezez, tondus.
Thacor, fie au fondement, en
hébreu.
Thalamege, navire de luxe
garni de lits.
Thalames, ville de Laconie.
Thalasse, mer, du grec; Rabe-
lais en fait le nom d'un
port.
Thalmondoys.Talmontois, par-
tie de la Vendée.
Thamous, nom du dieu Pan
chez les Égyptiens.
Thaumaste, admirateur, du
grec.
Thebizonde, Trébizonde.
Theleme , libre arbitre, qui
agit à son gré, du grec.
Theodolet, interlocuteur d'un
dialogue contre le paga
nisme.
Theomaches, combattant les
dieux, du grec.
Theon; il y a deux mathéma-
ticiens grecs de ce nom,
l'un du Il<^, l'autre du
IVe siècle.
Theophraste, naturaliste grec
du IIl^ siècle avant J.-C.
Theos, Dieu, en grec.
Therapeutice, thérapeutique.
Theriacle, thériaque, médica-
ment polypharmaceutique
que vendaient jadis les char-
latans.
Theriacleiirs, vendeurs de thé-
riaque, charlatans des rues.
Thermanstrie, genre de danse.
Thesaur, Thesor, trésor,
Thibaut l'Aignelet, le berger,
dans la farce de Pathelin.
Thielles, bourrasques, du grec.
Thlasié, Thlibié, rendu stérile.
Thoës, animal fantastique dont
parle Pline.
Tholouse, Toulouse.
Thomas, estomac.
Thomas l'Anglois, Thomas
Becket, archevêque de Can-
torbery.
Thohu et BoHU (Iles de), îles
désertes et incultes, en hébr.?
Thracie, genre de danse.
Threisses, de Thrace.
Thuscan, toscan, bon italien.
Thyades, prêtresses de Bac-
chus, bacchantes.
Thymbré, timbré, surmonté,
terme de blason.
Thynnuncules, oiseaux fantas-
tiques.
Tierce, troisième.
Tiercelet d'autour, mâle de
GLOSSAIRE-INDEX
93
faucon, l'oiseau volant par
excellence. Rabelais en fait
souvent le signe du super-
latif ou de l'augmentatif :
Tiercelet de diable, de Job,
de menteiies, plus que dia-
ble, plus patient que Job,
menteur par excellence.
Tiercin, troisième partie.
TiMARE, nom grec emprunté à
l'Anthologie.
Timbous, tambourins.
Timbre, auge de pierre, en
poitevin. Les limonadiers ap-
pellent encore timbre le coffre
en bois doublé de plomb où
ils mettent leurs boissons
à rafraîchir.
TiMOCLES, nom grec emprunté
à V Anthologie.
TiMOTHE, musicien grec.
Timper, faire sonner.
Tinel, office, salle à manger.
Tintalorisé, refrogné.
Tintamarres, grands bruits.
TiNTEViLLE ; ce serait François
d'interville, évêque d'Au-
xerre au XVI^ siècle.
Tintouins, tintements, ennuis.
Tirados, cordage.
TiRAQUEAu (André), juriscon-
sulte, ami de Rabelais.
Tirefond, outil de tonnelier,
r/re/ar/go^ (Boire à) ,boire beau-
coup, tant qu'on veut ; boire
comme ceux qui tirent la
Rigaud, nom d'une grosse
cloche de Rouen ?
Tirelupin, mauvais garnement.
TiRESiAS, devin, prophète, dans
Homère.
Tirez ailleurs, éloignez-vous.
Tissât iers, tisseurs de rubans.
Titanes, géants, fils de Titan.
TiTE, géant.
Tmesis, tmèse, figure qui con-
siste à couper un mot en
deux.
ToLETE, Tolède.
ToLLET, contemporain de Ra-
belais à Montpellier.
Tollir, enlever.
Tollu de vie, enlevé de vie,
mort.
ToLMERE Le capitaine), hardi,
du grec.
Tonnelle, panneau à perdrix.
Tonnine, thon.
Tonnoire, tonnerre.
Topiaire Ouvrage), ouvrage
imitant les plantes, les ar-
bres.
Topicqueur, raisonneur, so-
phiste.
Topiques, arguments.
Toranglés, à facettes.
Torche lorne. Torche lorgne,
à tort et à travers, au hasard.
Torcoulx, hypocrites, de l'it.
Coin torti. V. Tortycolly.
Tormens bellicques, machines
de guerre.
Tortre, tordre.
Tortycolly, hypocrite, de l'it.
collo torto. V. Torcoulx.
Tostade Alezan , alezan
brûlé.
Totage, Toiaige, le tout, le
total.
Tou, Toul, Meurthe,
'94
GLOSSAIRE-INDEX
TouARS, Thouars, arrond. de
Bressuire, Deux-Sèvres.
Touche, bouquet de bois ;
haute futaie.
Touquas grou (limousin), ne
frappez pas, ne touchez pas.
Toupon, bouchon de verre.
Tour, cabestan.
Tourbe, foule, du lat. turba.
Touretz de nez, demi-masque
de dame.
Tournay, tournoi.
Tourte, pain grossier.
TouscHERONDE ; il y a un Jean
de Touscheronde greffier du
Parlement au XVF siècle.
Tousdis, tous les jours, tou-
jours.
Toussissoient, toussaient.
Toust, tôt.
Tout (A), avec.
Tout (Du), tout à fait.
Touzelle, blé à épis sans bar-
bes.
Trabut, mesure de terrain,
une perche.
Trac, train, équipages de
guerre.
Tractement, traitement.
Traicte (Mal), mal faite.
Traictz, cordages.
Traîne, traîneau, chariot; en
saintongeais, une poutre.
Traîneau (Le), village du Chi-
nonnais.
Traire, tracer, tirer, tirer de
l'arc.
Tramail, filet de pêche.
Trancheplume, canif.
Trancliit, trancha.
Trançon. V. Transon.
Transcender, surpasser.
TranscouUer, couler à travers.
Transfreter, traverser.
Transgloutiz, engloutis.
Tra/js/a^er, transférer, traduire.
Transmontane, Trasmontane,
la tramontane, vent du N.
Transmué, transformé.
Transon, Trançon, tranche,
morceau, fragment, tron-
çon.
Transonner, couper en tran-
sons, en morceaux.
Transpontin, strapontin, ta-
bouret.
Transpontins , ceux d'au delà
les mers.
Transsumpt, part, passé, imi-
té, transcrit; subst., trans-
cription, copie.
Trappe, trapu.
Traquenard, allure qui tient
de l'amble et du trot.
Trasmontane. V. Transmon^
tane.
Traverseur des voies périlleu-
ses. Jean Bouchet a pris ce
titre dans ses ouvrages, pu-
bliés au commencement du
XVI° siècle.
Trefeuil, herbe à trois feuilles,
trèfle.
Tregeniers, charretiers, mule-
tiers.
Trejectaires, saltimbanques des
rues.
Trepelu, poilu, moisi, pleutre,
mal soigné ; très-peu lu,
appliqué à un livre.
GLOSSAIRE-INDEX
,95
Trepignemampenillorifrizonou-
fressuré, bousculé, froissé.
Trepoit, piétinait.
Tresmegiste, Trimegiste, trois
fois très grand, du grec.
Trespassé, outre-passé.
Trestous, superlatif de tous,
très-tous.
Tréteau, trépied.
TreuffïeSj Treufles, les trèfles,
dans les cartes à jouer.
TriaSj trois.
Triballe, Triballement, remue-
ment, ballottement.
Triballer, remuer, balloter.
Tribard, Tribart, bâton.
Tribars, tripes, gras-double.
Triboulet, fou de Louis XII
et de François W.
Tribunian, de Tribonien, cé-
lèbre jurisconsulte.
Triscaciste, trois fois très-mau-
vaise, du grec.
Trieterides, bacchantes.
Trigone, à trois côtés, trian-
gle.
Trigone (Pile), jeu de balle à
trois.
Tringuer, boire, trinquer.
Trinquamelle, tranche-amande.
Trinquamolk, fanfaron.
T rinqueb aller , remuer conti-
nuellement.
Trinquenailles, vauriens.
Trinquet, mât de misaine,
voile de misaine.
Trinquet de gable, grand hu-
nier.
Trinquet de prore, petit hu-
nier.
Trlorlz fredonnizez , trihori,
danse chantée des Bretons.
Trlou, tréou, voile de fortune.
Tripier, trépied.
Tripoléon. V. Teucrlon.
Trippa (Her). Les commenta-
teurs veulent que ce soit
Henri-Corneille Agrippa de
Nettesheim, médecin-philo-
sophe du XVP siècle.
Trisulce (Excommunication),
trois foi» fulminée.
Trlsulque, divisée en trois
pointes.
Trivulce (Jean-Jacques), Mi-
lanais, maréchal de France
sous Louis XII et François
Trochlles, roitelets.
Trochistz, trochisques, petits
cônes médicamenteux.
Troge-Pompone, Trogue-Pom-
pée, historien latin du F^
siècle.
Troglodyte, habitant des ca-
vernes.
Troigne, trogne.
Trombe, espèce de toupie.
Tropditieux, trop d'iceux ,
de ceux-là, gens dont il y a
de trop.
Trophonius (La fosse de) :
Trophonius, fils d'Erginus
ou d'Apollon, rendait des
oiacles dans un antre.
Tropologlque, faiseur de tro-
pes.
Troppeaux, troupeaux.
Trotigner, trottiner.
Trou, trognon.
296
GLOSSAIRE-INDEX
Trou de Sainct-Patrice, caverne
située dans une petite île
du lac Dearn, en Irlande,
connue aussi sous le nom
de Purgatoire de Saint-Pa-
trice.
Trou de hize, anus.
Trou, Tron de lentisce, cure-
dent en bois de lentisque.
Trouillogan ; serait Ramus ou
Pierre Galland.
Trousque (gascon), trousse.
Troys cens troys, jeu de cartes,
Trunc, coups.
Trupher, railler, se moquer,
plaisanter,
Trut avant, mot employé en
Saintonge pour faire aller
les ânes plus vite.
Truye, tour de bois, machine
de guerre.
Tubilustre, fête de la consé-
cration des trompettes du
temple, chez les Romains.
Tuhule, petit tube, du latin
tubulus.
Tucquet, tertre,
TuDiTANiE, province d'Espa-
gne, aujourd'hui l'Andalou-
sie,
Tufe, pierre tendre.
Tuition, siireté, du latin tueri.
TuNic, Tunis.
TuNSTAL, Cuthbert Tonstal,
mathématicien anglais, •
Tupins, pots de terre.
Turbine, orage.
TuRPENAY, abbaye près de
Chinon.
TuRPiN (Les Fables de), chroni
que de Charlemagne attri-
buée faussement à cet évê-
que.
Turquoys, de Turquie.
Tuscan, Tusque, Toscan.
Thyanien (Le philosophe),
Apollonius de Tyane.
Tymbons, tambours de basque.
Tympanes, tympans ; sorte de
tambour.
Tympanistes, Tympanites, hy-
dropiques, qui ont la peau
tendue comme un tambour.
Typhoc, géant.
Typhones, typhons, trombes,
Tyranson, gibier d'eau,
Tyrouer, flacon en forme de
livre, le bréviaire de frère
Jean,
Tyrofageux, mangeur de fro-
mage.
Tyromantie, divination par le
fromage,
Tyrsigere, porte-thyrse, du grec.
UcALEGON^ non aidant, du
grec,
Udem, pays imaginaire,
Vligineux, marécageux.
Ulisbonne, Lisbonne.
Ulement, hurlement, du latin
ululatus.
Ulle, quelque,
Uller, hurler.
Ulmeau, ormeau, du latin ul-
mus.
Ulpian, Ulpien, Domitius Ul-
pianus , jurisconsulte ro-
main de la fin du II" siècle.
Umbilicares, ombilicales.
GLOSSAIRE-INDEX
297
Undiculations, ondulations.
Unguicule, ongle.
Unicorne, licorne.
Unicque (L'], le pape.
Union, perle, du latin unio.
Unzain, monnaie de onze de-
niers.
Uranopete, qui aspire , qui va
au ciel, du grec.
Urbe, ville, du latin urbs.
Ureniller, est-ce un diminutif
d'uriner?
Ures, taureaux noirs, du latin
urus.
Uretacque , Utacque, fausse
amure (Jal).
Ursin, d'ours.
Usance, usage, coutume, ha-
bitude.
Un, pays imaginaire.
Vache (Pays de) , plat pays ,
pays de plaines.
Vacqiie, vacant.
Vagines, enveloppes.
Valachè, Valachie.
Valbringue (Robert). C'est,
suivant Le Duchat, Jean
François de La Roque^ sieur
de Roberval, grand naviga-
teur picard du XVI*^ siècle.
Valée (Briend) , seigneur du
Douhet , dans les environs
de Saintes , jurisconsulte
ami de Rabelais et protec-
teur de Scaliger.
Valentiennes , roulis (Jal);
dans le texte il signifie évi-
demment courir des bordées.
Vandare (Othoman), médecin.
VanereauXj vanneaux.
Vaporament, vapeur.
Varenes, ou Varennes, arr.
de Loches, Indre-et-Loire ;
ou arr. de Saumur, Maine-
et-Loire.
Vascons, Gascons.
Vasquint, basquine, jupe.
Vastadours, terrassiers.
Vaticiner, prophétiser.
Vaticinateur, Vaticinatrice, ora-
cle, prophète, devin.
Vaticinateurs memphiticques,
devins de Memphis.
Vaubreton, Le Veau-Breton,
arr. de Chinon, Indre-et-
Loire.
Vaugaudry; est-ce Vaugondy,
arr.deTours, Indre-et-Loire?
Vaultres, Veaultrez, vautrais,
chiens courants, chiens de
chasse.
Vaurillon, théologien con-
temporain de Rabelais.
Vauvert (Diable), maison de
Vauvert où le diable reve-
nait, rue d'Enfer.
Veautrez. V. Vaultres.
Vede (Gué ou bois de), près
de Chinon.
Vedeaulx, bedeaux.
Vefves, veuves.
Végéter, vivifier.
Veguade (Quelque), quelque
coup.
Veid, Veit, v\\.;jeveiz, je vis;
vous veistez, vous vîtes.
Veigler, veiller.
Vejoves, anti-Jupiter, dieux
malfaisants.
38
GLOSSAIRE-INDEX
Vêle, Velle, voile.
Velenailles, repos à l'occasion
d'une vache qui a vêlé; pa-
rodie de relevailles.
Vellication, pincement.
Velotiers, veloutiers.
Velous, velours.
Venation, chasse.
Vendangeret (Panier), panier
de vendangeur.
Vendiquer, revendiquer.
Venefiques, empoisonneuses,
du latin veneficse.
Venelle, ruelle du lit.
Vent grec, vent du nord-est.
Ventir, vanner.
Ventres à poulaine, gros ven-
tres pointus.
Ventre heuf. Ventre beuf de
boys, jurons.
Ventre guoy, juron.
Ventre Sainct-Quenet, juron.
Ventrée, grossesse des bêtes.
Ventrose, enflure du ventre.
Venuste, plein de charmes.
Verbasce, bouillon blanc, mo-
lène.
Verbenicque, de la nature de
la verveine.
Verbocination, langage.
Verd, tapis de table de jeu.
Verd du diable, les dés ; on
ne prend pas le diable sans
vert, sans dés.
Verd et bleu, juron.
Verdcoquin, ver-coquin, nom
vulgaire des larves du rliyn-
chites bacchus, de Veumolpe
pitis, de la pyrale, qui tou-
tes vivent sur la vigne; du
cœnure, helminthe qui se
développe dans la tête du
mouton et lui donne le
vertige. Au figuré, vertige,
ou simplement fantaisie.
Ver de, verte.
Verdelot^ musicien belge du
XVie siècle.
Verdugale, Verdugualle, jupon
bouffant.
Verduns, épées courtes fabri-
quées à Verdun.
Vere (Prime), commencement
du printemps.
Verge d'or, anneau d'or, ba-
gue.
Vergne, aulne, aune. Tran-
choir de vergne, planchette
d'aulne.
Vergouigne, vergogne, honte.
Ver if or me, vrai.
Verisimile, vraisemblable.
Verines, Vernis, vers intesti-
naux, vermine.
Vermont, musicien du XVP
siècle.
Vernacule, vulgaire^ du pays.
Verrassée, verrée, plein un
verre.
Verron, arr. de Chinon, Indre-
et-Loire.
Versalles (Lettres), majuscules
qui commencent les vers.
Verse, petite pièce d'artillerie.
Verser à l'école, allei à l'école.
Versure (Faire), faire un nou-
veau créancier pour en
payer un ancien.
Vertoilz, boutons qui terminent
les fuseaux.
GLOSSAIRE-INDEX
299
Vertueux, courageux.
Vertus beuf de boys, d'aultre
que d'un petit poisson, d'un
petit poisson, de froc. Dieu,
guoy, jurons.
Vervaine, verveine, verbena
officinalis, Veneris vena ; on
lui attribuait une vertu fé-
condante.
Vervecine de mouton, du latin
vervex.
Vervelles, anneaux qu'on met
aux pattes des oiseaux de
chasse, avec le nom et les
armes de leur propriétaire.
Vesner, vesser.
Vesquist, vécut.
Vessaille, vile multitude.
Vesten nord-est, vent soufflant
de l'ouest au nord-est.
Vestibousier, porteur d'une
veste sale.
Vestz (picard), va-t'en.
Veu de Charrous (Le), statue
de bois honorée dans le
monastère de Charroux,
arr. de Civray, Vienne.
Veute figure, en figure vue, en
présence.
Veux, vœux.
Vezarde, venette.
Veze, cornemuse, outre.
Viande, en général toute sub-
stance alimentaire.
Viander, cacare, fienter.
Vicinité, voisinage.
Victeur, vamqueur.
Victorial, victorieux.
VicTRUvE, Vitruve, Marcus
"Vitruvius Pollio, architecte
romain de la fin du F' siè-
cle avant J.-C.
Vie, chemin, du latin via.
Vielleux, joueur de vielle.
Vienne, chef-lieu d'arr., Isère.
Vierge qui se rebrasse, la vierge
qui se retrousse, Sainte-Ma-
rie l'Égyptienne?
Vietzdazes (provençal , visages
d'ânes.
Vignolat (Syrop), vin.
ViGORis, musicien.
Villanie, villenie, violence,
vilaine action.
ViLLANOVANus (Frauçois), au-
teur contemporain de Ra-
belais.
ViLLAUMERE (La) ; est-ce La
Ville-aux-Dames, arr. de
Tours, Indre-et-Loire ?
Villaticque, villageois, rustique.
ViLLEBRENiN, Villebemin, arr.
de Châteauroux, Indre.
Villeneuve la Guyart Jac-
ques d'Aunay, seigneur de),
neveu de Du Bellay.
ViLLiERS, Pierre Vuillers, mu-
sicien du XVIi-' siècle.
Vimeres, tempêtes, calamités,
ouragans.
Vin (Donner le), donner un
pourboire.
Vin Clementin, vin d'une vigne
que Clément V possédait
près de Bordeaux.
Vin du ya^e^pourboire du valet.
Vinaige, vinage, distribution
de vin.
Vindrent, vinrent.
Violiers, pots à fleurs.
3(
GLOSSAIRE-INDEX
Viroletj flèche, fer de flèche.
Virollet, moulin d'enfant.
Visif, qui peut voir.
Vistempenard, Visiemptnarde,
tête de loup, plumeau à
long manche.
Vistempenardé, aménagé, pro-
pre, nettoyé.
ViTDEGRAiN, géant.
ViteXj gattilier, vitex agnus-
castus, plante qui passait
pour antiaphrodisiaque.
Vitrice, second mari de la
mère, du latin vitricus.
Vitupère, honte.
Vituperéj blâmé.
VivoNNE, arr. de Poitiers,
Vienne.
Vocales, voyelles.
Vociter, nommer.
Voerre, Voirre, verre.
Voira, Voirons, verra, verrons.
Voix (Les), les mots.
Volains, armes.
VoLATERAN, Raffaele Mafîei,
de Volterre, géographe.
Vole, paume de la main.
Volerie (La , endroit où se
tenaient les anges dans la
représentation d'un mys-
tère.
Voiler, franchir ; chasser au
faucon.
Vollerie, chasse avec des fau-
cons.
Volontaires, navires marchant
à volonté.
Volter, tourner.
Vomiter, vomir.
Vorages gouffres, du latin
vorago.
Votes, vœux.
Vouant, Vovant, Vouvant,
arr. de Fontenay-le-Comte,
Vendée.
Vouge, manche d'arme, d'ou-
til ; bâton, épieu.
Voulent, veulent, voulant.
Voulsist, Voulzist, vouliit.
Voy le cy, le voici.
Voy vous là, vous voilà.
Voyagier, voyageur.
Voyez-cy, voici.
Voy s (Je], je vais.
Voyirer (Se), se vautrer.
Vraybis, vraiment, certaine-
ment.
Vraybis, vrai Dieu, juron.
Vray bot, juron.
Vrilonner, enrouler.
Vueil (Le), le vouloir, la vo-
lonté.
VuiTEMBERG, Wurtenberg.
Vulgue, le vulgaire.
Xenocrites, nom grec em-
prunté à l'Anthologie.
Xenomanes, qui aime les étran-
gers, les pays étrangers, du
grec.
XoNOPHiLE, musicien grec, qui
vécut, dit Pline, io5 ans.
Y grégeois, Y grec.
Ydoine, propre à, du latin
idoneus.
Yre, colère, du latin ira.
Yssues, sorties en armes.
Yvraye, ivraie.
GLOSSAIRE-INDEX
3oi
Zachée, publicain converti,
dont parle saint Luc, cha-
pitre XIX.
Zalas ! hélas
Zaphran. V. Saphran.
Zencle, cheval dont les taches
ont la forme de faux.
Zinzembre, gingembre.
Zinziberine (Pouldre), poudre
de gingembre.
Zivette, civette.
Zoophore, frise avec animaux
sculptés; porte-animal, du
gec.
TABLE
DU LIVRE CINQUIÈME
Pages.
Prologue ' i
Chapitre I. Comment Pantagruel arriva en l'Isle
Sonnante, et du bruit qu'entendismes 1 1
Chapitre II. Comment l'Isle Sonnante avoit esté ha-
bitée par les Siticines, lesquels estoyent devenuz
oiseaux 14
Chapitre III. Comment en l'Isle Sonnante n'est qu'un
Papegaut 17
Chapitre IV. Comment les oiseaux de l'Isle Sonnante
estoient tous passagers 19
Chapitre V. Comment les oiseaux gourmandeurs sont
muets en l'Isle Sonnante 22
Chapitre VI. Comment les oiseaux de l'Isle Sonnante
sont alimentez 2 5
Chapitre VII. Comment Panurge racompte à Maistre
yEditue l'Apologue du Roussin et de l'Asne, ... 28
3o4 TABLE
Pages
Chapitre VIII. Comment nous fust monstre Papegaut
à grande difficulté $4
Chapitre IX. Comment nous descendismes en l'Isle
des Ferremens 38
Chapitre X. Comment Pantagruel arriva en l'Isle de
Cassade 40
Chapitre XI. Comment nous passasmes le Guichet,
habité par Grippe-minaud, Archiduc des Chats-
fourrez 48
Chapitre XII. Comment par Grippe-minaud nous fut
proposé un énigme 48
Chapitre XIII, Comment Panurge expose l'énigme de
Grippe-minaud 5 i
Chapitre XIV. Comment les Chats-fourrez vivent de
corruption 5 3
Chapitre XV. Comment frère Jean des Entomeures
délibère mettre à sac les Chats-fourrez 56
Chapitre XVI, Comment Pantagruel arriva en l'isle
des Apedeftes à longs doigts et mains crochues, et
des terribles aventures et monstres qu'il y veit. . . 61
Chapitre XVII. Comment nous passasmes Outre, et
comment Panurge y faillit d'estretué 69
Chapitre XVIII, Comment nostre nauf fut encarrée,
et feusmes aidez d'aucuns voyagiers qui tenoient
de la Quinte 72
Chapitre XIX. Comment nous arrivasmes au Royaume
de la Quinte-Essence, nommé Entelechie 76
Chapitre XX. Comment la Quinte-Essence guarissoit
TABLE 3o5
Pages,
les maladies par chansons . 76
Chapitre XXI. Comment la Royne passoit temps
après disner 83
Chapitre XXII. Comment les officiers de la Quinte
diversement s'exercent, et comment la Dame nous
retint en estât d'abstracteurs 87
Chapitre XXIII. Comment fut la Royne à soupper
servie, et comment elle mangeoit 91
Chapitre XXIV. Comment fut en présence de la
Quinte faict un bal joyeux en forme de tournay. . 94
Chapitre XXV. Comment les trente deux personnages
du bal combatent 98
Chapitre XXVI. Comment nous descendismes de l'Isle
d'Odes, en laquelle les chemins cheminent .... 106
Chapitre XXVII, Comment passasmes l'Isle des Es-
clots, et de l'Ordre des frères Fredons 1 10
Chapitre XXVIII. Comment Panurge interroguant
un frère Fredon , n'eust response de luy qu'en
monosillabes 117
Chapitre XXIX. Comment l'institution de Quaresme
desplait à Epistemon 124
Chapitre XXX. Comment nous visitasmes le pays de
Satin , 127
Chapitre XXXI. Comment au pays de Satin nous
veismes Ouy-dire, tenant eschole de tesmoignerie. i33
Chapitre XXXII. Comment nous fut descouvert le
païs de Lanternois 137
Chapitre XXXIII. Comment nous descendismes au
Rabelais. V. 3q
3o6 TABLE
l'ascs.
port des Lychnobiens et enirasmes en Lanternoi;. . i 38
Chapitre XXXIV. Comment nous arrivasmes à l'oracle
de la Bouteille 141
Chapitre XXXV. Comment nous descendhmes soubs
terre pour entrer au temple de la Bouteille, et com-
ment Chinon est la première ville du monde. ... 144
Chapitre XXXVI. Comment nous descendismes les
degrez tetradiques, et de la peur qu'eut Panurge. . 146
Chapitre XXXVII. Comment les portes du temple
par soy mesme admirablement s'entr'ouvrirent . . 149
Chapitre XXXVIII. Comment le pavé du temple
estoit faict par emblemature admirable i53
Chapitre XXXIX. Comment en l'ouvrage mosayque
du temple estoit représentée la bataille que Bacchus
gagna contre les Indians i55
Chapitre XL. Comment en l'emblemature estoit figuré
le hourt et l'assaut que donnoit le bon Bacchus
contre les Indians iSq
Chapitre XLI. Comment le temple estoit esdairé par
une lampe admirable 162
Chapitre XLII. Comment par la pontife Bacbuc nous
fust monstre dedans le temple une fontaine fantas-
tique i65
Chapitre XLIII. Comment l'eau de la fontaine rendoit
goust de vin, selon l'imagination des beuvans. . . i65
Chapitre XLIV. Comment Bacbuc accoustra Panurge
pour avoir le mot de la Bouteille 174
Chapitre XLV. Comment la pontife Bacbuc présenta
Panurge devant ladicte Bouteille 176
TABLE 807
Pages.
Chapitre XLVI. Comment Bacbuc interprète le mot
de la Bouteille 179
Chapitre XLVII. Comment Panurge et les autres
rithment par fureur poétique 182
Chapitre XLVIII. Comment, avoir prins congé de
Bacbuc, délaissent l'oracle de la Bouteille 186
Variantes 189
Glossaire-Index 201
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